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dimanche 18 décembre 2016

AU-DELÀ DES CHAMAILLERIES ÉLECTORALES: VERS UN PACTE ESSAYISTE DE PAIX?

Résumé

Les élections créent dans toute société des ennemis autant qu´elles en font des amis et des alliés. Cependant, si là elles sont les moyens de parvenir à une fin progressiste, ici, en Haiti, elles sont de plus en plus une preuve de notre médiocrité en la gestion des choses publiques et de notre nature de république banana ou encore de société paria. Entachées de violences, excluant la majorité populaire et créant plus de gagnants arrogants et mauvais perdants, ces élections – si l´on se permet de les appeler ainsi – engendrent plus de problèmes qu´elles en résolvent. En problématisant ces aspects, l´objectif de cet article est d´inviter à surpasser les chamailleries pré ou post-électorales pour plaider en faveur d´un pacte essayiste de paix.

Abstract

Elections create in every society enemies as much as they make friends and allies. However, if there they are the means to achieve a progressive end, here, in Haiti, they are increasingly a proof of our mediocrity in the management of public affairs and our nature as a banana republic or as a pariah society. Beaten by violence, excluding the popular majority and creating more arrogant winners and bad losers, these elections - if we may call them so - are more problematic than they solve. By problematizing these aspects, the objective of this paper is to invite to surpass the pre- or post-electoral bickering to plead in favor of an essayist pact of peace.


Introduction

Dans le cadre de cet article, je ne vais pas m´atteler à traiter de la corruption dans laquelle nage l´ambiance électorale, ni à mettre l´accent sur cette complexe problématique qui se rapporte à la résistance de certains candidats ainsi qu´à la coalition autour d´un d´entre eux constituée au lendemain du premier tour des présidentielles et législatives en 2015. Nos réflexions se pencheront de préférence sur les aspects suivants qui nous paraîssent les mieux favorables pour penser les élections en Haiti. Dans un premier temps, il s´agira de comprendre que les élections haitiennes sont un espace de violence qui tient toute une société en haleine et pourquoi, en segond lieu, le peuple haitien pour lequel ces soi-disantes élections sont organisées, en est souvent le grand absent.

Il va falloir montrer que les élections haitiennes, en abouttissant fréquemment à des dissensions sociales et en empirant les injustices et inégalités sociales, crée des mauvais perdants et des gagnants arrogants en même temps. Enfin, étant donné que cette infirme participation crée toujours un problème de légitimité pour les élus, il y a lieu de penser une formule pour y remédier, tel serait l´objectif d´un pacte essayiste de paix pour réconcilier la société avec elle-même, les gouvernants et politiciens avec eux-mêmes et chaque haitien avec lui-même. Ce pacte est de permettre aux autorités étatiques (président, sénateurs, députés, ministres, secrétaires d´état, maires, élus des sections communales fréquemment appelés asecs et casecs) de gouverner le pays en toute quiétude et de leur doter d´une certaine légitimité populaire post-électorale. Tel sera l´objet de la troisième partie de l´article. 

L´objectif donc de cet article est de montrer que, bien au-delà des chamalleries pré et post-électorales, ce qu´on appelle indécemment ''élections'' en Haiti sont de véritables activités à problème et qu´il y a urgence d´essayer un pacte sociétal de paix et de progrès. Des pactes il y en a toujours eu dans cette société, mais contre elle, des pactes pour détruire et se débarrasser d´un désirable, non pas pour construir une société juste.

1. Des ''élections'' violentes qui tiennent toute une société en otage

En Haiti, ce que les gens appelent improprement et incorrectement ''élections'', je me refuse à le désigner en tant que telles tant que les réalités sociales et diplomatiques ne me convaicent pas de la récupération de la souveraineté psychologico-intellectuelle, financière, politique et économique de mon pays. Néanmoins, je n´utilise ce mot - entre mille guillemets bien entendu et surtout dans le cas d´Haiti - qu´en vue de la facilité compréhensive de ceux et celles à qui il intéresse. Car, dans ce pays démeuré au bord du gouffre, ravagé par la misère noire, tortué par la pauvreté, exposé à de graves explosions sociales et à toute sorte de violences collectives, les élections sont un véritable champ de bataille où s´entretuent, s´entredéchirent et s´entredétruisent, verbalement et langagièrement, candidats, électeurs, non électeurs, fanatiques, partisans, sympartisans.

Ces élections - mis à part les multiples gaffes à répétition - dévoilent une fois de plus notre niveau de médiocrité dans la gestion des choses publiques: les mêmes erreurs techniques et logistiques ne cessent de se reproduire. Elles représentent, en outre, non seulement un lieu de pression et de tension, mais aussi un espace pour se vedetter même si on y est pour ne rien faire. Avant, à la veille,  le jour-J comme après, les élections sèment la pagaille, retiennent le souffle de tous les haitiens - qu´ils vont voter ou non -, prennent tout un pays, tout un peuple, toute une population, toute une société en otage, paralysent les activités économiques et ralentissent drastiquement les mobilités sociales. Dans un tel atmosphère de peur et de crainte, il ne reste qu´à se remettre aux bonnes grâces divines pour le supplier d´épargner la vie et les biens des pauvres gens, car, dans cette société mosaïco-religieuse, seul le Bon Dieu Bon épargne, protège et sauve. Fort heureusement, nos dieux y sont si bien intégrés, déifiés, nationalisés, patriotisés et socialisés.

C´est comme dans un film d´horreur où tout le monde est sous suspense, sous le choc et se dresse sur un seul talon pour voir ce qui va se passer ou encore ce qui peut bien arriver. C´est la peur, la terreur, la méfiance et l´angoisse totale qui envahissent les esprits. Au cours des élections, Port-au-Prince devient - dirait-on - une ville hantée par les mauvais esprits, d´où proviennent des bruits bizarres, l´on dirait des vampires qui sifflent, des sorciers qui rôdent autour des édifices. Tout le monde est sous tension, sur le qui-vive: le doigt sur la gachette. Les élections au lieu d´être une expression de liberté, un moment de libération et de réjouissance, se transforment en un déboire, un fardeau, une calamité, en fait, une sorte de mal nécessaire pour le peuple haitien.

Alors, l´on peut se demander: est-ce une des séquelles laissée par la dictature des Duvaliers durant laquelle les élections étaient absoluement bannies? Est-ce à cause de la culture de la violence héritée et profondément ancrée dans notre manière de vivre les uns avec les autres? Seule une étude psychologique et sociologique pourrait aider à répondre à de telles questions. Toutefois, l´histoire des élections haitiennes ne nous laisse que des ouvenirs de scènes de violence, dirait-on même des violences insipides et inutiles qui deviennent une caractéristique particulière de celles-ci. Certains diraient qu´il y en a eu peu entre 2015 et 2016. Sous l´angle des violences physiques et visibles, peut-être auraient-ils raison, par contre, sous un autre le doute règne.

En effet, en périodes électorales, tout ce qui est violences verbales, psychologiques, symboliques, langagières - lesquelles sont imperceptibles, insaisissables et invisibles - frappe à longueur de journée et au quotidien les haitiens à des niveaux différents dans les milieux médiatiques, dans les marchés, sur les places publiques, dans les espaces politico-religieux, dans les lieux public et privé, au sein des regroupements socioculturels. Ces endroits communément réservés tant à des rencontres, fréquentations et croisements des individus entre eux qu´aux campagnes électorales des candidats sont amplifiés de violence et laissent entrevoir que le quotidien de tous les haitiens est fortement marqué par une violence de nature variée et variable.

Dans les médias comme dans les campagnes, candidats, supporters de candidats, partisans, sympatisans et autres s´affrontent et s´engagent dans des tirailleries et des rivalités sanglantes par l´usage d´un langage violent allant même jusqu´à appeler les plus vulnérables à des actes vandalistes. Les médias sont en particulier cet espace prédilectif où se pratique cette violence langangière difficilement controlable et domptable. Elle est exercée par des intellectuallistes sur le peuple qui la subit silencieusement, naïvement et impuisamment à chaque heure d´antenne des interventions radiodiffusées et télévisées sans compter les messages, les textos, les chansons, les images, les symboles - parlant d´eux-mêmes - qui circulent à la vitesse de la lumière sur l´internet et les réseaux sociaux imposant ainsi à beaucoup une sorte de consommation électronique inconsommable.

Entre 2015 et 2016, ces élections qui nous prennent en otage, ont accusé des exceptionalités qui, ne serait-ce que succintement, méritent que nous y prêtons un regard particulier.  La première c´est qu´un des candidats, arrivé en seconde position, a tenu tête raide avec l´appareil électoral au point que celui-ci a été contraint de reprendre à zéro les élections présidentielles et léglislatives. Par ailleurs, sans pourtant avoir eu aucun scrupule, il a conservé les municipales jusqu´à en publier les résultats validant ainsi l´entrée en fonction des maires dans les différentes communes d´Haiti. À vrai dire, ce candidat qui s´est montré inflexible n´était pas le seul dans sa démarche d´insoumission aux résultats du CEP en 2015: plusieurs autres ont également crié au scandale contre ces élections dont ils réclamaient l´annulation pure et simple. Une annulation qu´ils ont fini par obtenir après des manifestations et des scènes de violence qui ont emputé tout un pays.

La deuxième particularité se rapporte, parallèlement aux oppositions, insoumissions, inflexibilités et résistances des candidats et partis politiques accompagnées bien sûr de violences collectives, à l´assouplissement et au revirement du conseil électoral. Cette décision a abouti à la création d´une coalition de partis politiques et d´anciens candidats à la présidence autour de ce candidat contestataire, devenu politiquement et stratégiquement célèbre et influent, donc, une sorte de symbole de résistance à la corruption électoraliste et à l´électorat corruptible. En troisième lieu, il convient de souligner que cette coalition a eu pour effet, tout récemment, un score nettement inférieur à celui que ce candidat récalcitrant avait obtenu auparavant.

Alors là, il y a lieu de préciser que, comparées aux élections présidentielles et législatives en 2015, celles tenues le 20 novembre 2016 nous ont apporté quelque chose d´incompréhensible, qu´il faudra chercher à analyser et à comprendre ultérieurement. Car, comment une coalition politico-associative circonstancielle campée par plusieurs partis politiques - anciens candidats à la présidence et autres - pour soutenir ce candidat héros n´a pas pu permettre à ce dernier d´obtenir plus de votes qu´il n´en avait eus avant? Bien au contraire, les seconds résultats étaient pirs que les premiers.

En tout cas, ce qu´il reste à retenir ici, c´est que du début jusqu´à la fin, les élections haitiennes se déroulent dans une ambiance de violence pas croyable, elles ne sont pas seulement violentes parce qu´elles n´arrêtent pas de multiplier les victimes: directes, indirectes et colatérales pré et post-électorales, mais elles sont surtout violentes parce qu´elles nous créent des monstres politiques. Or, le peuple, dit-on, pour lequel elles sont conçues et organisées les boude sans cesse.

2. Le peuple: le grand absent des élections

J´avais déjà montré à maintes occasions comment le concept d´élection - très vilipendé, déformé et tordu en Haiti - est tellement si précieux et noble qu´il ne sied pas au système politique haitien tel qu´il est constitué, il faudrait donc trouver une autre expression pour désigner cette infâme activité dans laquelle une très infirme partie du peuple accepte de jouer la marrionnette. J´ai soutenu aussi, de façon claire, qu´il y a peuple et peuple, que chaque manipulateur d´idées et de personnes, chaque penseur se promène avec sa catégorie de peuple dans sa poche, que le peuple haïtien, dirait-on la grande majorité populaire haitienne, ne vote pas en réalité. Car comment un peuple à 80% analphabète peut-il voter si le vote requiert un minimum de savoir lire et écrire? 

Savoir lire pour connaître le nom de son candidat préféré afin de mieux le répérer sur la liste presqu´illisible de bulletins de vote. Savoir écrire pour mieux le choisir en le crochant sur cette liste et en signant la liste électorale y relative sans risque de se tromper. Un peuple analphabète ne vote pas, mais on vote pour lui, avec lui et sans lui, contre son gré et ceci dans tous les sens. C´est une question qui n´intéresse personne, à savoir, le savoir lire et écrire du peuple, parce que ceux-là qui le manipulent, le controlent et orientent ses pensées, savent ce qu´ils veulent qu´il fasse, comment et dans quel sens ils le contraignent à agir. Si l`analphabétisme est une honte et un échec pour la démocratie moderne, il est par contre une aubaine pour les politistes imposteurs et manipulateurs n´ayant rien dans la tête, comme dit le dicton: ''dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois''. Par ailleurs, si la démocratie et les droits de l´homme sont indissociables, or, les droits de savoir lire et écrire en sont un, alors ce pays est submergé par les paradoxes.

La classe politique traditionnelle, les institutions étatiques - l´exécutif, le législatif et le judiciaire -, les institutions religieuses, commerciales, culturelles, ministérielles, associatives et électorales n´arrivent pas à maîtriser l´attitude et le comportement de cette grande majorité du peuple, qui se fiche éperdumente des élections. Elles ne cherchent pas non plus à l´analyser, à le problématiser pour essayer d´y apporter une explication rationnelle. Or, cela fait plus de trente ans qu´elle boude leurs infatigables appels d´aller voter. L´expression: ''convoquer le peuple en ses commices'' a perdu tout son sens, toute sa valeur, toute son ampleur et toute sa vivacité. 

Tandis qu´elles ne se sont jamais demandées pourquoi, cette attitude s´amplifie et, au lieu d´être l´exception, elle s´impose même comme la règle qui creuse le fossé entre gouvernants et gouvernés. En écartant ceux-là des vraies difficultés psychologiques, culturelles, environnementales, sociales, politiques et économiques que traverse le pays, elle crée entre les deux camps un dialogue de sourds. Chacun parle sa propre langue à lui. Peu importe de se faire comprendre par l´autre camp. L´organisation électorale et la structure de la société haitienne telles qu´elles sont, elles-mêmes, constituées favorisent cette incompréhensibilité entre le peuple et l´État, car dès l´origine celui-ci est une institution fondée contre la société. Voilà pourquoi il y a entre eux une méfiance reciproque.

Est-ce par naïveté, par manque de connaissance et de savoir-faire ou encore sciemment que l´institution électorale choisit de faire fi de l´absence de cette grande majorité électorale qui ne se rend jamais aux urnes? Loin de le savoir! Néanmoins, il y a lieu de comprendre qu´aucun peuple n´est dupe sur cette terre. C´est une erreur gravissime de prendre un peuple pour des canards sauvages. En effet, à l´intelligence culturelle et intellectuelle qu´il ne dispose pas se substitue l´intelligence naturelle dont est dotée tout être humain. Par cette intelligence, la distinction entre le bien et le mal, le bon et le mauvais, le vrai et le faux, la nuit et le jour, la lumière et les ténèbres, est chose facile et n´exige aucun effort académique. La méfiance et/ou la confiance qui s´en suivent disent long sur la capacité philosophique et le bon sens du peuple. 

Voilà pourquoi, il y a des gens dans cette société qui n´emballeront continuellement que des échecs à chaque élection, car cette grande partie du peuple - qu´ils méprisent et humilient d´ailleurs - ne se reconnaît pas en eux, elle leur colle par conséquent une sanction élective quasipermanente pour ne pas dire sempiternelle. Les refus de celle-ci de prendre part à ces élections ne peuvent être chose naïve et, si l´on remonte un peu plus en arrière dans notre histoire contemporaine, nous pouvons constater qu´ils ne datent pas aujourd´hui. Il est vrai que la répétition, en facilitant la compréhension, est l´ami fidèle de la mémoire, mais une répétition sans réaction et manifestation de la part de l´autre est un synonyme de censure.

En effet, en janvier 1987, une majorité écrasante a cupé les élections qui ont porté Leslie Manigat à la présidence par crainte de se faire massacrer. Le doute persiste jusqu´à nos jours sur le véritable score que ce dernier avait obtenu. Or, logiquement, à la sortie d´une dictature féroce de 30 ans pour une rentrée émotionnellement triomphale dans une ère démocratique, il fallait s´attendre à une participation surprenante et époustouflante du peuple haitien à ces élections qui auraient dû, pour la première fois, émouvoir et étonner le monde entier. Ce qui s´est produit fut honteux, décevant et même frustrant. Jean-Claude Duvalier est parti, mais le système répressif, terrifiant, impitoyable et torpillant, dont son père et lui étaient les principaux artisans est resté presque intact: c´étaient ces mêmes militaires qui, ayant servi le régime pendant des années et actuellement enfermés dans une espèce de CNG (Conseil National de Gouvernement), menaient le jeu politique. 

Or, depuis le règne dictatorial des Duvaliers, toutes les habitudes d´électeurs (trices) du peuple s´étaient envolées et il en garde de très mauvais souvenirs brutaux, sanguinaires et effrayants des militaires et des milices, les tontons macoutes, ceux-ci ne sont pas du tout cléments et souriants. Prendre part à des élections organisées par des principaux chefs de cette armée impitoyable, ce serait, pour lui, se jeter volontairement dans la gueule du loup. Il était donc méfiant et prudent. 

L´histoire finira par lui donner raison par la continuation des coups d´état, des insécurités, des restrictions de libertés, des massacres orchestrés le jour même de la tenue des élections, enfin, des corruptions, des impunités à n´en plus finir. Il a vite donc compris que les résultats des soulèvements populaires de 1986 ont nettement ressemblé à une sorte de ''ôte-toi delà que je m´y mette'', plutôt qu´à l´éradication d´un régime dictatorial et déshumanisant. C´est-à-dire Jean-Claude était le principal personnage gênant dont il fallait se débarrasser, mais non pas le système d´obscurité que son père, lui et ses complices ont pu enterrer en Haiti.

Même dans les élections du 16 décembre 1990, qui ont été les plus attendues en Haiti et ont consacré une victoire incontestable - non pas incontestée - à Jean-Bertrand Aristide sur son rival Marc Bazin, la majorité qui a élu ce dernier y compris les députés et les sénateurs demeurait jusque là relative, et cela se continue regressivement jusqu´à aujourd´hui. Or, une légitimité populaire s´obtient par une majorité absolue qui, elle-même, est issue de la grande majorité populaire électorale, en dehors de laquelle c´est l´illégitimité totale qui prévaut. Cela veut-il dire que depuis la sortie théorique et fictive d´Haiti de la dictature duvaliérienne, les pouvoirs qui se sont succedé ont tous baigné dans cette illégitimité? Au cours des 25 dernières années, les statistiques électorales ont prouvé que la population électorale, c´est-à-dire celle en âge de voter, qui est totalement distincte de la population totale, se déplace de moins en moins pour aller voter.

La population électorale en 2016 est estimée à 6 millions de personnes sur une population d´environ 11 millions d´habitants. Parmi cette population électorale, même pas 1/4 ne s´est rendu aux urnes lors des premières élections, en octobre 2015, annulées aussitôt après avoir été tenues. Le même scénario s´est reproduit le 20 novembre dernier considérant que le CEP a fait état d´un taux de participation d´environ 20% de la population électorale, c´est-à-dire quelques 500 000 individus sur 6 millions ont pris le risque d´aller voter. Il y a ici assez d´arguments pour comprendre que la population électorale - pour ne pas dire la population haitienne en général - rejette catégoriquement non seulement le processus électoral, mais surtout sanctionne ces classes politiques traditionnalistes. Il peut bien y avoir une certaine explication rationnelle à une telle attitude qui est loin d´être naïve et idiotte. 

En effet, il est impossible de s´enfermer dans une sorte d´unilateralité causale pour comprendre cette absence très remarquée du peuple dans les élections. Les raisons qui poussent les 80% de la population haitienne, depuis 1987, à bouder les élections sont multiples, complexes et interdépendantes. Certaines causes vont au-delà même des aspects liés aux structures historiques des CEPs (passés et présents) et du mode de fonctionnement et d´organisation des partis politiques. Nous considérons que beaucoup d´entre elles partent du fait pour la majorité populaire de se méfier de la machine électorale en soi, dont, depuis 1987, elle garde un triste souvenir qui bouleverse son passé historique: les massacres à la ruelle Vaillant en setembre 1989 en sont un exemple probant. De plus, il s´avère que le peuple fait de moins en moins confiance tant aux acteurs politiques, qu´ils soient organisateurs, motivateurs, stimulateurs ou encore spectateurs, qu´aux institutions qui s´impliquent dans le processus.

Le peuple se sent lassé d´une culture politique électoraliste qui ne sert d´une part qu´à grossir des riches-pauvres dans une société insalubre, microbienne, zoologiste, miséreuse et crasseuse, d´autre part à enfoncer les masses populaires - ces jeunes désemparés - dans la misère et la pauvreté les plus abjectes et honteuses du monde. En outre, les nombreuses difficultés rencontrées avant d´accéder aux centres de vote; les humiliations, rejets, chantages, marchandages, mépris qu´il endure journalièrement à cause de son anaphalbétisme et illétrisme justifient ce rejet. En passant, il faut bien sûr souligner que le taux croissant de la médiocrité, le manque de professionnalisme, les erreurs techniques continues, bien que corrigibles, participent également de cette distanciation prise par la majorité populaire de ce qu´on appelle indignement ''élections''.

Il n´y a pas seulement ces aspects historiques, sociologiques, politiques et structurels à prendre en compte, il est également important de considérer que les taux infirmes de la participation populaire aux élections traduisent une sanction populaire et un désintéressement total de cette dernière à cette sorte de démocratie pratiquée en Haiti. La grande majorité, dont on dit majorité silencieuse, s´omet à se faire passer pour des marrionnettes dans le jeu malsain des politiciens traditionnalistes, pouvoiristes et démon-cratistes. Il est clair que cette grande majorité qui ne se rend jamais aux urnes est convaicue que ces élections n´ont réellement rien à voir avec l´avancement du pays. Elles ne sont qu´une farce. Ceci renforce donc la nécessité d´avoir une révolution sociale en Haiti pour redéfinir l´ordre des choses, car beaucoup d´Haitiens en ont marre de ces élections qui leur coûtent trop chères tant en termes d´énergie physique, mentale et psychologique qu´en termes de dépenses économiques et de perte en vies humaines. Les élections épuisent la société haitienne dans tous les sens. 

Or, nous avons râté plusieurs grandes occasions, plusieurs moments historiques extraordinaires, qui se présentent très rarement une seconde fois, pour qu´il y ait vraiment des élections et un changement radical. La plus récente opportunité remonte à février 2016 où il fallait convoquer les états généraux de la nation pour redéfinir un nouvel ordre de gouvernance en Haiti et repenser les classes politiques. Au lieu de cela, nous avons gaspillé le temps, comme toujours, à nous chamailler pour des intérêts personnels, à créer inutilement - pour ne pas dire gratuitement - des rivaux politiques récalcitrants. À cause de ces élections, qui nous accouchent comme produit social les gagnants arrogants et mauvais perdants; nous coûtent plus chères que les solutions qu´elles apportent, Haiti est l´un de ces rares pays au monde qui fait un usage abusif de son temps social sans comprendre que chaque temps est une page d´histoire tournée, mais c´est aussi une nouvelle occasion historique à saisir. 

3. Mauvais perdants et gagnants arrogants: un produit social des élections

La question de mauvais perdants et gagnants arrogants est tout d´abord un problème d´ordre social, comportemental, moral et éthique. Il faut entendre par gagnant arrogant, dans le cadre des élections dans la société haitienne, celui qui, en utilisant un langage sportif, n´est pas fair play. Autrement dit, quelqu´un qui, bien qu´il ne soit issu d´aucune légitimité populaire absolue lors de son élection, s´est, malgré tout, hissé au sommet des fonctions de l´État, mais se comporte comme un brutal. Cette élection lui a donc rendu arrogant, irrespectueux et le porte même à se prendre pour un superman au sens complet et absolu du terme, ce, sans aucun respect à l´égard de cette grande majorité populaire. Par ses extravagances, il va dès fois jusqu´à frustrer même ses propres entourages: défenseurs, partisans ou supporters qui ont tous les maux du monde à défendre sa politique. Ainsi, les élections haïtiennes créent dans un pareil cas de vrais-faux élus qui, en réalité, ne sont que des gagnants arrogants.

Par ailleurs, un mauvais perdant est celui qui, sachant, pertinemment et intentionnellement, qu´il va perdre, qu´il n´a absoluement aucune chance de gagner - et qui a de fait perdu - se lance quand bien même dans la course électorale tout simplement dans l´intention de nuire, de sémer la panique et de créer le chaos. C´est aussi celui qui n´accepte sous aucun pretexte de perdre malgré les preuves evidentes de sa défaite. Ce sont les élections haitiennes qui créent, façonnent et multiplient ces deux catégories sociales. Tandis qu´elles en sont le produit et s´opposent entre elles, elles ont en commun un point de rencontre: les actions des deux tendent vers le dysfonctionnement sociétal.

En effet, les mauvais perdants en ne reconnaîssant jamais leur défaite sont toujours prêts à tout pour paralyser, à faire échouer ceux ou celles dont ils contestent la victoire et à susciter des doutes et la panique dans le système social. D´autre part, les gagnants par leur arrogance créent des adversaires et des ennemis. Eux, comme les mauvais perdants, - chacun en ce qui le concerne - forment un faisceau social de fautteurs de troubles et de petits emmerdeurs. Ils bouleversent l´harmonie sociale et la paix sociétale. Si le refus catégorique des mauvais perdants d´admettre leur défaite a un coût social élevé qui tend généralement vers des soulèvements et manifestations populaires infinis, l´arrogance parfois illimitée et démésurée des gagnants l´est également.

Nous pouvons soutenir, sans risque de nous tromper, que l´une des causes de l´échec d´Aristide en Haiti est due à cette arrogance de gagnant à ce ton hautain qu´il avait tenu tant en 1990 qu´en 2001, laquelle arrogance n´avait fait qu´enflammer la colère et l´intolérance des perdants de l´époque qui ont déjà très souvent été dans une posture belliqueuse et réfractaire, elle a engendré d´autre part d´autres adversaires. Depuis son arrivée au pouvoir en 1991, les violences verbales et langangières des campagnes se sont poursuivies, ce en s´attaquant à l´ancien régime duvaliériste, à ses rivaux et au système politique tel qu´il était institué. C´était la formule de la chasse aux tontons macoutes, aux duvaliéristes qui prévalait. 

Ces derniers, au lieu d´être traduits en justice, étaient obligés de réplier sur eux-mêmes, de rentrer dans leurs coquilles, certains ont même eu le temps de s´enfuir et de s´exiler du pays. ''Makout pa ladann''; ''pa neglije ba yo pè lebrin'', telles étaient quelques-unes des paroles incendiaires, violentes et arrogantes qui venaient de celui qui était sensé incarner l´espoir, la paix dans l´esprit des Haïtiens (nes) par son charisme politique. Par un discours de la haine et de la vengeance, il a donc enfoncé le clou de la division qui régnait déjà dans notre société en créant deux camps radicalement antagoniques: les macoutes contre les lavalassiens; les riches contre les pauvres; les bourgeiois contre les malheureux et vice versa. Une opposition monstre s´est vite constituée après les élections de 2000 où son parti politique s´est pratiquement accaparé de la quasitotalité des postes législatifs et municipaux avec la complicité d´un conseil électoral corrompu utilisé comme cobaye.

Michel Martelly n´a pas su faire mieux que ses prédécesseurs. En effet, parvenu au sommet de l´État dans les conditions des élections de 2010 que l´on sait, il s´est mis à injurier et à insulter tout le monde: perdants, électeurs, politiciens, partis politiques traditionnels, alliés, paisibles citoyens (nes) en les traitant de toute sorte de mots. Et, si l´arrogance d´Aristide lui a coûté deux exils subséquents, une mort politique systématique, celle de Martelly lui a, malencontreusement, valu un quinquénat, pourrait-on dire, pourri, gaspillé, paralysé et dérisoire parce que, à cause de son manque d´humilité et de sagesse, il a lui-même créé des opposants monstrueux autour de lui avec lesquels il a passé tout son temps à se chamailler, à se quereller et à se battre pendant que les problèmes essentiels de la société restent irresolus. 

Cette opposition qu´il a lui-même créée ne lui a pas lâché d´une semelle. En agissant de cette manière, peut-être nous a-t-elle épargné le pir règne corruptible qui guettait le pays. De fait, le plus souvent, ce sont les gagnants arrogants qui créent leurs propres ennemis et leurs propres opposants sachant que ces derniers se nourrissent des mauvaises actions de l´équipe en place. Même dans la vie courante, dans les affrontements banals, dans les confrontations élémentaires un perdant traité en faible, humilié, insulté, injurié et rabaissé est susceptible de devenir un criminel en puissance qui cherchera coûte que coûte à se venger. Par contre, un perdant traité avec dignité, respect et honnêteté par un gagnant humble et réconciliant, même s´il ne devient pas nécessairement un puissant allié pour ce dernier, il aura quand bien même du mal à susciter des querelles. L´opposition dont M. Martelly était lui-même créateur a été contreproductive et opportuniste.

Il n´est pas facile à un perdant d´accepter sa défaite, et, quand il le fait, il faut reconnaître en lui un esprit de grandeur d´âme, un dépassement de soi, qualités rares chez les hommes politiques de nos jours. De plus, ce n´est pas du tout courant dans la culture politique haïtienne d´agir de la sorte. Voilà pourquoi, il faut saluer, en dépit de tout, la brave décision, le courage et le dépassament de soi dont certains candidats à la présidence ayant reconnu leur défaite ont fait montre. En espérant qu´ils ont agi avec sincérité de coeur, c´est un exemple à suivre. Il reste néanmoins à savoir si après la proclamation finale des résultats – prévue pour le 29 décembre 2016 – eux et peut-être tant d´autres auront-ils le courage et l´élégance d´appeler le gagnant pour lui présenter des félicitations et lui souhaiter un quinquénat réussi au profit du peuple haitien. 

Même si ce n´est pas obligatoire, pis est, cette pratique ne s´ancre point à notre culture politique, il est temps d´injecter une dose de civilité et d´élégance dans notre manière de faire de la politique en Haïti. Sur ce, il revient aux perdants récalcitrants et rebelles de faire preuve de courage en acceptant leur défaite et en reconnaissant la victoire des autres concurrents pendant que l´humilité, l´appel à l´union, à l´unité et à la reconciliation, à la sagesse et à la cohésion sont à la charge du gagnant qui a pour devoir de mettre toute arrogance, tout égocentrisme, tout égoïsme de côté pour gouverner avec tout le monde surtout quand il ne bénéficie pas d´une légitimité populaire absolue.

Si des gagnants sans humilité, sagesse, dextérité et scrupule se mettent à insulter, à ridiculiser, à rabaisser les perdants ainsi que les partisans et sympartisans de ces derniers, ils se créent alors là de grands ennuis, de véritables ennemis et opposants parfois de manière inutile. Or, il faut souligner que, qu´ils soient gangants ''arrogants'' ou perdants ''récalcitrants'', les deux ont des difficultés à surmonter leur égo, leur moi, à se surpasser pour se mettre à la hauteur de la fonction à laquelle ils sont appelés. Ils ne résistent pas à la pression sociale que leur imposent ces élections en leur offrant un nouveau canevas incitant les uns à devenir plus arrogants, les autres plus révoltants qu´ils ne l´étaient dans le passé. 

Si les uns ont du mal à accepter leur défaite, d´autres jouissent avec excès d´une victoire-problème. Qu´ils soient gagnants arrogants ou mauvais perdants, ils sont tous deux issus d´un processus électoral qui, au lieu d´être une solution aux problèmes, en engendre davantage. Ainsi, il ne faut pas se mettre à blâmer uniquement ces deux personnages de la fiction électorale. Le système politico-électoral et le système social, tels qu´ils sont établis favorisent, en quelque sorte, la création de gagnants arrogants que nous pouvons considérer comme de véritables machines à tuer et de mauvais perdants qui sont eux-mêmes des monstres avec lesquels il est, malheureusement, impératif de vivre. Il est donc important de voir en eux le produit social de ce processus électoral jugé en amont truqué et décomposé. Ils sont une charge sociale que la société ne saurait supporter.

Dans cette situation, il faut être un dur à cuir pour oser penser ou rêver d´un espoir en Haïti. Cet espoir j´ose, pour une inième fois, le penser encore. D´où le fondement d´un appel à la signature d´un pacte essayiste de paix pour ne pas dire de naïveté - ne serait-ce que par un minimum de dépassement de soi et surpassement des haines sociales - qui consisterait à accorder à la nouvelle équipe dirigeante le soin d´asseoir un gouvernement pragmatique et dynamique qui commencerait par s´attaquer à quelques-uns de nos problèmes cruciaux afin d´y entrevoir une étincelle de changement qui s´annoncerait, car l´espoir manque vraiment au milieu de ce peuple. Si tout lui a été dépouillé, dérobé et enlevé, au moins il a le droit de croire en un espoir.

4. Vers la signature d´un pacte essayiste de paix

Nous avons besoin de la paix et de la tranquilité pour que quelque chose commence à marcher dans ce pays. En effet, un pacte essayiste sous-entend deux choses. D´un côté, une recherche de légitimité populaire post-électorale permettant aux dirigeants élus de mieux gouverner, de l´autre un accord sociétal conventionnel d´au moins 300 jours impliquant les secteurs les plus influents afin de pouvoir observer la direction que la nouvelle équipe administrative prétend doter le pays. Tout ceci en passant par un pacte de confiance doit se réaliser dans l´intérêt de la société. Les 300 jours sont en fait un espace de temps charnière, généralement raisonable et admissible pour, dans le cadre d´un contrat, non seulement accorder un minimum de temps à une nouvelle équipe afin que celle-ci puisse effectuer sa tâche, mais aussi évaluer ses actions et savoir où elle nous emmène. Comment parvenir à ce pacte d´essai qui, que l´on veuille ou pas, serait, d´une manière ou d´une autre, empreint d´un esprit naïf? Comment est-ce possible d´obtenir une légitimité post-électorale?

En fait, c´est ce pacte qui facilitera cet accord de 300 jours, néanmoins, il va au-delà de cet espace de temps. C´est d´abord un pacte de la société avec elle-même en composition avec tous ces secteurs de véhiculation d´opinions et de production d´idées, à savoir, la presse, la religion, la classe intellectuelle, les partis politiques, en somme, une véritable arme d´ouverture sur un nouveau quinquénat. Un débat à cet effet devrait donc d´ores et déjà être entamé au sein de la société. Certains parmi les candidats ayant reconnu leur défaite en avaient déjà appelé à un pacte de gouvernabilité. C´est bien! Toutefois, je pense que celui-ci devrait passer d´abord par ce pacte essayiste à partir duquel la société chercherait à se convaincre de l´intention et du plan d´action de l´équipe avec laquelle elle a affaire. Ce n´est que par ce pacte essayiste de paix, signé dans la tranquilité et le calme, que l´on puisse savoir effectivement où va le pays.

Ce pacte proviendra donc de l´initiative de la société elle-même qui - et cela nous devons l´admettre en dépit de tout - subira les conséquences du choix qu´elle aura fait. Il s´agit d´un renoncement de chaque haitienne (ne) à ses intérêts personnels et pulsionnels au profit des intérêts collectifs, de la victoire du sociocentrisme sur l´égocentrisme, enfin, le triomphe du vivre ensemble sur cette individualité maladive dont nous sommes atteints. Et, considérant que l´élection est un contrat signé entre les élus et les électeurs (la société), celui-ci peut, à n´importe quel moment, être remis en question ou résilié par l´une ou l´autre partie. Tout contrat passe nécessairement par une préiode d´essai pour permettre de s´adapter et se préparer à la nouvelle réalité qui se présente. Sur ce, la société entant que personne morale, seul et unique super patron d´elle-même et des élus, peut s´arroger, péremptoirement, le droit de leur imposer une période d´essai au cours de laquelle elle déterminera si oui ou non elle va les garder. D´où l´importance du pacte essayiste.

La recherche de la légitimité post-électorale pour sa part n´est pas une nouveauté. Certains élus en ont déjà bénéficié, c´est-à-dire accédés à la fonction sans légitimité, des candidats ont eux-mêmes créé cette légitimité et fini par diriger - même au seuil de leur mandat - avec une certaine légitimité même quand celle-ci a été éphémère et relative. Comment y étaient-ils parvenus? Par des actions sociales positives. Ils ont gagné la naïveté et la confiance du peuple tout en le faisant rêver, or, le peuple aime ça. Pour extraire sa légitimité de son illégitimité électorale, un personnage comme M. Préval s´est montré très moins bavard vis-à-vis du peuple, lui faisait des promesses en l´air, d´autres comme MM. Martelly et Aristide passaient tout leur temps à le bafouer. Bien que de nos jours le peuple haïtien croit de moins en moins aux promesses, cet artifice reste pourtant une stratégie fructifère. 

L´inverse s´est également produit: beaucoup d´élus sont parvenus au pouvoir avec une légitimité presqu´incontestable, malheureusement, au cours de route, ils l´ont perdue. Elle s´est, au fil du temps, regressivement détériorée non pas seulement à cause des malversations et des actes de corruption dont ils se sont rendus coupables, mais parce qu´ils ont été démasqués et dénudés par le peuple, parce que celui-ci, fatigué de leurs promesses falacieuses, ne les supportait plus et ne voulait plus d´eux. Ainsi, la légitimité peut bel et bien se gagner avant comme après les élections en même temps qu´elle peut être enlevée au même rythme.

Considérations finales

En somme, il y a de quoi s´inquiéter pour ce pacte essayiste de paix aussi bien que pour cette recherche de légitimité post-électorale qui sembleraient devenir l´une des grandes priorités du moment, surtout quand nous avons affaire non seulement avec un système électoral de ce genre, mais aussi avec ces composantes structurelles influentes de la société telles que les partis politiques, les médias, les acteurs politiques, les directeurs d´opinions, qui n´arrêtent de se tirer des balles dans les pieds en employant des expressions incensées pour parler des élections. 

En effet, d´une part, le fait même pour le CEP d´instituer des tribunaux électoraux chargés de résoudre les contestations électorales suscite des doutes sur la fiabilité même du processus, il y a là présomption de corruption, de malversation, de trucage, de fraude, et cela est un avantage pour des perdants récalcitrants pour engager de faux procès. L´institution même de ces tribunaux sont, en quelque sorte, une pierre d´achoppement pour l´appareil électoral - une grosse épine à ses talons - et décrédibilise sa bonne foi, sa bonne volonté, son honnêteté, son impartialité, sa moral et son éthique à maintenir de bonnes réalisations électorales.

D´un autre côté, l´emploi courant des adjectifs pour désigner ces élections tels que: libres, honnêtes, démocratiques, transparentes, indépendantes, tant par le CEP que par la société civile et la société politique, laisse supposer qu´il y a de l´anguille sous roche, car non seulement ce sont de vains mots qui ne veulent absolument rien dire quand on connaît la nature corruptible qui envahit cette entité électorale, mais surtout ils ne sient pas à une institution qu´est l´élection dans la mesure où elle-même va au-delà de tous ces adjectifs qui ne sont autre qu´un excès de langage. Elle n´en a pas besoin pour être et fonctionner. 

C´est un excès de langage qui dérange profondément, rend suspect le processus, sème le doute au milieu de la société, en fait, du charabia médiatico-linguistique juste pour brouiller les pistes. C´est des aspects à côté des autres sur lesquels ce pacte sociétal, en faveur duquel il est important de plaidoyer, devra se pencher afin de mettre un terme à ce je ne sais quoi BCED et BCEN, à ces chamailleries pré et post-électorales, ainsi qu´à cet emploi abusif et excessif de ces adjectifs qui n´en vaut vraiment pas la peine. Enfin, osons, pour une fois, tenter ce pacte essayiste de paix en faisant semblant d´être naïfs (ves), des comploteurs (ses), des conspirateurs (trices) pour le bien-être de la société. Et, si rien n´est fait, si cette lueur de changement dont les Haïtiens (nes) ont soif n´est pas visible - car le changement s´entrevoit, se sent et s´annonce - le droit à la désobéissance civile s´impose.

Jean FABIEN
Campinas, 18 décembre 2016



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