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dimanche 17 septembre 2017

HAITI, DE L´INSUBORDINATION DANS LES RELATIONS SOCIOHIÉRARCHIQUES ENTRE PEUPLE ET ÉLUS: LE BUDGET NATIONAL À L´ÉPREUVE

Résumé

Le budget national 2017-2018 suscite des débats et des violences collectives. Cela démontre les intérêts divergents qui l´entourent. Outil de travail, il crée des ennemis et fait des amis. L´objectif de cet article n´est pas de faire une analyse systématique et dialéctique du budget, car, sans le texte il nous est impossible d´accomplir une telle tâche, mais d´essayer d´interpréter le comportement des élus qui, n´écoutant pas le cris des mandants, veulent leur imposer un budget qu´ils contestent. Ce que nous appelons une insubordination s´il faut admettre qu´en démocratie qui a consacré le principe de la souveraineté populaire, les subordonnés sont les élus, le patron le peuple. En outre, le principe sociohiérarchique veut que les premiers fassent la volonté du second et exécutent ses ordres, or, dans les faits c´est le contraire. Comment  à partir du vote du budget pouvons-nous comprendre cette relation d´insubordination où les rôles entre peuple et élus sont confus et inversés?

Introduction

Il est devenu comme une sorte de culture politique ou sociétale en Haiti de ne pas mettre chaque chose à sa place comme quoi cette société, étant à la fois très spéciale et paradoxale où le normal s´impose en anormal et vice versa, a la tête renversée comme des pyramides d´Égypte. Tout y est inversé, en particulier les relations sociales hiérarchisées où l´élève remplace l´enseignant, l´étudiant le professeur, le salarié le patron, la famille la société, enfin, l´élu le peuple. C´est surtout sur ce dernier aspect que, dans cet article, nous aimérions mettre l´accent où le budget national occupe un point central de ces relations sociohiérarchiques. En effet, expression des relations sociales, politiques et économiques entre les élus et le peuple, le budget est une arme à double tranchant en ce sens qu´il unit et divise, qu´il fache et rassure en même temps. 

Les mécontentements qu´il a provoqués ces derniers temps tendent à monter que l´ordre sociohiérarchique existant entre les élus et le peuple fait face à un dilemme. De plus, les violences qu´il a engendrées au cours des dernières manifestations - qui auraient dû être évitées d´ailleurs -  traduisent une sorte d´insubordination qui, elle-même, signifie purement et simplement l´entêtement des subordonnés, savoir, les élus, à agir contrairement à la volonté de leur patron en l´occurrence le peuple. Mettant à l´épreuve le budget national dans son aspect interrelationnel et le grogne qu´il suscite au milieu de la population, notre réflexion se penchera sur une question de relation sociale d´insubordination entre peuple et élus surtout dans les décisions que ces derniers prennent. Ainsi, nous allons nous efforcer à trouver une réponse à cette question: entre le peuple et les élus qui est le véritable patron? 

1.  Récapitulation des faits

Il ne m´est pas possible de rentrer dans les aspects techniques et analytiques du budget national, d´ailleurs, ne l´ayant pas sous les mains, je ne peux y apporter aucun jugement de valeur et une analyse minutieuse. Ce serait faire preuve d´une improbité intellectuelle gravissime. Néanmoins, toute rumeur écartée, il faut admettre d´entre de jeu que le budget suscite des problèmes et les protestations tendent à le prouver. Et, il me paraît tout à fait normal qu´il engendre autant de difficultés à l´appliquer, car cela traduit, d´une part, une certaine maturité politique du peuple en ce sens qu´il s´est créé lui-même avec force une place dans les hauts débats de politique économique jadis réservés aux grands esprits.  Mais, nos réflexions s´articuleront autour des faits, c´est-à-dire les dissensions sociales que le budget suscite pas seulement dans les milieux social, politique, économique, financier et commercial, mais encore dans les milieux populaires. Les révoltes populaires de la semaine écoulée montrent comment les relations se décousent entre élus et peuple, d´où le phénomène de l´insubordination.

Alors que le président s´entête à le publier tel quel en faisant fi des opinions des structures sociales et politiques organisationnelles qui le dénoncent comme un crime de haute trahison et d´injustice sociale, le secteur syndical crie au scandale et appelle à la grève générale la semaine prochaine. C´est un réflex normal de peuple dans toute société, de se soulever contre une décision qui va à l´encontre de ses intérêts. De plus, c´est un droit légitime et souverain qu´il détient de remettre en question les agissements de ceux et celles qu´il a élus(e) jusqu´à les révoquer s´il le faut. Toutefois, il faut admettre que du point de vue de la sociologie politique, le budget au-delà de son statut de loi, est un espace social et démocratique de débat intellectuel sérieux et approfondi, autrement dit le plateau sur lequel se jouent les cartes des grands intérêts. Donc, espace par excellence de la dialéctique politique et d´interaction sociale, la loi budgétaire conditionne la vie de tout un peuple. Cependant, ce débat ne peut en aucun cas être celui qui s´ancre à un sourdisme et à un aveuglisme. Il doit porter sur des stratégies intelligentes et concrètes de sortie de crise.

2. L´insubordination des élus face au patronat tout-puissant du peuple

Alors, cette situation traduit ce qu´il convient d´appeler une insubordination des élus de l´État par rapport à leur patron superpuissant, savoir, le peuple. Mais, le président est le dirigeant et le peuple le dirigé, comme peut-il en être également le subordonné, n´est-ce pas incohérent de dire cela? La hiérarchisation sociale se caractérise par des relations d´intérêts dirigeants dirigés ou dominants dominés, elle rentre dans le cadre du droit administratif à partir des principes sociojuridiques sur lesquels la société fonde essentiellement ses raisons d´être, et sur lesquels les relations entre les différentes classes sociales se greffent également. Par ailleurs, le contrat social dans sa dimension sociodémocratique consacre un principe universel qui est celui de la souveraineté du peuple et sa suprématie par rapport aux élus qui sont, par ricochet, ses subordonnés pour la simple et bonne raison que c´est lui qui fait d´eux des autorités et les paie à travers ses taxes, impôts et autres obligations fiscales pour le servir. Et, voilà pourquoi quand ces derniers passent d´autorité à l´autoritarisme, de la démocratie au démocratisme ou à la maladiocratie, de la gouvernance au dirigisme, le peuple ne peut ne pas les rappeler à l´ordre par des mouvements sociaux, des soulèvements, des révoltes et même des violences collectives. Ici, nous nous retrouvons dans le cadre de l´accomplissement des devoirs démocratiques  qui transcendent les règles de droit administratif. 

Dans la démocratie - qu´elle soit représentative ou autre - c´est le peuple qui décide, avec son vote c´est lui qui donne des ordres, c´est lui qui est de fait au commande dont une partie est confiée de droit à ses mandataires. C´est, en outre, lui qui dicte aux élus ce qu´ils doivent faire et dans quel sens ils doivent conduire les politiques sociales, ce sont ses opinions qui vaillent, et, toute intention ou volonté de ne pas prendre en compte ses opinions n´est autre qu´une insubordination et une dérogation au principe démocratique qui fait de lui le super patron de tous ses élus. D´où le sens crucial du mot souvenrain reconnu au peuple. Soit qu´on est dans une démocratie soit qu´on n´est pas dedans. Et, quelque soit son niveau de déliquescence, la démocratie reste ce qu´elle est: le pouvoir suprême et intransmissible du peuple. 

Les principes démocratiques, inaliénables et inviolables, sous-entendent que le peuple a toujours raison que c´est à lui que revient le dernier mot. C´est pour cette raison que nous qualifions d´insubordination non pas politique, mais démocratique tout comportement des élus de l´État qui jouent au sourd aux injonctions du peuple. Par exemple, quand celui-ci leur enjoint de ne pas valoriser le budget à problèmes, mais ils persistent dans leur projet, ceci ne peut être qu´une insubordination, c´est dire le fait de ne pas respecter les principes démocratiques et de persister dans l´erreur. Entrepreneur et patron qu´il était ou qu´il reste toujours, je suis sûr que le chef de l´État ne supporterait une seconde que ses ordres soient méprisés par ses employé d´Agrotrans. Il en est de même du peuple, le seul et véritable patron des élus y compris lui, l´employeur super puissant et par excellence de tout élu dans tout système démocratique. Ainsi donc, sans qu´il ne s´agisse d´un angélisme ou d´un déisme du peuple, il y a lieu de comprendre que dans l´ordre hiérarchique démocratique le peuple occupe la suprématie et ses intérêts sont au-dessus de tout.

Or, comme le savent aussi bien que moi les employeurs, toute insubordination suppose des sanctions allant du blame à la révocation en passant bien sûr par les mises en disponibilité. Je pense que l´acte d´insubordination ayant été déjà consumée au parlement après le vote du budget dans des termes presqu´unanimes,  il ne reste que le blame et le préavis ou les avertissements avant d´arriver à la révocation. Dans le cadre démocratique de relation peuple et élus, les manifestations, les révoltes, et, malheureusement, les violences collectives traduisent ses avertissements à la rigueur le blame. Donc, c´est ce qu´ont traduit les manifestations populaires de la seconde semaine de septembre, c´est-à-dire la chance pour les élus de se ressaisir du mal qu´ils s´apprêtent à commettre à la société en voulant imposer ce budget, de se refaire, de se regarder en face et prendre conscience d´eux-mêmes. 

Le but d´un blame ou d´un préavis ou de tout autre type d´avertissement est de porter l´insubordonné à revoir son comportement discrédité et reproché par le supérieur hiérarchique tout en le corrigeant une bonne foi pour toute. Dans cette situation gravissime d´insubordination dont il est question ici, la principale bête noire à blamer c´est le parlement qui s´est comporté de manière hypocrite pour n´avoir pas défendu effectivement les intérêts du peuple. Ainsi, en agissant de la sorte, il perd catégoriquement son droit de représenter celui-ci qui, à un moment donné, doit prendre le controle de ses propres revendications, car le temps de compter sur ses représentants -véreux, avares et cupides de surcroît- est désormais révolu. 

3. Le Parlement, le véritable traitre

Le principal traitre et hypocrite dans cette affaire d´insubordination n´est autre que le parlement. En votant le budget rejetté par le peuple parce qu´il ne réflète pas ses avantages comme cela aurait dû être, il se coupe du peuple et devient automatiquement son ennemi, contredit ses intérêts et, en conséquence, trahit sa confiance et met en jeu son mandat populaire. Manipulés ou pas - ce qui constituerait une insulte à l´intelligence et à la conscience collective - ces soulèvements populaires traduisent l´involonté et le refus d´une partie du peuple qui ne se connaît pas dans cette nouvelle loi budgétaire qui, se préparant à entrer en vigueur ce 1er octobre 2017 pour terminer le 30 septembre 2018, est une arme à la fois politique et juridique de combat. Il traduit la vision de société tant sur le plan sociopolitique qu´économique des dirigeants. 

Le parlement c´est le peuple qui agit indirectement, mais il n´est pas le peuple. Cela veut dire que les deux sont distincts, et, même s´ils sont appelés à travailler en symbiose, leurs intérêts sont le plus souvent divergents. Or, le parlement c´est le bras droit et l´institution de confiance du peuple, comment son action peut-elle aller dans le sens contraire à la volonté de ce dernier? Les élus doivent-ils faire leur propre volonté ou celle du peuple qui les a élus? Le rôle de tout mandataire n´est pas de mettre le mandant dans une situation embarrassante, ni de l´attrister en avilissant ses intérêde, ni d´hypothéquer le mandat qui lui est confié, mais de le sortir de son inconfortabilité par rapport à une situation, lui donner de la confiance et de l´assurance. Ce rôle principal se traduit, dans un esprit d´avocature et de justice sociale, par la défense des intérêts du peuple.

Or, ces insubordinations ne sont nullement nouvelles dans la société haitienne. Toute la vie politique, sociale, culturelle, professionnelle, économique de celle-ci en est marquée. Et, lorsque les rôles sont si bêtement inversés, il faut s´attendre au cahos, à la terreur, au désordre généralisé, à la corruption, à la rebellion, à la révolte, à l´anarchie totale, mais surtout à la résistance. Ce sont ces insubordinations des élus et ces inversements de fonctions qui ont accouché toutes les dictatures passées au cours desquelles le peuple a cédé son rôle de souverain décideur au profit de la peur. Et, il y a lieu de comprendre que le dynamisme de la dictature commence soit par le silence ou la tahison ou le musèlement ou l´ignorance ou le faire semblant du parlement jusqu´à sa destitution irreversible lorsque le dictateur finit par avoir sous son controle toutes les institutions clés. Or, c´est le moment qu´Haiti est entrain de vivre actuellement.

Le parlement qui était censé se placer au côté du peuple pour lutter contre ce budget qu´il dénonce avec véhémence, force et énergie, c´est encore lui qui l´a trahi. Par conséquent, même si nous ne nous précipitions pas de dire qu´une autre dictature factuelle se forme, mais il y a lieu de comprendre que l´acte posé par le parlement est celui de la haute trahison, signe embryonnaire de toute dictature. Ainsi, quand le parlement, le centre de la manifestation des besoins populaires, et la présidence, les seules et uniques institutions de prédilection qui incarnent la volonté populaire sont démissionnaires par rapport à leur rôle de protecteur et de défenseur des intérêts du peuple, nous sommes tombés dans l´insubordination totale par rapport aux relations sociohiérarchiques qui doivent exister entre eux.

Considérations finales: la voie de la raison

Il est appelé aux élus de faire preuve d´inteligence, de dicernement et de lucidité en se détournant de la voie d´incrédulité et d´entêtement pour embrasser celle de la raison. Les casses, les violences, les incendies des voitures et les actes de vandalisme issues des manifestations populaires de la semaine écoulée, même s´ils sont à déployer et à condamner avec la dernière rigueur, ont, néanmoins, eu pour cause factuelle le budget auquel le peuple a du mal à s´identifier. S´il en est ainsi, c´est que le bon sens veut que vous compreniez qu´un basta vous est imposé par le peuple afin de repenser les choses. Cette culture selon laquelle c´est les dirigeants qui doivent toujours avoir raison sur le peuple est répressive, dépressive et contre productive, car il est impératif que tout élu travaille au bien-être de son électeur, son seul et unique patron. L´employé ne peut se substituer au patron et vice versa, en d´autres termes les élus ne remplacent jamais le peuple, mais ils le représentent. Et, quand cela n´est l´ordre des choses est inversé, il faut se préparer plus tard aux jours difficiles et compliqués.

En résumé, en démocratie, les relations entre élus et peuple; représentants et représentés; dirigeants et dirigés; mandataires et mandants sont toujours caractéristiques d´insubordinations. Elles se traitent différemment, car le seul recours du peuple aux insubordinations parfois insupportables et répétitives de ces derniers ce sont les soulèvements, les violences, les révoltes et les manifestations. L´insubordination est un acte irrespectueux envers le principe de la souveraineté du peuple, elle enfreint les règles démocratiques et constitue un frain au développement social et économique et un obstacle à la stabilité politique, car elle suscite trop de colère et d´animosité chez le peuple.

Campinas, 16 septembre 2017