NELSON MANDELA : UN NOM,
UN MYTHE, MAIS SURTOUT UNE ICÔNE VIVANTE!
« Seuls les hommes libres peuvent négocier. Les prisonniers ne signent pas de contrat. Quand ils ont libéré Herman Toivo Ja Toivo, il n´a donné aucune garantie ni ils ne lui ont demandé. Je ne peux donner et je ne donnerai aucune garantie pendant que moi et vous, mon peuple, nous ne sommes pas libres. Votre liberté et la mienne ne peuvent pas être séparées. Je reviendrai. »[1]
Nelson Mandela
Prison de
Pollsmoor, 1985.
Résumé
Nous choisissons de commencer cet article avec cette célèbre phrase de
Mandela parce qu´il nous paraît juste et compréhensible que les disparités
sociales et politiques ne peuvent créer que des fossés entre les hommes. Et
l´oppresseur cherche toujours à imposer sa volonté en profitant de la situation
de l´opprimé. Mandela a parfaitement compris ce jeu. Cet article est donc un
hommage bien mérité à ce grand homme, Nelson Mandela, qui a su inculquer à son
peuple sud-africain et à celui du monde entier des valeurs qu´aucune richesse
ne peut transmettre. L´objectif dudit article consiste à dégager quelques
réflexions et moments forts de la vie de ce héros de la révolution
sud-africaine contre l´apartheid.
Introduction
Ce qu´il représente pour le peuple sud-africain, pour chaque peuple
noir, pour l´humanité toute entière, ainsi que la place qu´il occupe dans
l´histoire universelle demeurent incontestablement inoubliables. Le plus grand
rêve de cet homme était de voir disparaître à jamais le
racisme en Afrique du Sud. Ce rêve s´est-il réellement concrétisé?
Certains répondraient par l´affirmatif, et d´autres par le négatif. Cependant,
suite à des efforts titanesques et extraordinaires, en moins de
20 ans après l´apartheid, avec une population estimée à environ 50
millions d´habitants, ce pays s´affirme aujourd´hui comme la première
puissance économique de tout le continent africain avec un PIB de
1/4, et le racisme n´y est théoriquement presque plus. Mise à part
l´accent à mettre sur la société sud-africaine, cet article est aussi
l´occasion de faire ressortir le rôle que Nelson Mandela a joué dans la
construction d´un monde meilleur. Il est l´un des rares hommes qui ont
donné au monde entier la leçon la plus sublime d´humilité et de pardon en
prouvant que la justice triomphe de la force, le pardon de la haine, l´espoir
de la résignation, la vie de la soumission, enfin, il est celui qui a
réconcilié avec elle-même une nation sud-africaine profondément déchirée en
petits morceaux par ce système raciste et ségrégationniste connu sous le
nom de l´apartheid. Ce système
a précipité tous les sud-africains : noirs, blancs, métisses et
inidiens dans une interminable guerre civile.
Sous ce régime, selon le témoignage de certaines victimes, il était
établi – comme ce fut le cas chez nous en Haïti sous le régime des Duvalier
avec les Tontons macoutes – le châtiment corporel et inhumain
appelé ''supplice de l´hélicoptère'' qui consiste à placer un
bâton derrière les genoux du supplicié, le suspendre la tête en bas, le
rassasier à coups de bâtons et là il finit par suffoquer. L´apartheid, héritage
laissé par les colons hollandais, a été combattu sous toutes ses formes, avec rigueur,
courage, détermination et bravoure non seulement par Nelson Mandela, mais aussi
par ses compagnons de lutte comme Walter Sisulu, Mac Maharaj, Ahmed Kathrada,
Denis Goldberg, Olivier Tambo, pour ne citer que ceux-là. Ainsi, clandestinité,
abandon de la famille, arrestations illégales, emprisonnement injuste,
tortures, traitements inhumains résument le prix que ces héros devaient payer
pour ce si long combat.
La décision qui a
transformé toute sa vie
En effet, né dans un petit village appelé Qunu qui se
trouve près de Umtata, la ville principale de Transkei, le 18
juillet 1918 sous le régime de l´apartheid, Nelson Mandela a perdu son père dès
qu´il avait environ l´âge de neuf ans. Dès son jeune âge, il s´est affiché en
un homme de caractère pour s´être, d´une part, très bien occupé du troupeau de
son père naturel Henry Gadla Mandela dont il se souciait beaucoup, mais de
l´autre, pour avoir réfusé le choix de son père adoptif, le roi du village
Mqhekwezweni à qui son père, étant sur le point de mourir, le confiait en
disant : « Je te donne ce serviteur Rolihlahla[2]. C´est mon unique fils. » Suite
à un incident qui s´est produit à l´Université de Fort Hare, Nelson Mandela
s´est fait expulser de cette université où il étudiait le Droit après avoir
défendu les droits des étudiants entant que leur délégué auprès de
l´administration. Le roi, furieux, lui ordonne de rentrer immédiatement au
village pour lui imposer en mariage une femme plus grande que lui. La réponse
de Mandela fut héroïque et surprenante : il a dit NON. Simple berger, mais
surtout un homme d´engagement, responsable, sérieux et intelligent, il a vite
compris qu´il ne deviendra jamais chef du village, et le voilà, aidé par le
fils du roi, Justice, en route pour Johannesburg. Cette décision allait complètement
changer le cours de l´histoire (MANDELA, 1994).
Son nom est devenu célèbre dès qu´il s´est engagé dans la politique aux
côtés de Walter Sisulu en intégrant en 1944 The African
National Congress (ANC), le Congrès National Africain créé en 1912. Après
avoir constaté l´humiliation, la méchanceté et le mauvais traitement dont
souffraient ses frères noirs africains en vendant leur force de travail dans un
pays où, bien qu´extrêmement riche dans son sous sol, la minorité des blancs
détiennent la puissance économique, il décidait, avec la Ligue de
la Jeunesse de l´ANC dont il est le fondateur, de
passer d´un mouvement pacifiste à un mouvement de résistance avec le
slogan : « l´Afrique du Sud appartient à tous ceux qui l´habitent,
qu´ils soient noirs, blancs, métisses ou indiens.» Mais avant
de devenir célèbre, il a subi les martyrs et les affres que tout cela imposait
en ayant souffert dans sa chair, dans son âme et dans son esprit. Mais, il
a combattu jusqu´à la victoire finale ce système qui avait plongé les noirs de
l´Afrique du Sud dans un esclavage atroce.
Car les blancs ont tout fait pour inculquer aux noirs le sentiment de ce
qu´ils sont étrangers dans leur propre pays natal, qu´ils étaient tout juste
tolérés sur la terre de leurs ancêtres, qu´ils jouissaient tout simplement
d´une certaine gratification ou de faveur et rien de plus. Mandela a payé
ce combat de 27 ans d´emprisonnement. En effet, après avoir été libéré le 11
février 1990, Madiba, de son nom clanique qui est une marque
d´honneur, de prestige et de félicité à sa personne, a fait appel à tous ses
ennemis ainsi que ses anciens oppresseurs pour former un véritable gouvernement
de réconciliation nationale lorsqu´il est devenu, en 1994, le premier président
noir de l´Afrique du Sud, ce fut ce jour là qu´il a, pour la première fois, voté
de toute sa vie depuis 76 ans.
Nelson Mandela reste un mythe et un nom susceptible de faire trembler
tout système d´oppression et d´inégalité sociale parmi les hommes quel qu´il
soit, d´où qu´il vienne. Il est l´homme que le système d´apartheid a failli
anéantir, mais heureusement aussi, sans lequel l´Afrique du Sud serait jusqu´à
présent assujettie à ce système raciste, inhumain, discriminatoire et cruel.
L´homme dans sa simplicité et ses convictions
Prix Nobel de la Paix de 1994 qu´il a lui-même décidé de partager avec
l´un de ses plus grands ennemis, Frederik De Klerk, Mandela a, durant toutes
ses années d´incarcération pour des raisons politiques, demeuré un homme
intègre, cohérent, rationnel et méticuleux, un homme de conviction, mais
surtout un homme courageux. Un homme d´une bonté extraordinaire selon ce
témoignage de Eddie Daniels:
« Messieur Mandela est un
homme bon. Il peut marcher avec des rois aussi bien qu´avec des
mendiants. Je veux dire au président P.W. Botha, s´il arrive à converser avec
Nelson Mandela, qu´il conversera avec un homme modéré, pas avec un homme
violent – un des hommes les plus bons, honnêtes et amants de la paix que je
connaisse. Messieur Mandela a utilisé la violence, comme moi, non pas parce que
je voulais, mais parce que les lois du pays me l´ont obligé (BENSON, 1986, p.
17) ».
En lui, nous entrevoyons à la fois un homme qui cherche pacifiquement la
paix, la liberté et l´égalité entre les hommes, mais qui est aussi prêt à
prendre les armes, s´il le faut, afin de les obtenir. Voilà pourquoi il a opté,
dans son combat contre l´apartheid, pour la lutte armée, la désobéissance
civile, jusqu´à ce qu´enfin un issu soit trouvé pour sortir le pays de ce
système d´oppresion imposée depuis plus de trois siècles par la minorité
blanche ne représentant à l´époque que 20% de la population. Il est transigeant
et exigeant, mais pas trop radical et fait toujours preuve d´un très bon
communicateur, en même temps qu´il se montre très ouvert au dialogue. Il est à
la fois un paysan, un aristocrate et un démocrate. En lui, il n´y a aucune
trace d´amertume ni de haine contre ses boureaux et ses oppresseurs malgré tout
ce qu´ils l´ont fait endurer, car son combat fut contre le système d´apartheid,
et non contre qui que ce soit.
Condamné aux travaux forcés à perpétuité pour tahison le 11 juin 1964
suite au procès de Rivônia, Mandela avant et après sa libération, a demeuré et
demeure encore un homme très fort politiquement, mais tout en ayant conservé
toute son humilité. Très aimé en Afrique du Sud, Mandela a fait de la lutte sa
vie, sa passion et son destin. Et comme il l´avait dit lui-même, il était prêt
à mourir pour la défense de la liberté et les droits de l´homme en Afrique du
Sud et ce, sans condition aucune. Sa femme, Winnie Mandela ,dont il se séparait
pour vivre dans la clandestinité, lui disait:
« En t´épousant je sais que
j´ai épousé la lutte. » Et voilà ce
qu´il a lui-même dit durant sa longue période de vie clandestine: « Je
fus obligé de me séparer de ma chère épouse, de mes enfants, de ma mère et de
mes soeurs, pour vivre comme un marginal dans mon propre pays. J´ai du
abandonner ma profession, vivre dans la pauvreté et dans la misère, comme le
font beaucoup de mon peuple... La lutte c´est ma vie. (MANDELA, 1988, p.
24).»
Il est difficile, par ailleurs, d´entrevoir chez Mandela l´attitude d´un
homme qui se cache derrière l´intérêt collectif, comme le font le plus souvent
beaucoup d´hommes politiques contemporains d´aujourd´hui, afin de mieux gagner
ses propres intérêts individuels mesquins. Rare est un homme qui agisse de la
sorte. L´un des actes surprenants qu´il a posés à cet effet fut la réduction de
son salaire de président qu´il a estimé être trop élevé alors que c´est ce que
gagnaient ses prédecesseurs et même plus.
Demeuré toujours un homme simple aux yeux de ses proches et de ceux qui
le cotoyaient de près comme de loin, Mandela a préféré son nom clanique Madiba à
celui de Messieur le Président ou Son Excellence, et le plus simple des
employés à Prétoria l´appelait Madiba et il s´en sentait profondément et
infiniment fier. Il a surtout choisi de se faire appeler ainsi pour ne pas
qu´il y ait une sorte de barrière hiérarchique infranchissable érigée entre lui
et ses collaborateurs, car il voulait de plus en plus compatir avec eux, être
plus proche d´eux, pour éviter qu´un simple privilève de poste présidentiel ne
vienne tout basculer en ce qui concerne les profondes et véritables relations
humaines qu´il s´est évertué lui-même à construire entre lui et eux, et des
collaborateurs entre eux-mêmes tout en leur faisant savoir qu´ils sont frères
et soeurs les uns des autres, qu´ils doivent se mettre ensemble, blancs, noirs,
métisses et indiens afin de construire un meilleur avenir pour l´Afrique du
Sud.
L´appeler ainsi c´est le faire sentir africain, donc une fierté raciale,
mais surtout l´expression d´une Afrique du Sud à jamais unie et unifiée où
noirs et blancs peuvent marcher dans la plus parfaite symbiose. L´appeler ainsi
en outre est un signe de respect envers sa personne, sa culture et son origine.
Tout intellectuel avisé, qu´il soit historien, éthnographe, anthropologue ou
sociologue sait ce que signifie le clan dans l´existence d´une tribu et ses
dimensions sociale, culturelle et religieuse. D´un point de vue anthropo-sociologique,
le nom clanique d´un individu a une importance cruciale dans sa vie. Il exprime
son appartenance non seulement au clan, mais surtout à l´être ancestral
mythico-religieux créateur du clan. Le nom clanique incarne toutes les valeurs
sociales et les croyances religieuses du clan et n´est autre que le symbole
d´une identité culturelle et sociale profondément ancrée à l´être de l´individu
qui le porte.
Ainsi donc, le nom de Madiba
signifie que Mandela appartient à une tribu, pour être plus
précis à une race, la race africaine. Il est le reflet de son passé,
de son présent et de son avenir. C´est bien malheureux qu´Haïti n´ait pas
hérité cela de l´Afrique, sa grand´mère sur le plan historique, c´est-à-dire
des noms haïtiens pour se sentir véritablement haïtien dans ses racines. La
majorité des Haitiens porte soit un nom américain, européen ou occidental, plus
particulièrment, un nom français, ce qui affecte en quelque sorte notre
haitianité. Certains vont même jusqu´à se flanquer d´un nom allemand, polonais,
espagnol complètement distant des cultures haitiennes. À cet effet donc, il
arrive que dès fois par ce nom l´on se sent plus français, allemand américain ou
européen qu´haïtien dans son intégralité. Seule la langue Créole, paraît-il,
nous reste comme ultime signe d´identité dans ce froid et invisible phénomène
d´acculturation.
Qu´est-ce que le monde doit retenir de Mandela?
Y a-t-il lieu d´énumérer les nombreuses leçons que cet homme a données à
l´humanité? Je pense qu´on en finirait pas si on commençait à les compter.
Cependant qui ne connaît pas Nelson Mandela et son histoire? Qui n´est pas au
courant de ses souffrances, de ses douleurs et de ses atrocités endurées
d´abord à la prison de Robben Island où il a passé 18 ans, ensuite à la prison
de Pollsmoor pour être finalement isolé dans un centre pénitentier dans la
campagne loin des yeux indiscrets de la presse nationale et internationale où
ses conditions de prisonnier commençaient à s´améliorer? Qui ne sait qu´il est
une véritable légende vivante pour l´humanité? « Mandela est peut-être le
symbole le plus vivant pas seulement de la libération de l´oppression de
l´apartheid, mais d´un nouveau mode de vie en Afridque du Sud »[3], a déclaré Desmond Tutu[4] dans une vidéo. Toute sa vie fut un
combat. Un long combat pour le respect de la personne humaine et de sa
dignité, mais surtout pour la souveraineté populaire et l´union entre noirs et
blancs en Afrique du Sud. Il a confronté à toute sorte d´oppression: courriers
systématiquement censurés, conversation téléphonique strictement contrôlée,
interdiction d´assister aux obsèques de sa famille, tout et enfin toute une
machine monstrueuse a été mise en branle pour faire taire cet homme et tous ses
partisans incarcérés avec lui tels que: Denis Goldberg[5], Walter Sisulu, Ahmed Kathrada, Mac
Maharaj et autres. À un certain moment il se retrouvait seul face à ses
souffrances, et seul ce combat politique qu´il menait de toute sa force et de
toute son âme pouvait le reconforter. Il est l´homme pour qui l´éducation est
la seule arme capable de rendre l´homme libre et maître de lui-même, voilà
pourquoi il a transformé ce lieu de châtiment qu´était Robben Island[6] en un lieu d´enseignement.
Seth Mazibuko, un condamné de 1984 à 1989 a déclaré que dès qu´il avait
posé les pieds à Robben Island, un vieux prisonnier lui a dit: « tu viens entendre Nelson Mandela
»[7]. C´était une façon imagée de lui dire qu´il vient d´être admis à cette
fameuse université qu´est Robben Island où enseigne Nelson Mandela. Durant ces
cinq années d´incarcération ce dernier a su apprendre auprès de Mandela ces
trois grandes leçons suivantes: 1.
ne jamais se précipiter pour prendre une décision; 2. toujours se rapprocher de
son ennemi pour le garder à l´oeil afin de mieux contrôler ses moindres gestes,
et même quand il serait prêt à vous tirer dessus, vous saurez à quel moment il
charge son arme; 3- toujours consulter largement l´opinion des autres. Effectivement
Mazibuko n´avait pas eu tort. Mandela a appris à prendre les bonnes
décisions aux moments convenables, à s´approcher de son ennemi en lui adressant
la parole dans sa propre langue: l´Afrikaner, la langue de
l´oppresseur à laquelle il avait consacré un temps d´apprentissage assidu,
car « pour vaincre l´ennemi il faut savoir
comment il pense, et pour savoir comment il pense, il faut connaître la langue
dans laquelle il pense »[8], a-t-il déclaré; enfin Mandela consultait toujours
les autres dès qu´il avait une question importante à débattre. Il a su se
mettre à la hauteur de sa tâche, car à sa sortie de la prison, l´avenir de
l´Afrique du Sud reposait sur lui.
Tout en reconnaissant ses forces, ses faiblesses ainsi que ses limites,
il n´a pas voulu briguer un second mandat. Car, d´une part, il a parfaitement
compris qu´il y a des problèmes qui le dépassaient auxquels même un second
mandat ne pourra apporter aucune solution efficace, que sa page d´histoire
entant qu´homme influent de la politique sud-africaine et victorieux de
l´apartheid était tournée, de l´autre, les 27 ans d´emprisonnement l´ont
tellement terrassé, bien qu´il apparaisse souvent moralement et physiquement en
pleine forme, qu´il avait réellement besoin d´un temps de repos. Mais il avait
surtout besoin de passer plus de temps avec sa famille dans le but d´essayer de
ratrapper ces 27 ans au cours desquels il était complètement privé de
l´affection familiale.
Parmi ses plus grandes réalisations, il y a lieu de rappeler: la mise
sur pied, en 1996, de la fameuse Commission Vérité et Réconciliation (Truth
and Reconciliation Commission) dont
il confie la direction à Desmond Tutu. L´objectif de cette commission
est de rendre justice à toute personne ayant été victime du régime de
l´apartheid. Faisant fi de toute sorte de tabou et se déterminant à être
impartiale dans sa justice, cette commission s´est évertueé à rendre justice
également à toutes les victimes des actes perpétrés par l´ANC. La constitution
sud-africaine du 10 décembre 1996, l´une des constitutions les plus
démocratiques au monde, a, enfin, créé la voie à la reconciliation nationale
entre blancs et noirs. De Klerk eut à dire lui-même que « le plus grand héritage
que Mandela a laissé à cette nation est d´avoir ouvert la voie à la
reconciliation nationale en Afrique du Sud »[9]. Mac Maharaj, un de ses compagnons
de combat y ajoute: « il est l´espoir d´une Afrique du Sud meilleure et
prospère »[10].
A l´approche de la fin de son premier mandat, Mandela s´est appliqué,
personnellement, à préparer sa succession. Ce comportement nous dit qu´il ne
s´est pas battu pour conserver indéfiniment le pouvoir en agissant d´une
manière sinique ou pire que ses prédécesseurs, mais par contre pour
mettre fin à un régime. En ce sens l´on peut dire qu´il a réussi pour ne pas
dire qu´il a parfaitement atteint son objectif même s´il reste beaucoup à faire
en Afrique du sud. Il ne s´est pas comporté comme un assoiffé de pouvoir encore
plus comme un infaillible. Il s´est retiré complètement de la vie politique
pour devenir une icône vivante, une voix qui a ouvert la voie à la liberté, à
l´égalité et à la fraternité en Afrique du Sud, un personnage mythique
auprès duquel tout le monde cherche un regard, un sourire et un accolade. Ce
chemin de réconciliation qu´il a tracé reste ineffaçable dans la mémoire de
l´Afrique du Sud et de l´humanité toute entière.
Nelson Mandela, peut-on dire, est l´homme le plus populaire de la
planète si ce n´est le plus aimé. D´une part, le fait que pas seulement des
sud-africains, mais encore tous les peuples des autres nations se sont
mobilisés pour dénoncer son incarcération injuste et illégale, défendre sa
libération, cela est une preuve convaincante de leur admiration à sa personne.
D´autre part, son état de santé aujourd´hui produit les mêmes effets : il
attire l´attention du monde entier. C´est une attitude inédite. Alors pendant
qu´il respire encore – car personne n´aimerait qu´il parte – il est important
et essentiel de lui rendre tous nos remerciements et lui exprimer tous nos
sentiements de gratitude pour ce qu´il a fait et représente pour l´humanité.
C´est un simple mot, mais extrêmement et puissamment significatif. Un merci
pour la façon dont il a pu inspirer ceux qui le cotoyaient directement aussi
bien que ceux qui ont été atteints et contaminés indirectement et
lointainement, partout sur la planète, par son énergie positive. Un merci, enfin,
pour sa contribution à la construction d´un monde meilleur où la justice et le
droit seraient de moins en moins bafoués.
Étant entré dans l´histoire universelle, comme beaucoup d´autres qui
l´ont précédé, Nelson Mandela a marqué le monde par son caractère et sa dignité
d´homme. Jamais, à l´instar de notre grand Dessalines, il ne s´est incliné
devant l´homme blanc, le dominateur, l´oppresseur. Avec la tête haute et le
respctect il a montré au monde entier sa valeur. Sa place dans le panthéon
mondial de la fierté noire est incontestable. En effet, j´ai entendu
parler de ces héros tant Haitiens comme Toussaint Louverture et
Jean-Jacques Dessalines, qu´étrangers tels que Mohamed Gandih, Martin Luther
King qui ont marqué l´histoire mondiale dans leur lutte contre la colonisation,
l´esclavage et le racisme atroce. Je les ai lus à travers des textes d´auteurs célèbres,
j´ai appris à pénétrer leurs pensées. Mais, en ce qui concerne Nelson Mandela, il
y a quelque chose de spécial qui m´attire chez lui : son humilité et sa
sérénité. Ce sont des qualités qui s´observent de près comme de loin, autrement
dit, il n´est pas besoin d´avoir vécu physiquement avec la personne pour voir
en lui, au moins, ces deux grandes qualités. Ses paroles, ses expressions et
ses discours suffisent pour entrevoir chez lui de telles qualités ou d´autres,
car, il est dit souvent que l´on est
ce qu´on dit. Cette fierté que j´éprouve aujourd´hui à parler un peu
d´un illustre homme est si grande que je pourrais être pris pour quelqu´un
qui le connaissait au même titre que ses proches et d´autres éminents
historiens, analystes et documentalistes qui l´ont déjà campé comme le
spartacus noir du XXIème siècle. Donc, les raisons de cette fierté sont très
simples: il s´agit, en premier lieu, d´un homme qui m´a profondément inspiré
tant par son consistance, sa détermination et sa conviction que par son
caractère non rancunier, en second lieu, d´un héros dont je parle pendant qu´il
est encore en vie. Cela est encore trés profond pour moi. À l´entendre parler,
il faut voir un homme qui pèse ses mots avant de les prononcer. Y a-t-il une
plus grande fierté que dire quelques mot sur un tel homme? Je ne crois pas. Il
m´a appris à comprendre que, quelles que soient l´attitude de son frère, sa
traitrise, sa haine, sa colère, il faut croire en sa bonne volonté. Même dans
les guerres les plus meutrières, on n´élimine pas tous les ennemis, on sauve et
préserve la vie des plus utiles et compétents.
Sur ce, voilà un Nelson Mandela qui a tendu la main à Frederik De Klerk,
quelqu´un qui l´a combattu et a tenté, par tous les moyens, d´affaiblir Mandela,
en fait, un de ses plus grands ennemis, le produit de l´apartheid, en le traitant d´homme intègre malgré toutes les
erreurs dont il s´est rendu coupable dans son emprisonnement. De plus, après
avoir remporté les élections de 1994 avec plus de 63 % des voix, le président
noir de l´Afrique du sud allait nommer ce même De Klerk à la vice-présidence,
Butelezi au Ministère des Affaires Intérieurs. Ce dernier était le chef
principal des rebelles du clan des zulus qui, avec la complicité de M. De
Klerk, s´est évertué à affaiblir et à ternir l´image et la réputation de
Mandela. L´objectif de la lutte armée et des massacres engendrés par Butelezi
et le groupe des zulus qu´il dirigeait était de faire échouer la transition
démocratique enclenchée depuis la mise en liberté de Nelson Mandela. Il faut
comprendre que l´inimitié est sans doute mauvaise, mais elle n´est pas
toutefois tant diabolique et démoniaque qu´on peut l´imaginer. L´ennemi est
souvent celui qui a été préparé, façonné, travaillé, broyé, transformé par un
système injuste et sanguinaire auquel il est contraint de s´obtempérer.
Cependant, comme dit le dicton, en
politique les ennemis ainsi que les amis ne sont définitifs, éternels et
immuables, en d´autres termes, l´ennemi d´hier peut devenir l´ami
d´aujourd´hui et vice versa. Cet ennemi d´hier peut devenir aujourd´hui, sur le
plan de compétence, une pierre angulaire dans la construction d´une autre
société meilleure. Mandela l´a dit lui-même: « Il faut se battre contre
un système, mais pas contre les hommes »[11].
Mandela a
combattu l´apartheid sans chercher à détruire l´homme et ses valeurs, mais tout
en respectant la valeur, la capacité et la compétence de chacun afin de se
mettre au service de cette nation arc-en-ciel qu´est l´Afrique du sud. Tel
sont, en partie, quelques leçons importantes que nous pouvons apprendre de
Nelson Mandela dans sa lutte contre l´apartheid.
Partout dans le monde, le nom de Nelson Rolihlahla Mandela est
retentissant, il est devenu une légende vivante. Il est l´homme qui était en
avance sur son temps et luttait pour l´égalité entre blancs et noirs en Afrique
du sud. De l´Orient à l´Occident des honneurs pleuvent en sa faveur ainsi qu´à
l´égard de sa brave femme Winnie Mandela. En effet, bien que physiquement
emprisonné depuis 1964, une liberté symbolique a été octroyée à Nelson Mandela
dans les villes de Rome, Glasgow, Olympia et Aberdeen. À Grenoble une place
porte le nom de Nelson Mandela ainsi qu´une rue à Camden Town à Londres. La
République Démoratique Allemande a commémoré ses 60 ans alors qu´il était
encore en prison en lui remettant symboliquement l´Étoile de l´Amitié
Internationale. Le titre de Docteur Honorifique en Droit lui a été conféré tant
par des université à distance que par celles de Lesoto et de New York. Au Venezuela,
la prime Simon Bolivar, qui est la plus haute distinction honorifique du pays, lui
a été octroyée pour sa contribution à la liberté et à la démocratie. En Haïti,
malheureusement, aucune action n´a été menée en signe de solidarité à cet
imminent combattant des Droits et de la dignité de l´Homme si ce n´est, d´une
part, une chanson écrite par Dieudonné Larose, une école et une rue portant son
nom en reconnaissance de ce qu´il représente pour le peuple noir de l´autre.
Quand à la France, l´Ordre des Avocats de Bordeaux lui a décerné sa première
prime internationale des droits humains, son nom et son cas ont été
associés à Dreyfus qui, déclaré coupable pour trahison, fut aussi emprisonné
sur une Île, l´Île de Diabo (BENSON, op.cit, 1986, p. 18).
Considérations finales
En définitive, ce moment exceptionnel de sa vie: cette merveilleuse
journée du 18 juillet 2013, qui marque à la fois le 95ème de son
anniversaire et la Journée Internationale Nelson Mandela, consacrée
en son honneur par l´ONU, est l´occasion pour moi de lui témoigner toute mon
affection, de rendre hommage, respect et considération à l´homme grâce auquel environ
50 millions de noirs sud-africains, y compris lui d´ailleurs, ont, pour la
première fois de leur vie, soit en avril 1994, voté. Pendant que le monde
entier se prépare à fêter allègrement ce jour, lui, il est en proie à la maladie.
Son état de santé est critique en ce même instant où nous lui consacrons ces
quelques paragraphes, mais tout ce que nous pouvons lui souhaiter c´est un
prompt rétablissement. Selon ses médecins, il souffre encore des séquelles des
tortures et mauvais traitements subis en prison. Cela permet de comprendre que
n´étant pas un saint encore moins un dieu, ne faisant non plus partie d´un
contingent d´êtres spirituels participant à la perfection divine, il est
un homme comme nous, qui a souffert dans la chair et l´âme, a été traversé par toute
sorte de douleur dont il subit encore les conséquences. Au-delà de ses qualités
et défauts, il a, en quelque sorte, oeuvré à une perfection humaine par ses
leçons d´humilité, de morale, d´intégrité et de pardon. Ces quelques lignes de
réflexions autour de cette icône vivante témoignent de notre profonde
admiration à son égard et de notre attachement indéfini au devoir de mémoire.
Je suis du nombre des jeunes de cette génération qu´il a déjà inspirés et qu´il
continue d´inspirer tant par son charisme politique que par l´humanisme extraordinaire
dont il est lui-même l´incarnation.
Puisse son esprit de sagesse et d´intégrité continuer, même au-delà de
ce monde des vivants, à inspirer les hommes politiques.
Esquisse
bibliographique
BENSON, Mary. Nelson Mandela: o homem e o movimento. Ed.
Brasiliense, São Paulo, 1986.
MANDELA, Nelson. A luta é a minha vida. ''The struggle is my life''. Ed. Globo, Rio de
Janeiro, 1988.
_______________. Long
walk to freedom. Great Britain, 1994.
Esquisse vidéographique
Un oeil sur la
planète: Afrique du Sud: Le rêve de Mandela. Disponible sur: http://www.youtube.com/watch?v=vdmKU0gP5B8
Campinas,
18/07/2013
[3] Déclaration disponible sur: http://www.youtube.com/watch?v=jabNExw9Y5I. Accès le 18 juillet 2013.
[4] Prix Nobel de
la Paix de 1984 et Évêque Anglican de Johannesburg, Desmond Tutu est aussi un
militant politique, c´est à lui que Mandela avait confié la direction de la
Commission Vérité et Réconciliation.
[5] Parce qu´il est
blanc, Denis Glodberg a été emprisonné à Prétoria tandis les autres à Robben Island.
[7] Déclaration disponible sur: http://www.youtube.com/watch?v=vdmKU0gP5B8. Accès le 18 juillet 2013.
[8] Une déclaration de Mandela rapportée par Jacqueline
Dérens, militante anti-apartheid. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=YB9I0i6istw.
Accès le 18 juillet 2013.
[9] Ibidem
[10] Ibidem
[11] Ibidem
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