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dimanche 22 février 2015

HAITI, FACE À PHÉNOMÈNE DE L´IMMOBILISME SOCIAL ET POLITIQUE[*] (DEUXIÈME PARTIE)

2.      LE MUTISME PRÉVALIEN
Pour certains analystes politiques et directeurs d´opinion le comportement d´homme mutiste, indiscret et peu bavare de M. Préval n´est pas le fait de son tempérament et de son caractère naturel. Ce n´est pas non plus un simple choix innocent, mais une fine stratégie politique mûrement réfléchie compte tenu de sa compréhension de la physionomie politique haitienne. Cette formule marche et s´avère jusque là une réussite, car contrairement à son ancien coéquipier qui l´a inicié dans la vie politique haitienne en ayant fait de lui, en 1991, son Premier ministre, nous voulons parler donc de Jean-Bertrand Aristide, il a réussi ses deux quinquenats dont le premier de 1996 à 2001 et le second de 2006 à 2011, ce, en ayant évité tout populisme dérangeant, tout propagantisme médiatique nocif et toute résistance avec un international qui le tient à la gorge et entre les mains duquel se trouvent le controle du système politique et économique du pays. Il s´est ramolli en se comportant comme un liquide qui prend la forme de chaque récipient dans lequel il est versé ou encore un argile dans la main d´un potier qui le façonne comme bon lui semble et lui donne la forme qui lui plaît, ou plus exceptionnellement un caméléon politique dont la couleur métamorphosée est celle de chaque feuille d´arbre sur laquelle il se pose. Dans ce cas de figure, nous nous référons à trois entités: le peuple, l´international et l´opposition politique.
M. Préval est, si ce n´est le meilleur, l´un des rares dirigeants politiques contemporains haitiens qui maîtrise mieux que ses prédécesseurs la culture politique haitienne,  le jeu diplomatique mafieux de l´international, les épines que tend le plus souvent l´opposition aux hommes d´État et la meilleure stratégie de s´adresser au peuple pour le calmer en faisant semblant d´entendre ses révendications. Il a mis en place une technique de dirigisme politique et de conservation du pouvoir propre à lui, celle qui consiste à ne pas être trop bavard, à ne pas être toujours au devant de la scène, à ne pas être un amant du micro de la presse, à se taire et ne parler qu´au bon convenable, enfin, celle que nous appelons ici un mutisme politique. Puisqu´il a produit des résultats plus ou moins positifs, alors ce comportement ou cette formule politique est à prendre au sérieux. Cette formule lui a valu la dextérité de dévier les deux principaux acteurs extrêmes, savoir, l´international et le peuple, pour pouvoir lui-même s´en sortir intact sans causer le moindre dommage, la moindre frustration à l´une ou l´autre des trois parties.
             De fait, il a réussi avec, mais sans le peuple. Il a sauvé sa peau en noyant le peuple qui ne sait pas nager. Il savait pertinemment ce qu´il disait en demandant au peuple de nager pour sortir. Mais, le mutisme n´est pas nouveau dans l´histoire du comportement des hommes d´État haitiens. Préval incarne le style de Pétion dans son attitude de chef d´État qui n´aime pas trop se prononcer sur les sujets qui dérangent et blâmer ses coéquipiers. En effet, Pétion était un chef d´État très peu bavard, discret et fermé, alors c´est dans cette même trampe que l´on retrouve M. Préval. Avec une telle stratégie, il est difficile de savoir ce qu´il manigance, ce qu´il a derrière la tête. Rappelons les faits pour mieux comprendre.

2.1. Première caractéristique du mutisme prévalien
        Au cours de la gouvernance de M. Aristide, M. Préval, Premier ministre à l´époque, a été pratiquement un premier ministre fictif, figuratif voire édenté, comme on le dit dans le langage haitien un premier ministre pope twèl, c´est-à-dire celui dépourvu de pouvoir de décision et dont le rôle se résume uniquement et strictement à l´approbation de tout ce que désire le chef en l´occurrence Aristide. Du point de vue théorique et constitutionnel, il fut un premier ministre rempli de pouvoirs, par contre sur le plan pratique il était absolument dans l´impossibilité de remplir correctement ses rôles. Face à un président super star, m´as-tu vu en plus, qui se veut être le suprême maestro au devant de la scène, seul à être vu, applaudi et acclamé du public, il ne pouvait que s´obscurcir. M. Préval ne se gênait pas d´être un Premier ministre effacé. Il s´est laissé faire. Pourquoi? Il faut dire que M. Préval était à l´école politique haitienne, il était entrain de se former et de se choisir un style de gouvernance. Par ailleurs, il faut rappeler que M. Préval était en exil avec M. Aristide et est revenu au pays en 1994 en sa compagnie, donc il comprenait même le soupir du chef et a eu le temps de se former auprès de lui, néanmoins, il a gardé son propre caractère et son originalité. Vu sa fidélité et son dévouement au chef, celui-ci a joué toutes les cartes pour le soutenir par ses manoeuvres politiciennes à devenir son successeur en 1996. Et, même en accédant à ce poste dignitaire, n´ayan pas encore acquis une certaine maturité politique, il a fallu que M. Préval plaise à M. Aristide, car après avoir dépensé toutes ces énergies, il lui était redevable. Ainsi donc, il s´est revêtu un costume de chef d´État pas trop différent de celui d´autrefois quand il était premier ministre, c´est-à-dire un président fictif, soumis et pratiquement effacé à cause des redevances envers celui qui en quelque sorte tenu sa main pour faire de lui un chef pas à proprement parler, mais un chef quand même. 
       Constitutionnellement et visiblement M. Préval était le président d´Haiti, mais en principe, politiquement parlant c´est M. Aristide qui dirigeait le pays, et M. Préval ne pouvait même pas déplacer une pierre sans qu´il ne soit pas tenu de le mettre au courant. M. Aristide agissait de la sorte dans la perspective de conserver le pouvoir en passant très courtement la balle à son dauphin tout en attendant impartiemment qu´il la lui retourne. Le chef est un affamé de pouvoir et cela doit être compris. En tout cela, M. Préval apprend, comprend et commence à confirmer son comportement mutiste. Dans son mutisme il se laissait donner la forme qui plaît au chef. Déjà, à partir de là, nous commençons à entrevoir la construction du mutisme politique de Préval caractérisé, d´une part, par un silence quasiment absolu de Préval, par un laisser-faire librement concédé à d´Aristide d´autre part. Intelligemment, M. Préval laissait remarquer à tout le monde qu´il y avait une main mise d´Aristide sur tous les pouvoirs de l´État. Donc, M. Préval jouait un rôle de rebond et de couverture. Pris au piège d´un chef très populiste, Préval a donc choisi de se retrecir, ce, même au détriment du peuple. En fait, il n´avait que cette seule option, et, pour sauver sa peau, il lui était impératif d´agir de la sorte.
            Cette première image du mutisme prévalien a précipité le pays dans un immobilisme social, politique et économique total en ce sens qu´au lieu de se consacrer à travailer au profit du pays, il se surveillait à voir quand est-ce que tel acte posé plaît ou pas à son chef, c´était une sorte d´obsession affectionnelle et une contrainte dans le sens magico-politico-religieux du terme. Pour pouvoir sauver sa tête, son premier mandat et sa réputation en tant que président, et pour s´assurer que la balle sera bien remise à son coéquipier qui s´impatiente de voir poindre le moment pour reprendre sa place comme si l´État était un bien privé, il se décidait à se taire sur des sujets dérangeants pour les puissants secteurs, qu´il soit le secteur économique, les groupements politiques et l´international, pourtant fondamentaux pour améliorer le sort du peuple. Ainsi, le mustisme prévalien de 1996 à 2001 est un prolongement du populisme démagogique d´Aristide, mais avec une touche et une dexterité prévalienne. Au même titre que le populisme aristidien de 1990 à 1991 et de 2001 à 2004, ce mutisme n´a fait qu´enterrer les intérêts du peuple en immobilisant le pays.

2.2.            Seconde version du mutisme prévalien
Si le mutisme de M. Préval de 1996 à 2001 était une stratégie politique qui lui imposait l´avarice de M. Aristide et pour mieux s´échapper particulièrement à ses menaces d´Aristide, celui de son second quinquenat de 2006 à 2011 lui a été imposé par divers facteurs, parmi lesquels nous aimerions citer la pression internationale qui est omniprésente dans la politique haitienne, l´opposition démocratique de plus en plus forte et renforcée, l´épineuse question du retour de deux anciens présidents exilés, en l´occurrence M. Duvalier et M. Aristide, l´affaire de la CIRH et l´insatisfaction accrue des besoins sociaux, alimentaires et sanitaires de base du peuple. M. Préval fuyait intélligemment et techniquement la presse pour éviter des interventions fantaisistes qui pourraient froisser plus d´uns, mais surtout pour ne pas réveiller la colère d´un peuple affamé. À cet effet, il s´est réservé de prendre la parole quand il l´estimait nécessaire.

Malgré les pressions et plusieurs tentatives d´interrogation de la presse, M. Préval n´a pas cédé, il a évité de donner ses opinions sur le retour de ces deux anciens chefs d´État. Il ne pipait mot. En ce qui concerne les critiques de l´opposition, des sociétés civiles et des partis politiques, des organismes des droits humains et autres contre la CIRH à sa tête l´ancien président américain Bill Clinton et le premier ministre Bellerive, M. Préval a agi comme si une telle structure formée de hauts dignitaires politiques nationaux et internationaux n´avait jamais existé à cause de sa désastreuse gestion des fonds de la reconstruction. Rappelons, pour ce faire, même très succintemente, le geste héroique et courageux de M. Préval lorsque M. Clinton devait prendre la parole à l´occasion du grand rassemblement populaire pour marquer la tragédie du 12 janvier 2010. En effet, M. Préval a laissé gentillement au vu et au su du monde entier son siège au moment où M. Clinton devait gravir la tribune pour se prononcer. Vexé, offusqué et enorgueilli, M. Préval ne pouvait plus supporter les mensonges qu´allait lui faire avaler M. Clinton sur la gestion de la CIRH[1].

             Ce geste, dirait-on, a sauvé en quelque sorte M. Préval de cette affaire alors qu´en tant que chef de l´État, il devrait en être le premier responsable. Par ce geste, qui a valu d´ailleurs une myriade d´interventions médiatiques, M. Préval a dit au peuple haitien en général, et à la communauté internationale en particulier, qu´il s´est lavé les mains comme le Ponce Pilate dans cette affaire. Ce geste traduit, en outre, le refus de M. Préval, malgré la dépendance économique et la domination politique d´Haiti par l´international, d´être toujours sa caisse à résonance. Ainsi donc, la communauté internationale, se voyant échouée dans cette affaire et dans bien d´autres d´ailleurs, a un peu lâché le coup à Préval. Elle ne le pressure pas trop. Quant aux situations sociales et économiques du peuple, elles sont toujours restées insatisfaites, mais les protestations et les manifestations y relatives sont bien moindres qu´auparavant. Et M. Préval, paraît-il, s´en sentait un peu confortable.

         Le mutisme de Préval ne signifie ni passivité ni aveuglette. C´est vrai qu´il est difficile de cerner son contenu, mais dès fois il peut traduire beaucoup de choses et ses expressions sont perceptibles. Dès fois, il est l´expression même d´un remord et d´un refus de coopérer et de se faire prendre pour un con. C´est ce qui s´est passé par ce geste public héroïquement courageux pour dévier le plan de M. Clinton que nous avons souligné ci-dessus. Bien que dérangeant et embarrassant sur le plan diplomatique, ce geste a traduit tout le mécontentement de Préval. On pouvait lire dans son visage tous les remords du monde. Les Haitiens tant à l´intérieur qu´à l´extérieur croyaient que ce geste valait la peine au moins pour donner une leçon de dignité. C´était pour dire qu´en dépit de tout un minimum de valeurs humaines nous reste encore.
Ce geste mutiste silencieusement simple a eu les effets d´une bombe. Dès fois, le mutisme peut traduire un support à un proche ou son lynchage silencieux. En effet, du début jusqu´à la fin M. Préval a fait un silence de mort sur l´affaire de Jude Célestin, son dauphin, qui a été contraint par l´international d´abandonner la course nominale-electorale en 2010. En agissant de la sorte, il a voulu se protéger lui-même et protéger Jude Célestin sur qui il mettait tout son espoir afin de pouvoir reproduire la formule aristidienne de ''Ti pas kout''. C´est d´ailleurs l´une des raisons pour lesquelles il luttait à changer la constitution. Au lieu d´un changement il a obtenu un amendement qui a finalement rendu cette constitution bancale, inopérante et maladive. Un amendement Tèt anba dirait Gary Victor. Non seulement il s´est rendu sourd-muet sur l´injonction de l´interntational  faite à Jude de laisser tomber, mais il ne s´est jamais prononcé sur la décision de Jude qui, sous de poignantes pressions, a finalement jeté l´éponge. À retenir qu´en tout cela il en sort gagnant et le seul perdant c´est toujours ce pauvre peuple affamé et nu. Enfin, ce mutisme a abouti à des résultats néfastes voulus ou pas par M. Préval.
         Mais, les différents types de mutisme de M. Préval lui ont valu l´image d´un chef d´État irresponsable, poltron, désarmé, celle qu´on attribue ordinairement à un père de famille délinquant, soulard et démissionnaire qui laisse ses enfants faire ce qu´ils veulent. Nous pouvons assimiler le mutisme du président Préval à un autre type de discours démagogique qui est la caractérisation même du libertinagem où il appelle chaque citoyen à agir comme bon lui semble. Autrement dit, des gens qui devaient être assistés deviennent malheureusement eux-mêmes des assistants à cause de l´irresponsabilité d´un chef qui n´a eu d´autre alternative que de se taire sur des problèmes cruciaux. Un démagogue n´est pas seulement celui qui flatte les faveurs du peuple et le séduit par de vaines promesses, mais c´est également quelqu´un qui se décharge des responsabilités que lui confèrent la constitution nationale et les lois de la république pour les renvoyer au pied du peuple alorsqu´il sait pertinemment que ce dernier est incapable d´en assumer.
Un démagogue envoie généralement son peuple au suicide. Ce dont le mutisme prévalien résulte outrepasse le suicide, c´est un homicide social et économique qui a frappé des milliers de familles. C´est de cette manière qu´il faut regretablement qualifier les actes mutistes de M. Préval. En fait, les derniers instants de l´attitude mutiste de M. Préval à la fin de son mandat de 2009 à 2011 étaient délétères. Néanmoins, jusqu´à preuve du contraire, son mutisme contrairement au bavardage des uns et aux excès de langage des autres, lui a imputé la réussite de deux mandats même s´ils ont contribué à rendre l´État de plus en plus bancale et faible à immobiliser la société en effondrant la classe moyenne. Par ailleurs, il faut reconnaître qu´il est le seul chef d´État qui, depuis 1986, a pu achever son mandat deux fois de suite. Ainsi, on peut dire que son mutisme a été pour lui une réussite politique, mais un échec total pour le pays et une déscente aux enfers pour les plus pauvres.

2.3. Difficulté d´accorder une image de populiste à Préval
          Malgré tous ces aspects négatifs du mutisme de l´ancien président Préval, il est cependant difficile de le placer dans le courant des mouvements populistes si, d´un côté, il faut entendre par là toute initiative politico-démagogique qui se dit être à l´écoute du peuple en faisant de lui son arme de combat, une vision d´aller dans le sens de sa volonté et de vouloir satisfaire ses désirs, il s´agit, d´un autre côté, d´un modèle de gouvernance qui met les intérêts des masses populaires au centre des grands projets de développement social, économique et culturel du pays. Il ne s´y reconnaît pas ou très peu rarement. Bien au contraire, au cours de son second mandat, M. Préval a tout fait pour exclure les collectivités territoriales - véritable bras fort de représentativité des masses populaires et paysanes - des réunions gouvernementales où sont prises les grandes décisions étatiques. Ce faisant, il a clairement manifesté sa volonté de ne pas écouter les revendications des populations vulnérables, de les exclure socialement et politique et, enfin, de refuser de faire des besoins de ces dernières sa priorité. Par contre, le plus impressionnant c´est que le peuple a trouvé en M. Préval l´image d´un chef d´État qui ne le flatte pas avec de vains mots, mais qui lui parle crûment et directement quand il sort de son mutisme surtout lorsque la circonstance et le contexte socio-politique le lui imposent. Quand il se tait, alorsque les crises s´empirent, le peuple, impatient de l´entendre, réclame des explications, et il lui en donne, non pas dans le sens qu´il le désire, mais dans le sens que lui-même, en tant que fin politicien, estime le plus proprement stratégique.

          Si M. Aristide, durant ses quiquenats à deux reprises interrompus, disait au peuple le plus souvent ce qu´il voulait entendre, M. Préval le passait dans un laboratoire de psychologie politique avant de lui dire ce qu´il attend de lui, ce qu´il pense être mieux pour lui. Deux discours nettement différents. Cela doit nous rappeller, par conséquent, les réactions de M. Préval aux émeutes de la faim de 2008 qui ont accouché le limogeage du premier ministre M. Jacques Edouard Alexis. En effet, M. Préval s´est adressé au peuple dans un langage qui se peut être assimilé à un populisme très voilé et controversé. Il ne l´est pas effectivement mais on peut y entrevoir un certain démagogisme. En effet, pour donner une réponse aux manifestations sociales, il a convoqué une rencontre de négociation avec les principaux commerçants des produits alimentaires et de première necessite. Il a clairement laissé comprendre au peuple que la diminution des prix sur le marché ne dépend pas au premier chef d´une simple décision de l´État qui, de plus, dans une telle situation, n´est pas un potentiel décideur. Il ne peut que rechercher un compromis tant avec les grands négociants qu´auprès des masses défavorisées en vue de parvenir à une sortie de crise. Entre temps son PM est entrain de jeter de grosses gouttes de sueurs par devant un parlement qu´il tente vainement de convaincre. Cloué au pilori d´avance, tout ce qui lui restait c´était de faire descendre du ciel des anges et pourquoi pas le Christ afin de pouvoir échapper à ce vote de censure qui était d´ailleurs prévisible. Sans vouloir rentrer dans les détails politico-complexes de ce vote, il est important de souligner que les multiples rencontres et consultations paralèlles de M. Préval sans apporter un support moral et psychologique à son PM au moment où il en avait plus besoin, laissaient clairement présager qu´il avait voulu que M. Alexis parte, en d´autres termes, il attendait une occasion favorable pour se débarasser de son PM qui, au cours de route, commeçait à lui déplaire considérablement. Au fait, dans les derniers instants des deux hommes, leurs opinions divergeaient sur bon nombre de projets.

       Dans sa dernière intervention à la presse lors de l´éclatement de ces crises a demandé au peuple de rentrer chez lui, de le laisser le soin de résoudre ses problèmes, de se pencher sur ses revendications qui sont d´ailleurs justes et justifiés. Ce faisant, M. Préval a une fois de plus prouvé sa capacité à amadouer et à dominer les instincts du peuple sur qui il exerce une certaine autorité qui laisse quand bien même à désirer. En dépit de tout, le peuple apprécie et aime son style. Il a obéi à sa demande en vidant les rues. Cependant, il est vrai que les prix ont baissé – solutions courtement partielles suivant la conjoncture – les problèmes structurels restaient inchangés et au terminus de son mandat, les prix ont une fois de plus augmenté et depuis lors ils ne cessent de l´être. De plus, il n´y a eu aucune amélioration sociale. En effet, M. Préval a confirmé l´efficacité de sa méthode consistant à dire peu de mots et des paroles justes et directes au peuple et a toujours évité de lui faire perdre la tête avec de longs discours intellectuels, philosophiques et politiques qui, au final, ne lui apportent absolument rien de concret. Certes, ceux de M. Préval ne lui en apportent pas mieux, pourtant, il s´y retrouve parce que le langage lui paraît clair et compréhensible. De cette façon, le président Préval a réussi quand bien même à boucler ses deux mandats avec cette même stratégie et technicité politique de governance qui, non seulement, s´étend même au-delà du pouvoir mais s´adapte toujours à chaque moment circonstantiel de la réalité sociale, politique, économique et culturelle du pays.

2.4.            Le mutisme prévalien en dehors du pouvoir
Après la fin de son premier mandat en 2001, M. Préval s´est etteint complètement de la scène  politique haitienne, il était considéré comme mort politiquement parlant puisqu´on n´entendait plus parler de lui. Il s´est enfermé à Marmelade, sa ville natale, où il se consacrait aux activités de l´agriculture. La presse, elle aussi, l´a oublié. Personne et absolument personne n´a su et ne pouvait savoir à quel moment se concrétiserait son retour en politique. Les intentions politiques de M. Préval, puisqu´il s´est clos à la Presse, étaient obstrues jusqu´au jour où il a ouvertement déclaré lui-même sa candidature aux ''élections'' présidentielles de 2005 pour briguer un second mandat. Depuis bien avant en effet les rumeurs couraient sur cette éventuelle canditature qui finalement était devenue une vérité. De fait, il s´est rendu au Conseil Electoral Provisoire pour remplir les formalités y relatives. Il est bruit que ce sont les masses populaires qui ont motivé, encouragé et même stimulé M. Préval à se porter candidat, ce pour plusieurs raisons parmi lesquelles nous aimerions souligner au moins quatre.
En premier lieu, il y a le fait que M. Préval a représenté pour ces masses désespérées l´incarnation d´un espoir, d´un changement de vie après la dure traversée du désert avec Aristide entre 2001 et 2004; deuxièmement les partisans d´Aristide et différentes organisations populaires qui luttaient pour son retour, sachant les amitiés qui lient les deux hommes, ont apporté un support massif à M. Préval au détriment de M. Manigat, dans le but de s´assurer du retour de leur leader charismatique inconteste. La troisième raison prend en compte l´opinion publique qui croit que l´apport des masses à M. Préval est un rejet et une sanction infligée à M. Manigat, symbole de l´intelligentsia haitienne à cause des approches et discours jugés trop abstraits sur le plan intellectuel, philosophique et épistémologique dans lesquels ces masses ne se retrouvent pas et auxquels elles ne s´identifient pas. Les intellectuels du pays depuis Anténor Firmin ont toujours victimes de ces genres critiques qui nécessitent d´une problématisation plus profonde. Enfin, le dévolu jeté sur M. Préval traduit le retour à tout un arsenal de révendications sociales des masses défavorisées qui n´ont pas été satisfaites sous le premier mandat de M. Préval. Seront-elles satisfaites cette fois? Ce n´était pas evidente qu´un tel rêve se concrétise. Ainsi, nous pouvons dire que ce premier scénario de mutisme hors du pouvoir a ouvert la voie au pouvoir à M. Préval pour un second quinquenat.

         M. Préval, nous le répétons, est un fin politicien à l´image de Pétion qui est très peu bavare et qui utilise toujours les bonnes stratégies pour affaiblir ses adversaires et même à la limite gagner leur confiance. Cependant, en dépit de ce charisme à s´imposer un tel mutisme, il n´a pas pu - comme Aristide l´avait fait pour lui - imposer au peuple haitien le choix de  M. Jude Célestin à la fois son dauphin et son beau-fils. Ce qui résulte d´une sanction de l´international à cause des promesses non tenues. En d´autres termes, en ayant rejeté d´un revers de main M. Célestin, bien que classé en deuxième position après Mm. Manigat lors des présidentielles de 2010, l´international s´est bien vengé du mutisme de M. Préval qu´il a très malement supporté pendant cinq années au point qu´à la dernière minute il voulait le livrer à la boucherie. Et le peuple dans tout ça, quelle a été sa sanction contre M. Préval à cause de ce mutisme dont il n´a  pas non plus digéré les effets?

            Comme j´ai l´habitude de le répéter, le peuple haitien ne vote pas en réalité, c´est une stupidité et même une abération de dire qu´il a été convoqué au verdict des urnes. La civilité politique l´oblige, mais même les autorités savent que c´est l´international, le grand financier des opérations électorales, qui choisit toujours à la place du peuple le candidat de son choix. J´ai longuement développé et démontré cet aspect qui handicape l´avancement du système politique haitien dans un article titré Haiti, seul PMA de la Caraibe dans la pratique du jeu international d´élection-nomination[2]. Donc, on peut comprendre qu´il est trompeur d´insinuer que la mise à l´écart de M. Célestin serait effectivement la sanction du peuple. Elle était néanmoins celle de la communauté internationale qui cherchait à se venger de Préval. La population a réagi au mutisme de M. Préval par des manifestations violentes, des mitings, des marches avec assiettes et cuillères à la main pour réclamer à manger. M. Préval a pu quand bien même y résister. Insatisfaites de la gouvernance mutiste, pâle et irresponsable de M. Préval qui n´a pu réellement leur apporter l´espoir tant attendu, les masses populaires ont obligé de se courber au choix de M. Martelly imposé par l´international au détriment de Mm. Mirlande Manigat qui, ayant été fait l´objet de nombreuses critiques, a, malheureusement, subi la même déception que l´estimable professeur François Manigat, son époux. Ainsi, en dépit de tout, un président qui n´est pas trop populaire, pas très aimé ni trop haï non plus parmi le peuple qui, semble-t-il, l´a oublié avant même que son mandat ne touche à sa fin, ne peut laisser dans la mémoire collective que l´image  d´une gouvernance étatique dévoyée, insipide et irresponsable. A vrai dire, il n´en fut ni le premier ni le seul. 

          M. Préval est parti, M. Martelly le succède en mai 2011. Depuis lors, il est apparu uniquement deux fois sur la scène publique: à l´occasion de son audition sur l´affaire Jean-Dominique et lors de sa sortie du palais national après avoir répondu à une invitation du président Martelly. Ce furent deux occasions au cours desquelles il est passé complètement inaperçu en termes de médiatisation politique. Par contre, l´audition d´Aristide dans cette même affaire judiciaire a provoqué un tapage médiatique monstre. Ainsi, mis à part ces deux sorties exceptionnelles, M. Préval s´est encore éteint politiquement jusqu´à aujourd´hui. Il est bruit qu´il est retourné à Marmelade en répétant  le même scénario de 2001. De 2011 à nos jours un second scénario du mutisme prévalien à l´extérieur du pouvoir est ouvert. En aura-t-il un troisième, soit-il, à l´intérieur ou à l´extérieur du pouvoir? On n´en sait pas trop! Il appert que, du point de vue constitutionnel, il soit pratiquement impossible qu´il se candidate à un troisième mandat présidentiel. Mais, il y a une question qui nous intrigue: qu´est-ce qui explique que malgré les protestations du peuple et le fait que l´international l´avait vraiment coincé, M. Préval a quand bien même pu terminer son second mandat? Deux facteurs ont joué en faveur de M. Préval, le temps et la conjoncture.

2.5. Facteurs temporels et conjonctutels en faveur du terminus du second mandat de Préval
     Le facteur temporel est le premier qui s´est joué en faveur de M. Préval afin de terminer ses deux quinquenats. Il faut entendre par là l´espace de temps dans lequel des phénomènes se sont produits en des moments inattendus et changent complètement le paysage socio-politique. En tout premier lieu, on peut dire – sous réserve de nous tromper – que le second mandat de M. Préval en 2006 est parvenu  dans un atmosphère politique apparemment calme dans le sens que même si sa victoire a été un forcing de la part des forces étrangères, elle était toutefois acceptée par la majorité des partis politiques. L´opinion publique n´y ripostait pas et l´opposition politique était quasiment muette. En second lieu, la période à laquelle M. Préval est arrivé au pouvoir était justement succédé du départ pour l´exil de M. Aristide dont les partisans et sympatisans réclamaient depuis 2004 le retour. Pour cela, ils ont appuyé la candidature de M. Préval avec impatience de voir ce rêve concrétiser. Bien qu´affamées, mal vêtues et dépourvues de tout, les masses populaires ont tout mis de côté pour placer leur confiance en cet homme. De fait, M. Aristide est revenu au pays en mars 2011 – ce fut comme la cérise sur le gâteau, car ce retour est survenu deux mois après la rentrée au bercail du plus puissant dictateur du XXème siècle qu´Haiti n´ait jamais connu en l´occurrence M. Jean-Claude Duvalier après environ 25 ans d´exil passés en France.  
À dire vrai, c´est deux retours, survenus dans des circonstances historiques exceptionnelles presqu´à la fin du second mandat de M. Préval, ont réellement détourné l´attention de la population et des classes politiques des vrais problèmes. De fait, ils ont fait la une de l´actualité et plongé la société dans une profonde perplexité à savoir le bien fondé de ces deux retours. Faute de preuves argumentatives, il est difficile d´établir que M. Préval a lui-même autorisé ces retours. Il n´est pas non plus facile de trouver un document officiel là-dessus. En dépit de cela, il est logique cependant de comprendre qu´ils ont été deux coups de maître de M. Préval pour calmer les tensions. Car, ni M. Duvalier ni M. Aristide n´auraient pas pu décider péremptoirement de rentrer au pays sans qu´il ne soit lui-même informé et ne donne son avis à ce propos. Ainsi, mis à part le tremblement de terre de 2010, le temps dans lequel se sont déroulés ces deux événements ont permis à M. Préval de respirer un peu.

Le second facteur, qui est un prolongement du premier, fait appel à un aspect à la fois d´ordre naturel et conjoncturel. Le séisme du 12 janvier 2010, en dépit du goût amer qu´il a laissé sur les lèvres des familles haitiennes, a joué un rôle important dans le terminus du mandat de M. Préval. C´était un phénomène à gérer sur le plan physique, psychologique, mental, social et environnemental. Le chef d´État, dépassé par les événements, s´est montré abattu face à un tel phénomène naturel et impuissant viv-à-vis d´un international envahisseur! Humainement parlant le premier impact est compréhensible. Nul humain ne peut rester inébranlable devant les faits naturels qui dépassent son entendement et sa capacité. En ce qui a trait au second élément, il fallait que M. Préval garde son calme aux pressions et agressivités internationales dont il n´avait pas le controle afin de gérer cette catastrophe, car il est dit que c´est au pied du mur on reconnaît le vrai maçon. Pir diable ou pir démon que l´on puisse être, il est impossible d´oublier les rivalités diplomatiques entre la France, les États-Unis et le Canada pour le contrôle du territoire au moment où des milliers de familles étaient entrain de pleurer leurs morts. Pendant que des éléphants se battaient, il y avait plus de 200.000 cadavres à compter, plus d´un million d´estropiés et de sans abris à identifier. Néanmoins, c´est une catastrophe que l´État doit gérer avec l´aide bien sûr de ses partenaires internationaux. Malgré sa gestion déliquescente, M. Préval, ayant été à la dernière ligne droite de son mandat, était le seul homme du moment en faveur duquel se jouiaient la conjoncture et le fait naturel. Donc, il était mieux de le laisser tranquile, car en ce moment le problème n´est plus Préval, mais d´ordre humain.
     
En dépit du fait qu´il n´a pas pu améliorer les conditions sociales et économiques de la population et bien gérer la catastrophe, M. Préval partira, sans nul doute, avec le sentiment d´avoir été un des plus grands stratèges de l´histoire politique contemporaine d´Haiti. M. Préval était le Pétion de la politique du XXIème siècle d´Haiti, c´est-à-dire l´incarnation d´un chef d´État démagogue qui trompe avec dextérité et finesse  son peuple et immobilise la société en fermant les yeux sur des problèmes cruciaux. Paradoxalement, c´est un président qui ne jouit pas vraiment d´une réputation politique très populaire, même si, jusqu´à preuve du contraire, il est le seul et l´unique qui soit parvenu à comprendre et à maîtriser mieux le peuple, son instinct, sa passion, ses pulsions et ses émotions. Il a un tempérament propre à lui qui ne froisse pas le peuple mais plutôt capable de l´amadouer. Ainsi, le temps, la conjoncture et la nature représentaient des facteurs suffisants pour calmer les fureurs populaires et faire oublier le mutisme de M. Préval ainsi que ses conséquences néfastes. Il demeure par contre dans l´histoire sociale et politique haitienne un président pas trop populaire ni populiste de la trampe d´Aristide.

Pour conclure cette seconde partie, il convient de souligner que le mutisme prévalien a été tout aussi catastrophique, cancéreux, désastreux et désavantageux pour le peuple haitien que le populisme aristidien, il a également contribué à plonger le pays dans un immobilisme pas croyable, ce qui est traduit communément par un marquer pas sur place. M. Préval a passé tout son temps à leurrer le peuple pendant qu´il n´y a pas eu de croissance économique, la classe moyenne a pratiquement disparu, les pauvres s´engouffrent dans la pauvreté, le chômage est à son comble et les besoins sanitaires, l´eau potable, la nourriture restent toujours insatisfaits. Le mutisme prévalien, contrairement au populisme aristidien, peut-on dire, n´a été bénéfique dans les faits que pour M. Préval lui-même. Car jusqu´à présent, il est le seul et l´unique président d´Haiti de la fin du 20ème siècle et du début du 21ème siècle à avoir réussi deux mandats puis s´est tenu loin des projecteurs. Sans vouloir spéculer sur le futur, il y a peu d´espoir de voir M. Préval revenir sur la scène politique active, toutefois, il demeure un acteur politique influent. Parmi les présidents constitutionnellement élus, M. Préval peut dire en vertu de son mutisme à l´instar de l´apôtre Paul: ''J´ai combattu le bon combat contre le peuple, l´opposition et l´international, j´ai achevé mes deux mandats sans rien à me reprocher, maintenant je peux me clore en paix à Marmelade où la couronne du mutisme m´est réservée''. Mais, si le populisme est en quelque sorte moins prononcé chez M. Préval que le mutisme, avec M. Martelly, son successeur, nous sommes entrés dans un autre univers de la pratique politique haitienne. En effet, depuis son accession au pouvoir, le propagantisme politique est à un niveau du jamais vu en Haiti, ce que nous pouvons appeler aussi une intoxication médiatique. C´est ce dernier point qu´il nous reste à aborder dans cette série d´analyse qui se propose de comprendre en quoi consiste le phnénomène de l´immobilisme social et politique d´Haiti.

Campinas, 22-02-2015
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[*] Cet article est publié tant en bloc qu´en partie séparée. Ici sont traitées les trois parties réunies.
[1] Voir le film Assistance mortelle de Raoul Peck.
[2] Le texte est accessible sur le blog: http://jeandefabien1426.blogspot.com.br/


RÉFÉRENCES

MICHEL, Leverrier. L´impossible de accès à la parole: Quatre histoires cliniques: Autisme, mutisme psychotique, dépression infantile et deuil chez l´enfant. Ramonville Saint Agne: Eres, 2004, 228 p.


ZERDALIA, K.S. Dahoun. Les couleurs du silence: le mutisme des enfants de migrants. Paris: Calmann-Levy, 1995, 258 p.

lundi 12 janvier 2015

''TEMOIGNAGES VIVANTS'' (Quatrième Partie): LA CULTURE DE L´INTOLÉRANCE

          Dans la première partie de cette série de témoignage vivant sur le séisme publié en 2011, soit un an après, nous avons eu le courage de partager avec nos valeureux compatriotes rescapés de cet événement notre vécu personnel de cette expérience, car c´était pour la première fois de notre vivant que nos yeux ont vu une telle catastrophe. La seconde partie, parue en 2012, s´est articulée autour de l´entraide mutuelle incroyable que les Haitiens se sont offerte courageusement le jour de ce drame avant l´arrivée des aides des pays voisins et lointains. La troisième partie était rédigée sous le titre de Pensées Spéciales en 2013 à la mémoire de ceux qui ont péri dans cette tragédie, et à l´attention de ceux qui, dans cette triste circonstance, cherchaient à adresser quelques mots de reconfort à leur proche dans le but de saluer ce douloureux  départ. Nous avons l´intention, par contre, de consacrer cette quatrième partie à insister sur la culture de l´intolérance qui touche à la pratique religieuse et à l´orientation sexuelle, deux aspects parallèles qui, depuis ce jour d´agonie, continuent de marquer la société haitienne. En écrivant cet article, l´objectif est de montrer qu´un tel moment de douleur, de souffrance, de pleur et d´agonie a, malheureusement, été pour certains haitiens l´occasion de se mettre à discriminer leurs propres semblables sur le plan religieux et sexuel en voulant leur faire porter le fardeau de ce drame, pendant qu´un autre groupe priait, jeûnait, devenait plus croyant qu´il ne l´était auparavant, se fourvoyait dans des activités spirituelles. Une telle expression de foi démésurée d´un peuple en agonie s´accompagne d´une rivalité religieuse entre différentes confessions religieuses qui profitent de l´ignorance de la population pour les faire croire dans des miracles farfelus pendant que les leaders de ces confessions religieuses accroitent leurs chiffres d´affaire. C´est un point - à publier l´année prochaine s´il plaît à Dieu - que nous aurons à développer plus amplement dans la cinquième partie de cette série.

          Cependant, en passant, il importe de souligner que, d´une part, nous n´avons aucunement l´ambition de nous atteler au cours des ans à une espèce de routinisation au sujet de ce drame de telle sorte que nous nous souvenons d´un proche, d´un ami, d´un collègue de travail, d´un membre de famille, des disparus, des morts, des estropiés que nous avons aidés, soutenus, pleurés ou mis en terre uniquement en cette date. D´autre part, l´intention n´est pas non plus d´en faire un rituel, même si tout être religieux ou a-religieux individuel ou social vit et se nourrit de rituels. Néanmoins, c´est un moment solennel qui, nous imposant un devoir de mémoire, fait surgir dans notre pensée d´autres séquences de ce séisme cachées dans un coin de notre cerveau, nous instruit, nous motive et nous interpelle chaque jour sur notre manière de vivre. Donc, il est difficile de tout rappeler en un seul instant en vue de tout dire, tout raconter et tout expliquer sur Goudou Goudou dans un seul ouvrage voire dans un article. Bien que les faits nous viennent à l´esprit par séquence, le plus important à retenir c´est que cet instant tragique de la vie du peuple haitien s´avère inoubliable.

          Ainsi, les aspects autour desquels nous aimerions articuler cet article, tout en saluant la mémoire de tous ceux qui nous ont quittés, sont, d´un côté, l´intolérance vis-à-vis la diversité religieuse dont le vodou est le plus frappé, et celle concernant l´orientation sexuelle de l´autre, qui guètent malheureusement notre soicété depuis longtemps. Cette situation s´est exagérée avec le séisme de telle sorte que nous pourrions dire qu´il représentait l´une des causes principales de son aggravation,  lui a été une sorte de catalyseur, ou qu´il constituait l´une de ses plus malheureuses conséquences. Cette mauvaise pratique, ayant toujours existé dans nos murs, a bouleversé et continue de bouleverser la société haitienne d´une monstrueuse intolérance qui l´attriste profondément.

La culture de l´intolérance contre la diversité religieuse: le vodou la principale cible

          Il y a lieu de souligner que, en termes de conséquences, ce tremblement de terre a été surtout marqué par une très forte intolérance religieuse, le vodou ainsi que ses pratiquants et adeptes en était la cible principale. En effet, au lendemain de cette catastrophe meurtrière, certaines personnes rafolées, désespérées, désolées, confuses, perdues, mais surtout plongées dans un sentiment de critique horrible non pas contre Dieu, mais contre la religion vodou, vont même jusqu´à attribuer le culte vodou à cette tragédie, d´autres, dans leur aveuglement, leur étroitesse d´esprit, leur capacité très limitée d´imagination et leur animalité, ont persécuté les vodouisants, brûlé leur temple et massacré quelques adeptes trouvés sur les lieux où ces actions inhumaines et homophobes ont été commises. L´idée n´est pas de faire ici une plaidoirie pour le vodou bien qu´il le nécessite - et si un jour le devoir nous l´impose, nous le ferons avec joie et gaieté de coeur, ce dans un esprit scientifique, critico-analytique et intellectuel - encore moins de le blanchir de ses gangues, car, lui aussi, comme toute autre religion d´ailleurs, en comporte énormément, mais, d´une part, de dénoncer cette intolérance religieuse, cette chasse contre le vodou, cette discrimination religieuse, ces préjugés, ces homophobies qui sont des ennemis vénimeux du développement de la culture et de la diversité culturelle et religieuse, d´autre part d´exprimer notre profonde indignation contre ces pratiques lugubres qui n´ont pas leur place au sein d´une société humaine laique où chacun a le droit d´être libre d´adhérer à une confession religieuse ou à une religion de son choix, et de ce fait, ne doit en aucun cas subir des persécutions et des discriminations à cause de ce choix et se retrouver dans la difficulté soit de l´exercer ou de le faire valoir.

            C´est triste d´évoluer au milieu des gens acculturés à ce point. C´est regrettable, par ailleurs, que des gens mal éduqués, mal formés et mal instruits ont pu profiter d´une si affreuse situation pour faire de leurs semblables la cause de leur malheur ou celle de tous les maux d´Haiti. Cela prouve que nous avons un problème d´éducation et de culture grave dans ce pays, que nous souffrons d´un mal appelé le respect de la liberté, de la personne humaine et de la diversité religieuse et culturelle. Toutefois, cela ne peut aucunement nous ravir le droit de continuer à espérer de vivre dans une société formée de gens cultivés, éduqués et instruits capables d´accepter de vivre dans les désaccords, les divergences et la diversité. Si la justice élève une nation, l´éducation et le respect de la diversité culturelle et religieuse doivent transformer une société.

          Le comble de tout cela, c´est que quatre ans plus tard après ce séisme, soit récemment en 2014, un très respectueux et respectable cardinal haitien répondant au nom de Chibly Langlois s´est ajouté à la liste de ceux qui ne cessent de s´attaquer férocement au vodou en l´identifiant à un blocage du développement du pays. En effet, selon cet acteur de la religion catholique, le développement d´Haiti ne peut pas passer par le vodou, comme si la religion a une fois développé un pays depuis que le monde existe. L´honorable cardinal a toutefois oublié que le catholicisme était à l´origine du génocide des Indiens en Amérique et que les guerres les plus meurtrières de l´histoire de l´humanité impliquaient, directement et indirectement, de près comme de loin, des religions. En outre, soit plus récemment, la religion a eu une part de responsabilité énorme dans le génocide rwandais en 1994. Et si le cardinal voulait faire allusion à la pensée scientifique, à l´imagination, à la rhétorique et à la création intellectuelle, alors là, sans vouloir l´offenser, nous pensons qu´il se tromperait grandement, car, chaque religion a sa vision du monde et sa manière de concevoir l´épanouissement de l´être humain et le développement de la société. Donc, il n´y a pas lieu et il ne peut pas avoir lieu d´établir entre les religions des rapports de supériorité ou d´infériorité, car elles sont égales, vraies et fausses à la fois.

          Ceci nous permet de comprendre, par conséquent, que le problème de discrimination et d´intolérance religieuse que nous confrontons - à noter qu´il existait bien avant le séisme - n´est pas seulement d´ordre analphabétique, mais aussi intellectuel et est frappé d´un profond illetrisme, car ceux-là qui combattent le vodou en Haiti ou qui suscitent la haine ou l´animosité religieuse, non pas seulement contre le vodou, même s´il en est la principale victime, mais contre les autres religions ou confessions religieuses ou cultures religieuses qui ne s´allient pas avec eux, sont des gens, pour la plupart, formés et instruits, et je dirais même, bien formés et bien instruits dans les plus prestigieuses écoles et universités à travers le monde. C´est dommage!
          Il est vrai que le séisme du 12 janvier 2010 y compris les dégats qui en résultent n´étaient pas d´ordre naturel, mais de nature humaine, c´est-à-dire dû aux concéquences de nos actions négligeantes qui ont entrainé la dégradation de la nature et de l´environnement, ce séisme n´a fait que mettre à nu la gravité de notre milieu socio-environnemental et de notre manière inhumaine de vivre. Cependant, en dépit des effets aggravants, cela n´a conféré le droit à quiconque d´indexer personne ou tel groupe de personnes, qu´il soit ethnique, racial, religieux ou social. Donc, c´est abérant, insultant et révoltant d´attribuer ce séisme ou un quelconque autre phénomène à un groupe ou groupement d´individus en fonction de son appartenance sociale, familiale, religieuse, professionnelle, politique, intellectuelle ou autre. Si nous vivons dans de telles idiotie et imbécilité comment pouvons-nous évoluer?

L´orientation sexuelle touchée aussi par cette culture de l´intolérance

          Par ailleurs, dans ce même cadre d´idées d´intolérance, l´orientation sexuelle a été également au coeur d´une discrimination sociale accrue au lendemain du séisme. En effet, ceux qui pratiquent l´homosexualité masculine aussi bien que féminine ont été, malheureusement, accusés d´être, au même titre que les fidèles du vodou, à l´origine du séisme et certains ont fait preuve d´une exagération pas croyable en appelant à la sanction de Sodome et Gomorrhe qui s´est abattue sur Haiti à cause de la présence de ces gens-là. Une campagne de persécution, de déchoucage, une chasse à l´homme et une tendance à mettre en péril les libertés individuelles acquises à l´orientation sexuelle se sont enclenchées contre ces individus qui s´acquièrent le droit le plus entier de choisir l´orientation sexuelle qui leur convient. Encore une preuve qui montre que nous sommes loin d´accepter dans notre environnement la diversité culturelle, religieuse et sexuelle voire la respecter. C´est une preuve palpable que la société haitienne n´est pas encore prête à accepter encore moins à vivre au milieu de ce phénomène sans être obligée de l´aimer. Si nous sommes à ce stade de déliquescence culturelle, éducative et morale, il est inutile de parler de société démocratique. Dans toute société démocratique la liberté individuelle ne doit courir aucun danger permanent et aucun risque, la démocratie marche en parfaite harmonie avec les libertés individuelles qui impliquent purement et simplement le respect de la volonté et du choix de chaque personne humaine. Nous sommes très loin d´atteindre ce but qui doit nécessairement passer par un respect du droit de chacun en tout dans la mesure où son droit n´outre passe pas les limites de celui du prochain.

          Le séisme du 12 janvier 2010, en dépit de ses conséquences douloureuses telles que nous le savons déjà tous, a été une occasion de montrer la fragilité et la maladie de la société haitienne en matière du respect de la liberté et du droit individuels tandis que nous ne nous lassons pas de nous réclamer d´être une société démocratique. C´était aussi l´opportunité de constater à tel point le peuple haitien est intolérant du moins sur ces deux points. Le séisme n´aurait pas dû être utilisé à de telles fins. Et, comme je le répète  assez souvent, ce n´est pas le séisme qui a tué, mais notre manière de penser et de vivre qui se trouve malheureusement infectée par cette intolérance et cette homophobie dans lesquelles nous nous complaisons de vivre chaque jour. Il faut que ces pratiques cessent.
          Dans toute société démocratique normale, l´amour et le respect ne se mélangent jamais. L´amour reste sentiment et le respect obligation. Étant relatif, l´amour est un choix sentimental délibérément facultatif, il n´est pas interdit à une personne d´aimer ou de ne pas aimer le vodou ou l´orientation sexuelle de quelqu´un. Il n´est pas non plus demandé de l´aimer ou de ne pas l´aimer, cependant, il est impératif que le choix religieux ou sexuel d´une personne soit doué d´un digne respect sans esprit de stigmatisation et de discrimination, car, non seulement, personne ne peut se faire condamner pour n´avoir pas aimé quelqu´un ou quelque chose dans la mesure où l´amour reste et demeure une qualité universelle et profondément humaine, mais encore, en tant qu´êtres humains nous sommes des êtres libres, multiples, divers, universels. Le respect du droit et de la liberté de l´autrui, étant nettement antérieur à l´amour à lui témoigner, s´impose au même titre que celui dû aux saints sacrements et j´y tiens fermement.

          Enfin, c´est dur et même très dur de tenir de tels propos à un moment où il devrait être question de se consacrer à la prière, à la méditation et au recueillement pour saluer la mémoire de tous ceux et toutes celles qui ont pris les devants dans le cadre de ce voyage obligatoire, pour apporter quelques propos d´encouragement aux survivants amputés physiquement et mentalement. Mais, qu´avons-nous appris cinq ans plus tard? Avons-nous réellement inicié la reconstruction de l´être haitien? Avons-nous appris à cesser ces barbarismes contre la personne humaine? En dépit des conséquences de cette tragédie prises dans le sens positif ou négatif, regrettables ou méprisables, ce séisme nous rappelle que la vie est fragile et que chaque instant mérite d´être vécu dans la paix, l´humilité, l´amour, le respect et la sagesse, car l´arrogance, l´intolérance et la grosse tête ne peuvent nous amener nulle part. La vie ne vaut rien, mais il vaut mieux l´avoir et l´avoir vécue, bien que dans la société haitienne les gens meurent avant d´avoir vécu. Elle doit être comprise comme une aventure à laquelle chacun doit répondre, un film dans lequel chacun a son rôle, une pièce de théatre qui interpelle chacun à l´accomplissement de sa partition. Il est inutile de chercher à connaître ce que c´est que la mort et de passer son temps à spéculer là-dessus, car, le temps de nous consacrer à chercher à la connaître nous serons déjà morts. Seule la vie donne sens à la mort. Voilà pourquoi ceux qui sont morts vivent encore parmi nous, en nous et pour nous. C´est par cette seule disposition spirituelle que nous pouvons leur rendre un vibrant hommage, peu importe la circonstance dans laquelle ils nous ont quittés et peu importe les impacts que ce tremblement de terre a produits. Ainsi, vivons sans penser à la mort, vivons pour rendre heureux nos morts afin qu´en mourrant nous devenions immortels.

Jean FABIEN
Normalien-Juriste


CAMPINAS, 12 janvier 2015

jeudi 1 janvier 2015

CE 1er JANVIER 2015, UN APPEL À UNE PRISE DE CONSCIENCE SERA MIEUX QU´UNE COMMÉMORATION

         Ce 1er janvier 2015 marque, bien sûr, le 211ème année depuis que nos ancêtres ont sacrifié leur vie pour faire d´Haiti la terre de la liberté, un pays indépendant. Après toutes ces années, le bilan est plus que triste, il est lamentable. En tant que pays colonisé, je pense qu´il serait préférable de consacrer cette date à une prise de conscience collective plutôt que de la célébrer rituellement, en d´autre termes, une réflexion sur notre état de peuple après 211 ans d´histoire sera mieux qu´une commémoration insipide.

         En effet, Haiti est une savane ou, si l´on veut, un pays non indépendant, sans autonomie et privé de souveraineté, pas la peine de parler d´interdépendance, car pour parler d´interdépendance il faut avoir quelque chose à offrir en retour soit sur le plan politique, économique ou culturel. Haiti est un très mauvais consommateur qui engloutit tout ce qu´on lui donne. C´est dûr de tenir un discours si sévère contre ma propre terre natale, mais, en principe, avec tout le respect que j´ai pour la mémoire des ancêtres, je pense qu´il ne devrait pas y voir de commémoration de l´indépendance cette année, car nous n´en avons pas. À force de s´engager dans un tel rituel, nous oublions que nous sommes effectivement un pays militairement colonisé par la Minustah, l´armée onusienne, politiquement dominé et économiquement mis sous tutelle par les quatre barons: les États-Unis, la France, le Canada et l´Union Européenne. Haiti c´est un pays-esclave. Un esclave à genou en plus, même pas débout, car l´esclave débout fait peur. L´esclave à genou accepte son sort, s´y complaît et ne fait aucun effort pour s´en sortir. Arrêtons cette bétise! Arrêtons de dire des bétises sur le mot indépendance. Ce premier janvier devrait être une journée de deuil, de pleurs, de lamentation, de pélérinage, de réflexion pour voir par quelle mesure il nous sera possible de nous libérer des griffes de nos ravisseurs.

          Ce n´est juste pas de continuer à nuire au sommeil des ancêtres qui ont honte de nous là où ils se reposent, sinon,  un jour nous les verrons ressuciter miraculeusement pour nous demander comme M. Jean-Claude Duvalier en revenant de l´exil: ''Qu´avez-vous fait de mon pays?'' A quoi nous sert-il une journée de premier janvier où l´on va chercher dans le plus récent dictionnaire nouvellement paru les plus belles expressions, les mots les plus sublimes pour former les phrases les plus succulentes pour parler de quelque chose qui, dans la réalité, n´existe pas? Pourquoi est-il si difficile que la vérité sorte de notre bouche? Haiti est un pays dépendant, à genou, soumis, asservi et assujeti. Il est dit que la vérité affranchira un peuple s´il la connaît comme telle. Un peuple qui patoge dans le mensonge n´ira nulle part. Il faut cesser ces bétises de dire que nous sommes un pays indépendant alors que 70% de notre budget sont de source étrangère, notre marché local est peuplé presqu´à 200% de produits alimentaires, cosmétiques et vivriers dominicains, des bétises qui n´apportent que des fatras à l´esprit de nos enfants et nos petits enfants. Nos ancêtres ont fait l´indépendance, et nous, nous avons choisi de faire la dépendance et la mendicité. Haiti est le prototype des pays d´esclavage moderne marqué par une mendicité accrue, une aliénation mentale, une soustraction de la pensée scientifique, un blocage du cerveau et une dévalorisation des valeurs humaines.

         Il y a des larrons qui nous guètent et nous dominent tous depuis longtemps. Seule l´union et l´unité nous permettront de lutter contre eux jusqu´à nous en libérer. Nous sommes malades et le pir c´est que nous ne voulons pas connaître notre maladie à cause peut-être de sa gravité. Une maladie ne sera guerrie que tant que la personne qui la souffre s´en rend consciemment compte et qu´une diagnostic est révélée par un médecin professionnel. Notre plus grande maladie c´est une maladie de conscience de notre propre maladie. Le premier et le plus grand médecin d´un malade c´est le malade lui-même, car le médecin, ne pouvant pas faire des miracles, écoute le malade, réalise sa diagnostic pour lui proposer un traitement, cependant, celui-ci aura beau faire si le malade n´est pas disposé psychologiquement à obéir à ce traitement. La diagnostic sera biaisée si le malade ment. Prenons l´exemple d´un malade qui a mal au ventre alorsque, arriver à l´hopital, il déclare au médecin que c´est sa tête qui le fait mal, alors dans ce cas, il restera toute sa vie un malade privé de guérison parce qu´il n´est pas conscient de sa propre maladie. Le malade se guerrit soi-même en étant conscient de sa maladie et en acceptant de la confier à son médecin traitant.
          Il y a au moins dans la vie quatre personnes auxquelles il est difficile voire impossible de mentir: soi-même, son prêtre ou son pasteur ou son mentor spirituel, son médecin et son avocat. En effet, un individu aura beau courir, mais sa conscience finira un jour par l´attraper, personne ne va et ne peut aller au-devant ni au-delà de sa conscience. Le mensonge est moralement réprimé même dans les sociétés dites barbares, ainsi, compte tenu du rôle de ces acteurs dans la vie sociale et individuelle, ils ont la réputation d´être nos meilleurs confidents auxquels nous pouvons confier tout, de nos bonheurs jusqu´à nos pirs déboires. Ainsi, pour être sûr que son rêve et son objectif seront atteints, l´individu se fie à un prêtre ou à un pasteur, pour que sa cause soit bien défendue il est obligé de vider sa conscience à son avocat, pour que sa maladie soit guerrie il ne faut rien occulter à son médecin. Enfin, pour y parvenir, le premier pas, en tout cela, consiste à avoir pleinement bonne conscience de soi-même et de son état. 

           Sur ce, ce moment doit être l´occasion de faire une diagnostic de nous-mêmes et de notre maladie, de nous regarder dans un miroir pour voir combien sommes-nous laids aux yeux du monde, plus particulièrement, aux yeux des peuples qui, en s´inspirant de notre histoire, nous ont pris et continuent de nous prendre pour un exemple très important et influent. Nous leur inspirons la liberté, l´égalité et la dignité humaine. Notre maladie c´est le mensonge et le remède ne peut être qu´une prise de conscience: Arrêtons de dire que nous sommes indépendants tandis que nous ne le sommes pas. Arrêtons de commettre les plus sales bétises en osant de réclamer de ceux qui nous tendent la main, qui nous font la charité, qui ont pitié de nous, qui nous soutiennent financièrement et économiquement de nous traiter avec dignité et égalité. La main qui demande tend toujours vers le bas et celle qui donne ver le haut. Deux positions diamétralement opposées. Soyons conscients de notre sort et luttons pour nous en libérer. C´est pour dire qu´un issu est possible et que le désespoir et le découragement doivent être des mots à jamais bannis de notre vocabulaire.
          Cet issu commence inévitablement par une prise de conscience de soi qui, elle-même, devra passer d´abord par une reconnaissance de la liquidation de notre indépendance politique, de notre autonomie économique et de notre souveraineté à l´étranger, deuxièmement par une cessation radicale de toute commémoration insalubre et salissante chaque premier janvier jusqu´au recouvrement de notre dignité de peuple, troisièmement par un travail assidu à l´intérêt de la nation en réformant les institutions et, enfin, en quatrième lieu, par une création de condition d´accès de chacun à un minimum de vie décent, à un minimum de bien-être. À mes yeux nous ne commettons que des bétises quand nous nous complaisons à répéter les mêmes phrases qui ne veulent absolument rien dire, des paroles en l´air qui font que l´étranger continue de se rire de nous, lui qui, paraît-t-il, nous connaît mieux que nous. La plus grande joie de l´étranger c´est de nous voir continuer à nous mentir à chaque fois qu´au premier janvier nous nous précipitons, d´un air hypocrite, à nous rendre aux Gonaives. Pourquoi ne pas donner, ce premier janvier 2015, l´année qui marquera les 100 ans de la colonisation étasunisienne, un autre signal en nous unissant contre cet ennemi commun puissant bien longtemps identifié?

          Nous ne sommes pas libres. Nous ne sommes pas maîtres de nous-mêmes. Un peuple libre, souverain et indépendant est celui qui peut controler son système politique, a le monopole de son économie, respecte sa culture, conserve fortement son autonomie entre ses mains, s´impose son propre art, se choisit son propre système alimentaire, est maître de son propre système éducatif et de sa destinée. Depuis l´assassinat du père de la nation, nous ne sommes plus maîtres de notre destinée. Cette savane appelée Haiti ne nous appartient plus. Et le comble, c´est que l´objectif de ceux qui nous mènent est de produire en nous la confusion et nous induire de plus en plus en erreur. Oui, c´est la tradition haitienne qui le veut ainsi. Mais, l´esprit de la tradition peut-il être contraire à la réalité? Et quand elle lui est contraire que faire? Je suis pour le respect des traditions sans être traditionnaliste, de même que je me conforme aux principes moraux, sociaux, culturels, éthiques, etc., sans être pourtant un conformiste. Quand la tradition ne va pas dans le même sens que la réalité, nous commettons soit la plus grave des hypocrisies ou nous ne savons pas ce dont nous parlons ou ce que nous faisons. La tradition est tradition quand, à mon sens, elle coïncide, elle est conforme avec la réalité. Nous sommes maîtres des traditions, c´est nous qui les faisons et elles sont faites pour nous, ce ne sont pas les traditions qui sont maîtresses de nous, ce ne sont pas elles qui nous ont fabriqués, ou que nous sommes faits pour les traditions, en d´autres termes, nous pouvons choisir de les mettre en veilleuse afin d´éviter d´être la risée des autres et jusqu´au recouvrement de notre souveraineté de peuple. Les mettre en veilleuse ce n´est pas de rompre avec elles, mais de faire en sorte qu´elles soient conformes à notre conscience et ne biaisent pas la réalité qui demeure la seule et unique vérité présente, palpable et réelle.

         Enfin de compte, la commémoration du premier janvier ne devra pas avoir lieu comme le veut la tradition, une prise de conscience serait mieux. Réflechir sur notre sort, que nous devons d´abord accepter afin de le changer, cesser de nous envoyer des fleurs inutilement et de nous faire des promesses intenables devrait être l´attitude la plus rationnelle à adopter en ce jour-là, car, il est clair qu´un pays modernement colonisé ne peut commémorer une indépendance qu´il n´a pas. Nous avons perdu ou du moins hypothéqué ce que nous appelons l´indépendance. Elle reste une abstraction totale. Si le colonisateur moderne n´était pas modéré en nous prenant pour des idiots et des anathèmes, il devrait nous fouetter à cause de cette impertinence que nous nous préparons à commettre annuellement. Donc, arrêter de faire et de dire des bétises sur la tradition de l´indépendance et nous mettre dès cet instant du premier janvier 2015 au travail pour sortir de cette tutelle, de cette domination étrangère, c´est ce qui sera plus significatif et raisonnable. Car, depuis le jour où nous avons perdu notre souveraineté, nous sommes devenus de purs ritualistes et de simples traditionnalistes, qui ne faitent les choses que juste pour les faire même si elles sont dépourvues de toute valeur, de toute essence et de tout sens. Il n´est pas trop tard de commencer cette réflexion sur notre état maladif. En prenant conscience de nos erreurs et en nous déterminant à les corriger, c´est ainsi que nous serons plus révérentieux envers les ancêtres et nous leur rendrons l´hommage le plus vibrant. Ainsi, je n´ai aucun voeu d´indépendance à me souhaiter à moi-même encore moins aux autres compatriotes. La situation est trop en porriture et s´il y a une chose dont j´ai horreur dans ce monde elle s´appelle l´hypocrisie dans toute sa nudité. Puissent les ancêtres comprendre mon indignation et mes frères et soeurs vouloir me pardonner l´impair.

Jean FABIEN
Normalien-Juriste

CAMPINAS, 01/01/2015

jeudi 23 octobre 2014

INTERROGATION SUR LE RÊVE / INTERROGAÇÃO SOBRE O SONHO

Interrogations sur le RÊVE
Que traduisent nos rêves? Devons-nous les prendre au sérieux ou non? Devons-nous croire ou non dans nos rêves? Nos rêves, ont-ils quelque rapport avec notre vie réelle? Nos rêves nous concernent-ils uniquement nous-mêmes? La faculté de rêver est-elle exclusivement reconnue à l´être humain? Les animaux ne rêvent-ils pas? Quelle est la différence entre nos rêves et ceux des animaux? Comment relationner nos rêves avec la vie que nous vivons? Quelle est la meilleure formule scientifique, soit psychologique ou psychanalytique, pour interpréter nos rêves? Qu´est-ce qui nous pousse à rêver? Enfin, pourquoi faisons-nous des rêves? Submergé et dépassé par ces questions, et bien d´autres, je me remets à la réflexion des autres pour mieux comprendre. D´où l´importantce de relancer le débat psychanalytique et psychologique sur le rêve. (Sigmund Freud à être revisité).
JDF

Interrogação sobre o SONHO
O que traduzem nossos sonhos? Devemos levá-los a sério ou não? Devemos acreditar ou não em nossos sonhos? Nossos sonhos, têm alguma relação com a nossa vida real? Nossos sonhos dizem respeito unicamente a nós mesmos? A faculdade de sonhar é exclusivamente reconhecida ao ser humano? Os animais não sonham? Qual é a diferencia entre nossos sonhos e os dos animais? Como relacionar nossos sonhos com a vida que vivemos? Qual é a melhor fórmula científica, seja psicológica ou psicanalítica, para interpretar nossos sonhos? O que nos impulsiona a sonhar? Por fim, por quê sonhamos? Submergido e ultrapssado por essas questões, e bem outras, eu me entrego à reflexão dos outros para entender melhor. Daí a importância de relançar o debate psicológico e psicanalítico sobre o sonho. (Sigmund Freud a ser revisitado).
JDF

vendredi 11 juillet 2014

ET SI ON NE VIVAIT PAS DANS UN MINIMUM DE DÉMOCRATIE, QU´ARRIVERAIT-IL À CE MALHEUREUX INGÉNIEUR?

C´est quoi cette histoire? Dans quel pays vivons-nous? Dans quelle société sommes-nous? L´ingénieur est un n´importe qui et M. Martelly est un individu au-dessus de tout, un super homme? Comment un président peut-il ordonner l´arrestation d´un ciyoyen à un Commissaire? Est-il juge? Est-ce une des attributions que lui reconnaît la constitution? Sans flagrant délit, sans mandat, même un juge ne peut autoriser l´arrestation d´un citoyen. Mais, Hélas, Haiti est une savane où tout est possible! Il n´y a rien qui puisse nous surprendre! Si un Honorable Député de la république a pu passer par là, qu´en est-il d´un simple citoyen? Cela me rappelle mon père qui me racontait un jour que François Duvalier a fait fusiller un ingénieur à cause d´un fait, presque de la même nature que celui réproché à cet ingénieur anonyme. 

Nous ne sommes plus au temps de la dictature M. le Président. Dans une république ça ne se passe pas ainsi mon Excellence. Pour tout le respect que je vous dois, vous avez outrepassé vos droits en défendant les honneurs et les mérites auxquels vous avez réellement droit et en ordonnant carrément l´arrestation d´un citoyen comme vous. Toutefois, mes propos sont loin d´être une défense à l´endroit de l´ingénieur qui a commis les erreurs professionnelles relatives à la construction du stand, il revient au code de l´éthique professionnelle d´en juger et à la justice d´en apprécier si le fait commis est une infraction, un délit ou un crime. Et, il est également anormal que le Président soit reçu comme n´importe qui, n´importe comment, n´importe où. 

Mais, quand un Président se déplace, n´y a-t-il pas quelqu´un qui aille vérifier si tout est correct avant que l´Excellence n´investisse le lieu? Erreur monumentale de protocole! Le président n´aurait même pas dû essuyer cette honte! C´est terrible! Son service protocolaire aurait assumer sa responsabilité. Un tel service est à blamer aussi M. le Président.

Par ailleurs, il y a une autre question, d´un point de vue éthique et moral, il n´est pas de la compétence du Président d´apprécier ou pas le travail fait par un ingénieur professionnel, en dehors des salubrités dont il a lui-même fait mention. Ce qui est inadmissible! 

L´attitude du Président (non pas la Présidence et encore moins l´Exécutif) montre, d´une part, qu´il contrôle tout l´appareil judiciaire, d´autre part, qu´il y a une absence d´un code d´éthique qui rend malade notre système juridique. En dépit des erreurs et des faits réprochés, il faut respecter, M. le Président, les professionnels du pays qui mettent leur compétence au service de la nation. Nous n´en avons pas beaucoup. Le peu que nous ayons, évitez-leur ce genre de comportement. Sinon, vos dérives, vos extravagances, vos excès de zèle, votre tempérament de dictateur, continueront à les contraindre à fuir le pays comme c´est la réalité de chez nous. 

Cela ne vous dit rien, M. le Président, que plus de 80% des ressources intellectuelles et professionnelles du pays, vivant à l´extérieur, prêtent leur compétence, leur savoir et leur service aux nations étrangères? Quand à cet ingénieur, l´Ordre des Porfessionnels en Génie Civil, si une telle structure existe, doit se pencher sur son cas pour éviter de ternir l´image de la profession et prendre les sanctions que de droit.

Enfin, Dieu seul sait ce qui aurait pu arriver à cet ingénieur s´il ne nous restait pas un minimum de démocratie. Il doit, malgré tous ces gachis, s´estimer heureux de ce qu´il était l´objet d´un ordre d´arrestation. Un tel ordre ne saurait ne pas être exécuté puisqu´il était venu d´un tout-puissant président de la république.

Jean FABIEN
Normalien-Juriste

CAMPINAS, 11/07/2013