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lundi 2 janvier 2017

LE BLANCOMANISME DANS LA SOCIÉTÉ HAITIENNE: UNE MENTALITÉ QUI BLOQUE

Résumé

Parmi les multiples problèmes que traverse la société haitienne, il y en a un dont on parle très peu, alors qu´il est un sujet poignant qui hante tous les esprits en Haiti au point qu´il devient une sorte d´obsession schizophrénique. Ce problème c´est le blancomanisme qui creuse en nous, Haitiens, un grand vide intellectuel à réfléchir sur nous-mêmes et nos problèmes. Jugée importante et ancrée dans notre culture et ayant des effets sur nos pratiques et conduites sociales, le présent article se propose de discuter cette mentalité blancomaniste comme un véritable blocage à notre développement.

Introduction

Le blancomanisme est ce type d´idéologie, pas blanche mais plutôt blancomane, qui consiste à faire de ceux que nous appelons les ''Blancs'' les causes maîtresses de nos problèmes. Pourtant, nous nous glorifions chaque jour de les avoir défiés et vaincus il y a plus de deux siècles. N´est-ce pas là un grand paradoxe? Tellement hyponotisés par cette mentalité, nous nous ignorons nous-mêmes en créant en nous un personnage autre que nous sur qui nous déchargeons tous nos soucis, toutes nos calamités de la vie et toute la responsabilité de nos actes, autrement dit, un dieu ''Blanc'' érigé soit comme notre principal bienfaiteur ou notre malfaiteur absolu. C´est être est pour certains fictif et imaginaire, pour d´autres il est réel et présent parmi nous, d´autres encore pensent en étant les deux à la fois il s´ancre à nos exploits historiques en même temps qu´il domine notre vie sociale.

En fait, C´est un autre de nous que nous indexons et taxons de blancs ou de toute sorte de qualificatifs parce que  nous voulons qu´il le soit ainsi, même s´il aurait une peau noire comme du charbon. Or, suivant la composition sociale de l´Haiti postcoloniale, ce depuis la constitution impériale de 1805, les Haitiens se reconnaîssent sous la dénomination de peuple noir. Certes, une minorité de mulâtres - fruit et symbole de multiples viols sexuels en série, continus et répétés dont a souffert dans son âme, son esprit et sa chair une esclave - existe dans la société haitienne, mais il n´y trouve point de blancs, du moins sur le plan théorique. Donc, si nous ne sommes pas génétiquement des blancs, cela n´empêche néanmoins de nous comporter comme tels, de nous en créer beaucoup ou de nous les attirer à nous, ce, pour nous construir un monde semblable au leur.

Cependant, même si ces petits mulâtres à la peau claire ou crêmée, aux cheveux frisés ou crépus s´illusionnent tant être des blancs à la ressemblance des Gaulois aux yeux bleus, ils savent que leur passion et obsession raciste se limite exclusivement à la frontière d´Haiti. Alors, la question est de savoir d´où nous vient cette hantise blancomaniste qui nous assaillit? Le discours ou encore l´idéologie sur le blancomanisme en Haiti doit être pris sous au moins trois angles. Le premier fait appel à un contentieux colonial exprimé sous forme de haine historique. Si le second se rapporte à une théorie du bouc émissaire le troisième ressemble fortement à la stratégie d´employer de faux arguments pour nous cacher des vérités sur nous-mêmes. C´est autour de ces aspects que s´articulera cet article dont l´objectif est de faire ressortir que ce blancomanisme qui colonise la pensée haitienne et dont nous faisons le principal problème d´Haiti est une sorte d´arbre qui cache la forêt de nos problèmes et une mentalité qui nous bloque.

1. Le blancomanisme: un règlement de compte lié à une haine historico-coloniale

Toute l´histoire sociale, politique, économique, intellectuelle, littéraire et culturelle d´Haiti est empreinte de marques d´envahissement et d´invasion par les puissances européennes et occidentales. Quand ils ne nous dictent pas leur volonté, ils détruisent nos valeurs culturelles et symboliques afin que nos regards vicieux et peureux restent indéfiniment figés sur eux; quand ils ne nous transpercent pas la chair avec leur fouet ensanglanté, ils nous humilient en nous rendant indignes et honteux de notre propre existence; enfin, quand ils ne pillent pas nos petites et insuffisantes ressources naturelles, ils nous imposent des règles commerciales difficiles à honorer. Ils viennent, reviennent, défilent comme des oiseaux chez nous et repartent tranquilement et aisément, alors que nous autres avons toutes les peines du monde à nous rendre chez eux. Par cela même, la vie physique, matérielle, réelle et spirituelle des Haitiens est, de toute part, hantée par cette mentalité blancomaniste. La nation haitienne a en quelque sorte, dans un sens positif ou négatif, un contentieux historique à régler avec les blancs qui, réels ou imaginaires, envoûtent toute son existence. Donc, le blancomanisme est ici une mentalité qui nous vient des vieux et mauvais souvenirs historiques.

Au lendemain de l´indépendance, nos ancêtres croyaient en finir avec les Blancs, mais, même Dessalines était lui-même obsédé par l´idée d´un éventuel retour des Blancs qu´il a juré de combattre jusqu´au dernier souffle de son existence. Éliminé très tôt, il n´a pas pu se débarrasser de ces Blanscs dont il disait, à la sortie fraîche de l´esclavage, être la cause de nos malheurs. Cela allait de soi, dans un contexte même postcolonial, d´accuser les blancs d´avoir compromis notre histoire et hypotéqué notre avenir ainsi que celui de nos enfants. Ne pouvant rester intact tout le temps, ce discours prend plusieurs sens selon les époques. De nos jours, la plupart des Haitiens quand ils parlent des blancs, le ton du langage qu´ils emploient a une allure haineuse et revancharde, on peut extraire de leur expression le sentiment d´une rancoeur historico-coloniale. Donc, si à l´époque fraîchement postcoloniale, ce discours était tolérable et compréhensible, continuer jusqu´à aujourd´hui à le tenir est non seulement insipide, mais encore complètement ridicule.

Cela se comprend, car un souvenir atroce d´un passé difficilement oubliable et effaçable nous bouleverse; la colonisation, l´esclavage et l´exploitation matérielle et humaine des blancs ont laissé dans notre mémoire de graves séquelles irreparables. Les blancs sont, en conséquence, depuis l´époque coloniale jusqu´à aujourd´hui, le cauchemar des Haitiens. Que l´on veuille ou pas, le système esclavagiste et colonialiste des blancs européens et occidentaux, qui nous est si colé sur la peau, a fait de nous des êtres doubles pensifs, nous sommes à la fois nous et eux sans avoir la moindre idée de qui nous sommes vraiment. Nous sommes tellement traversés par l´idée qu´ils nous veulent indéternibalement du mal que nous finissons par leur rendre forts et maîtres de notre existence tout en nous affaiblissant nous-mêmes tant sur le plan spirituel, psychologique qu´intellectuel.

Ces blancs, si, dans un sens comme dans l´autre, ils existent ou ont existé, nous les avons aussi nous-mêmes inventés et créés par nos propres manières de voir le monde, donc, entant qu´êtres fictifs et imaginaires, ils sont une partie de nous si, peut-être, ils ne le sont pas entièrement. Il y a dès fois, dans leur manière de penser, de parler, d´agir, de sentir, de vivre et de s´exprimer, les Haitiens ont tendance à se montrer plus blancs que n´importe quelle autre race blanche de la terre. C´est exactement l´un des effets du blancomanisme en sens qu´il nous fait voir blanc tout ce qui est d´une autre couleur. En détruisant notre être originel il implante en nous un être autre que nous qui nous rend hautains, arrogants, méprisants, têtus, haineux, rancuniers des autres et de nous-mêmes. Cette blancomanisation, en fait, nous tient en otage. Où que nous nous rendions, qui que nous soyons, quoi que nous fassions, c´est, historiquement parlant, un autre de nous qui sommeille en nous.

De fait, hair les blancs ou développer une animosité vis-à-vis d´eux n´est-ce pas, dans une certaine mesure, retourner contre nous-mêmes cette haine si vrai que par l´effet même de l´esclavage et de la colonisation nous gardons en nous une parcelle de leur être? En réalité, l´esclavage n´a jamais été une invention humaine vaine et inutile, il avait ses bases et objectifs spécifiques, ceux, par exemple, de faire des noirs des êtres faibles, affaiblis et soumis, de leur imposer une manière de penser, de choisir, d´être et de vivre, d´implanter dans leur conscience et subconscience le sentiment d´une fausse culpabilité, de leur faire comprendre aveuglement  qu´ils ont bien mérité leur sort qu´ils doivent naivement accepter, enfin, de faire d´eux les seuls et uniques responsables des malheurs qui frappent leur société. La société des noirs est abondée de blancs même quand on ne les voit pas, celle des blancs est complètement vidée de noirs même s´ils veulent toujours se faire remarquer.

Par ailleurs, ces mêmes buts l´esclavage moderne les poursuit encore aujourd´hui et les renforce. L´esprit de ce que les Haitiens appelent communément ou arbitrairement ''Blancs'', qui, depuis la période coloniale, nous fait tressaillir, hante nos maisons, sillonne nos cours, nos couloirs; n´arrête pas de troubler nos sommeils et ceux de nos enfants. Leur présence au milieu de nous est le souvenir de toutes les maltraitances, des coups de fouets et des inhumanités infinies, elle projette l´image même du mal absolu et de l´enfer sur terre. C´est encore eux qui, sur le plan sociohistorique, cherchent toujours, malgré les révolutions, à enchaîner l´esprit de l´homme libre qu´ils guettent et surveillent. C´est comme si l´esclavage était loin d´être terminé. De fait, il n´est point terminé dans la mesure où aujourd´hui il prend des formes diverses et variées: exploitation laborieuse, physique et sexuelle, trafics humains, travaux forcés etc.

Loin delà l´idée d´une apologie du racisme, d´une haine raciale contre les blancs, d´une insulte aux noirs, d´une violence raciale, encore moins d´un soulèvement des noirs contre les blancs et vice versa, mais il s´agit tout simplement ici de démasquer un fait trop évident longtemps resté coincé dans l´ombre de fausses amours et d´hypocrites amitiés. Au-delà des soucis historico-coloniaux que nous trainons derrière nous, quand on parle de blancomanisme, il faut le prendre dans tous les sens: se faire blancs afin de mieux exploiter les gens, les escroquer, les dominer, les humilier, les rabaisser; se blancomaniser pour jouir des privilèges sociaux et économiques, afficher et révendiquer partout sa supériorité par rapport aux autres; accéder facilement aux prêts banquiers etc. Obséder par l´idée d´être dans son esprit un blanc ou de se faire passer pour tel est très courante dans la société haitienne. Une simple petite peau claire y est synonyme de fortune, richesse, réussite, respect, considération, accès illimité, avec ça un homme - un petit blanc bec, dirait-on, - peut enfin se taper toutes les belles nanas de la ville s´il le désire bien.

Ainsi donc, il faut comprendre qu´en Haiti cette espèce de blancomanisme que nous pratiquons est noiriste et coloriste et s´est si bien vite développé que, pas besoin de nous mentir là-dessus, depuis l´avènement de la société postcoloniale et indépendante Haiti est devenue une société raciste. Aujourd´hui encore la couleur de la peau est un poids considérable dans la balance sociale et dans les fréquentations humaines de l´individu. Même le seul fait d´avoir des amis blancs, d´être plus ou moins fréquemment en leur compagnie, de les visiter ou de se faire visiter par eux, de les rapprocher, de les inviter, d´être invité (e) par eux, cela seul suffit à procurer du prestige dans cette société blancomano-raciste et coloriste on ne peut plus. Le blancomanisme haitien arrange en même temps qu´il dérange. Et, quand il n´est pas l´expression orgueilleuse et vengeresse du rappel de ce passé historico-colonial douloureux et amère, c´est une stratégie pour ne pas dire une théorie qui aide à chaque poltron, récalcitrant et irresponsable haitien à se débarrasser de ses propres responsabilités pour faire de l´autre la cause principale de tout ce qui lui arrive ou de tout ce dont est atteint Haiti .

2. Le blancomanisme: une stratégie du bouc émissaire qui prévaut en Haiti

Il y a un proverbe qui dit ceci: ''quand on veut tuer son chien on l´accuse de rage''. Partant de celui-ci, je dirais: quand l´haitien veut se déresponsabiliser complètement et ne pas reconnaître ses torts, il se crée un blanc pour ne pas dire un blancomane comme bouc émissaire. C´est un discours qui s´ancre à nos cultures, coutumes et habitudes sociaux, ce depuis un bon bout de temps. Les Haitiens le tiennent comme une épée pour défendre la cause de leur malheur et faire des ''Blancs'' les principaux responsables des situations sociales, politiques et économiques catastrophiques qui accablent Haiti. C´est un discours qui nous alliène, nous soulève les uns contre les autres et nous apprend nous foutre des tâches à nous seuls revenues, celles de faire bouger ce pays. Ce discours, un peu anathème et insécuritaire, ne se fonde sur aucun argument rationnel, logique et convaincant alors que nous lui accordons une considération sans pareille.

En s´ancrant à notre histoire coloniale - comme nous venons de le démontrer - ce discours est en même temps ancien et récent, car il a transcendé le temps et l´espace. Si, d´un côté, il ne s´enferme pas dans son ancienneté, sa fraîcheur se renouvelle à chaque moment de l´autre, alors nous sommes en droit de nous poser les questions suivantes: qui sont ces ''Blancs''? Sont-ils des blancs-noirs ou des noirs-blancs; des demi-blancs ou des blancs entiers; des vrais blancs ou des faux blancs? Sont-ils réellement la cause des malheurs du peuple haitien? Est-ce à eux qu´il faut vraiment imputer les causes du sous-développement et de la pauvreté d´Haiti? En effet, il faut dire en passant que cette stratégie blancomaniste est en elle-même une perte de temps, un blocage à notre esprit critique, un obstacle à notre épanouissement intellectuel et une barrière à notre développement humain et socioculturel. Elle est en outre effrayante dans la mesure où elle cultive en nous la peur - une grande peur d´ailleurs - de nous regarder nous-mêmes dans un miroir pour constater le nombre de gaffes et de dégats que nous avons causé à nous-mêmes.

Néanmoins, abordant le blancomanisme comme une stratégie de bouc émissaire pour fuir nos propres responsabilités, il y a deux précautions à prendre. D´une part, il s´agit de faire attention pour ne pas tomber dans une sorte de négationisme austère tant en niant le jeu politico-historique mis sur pied par certaines puissances étrangères pour affaiblir ce pays et le faire agenouiller qu´en mettant de côté le rôle joué par les fondateurs de la nation dans cette situation. Haiti a payé le prix pour avoir, par ses révolutions, redéfini les notions de démocratie et de droits de l´homme, qui ne sont plus les droits d´un homme ou d´une catégorie d´hommes - les blancs européens  aux yeux bleus pour ne pas dire les Français - mais ceux de tout homme indistinctement, peu importe sa race, sa famille, sa fortune, sa richesse, son origine, sa religion, sa couleur, sa langue, sa culture, ses coutumes etc. Il faut, d´autre part, éviter un absolutisme aveugle pour ne pas faire de ces puissances étrangères la cause unique et absolue de notre misère et pauvreté, ou encore ériger les Haitiens comme seuls et uniques responsables de celles-ci.

Cela veut dire, en d´autres termes, que l´extrémisme ou le radicalisme dans la problématisation de ce problème qu´est le blancomanisme n´arrange pas et est partout problématique. Bien au contraire, il est préférable de faire un équilibre logique entre les deux extrémités. En effet, si le bon sens veut que nous n´ayons pas le droit de nier la participation de nos anciens et nouveaux maîtres dans ce qui nous arrive depuis notre indépendance, nous ne pouvons pas non plus, par contre, faire d´eux l´élément absolu et exclusif du problème. Par ailleurs, l´éthique de la responsabilité veut que nous questionnions au prime abord nos comportements, habitudes, conduites, attitudes, actions et manières de vivre entre nous avant de culpabiliser une quelconque tierce personne, afin d´entrevoir dans quelle mesure nous avons ou pas attiré sur nous-mêmes les bons comme les mauvais éléments. Les proverbes suivants de chez nous disent ceci: ''kabrit gade je mèt kay la avan li rantre''; ''si anndan pa vann deyò pap ka achte''. Cela signifie qu´il faut d´abord jeter sur nous-mêmes un regard critique, réflexif et retrospectif pour comprendre si nous ne nous sommes jetés à nous-mêmes des sorts, sinon la solution que nous recherchons peut ne point être trouvée.

Or, il ne faut pas croire que les blancs dont parle les Haitiens en expliquant leurs déboires existent effectivement, ou qu´ils font se réfèrent aux blancs que la vieille théorie anthropologiste gobiniste a inventés, en fait, c´est d´eux-mêmes qu´ils parlent en des termes imagés et métaphoriques sans qu´ils ne se le sachent, parce que, traumatisés, ils cherchent à s´innocenter, à vider leurs frustrations en croyant que c´est la meilleure pour résoudre les problèmes qui les tracassent, voilà pourquoi ce sont des blancomanes, c´est-à-dire de faux-vrais blancs pour ne pas dire des blancs imaginaires et fictifs qu´ils se représentent dans le but de se libérer des fantasmes et des hallucinations qui les emprisonnent. Ces blancs quand ils ne sont pas des esprits ou êtres spirituels (bons ou mauvais) qui nous habitent, ils sont, en quelque sorte, une espèce d´un coup de tafia qui nous soule, nous endormit et nous fait oublier qui nous sommes vraiment et banit en nous tout bon sens de jugement, toute capacité de raisonnement, toute raison, toute logique et toute rationalité de penser et d´agir.

Un blancomanisme ou un négrotisme obsessionnel, exagéré, traumatisant et névrotique est un des pirs fléaux auquel peut confronter une société. Il fut un temps, les Américains blancs ont cru que les noirs - qu´ils soient afroaméricains ou non - étaient la cause majeure de leurs déboires. Même si ces derniers restent encore marginalisés dans la société raciste américaine, cette mentalité est néanmoins révolue. Hutus et Tutsis au Rwanda, tous deux noirs, se sont à tour de rôle diabolisé en inventant des arguments imaginaires et irréels pour faire des uns et des autres les principaux responsables de la misère et la pauvreté du Rwanda. Dans le cas rwandais, les termes blancomanes ou négromanes ne sient pas, mais, par contre, les expressions comme cafards, ravets dont ils s´accusaient réciproquement ne peuvent être que des synonymes de ceux-ci. Si des noirs ont créé des blancomanes et négromanes pour dissiper leurs frustrations et leurs haines, les blancs, eux, ont agi de la même façon en engendrant des négromanes au point d´entamer les uns contre les autres une extermination pas possible.

Enfin, ce blancomanisme, en plus d´être ce bouc émissaire, c´est comme une substance droguante qui, pour un instant, fait extasier les irresponsables que nous sommes pour fuir les problèmes et soucis qui nous traversent, mais lorsque ses effets chimiques passent et s´affaiblissent, nous commençons à revenir sur terre, à nous ressaisir pour faire face à la vraie réalité. Mais, il paraît que nous soyons toujours sous les effets de cette drogue puissante, car nous continuons à accuser ces blancs-noirs ou ces noirs-blancs qui ne sont autres qu´un prolongement de nous-mêmes. En reálité, nos comportement et conduites sociaux font de nous des blancs-noirs ou des noirs-blancs, autrement dit, nous agissons comme des noirs au coeur, à l´esprit, à l´idée, à la pensée et à l´idéologie blancs et vice versa, nous faisons du noir symbole de malheur, de mal, de mauvais et du blanc celui de bonheur, de bien et de bon dont nous jalousons. Donc, en créant ces blancomanes, nous développons un racisme réflexif qui retombe sur nous-mêmes, nous ne cessons de nous mentir à nous-mêmes sur les vrais problèmes qui nous préoccupent.

3. Le blancomanisme: un faux argument pour nous cacher des vérités sur nous-mêmes

Nous avons du mal à croire que nous avons, nous-mêmes, créé ce monstre qu´est le blancomanisme, ce monstre auquel nous avons creusé nous-mêmes une petite place dans notre cerveau, mais dont, malheureusement, nous ne maîtrisons pas les effets qu´il a causés. Cela va de soi parce que l´haitien est dans son for intérieur un être très superticieux, il croit beaucoup dans les contes de fée, dans les rêves, dans les esprits ancestraux, familiaux ou parentaux qui, en venant le visiter, lui veulent soit du bien ou du mal, il est un excellent génie en matière de création des histoires et faits imaginaires, en un mot, la capacité spirituelle imaginative et inventive de l´haitien est énorme et immense, mais, malheureusement, c´est toujours pour la mauvaise cause, cela va toujours dans le sens négatif. En inventant des blancs qui ne sont autre qu´une image représentative de nous-mêmes, il s´avère que nous souffrons de ce qu´il convient d´appeler un blancomanisme névrotique, c´est-à-dire une attitude obsessionnelle qui nous rend nerveux, tout le temps excités et toujours sur la défensive ou l´offensive.

Le blancomanisme est franchement cette sorte d´idéologie qui nous cache beaucoup de vérités à nous voire à nos enfants. C´est un faux argument qui tend à faire de nous les victimes tandis que nous sommes acteurs et agents responsables de nos propres actes et actions. Des vérités sur nous, nos ancêtres, nos origines, notre passé, notre présent, notre futur, notre histoire, notre identité, notre haitianité, notre couleur, notre xénophobisme, notre racisme, notre société, notre communauté, notre environnement, notre culture, notre, personalité, notre langue, notre littérature, notre art, notre musique, notre pinture, juste pour nous inculquer à l´esprit que nous sommes faits pour nous plaindre et être vaincus, non pour agir et vaincre.

A vrai dire, le blancomanisme n´est pas une pensée sociale propre à une classe sociale haitienne bien déterminée où les bourgeois, en se comportant d´une façon différente des gens des classes moyenne et pauvre, seraient les instigateurs de cette pensée, mais le blancomanisme est d´ores et déjà devenu une manière d´être généralisée dans toutes les couches sociales haitiennes, ce, de génération en génération. Le blancomanisme que nous développons dans cette société est une négation de notre haitianisme et une humiliation à la couleur noire de notre peau, en y plongeant nous oublions complètement qui sommes-nous réellement.

La vérité c´est que nous sommes un peuple noir que ses propres actes historiques, paraît-il, poursuivent et condamnent. Un peuple noir qui doit s´efforcer de penser, d´agir, d´être et de vivre comme tel sans quoi c´est le fourvoiement total. Or, chaque peuple a sa propre façon de vivre, de voir le monde, ses propres réalités et son propre univers, alors pourquoi vouloir à tout prix ressembler à l´autre tandis que lui ne cherche aucunement à se projeter en nous? C´est ça le véritable problème de la blancomanie qui ne nous inspire que des mensonges surtout sur nos manières de penser. Quand on est blancomaniste, on veut tout faire à la manière des blancs, on se construit une fausse représentation de soi pour plaire à ses démonstrations pulsionnelles et émotives Si le monde noir intéresse aux blancs c´est à titre de domination et d´exploitation pour en tirer ce dont ils estiment bon et profitable. Notre blancomanie c´est notre manière à nous de jouer les blancs et d´insulter le nègre que nous sommes et dont nous ne sommes pas du tout fiers, ce, en nous autodétruisant, nous humiliant et nous rabaissant.

Dans Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon a peut-être raison de dire que le noir a peur de sa couleur. Il ne veut même pas que quelqu´un en fasse mention. Il refuse qu´on le considère par pitié à la couleur de sa peau. S´il essuie une humiliation ou un échec, il accuse sa noirceur, donc la couleur de sa peau et son origine lui deviennent une sorte de calamité sociale, car le monde qui l´entoure est dominé par les blancs et leurs lois. Cette peur blanche pour ne pas dire blancomaniste est encore bel et bien présente dans les sociétés dites modernes ou postmodernes que l´on croyait être, radicalement, désesclavagisées et décolonisées. Elle est encore plus grave dans les sociétés sous-développées et pauvres. Le blancomanisme haitien - enraciné dans la manière de chacun de penser, d´imaginer et de concevoir les relations entre noirs et blancs - est une fierté recherchée dans la moquerie, la risée, le rabaissement et le désonheur. C´est le seul moyen pour lui d´échapper aux problèmes qu´il a lui-même engendrés, agissant ainsi, il se ment doucement et sciemment.

Ce blancomanisme nous prive de tout sens de l´histoire et nous enlève toute dimension sacrée des choses sociales. Plus récemment, en 2004, en pleine célébration du bicentenaire de notre indépendance, un événement majeur a chassé du pouvoir le président Aristide. Les ''Blancs'' ont, une fois de plus, été mis en cause, alors que nous avons nous-mêmes créé cet événement qui, par respect et révérence pour cette date historique sacrée - considérant que le sacré est inviolable et intouchable - n´aurait jamais dû aboutir à ce renversement survenu en cette année si glorieuse après les mouvements enflammés depuis 2003. Il y a des dates dans la vie d´un individu ou d´une société qui représentent et symbolisent une sacralité de son existence, donc, on ne peut se permettre, en aucun cas, d´en outrepasser ou de les violer, les piétiner au risque d´en subir les conséquences néfastes toute sa vie. Ce seul exemple traduit notre propre conception de l´histoire et de la vie que nous choisissons de mener, celle de nous mentir sans scrupule et de cracher sur nos choses sacrées.

A l´instar de Thomas Sankara qui eut à dire que l´aide alimentaire internationale est un blocage au développement de Burkina Faso, nous pouvons souligner aussi que cette mentalité blancomaniste est un véritable blocage à la résolution de nos problèmes. Il fait de nous des étrangers dans notre propre pays, nous dépouille de tout sentiment d´appartenance, nous incite à nous entretuer, et, même là encore, en agissant de la sorte, nous devrons trouver quelqu´un, un blanc bien sûr, pour lui faire porter notre crime. Sans nous en rendre compte, le blancomanisme est une mentalité très dangereuse que nous ne devons pas traiter avec légèreté et dont nous devons au plus vite nous débarrasser. Quand nous nous mettons à accuser l´autre, les autres ont du mal à nous prendre au sérieux, nous n´avons plus le temps de prendre soin de nous-mêmes, de nous regarder nous-mêmes, de questionner nos actes et de nous interroger sur notre place dans le monde, nous sommes tournés vers l´autre en oubliant nous-mêmes, en nous concentrant sur l´autre nous sommes devenus paresseux, fainéants, médiocres et improductifs. Enfin, le blancomanisme nous réduit presqu´à l´animalité.

Considérations générales

Somme toute, on ne peut pas parler de blancomanisme sans remettre en question le fondement de la structure sociale haitienne qui y est favorablement adaptée. Le blancomanisme est cette espèce de pensée sociale qui envahit tout l´univers culturel, politique, littéraire, religieux et artistique haitien. Cette société est, en quelque sorte, devenue presqu´impensable sans ce blancomanisme. Il faut s´appuyer sur un blanc pour avoir bonne conscience d´être entrain de parler sérieusement de quelque chose, de prétendre dire la vérité. En fait, pour se faire voir, entendre et remarquer en exposant quelques causes ''essentielles'' de l´état d´Haiti, pour se vendre, faire bonne impression d´avoir de vraies raisons convaincantes pour asseoir et défendre ses arguments, il faut nous référer à un blanc. C´est un héritage colonial cher à beaucoup d´Haitiens.

Le vrai combat à mener aujourd´hui c´est contre cette mentalité blancomaniste et, s´il faudrait le marquer par une date historique, l´année 2017 est une occasion très propice qu´il ne faut surtout pas rater. Il est grand temps de cesser d´accuser les ''Blancs'' que nous inventons nous-mêmes, qui sont, si l´on analyse plus profondément les faits, un faux pour ne pas dire un négatif de nous-mêmes. Le moment est venu de nous charger de notre croix, même si c´est sur elle que nous devrons se faire crucifier, de faire disparaître de nos pensées ces blancs. Nous devons nous désarmer et nous libérer de ce blancomanisme afin de nous armer de courage, de force et d´énergie pour nous attaquer à nos propres réalités, ce, en faisant le vide dans notre cerveau par la méditation.

Cet exercice nous permettra de nous asseoir comme des gens honnêtes, sérieux, respectueux et responsables pour poser tranquilement et calmement les grands problèmes qui nous assaillent au lieu de gaspiller notre temps à accuser ces soi-disants blancs. Des blancs, des noirs, des jaunes, des métisses, des indiens etc., oui, nous en avons besoin, en fait, nous avons besoin de tous ceux et toutes celles à qui nous saurons et pourrons communiquer nos nécessités selon notre propre orientation.

Jean FABIEN
Janvier, 2017

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