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JEAN-CLAUDE DUVALIER: DE CONVOCATION EN CONVATION ET ENFIN?



Après le puissant séisme du 12 janvier 2010 qui a permis à Haiti de se frayer une place prépondérante et plus attentionnée dans l´actualité internationale, il revient maintenant au dossier d´accusation de Jean-Claude Duvalier d´être sur la première page de tous les journaux depuis le début de l´année 2011. En effet,  accusé, d´une part, par l´état haitien de crimes économiques, de crimes contre l´humanité et de crimes de sang par des victimes de son régime, de l´autre, "Baby Doc" devient désormais une préoccupation à la fois nationale et  internationale. Son dossier a fait une entrée triomphale parmi des milliers d´autres à caractère politique, mais surtout juridique, qui se règlent sur l´échiquier mondial. Ce dossier, outre qu´il soit haitien, interpelle particulièrement les intérêts des organismes de défense des droits humains tant à caractère national comme le RNDDH, le collectif contre l´impunité qu´international tels que, le Human Rights  Watch, l´Amnesty International pour ne citer que ces supers inffluents dans ce dossier. Les autorités judiciaires haitiennes se montrent extrêmement déterminées à poursuivre M. Duvalier. Mais, connaissant la nature des relations internationales qu´Haiti entretient avec la France, le Canada et les États-Unis, je me demande si cette volonté est naturelle, c´est-à-dire si elle émane réellement de ces autorités? Je dirais même s´il s´agit d´une volonté volontaire. Cela sous-entendrait-il que je ne fais pas confiance à la justice de mon pays? Mais comment faire confiance à une justice qui n´a pas confiance en elle-même? Comment croire en une justice qui est bancale, maladive et corrompue? Toutefois, le fait est qu´une fois ayant été saisie des plaintes portées contre cet ancien dictateur soit par l´état haitien ou par des citoyens victimes de son régime impitoyable, la Cour d´Appel ne le lâche d´une semelle.

En fait, M. Duvalier affiche vis-à-vis de la Cour une attitude très arrogante pour avoir boudé à trois reprises ses convocations en évoquant pour chacune de ces convocations des prétextes fallacieux. D´un côté, entant qu´ancien dictateur, il se croit être non justiciable de la justice haitienne, d´ailleurs il a grandement contribué pour qu´elle soit dans cet état de décomposition, de l´autre, il se veut être un marron. Cependant, M. Duvalier a peut-être oublié que même s´il reste des séquelles à la fois psychologiques et physiques de son régime dictorial en Haiti, même si ce pouvoir ''Tèt Kale'' se réclame de son régime, même s´il a toujours ses sympatisans, ce qu´on ne peut pas empêcher, mais qui est perçu comme très paranoiaque, malgré toute la faiblesse qu´accuse la justice haitienne, il reste et demeure un justiciable de cette justice. Cette justice a besoin d´être forte pour le juger. Par ailleurs, M. Duvalier doit se rappeler également que nous ne sommes plus au temps de l´esclavage pour pratiquer le marronnage. Même au temps de la colonie, il n´était pas si difficile de capturer un marron, donc toute chose a sa fin. En vertu d´un tel comportement, M. Duvalier parvenait à gifler la justice de son propre pays. Le fait de bouder trois convocations de la justice caractérise des injures graves à l´endroit des autorités du pays. Et cela ne doit être toléré sous aucune forme. Il faut être vraiment un dictateur de cette taille pour agir de la sorte. Jusque là, la justice haitienne s´est montrée très patiente envers lui malgré tout ce manque de respect à son égard. Mais, même la patience a ses limites. Par conséquent, une quatrième convocation lui a été signifiée cette fois avec le concours du Parquet de Port-au-Prince qui devra lancer un mandat d´amener contre lui. Selon cette convocation, si ce n´est la dernière, de gré ou de force, M. Duvalier est tenu de se présenter en personne ce jeudi 28 février 2013 à la Cour d´Appel pour être auditionné, en présence de ses différents accusateurs, des différentes associations de défense de droits humains, des représentants de la communauté internationale, sur les crimes qui lui sont réprochés.

La question est de savoir si le Parquet a déjà émis le mandat à l´endroit de M. Duvalier? Est-ce qu´il sera à l´audience de gré ou de force? Sur ce, les propos de ses avocats se contredisent. Selon Me. Fritzo Canton, il sera là de gré, mais Me. Georges affirme que la défense envisage d´intenter une action en récusation des juges qu´il qualifie d´être incompétents pour lancer un mandat d´amener contre son client. Quel astuce de la part de tels avocats! En effet, les avocats de M. Duvalier semblent être plus habiles en matière de faire des palabres plutôt que de régler l´affaire juridiquement. Lorsqu´il ne s´agit pas d´un prétexte dû à des raisons de santé, ils avancent de préférence la thèse selon laquelle c´est une affaire qui ne nécessite pas la présence de M. Duvalier, donc il peut se faire représenter par un de ses avocats ou encore ils évoquent l´incompétence des juges soupçonnés de complot et de tout ce que l´on pourrait imaginer avec un Me. Georges de plus en plus moqueur dans ses propos. Si sa présence n´était pas nécessaire, pourquoi alors trois convocations consécutives lui auraient été signifiées jusqu´à parvenir à une quatrième qui mentionne que sa présence est impérative? Face à cette quatrième convocation, même si M. Duvalier s´amène volontairement jeudi prochain à l´audience, c´est quand bien même de force que sa présence y aura été constatée, parce qu´il s´est laissé contraindre à la dernière minute par la justice pour faire acte de présence après tant de semaines de marronnage sous le couvert des excuses futiles. Par audace, ses avocats ont osé faire un pourvoi en Cassation sans que l´affaire ne soit encore vidée par devant la Cour d´Appel en s´imaginant  qu´avec ce pourvoi en cassastion la poursuite entamée par la Cour contre M. Duvalier aurait pu être suspendue. Mais, ce faisant, avec tout le respect que je dois à ces professionnels du droit, ils ont tenté d´induire en erreur le juge en prétendant oublier qu´un pourvoi en cassation ne peut suspendre une affaire pendante par devant la Cour d´Appel. Ils l´ont fait de bonne foi en voulant tromper les juges. Mais ces derniers, maîtrisant parfaitement bien leur métier, ne se sont pas laissés faire.

Je me demande est-ce que la Cour de Cassation, la plus haute instance de justice en Haiti au même titre que la Cour Constitutionnelle en France dont les décisions sont irrevocables, peut recevoir dans ses grefs une affaire qui est toujours pendante à la Cour d´Appel? On m´a appris en droit qu´un pourvoi en cassation peut s´exercer généralement dans deux cas figures: le premier contre une décision rendue par la Cour d´Appel, le second si et seulement si l´incompétence de ladite cour a été constatée, dans ce cas elle n´aura pas à surseoir et l´affaire sera portée directement par devant la Cour de Cassation. Alors contre quelle décision les avocats de M. Duvalier ont pourvu en cassation? Ou si l´incompétence de la Cour a été constatée, pourquoi est-elle parvenue à émettre jusqu´à une quatrième convocation? Si le dossier tel que mentionné par les avocats de M. Duvalier a été effectivement reçu par la Cour de Cassation, pourra-t-elle rendre une décision antérieure à celle que doit rendre la Cour d´Appel? Si la Cour de Cassation ne rend pas encore ses decisions, attend-elle celles de la Cour d´Appel? Non, loin de là, la Cour de Cassation n´est point liée par les décisions de la Cour d´Appel. Ainsi, cette situation où les mêmes affaires se trouvent actuellement pendantes par devant deux jurisdictions différentes complique les procédures.

Cette quatrième convocation lancée sous ce ton autoritaire, et de plus, impliquant le Parquet, sera-t-elle la dernière? M. Duvalier, si l´on doit croire Me. Canton, se présentera-t-il à la Cour? Et dans l´hypothèse qu´il se présente qu´est-ce qui va se passer? N´est-ce pas un scénario que la justice se prépare à monter de toute pièce pour blanchir M. Duvalier? Quel résultat pourrait-on attendre de cette audience? Ce ne sont que des questions qui interpellent notre sens critique sur cette affaire qui revèle d´une portée internationale puisque M. Duvalier est l´un des dictateurs dont le monde entier réclame la tête. L´affaire donne l´apparence d´être plus internationale que nationale compte de l´implication de ces organisme internationaux de droits humains qui veulent à tout prix le jugement de M. Duvalier pour tous les crimes qu´il commis ou qui ont été commandités sous son régime. De ce fait, Haiti se trouve aujourd´hui dans ce carrefour: juger Jean-Claude Duvalier ou le blanchir? Ce n´est pas parce que tout le monde réclame sa tête qu´il sera condamné par la justice, mais en droit c´est avec les faits et les preuves à la main qu´on se bat. Il est vrai que le monde entier sait qu´il était un potentiel dictateur, certaines personnes victimes de son régime sont encore vivantes, mais est-ce qu´elles ont porté plaintes à la justice? Si oui, ces plaintes sont-elles fondées pour pouvoir bien mettre la partie défenderesse dans ses petits souliers? Tout défaut d´argumentation et de preuves juridiquement solides, tout vice de forme de procédure et toute pièce à conviction manquante dans ce dossier  peuvent jouer en faveur de M. Duvalier. Car, Haiti connaît un problème d´archives grave et l´accès aux informations sur un dossier de ce genre n´est pas chose aisée, tout ceci, par conséquent, peut être favorable à M. Duvalier. On ne pourrait imaginer comment tout le monde a soif de voir Haiti parmi les pays qui ont déjà réussi à juger puis condamner leur dictateur. Ce serait une grande victoire non seulement pour toutes les victimes du régime duvaliériste, mais surtout pour la justice haitienne. C´est une opportunité qui est offerte à la justice haitienne de gagner automatiquement la confiance de la majorité des haitiens qui n´ont pas toujours cru en elle. C´est un rêve qui n´est pas loin de se réaliser, mais juridiquement parlant je crains qu´il y ait des preuves convaincantes pour aboutir à la condamnation de Baby Doc. 

Il est vrai que c´est un dossier très brulant et que juger M. Duvalier dans le contexte actuel du pays, s´avère une tâche extrêmement difficile, mais ne faut-il pas qu´un jour un pas soit franchi et que la justice haitienne marque un point pour de bon sur ceux qui l´ont méprisée?  Si la justice haitienne s´estime être menacée par cette affaire et qu´elle ne détienne pas suffisamment de possibilités pour la mener jusqu´au bout, elle peut solliciter le concours de la Cour Interaméricaine de Justice parce qu´étant membre de l´OEA, Haiti reconnaît la compétence de cette cour. La crainte repose sur la capacité de la justice à parvenir à un jugement réel et juste de M. Duvalier. Cependant, malgré toute sa déliquescence, la justice haitienne se touve pressée par quelques associations nationales de défense des droits humains comme le RNDDH, le Collectif contre l´impunité, appuyés par certains organismes internationaux en vue de rendre une décision favorable aux victimes du régime de M. Duvalier. Selon eux, ce ne sera pas uniquement une justice pour les victimes, mais pour le pays tout entier  voire pour le monde. Et cette victoire de la démocratie et de l´état de droit sera dédiée plus particulièrement à tous les pays qui ont connu la dictature comme Haiti. Voilà pourquoi ces organisations ont salué grandement la décision de la Cour d´Appel de demander à M. Duvalier pour une quatrième fois de se présenter tout en recourant à la diligence du Parquet auquel elle prie de décerner un mandat d´amener contre ce récalcitrant qui ne cesse pas de fuir  la justice nationale. On sait bien qu´en matière de justice,  Haiti accuse une déliquescence extrêmement grave vu que quelques-uns de ces potentiels dirigeants tels que l´ancien président Jean-Bertrand Aristide, accusés de malversations, se promènent tranquilement sans craindre la justice. Le chemin à parcourir pour qu´elle puisse sortir de cet état est très long, quoique cette fois, elle se décide plus que jamais à montrer ses griffes.

Enfin, je présume que la volonté ne manque pas à la justice haitienne de poursuivre, de juger et de condamner qui que ce soit, sutout un personage comme M. Duvalier qui est, malgré tout, un ancien président, mais tout est une question de moyens. Par exemple, garantir la sécurité à un juge appelé à statuer sur un dossier de telle envergure n´est pas une mince affaire. C´est un dossier de grand intérêt. Haiti va-t-elle râter cette chance de rentrer dans les annales de l´histoire d´avoir, pour la première fois, jugé et condamné un dictateur? Ce dossier s´avère une excellente occasion pour Haiti de faire valoir réellement son état de droit que les dirigeants ne cessent de chanter à longueur de journée comme des rossignols. Entre blanchir et condamner M. Duvalier, c´est comme entre l´enclume et le marteau, il faut éviter de mettre le doigt, donc la justice aura-t-elle peur d´y mettre le doigt? Je pressens, par contre, qu´une espèce de scénario monté de toute pièce par la Cour se prépare. Il parait que la seule satisfaction de cette dernière serait de voir M. Duvalier en personne et puis c´est tout. Je doute fort qu´après cette audience quelque chose de concret puisse être sorti en faveur des victimes du régime de Duvalier pour des raisons que j´ai évoquées précédemment. Néanmoins, si la justice haitienne râte cette chance, ce sera très dur pour elle et Haiti connaîtra une crise qu´elle n´ait jamais eue depuis son existence.



Février 2013

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