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jeudi 1 janvier 2015

CE 1er JANVIER 2015, UN APPEL À UNE PRISE DE CONSCIENCE SERA MIEUX QU´UNE COMMÉMORATION

         Ce 1er janvier 2015 marque, bien sûr, le 211ème année depuis que nos ancêtres ont sacrifié leur vie pour faire d´Haiti la terre de la liberté, un pays indépendant. Après toutes ces années, le bilan est plus que triste, il est lamentable. En tant que pays colonisé, je pense qu´il serait préférable de consacrer cette date à une prise de conscience collective plutôt que de la célébrer rituellement, en d´autre termes, une réflexion sur notre état de peuple après 211 ans d´histoire sera mieux qu´une commémoration insipide.

         En effet, Haiti est une savane ou, si l´on veut, un pays non indépendant, sans autonomie et privé de souveraineté, pas la peine de parler d´interdépendance, car pour parler d´interdépendance il faut avoir quelque chose à offrir en retour soit sur le plan politique, économique ou culturel. Haiti est un très mauvais consommateur qui engloutit tout ce qu´on lui donne. C´est dûr de tenir un discours si sévère contre ma propre terre natale, mais, en principe, avec tout le respect que j´ai pour la mémoire des ancêtres, je pense qu´il ne devrait pas y voir de commémoration de l´indépendance cette année, car nous n´en avons pas. À force de s´engager dans un tel rituel, nous oublions que nous sommes effectivement un pays militairement colonisé par la Minustah, l´armée onusienne, politiquement dominé et économiquement mis sous tutelle par les quatre barons: les États-Unis, la France, le Canada et l´Union Européenne. Haiti c´est un pays-esclave. Un esclave à genou en plus, même pas débout, car l´esclave débout fait peur. L´esclave à genou accepte son sort, s´y complaît et ne fait aucun effort pour s´en sortir. Arrêtons cette bétise! Arrêtons de dire des bétises sur le mot indépendance. Ce premier janvier devrait être une journée de deuil, de pleurs, de lamentation, de pélérinage, de réflexion pour voir par quelle mesure il nous sera possible de nous libérer des griffes de nos ravisseurs.

          Ce n´est juste pas de continuer à nuire au sommeil des ancêtres qui ont honte de nous là où ils se reposent, sinon,  un jour nous les verrons ressuciter miraculeusement pour nous demander comme M. Jean-Claude Duvalier en revenant de l´exil: ''Qu´avez-vous fait de mon pays?'' A quoi nous sert-il une journée de premier janvier où l´on va chercher dans le plus récent dictionnaire nouvellement paru les plus belles expressions, les mots les plus sublimes pour former les phrases les plus succulentes pour parler de quelque chose qui, dans la réalité, n´existe pas? Pourquoi est-il si difficile que la vérité sorte de notre bouche? Haiti est un pays dépendant, à genou, soumis, asservi et assujeti. Il est dit que la vérité affranchira un peuple s´il la connaît comme telle. Un peuple qui patoge dans le mensonge n´ira nulle part. Il faut cesser ces bétises de dire que nous sommes un pays indépendant alors que 70% de notre budget sont de source étrangère, notre marché local est peuplé presqu´à 200% de produits alimentaires, cosmétiques et vivriers dominicains, des bétises qui n´apportent que des fatras à l´esprit de nos enfants et nos petits enfants. Nos ancêtres ont fait l´indépendance, et nous, nous avons choisi de faire la dépendance et la mendicité. Haiti est le prototype des pays d´esclavage moderne marqué par une mendicité accrue, une aliénation mentale, une soustraction de la pensée scientifique, un blocage du cerveau et une dévalorisation des valeurs humaines.

         Il y a des larrons qui nous guètent et nous dominent tous depuis longtemps. Seule l´union et l´unité nous permettront de lutter contre eux jusqu´à nous en libérer. Nous sommes malades et le pir c´est que nous ne voulons pas connaître notre maladie à cause peut-être de sa gravité. Une maladie ne sera guerrie que tant que la personne qui la souffre s´en rend consciemment compte et qu´une diagnostic est révélée par un médecin professionnel. Notre plus grande maladie c´est une maladie de conscience de notre propre maladie. Le premier et le plus grand médecin d´un malade c´est le malade lui-même, car le médecin, ne pouvant pas faire des miracles, écoute le malade, réalise sa diagnostic pour lui proposer un traitement, cependant, celui-ci aura beau faire si le malade n´est pas disposé psychologiquement à obéir à ce traitement. La diagnostic sera biaisée si le malade ment. Prenons l´exemple d´un malade qui a mal au ventre alorsque, arriver à l´hopital, il déclare au médecin que c´est sa tête qui le fait mal, alors dans ce cas, il restera toute sa vie un malade privé de guérison parce qu´il n´est pas conscient de sa propre maladie. Le malade se guerrit soi-même en étant conscient de sa maladie et en acceptant de la confier à son médecin traitant.
          Il y a au moins dans la vie quatre personnes auxquelles il est difficile voire impossible de mentir: soi-même, son prêtre ou son pasteur ou son mentor spirituel, son médecin et son avocat. En effet, un individu aura beau courir, mais sa conscience finira un jour par l´attraper, personne ne va et ne peut aller au-devant ni au-delà de sa conscience. Le mensonge est moralement réprimé même dans les sociétés dites barbares, ainsi, compte tenu du rôle de ces acteurs dans la vie sociale et individuelle, ils ont la réputation d´être nos meilleurs confidents auxquels nous pouvons confier tout, de nos bonheurs jusqu´à nos pirs déboires. Ainsi, pour être sûr que son rêve et son objectif seront atteints, l´individu se fie à un prêtre ou à un pasteur, pour que sa cause soit bien défendue il est obligé de vider sa conscience à son avocat, pour que sa maladie soit guerrie il ne faut rien occulter à son médecin. Enfin, pour y parvenir, le premier pas, en tout cela, consiste à avoir pleinement bonne conscience de soi-même et de son état. 

           Sur ce, ce moment doit être l´occasion de faire une diagnostic de nous-mêmes et de notre maladie, de nous regarder dans un miroir pour voir combien sommes-nous laids aux yeux du monde, plus particulièrement, aux yeux des peuples qui, en s´inspirant de notre histoire, nous ont pris et continuent de nous prendre pour un exemple très important et influent. Nous leur inspirons la liberté, l´égalité et la dignité humaine. Notre maladie c´est le mensonge et le remède ne peut être qu´une prise de conscience: Arrêtons de dire que nous sommes indépendants tandis que nous ne le sommes pas. Arrêtons de commettre les plus sales bétises en osant de réclamer de ceux qui nous tendent la main, qui nous font la charité, qui ont pitié de nous, qui nous soutiennent financièrement et économiquement de nous traiter avec dignité et égalité. La main qui demande tend toujours vers le bas et celle qui donne ver le haut. Deux positions diamétralement opposées. Soyons conscients de notre sort et luttons pour nous en libérer. C´est pour dire qu´un issu est possible et que le désespoir et le découragement doivent être des mots à jamais bannis de notre vocabulaire.
          Cet issu commence inévitablement par une prise de conscience de soi qui, elle-même, devra passer d´abord par une reconnaissance de la liquidation de notre indépendance politique, de notre autonomie économique et de notre souveraineté à l´étranger, deuxièmement par une cessation radicale de toute commémoration insalubre et salissante chaque premier janvier jusqu´au recouvrement de notre dignité de peuple, troisièmement par un travail assidu à l´intérêt de la nation en réformant les institutions et, enfin, en quatrième lieu, par une création de condition d´accès de chacun à un minimum de vie décent, à un minimum de bien-être. À mes yeux nous ne commettons que des bétises quand nous nous complaisons à répéter les mêmes phrases qui ne veulent absolument rien dire, des paroles en l´air qui font que l´étranger continue de se rire de nous, lui qui, paraît-t-il, nous connaît mieux que nous. La plus grande joie de l´étranger c´est de nous voir continuer à nous mentir à chaque fois qu´au premier janvier nous nous précipitons, d´un air hypocrite, à nous rendre aux Gonaives. Pourquoi ne pas donner, ce premier janvier 2015, l´année qui marquera les 100 ans de la colonisation étasunisienne, un autre signal en nous unissant contre cet ennemi commun puissant bien longtemps identifié?

          Nous ne sommes pas libres. Nous ne sommes pas maîtres de nous-mêmes. Un peuple libre, souverain et indépendant est celui qui peut controler son système politique, a le monopole de son économie, respecte sa culture, conserve fortement son autonomie entre ses mains, s´impose son propre art, se choisit son propre système alimentaire, est maître de son propre système éducatif et de sa destinée. Depuis l´assassinat du père de la nation, nous ne sommes plus maîtres de notre destinée. Cette savane appelée Haiti ne nous appartient plus. Et le comble, c´est que l´objectif de ceux qui nous mènent est de produire en nous la confusion et nous induire de plus en plus en erreur. Oui, c´est la tradition haitienne qui le veut ainsi. Mais, l´esprit de la tradition peut-il être contraire à la réalité? Et quand elle lui est contraire que faire? Je suis pour le respect des traditions sans être traditionnaliste, de même que je me conforme aux principes moraux, sociaux, culturels, éthiques, etc., sans être pourtant un conformiste. Quand la tradition ne va pas dans le même sens que la réalité, nous commettons soit la plus grave des hypocrisies ou nous ne savons pas ce dont nous parlons ou ce que nous faisons. La tradition est tradition quand, à mon sens, elle coïncide, elle est conforme avec la réalité. Nous sommes maîtres des traditions, c´est nous qui les faisons et elles sont faites pour nous, ce ne sont pas les traditions qui sont maîtresses de nous, ce ne sont pas elles qui nous ont fabriqués, ou que nous sommes faits pour les traditions, en d´autres termes, nous pouvons choisir de les mettre en veilleuse afin d´éviter d´être la risée des autres et jusqu´au recouvrement de notre souveraineté de peuple. Les mettre en veilleuse ce n´est pas de rompre avec elles, mais de faire en sorte qu´elles soient conformes à notre conscience et ne biaisent pas la réalité qui demeure la seule et unique vérité présente, palpable et réelle.

         Enfin de compte, la commémoration du premier janvier ne devra pas avoir lieu comme le veut la tradition, une prise de conscience serait mieux. Réflechir sur notre sort, que nous devons d´abord accepter afin de le changer, cesser de nous envoyer des fleurs inutilement et de nous faire des promesses intenables devrait être l´attitude la plus rationnelle à adopter en ce jour-là, car, il est clair qu´un pays modernement colonisé ne peut commémorer une indépendance qu´il n´a pas. Nous avons perdu ou du moins hypothéqué ce que nous appelons l´indépendance. Elle reste une abstraction totale. Si le colonisateur moderne n´était pas modéré en nous prenant pour des idiots et des anathèmes, il devrait nous fouetter à cause de cette impertinence que nous nous préparons à commettre annuellement. Donc, arrêter de faire et de dire des bétises sur la tradition de l´indépendance et nous mettre dès cet instant du premier janvier 2015 au travail pour sortir de cette tutelle, de cette domination étrangère, c´est ce qui sera plus significatif et raisonnable. Car, depuis le jour où nous avons perdu notre souveraineté, nous sommes devenus de purs ritualistes et de simples traditionnalistes, qui ne faitent les choses que juste pour les faire même si elles sont dépourvues de toute valeur, de toute essence et de tout sens. Il n´est pas trop tard de commencer cette réflexion sur notre état maladif. En prenant conscience de nos erreurs et en nous déterminant à les corriger, c´est ainsi que nous serons plus révérentieux envers les ancêtres et nous leur rendrons l´hommage le plus vibrant. Ainsi, je n´ai aucun voeu d´indépendance à me souhaiter à moi-même encore moins aux autres compatriotes. La situation est trop en porriture et s´il y a une chose dont j´ai horreur dans ce monde elle s´appelle l´hypocrisie dans toute sa nudité. Puissent les ancêtres comprendre mon indignation et mes frères et soeurs vouloir me pardonner l´impair.

Jean FABIEN
Normalien-Juriste

CAMPINAS, 01/01/2015

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