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jeudi 2 novembre 2017

EXPÉRIENCE D´UN TRAVAIL DE RECHERCHE RÉALISÉ À CITÉ SOLEIL D´HAÏTI DE JANVIER À JUILLET 2017

EXPÉRIENCE D´UN TRAVAIL DE RECHERCHE RÉALISÉ À CITÉ SOLEIL D´HAÏTI DE JANVIER À JUILLET 2017*
L´objectif de ce rapport est de partager à ceux et celles que cela intéresse notre expérience de travail de terrain. Divisé en effet en trois grandes parties, il est un résumé des principales activités académiques, scientifiques et intellectuelles de recherches et d´enquêtes que nous avons entreprises en Haïti au cours de notre très court séjour de six mois allant du 11 janvier à 12 juillet 2017. S´insérant dans le cadre du développement et de la préparation de notre thèse, celles-ci sont expliquées dans la première partie suivies de leur bilan dans la seconde. La troisième traite des difficultés de toutes sortes auxquelles nous avons fait face ainsi que la façon dont nous les avons surmontées. Tout en mettant l´accent sur l´essentiel, ce rapport se conclut par les contributions positives.

Mots-clés: Rapport. Bilan. Travail de recherche. Enquête de terrain. Difficulté.

ABSTRACT
The objective of this report is to share our experience of working in the field with those who are interested. Divided into three main parts, it is a summary of the main academic, scientific and intellectual activities of research and surveys that we have undertaken in Haiti during our very short six-month stay from January 11 to July 12, 2017. In the framework of the development and the preparation of our thesis, these are explained in the first part followed by their balance in the second. The third deals with the difficulties of all kinds and the way in which we have overcome them. Whilst focusing on the essentials, this report concludes with positive contributions.

Keywords: Report. Balance sheet. Research work. Field investigation. Difficulty.

AVANT-PROPOS

Les activités détaillées dans le présent rapport ont été menées dans la commune de Cité Soleil, l´un des quartiers les plus violents de Port-au-Prince, et qui représente notre champ empirique d´observation et d´expérimentation dans le domaine des sciences sociales du phénomène des conflits armés et des violences urbaines. En partageant ici ces activités, leur bilan et les difficultés y relatives, l´objectif est de mettre à la disposition du public intéressé notre expérience de travail de recherche au cours duquel nous avons goûté tant au contentement, à la satisfaction et à la joie qu´à la frustration, à la désolation et au mépris. D´un autre côté, il importe d´appeler à tout un chacun à ne pas se focaliser uniquement sur le côté scientifique des obstacles en oubliant ou négligeant les aspects d´ordre subjectif, affectif, émotionnel, motivationnel et personnel ayant rapport à la vie intrinsèuqe du chercheur, qui, d´une façon ou d´une autre, peuvent avoir de graves conséquences sur le déroulement de sa recherche.                              

Il est vrai que tout le monde n´est pas appelé à passer par les mêmes difficultés d´ordre affectivo-personnel et subjectivo-motivationnel, néanmoins, les partager ici pourrait, dans une certaine mesure, être d´une aide significative pour celui ou celle désireux d´y puiser une idée. Sur ce, nous l´avons jugé utile – et même impératif – de les exposer, les expliquer et les disponibiliser dans le cadre de cette étude pour servir de mémoire. Ainsi, nous pouvons dire d´entre de jeu que, en dépit de tout, cette expérience de travail de terrain nous a énormément marqué et a été sensationnelle, instructive, fabuleuse et fructueuse au point que cela nous tente encore d´en refaire une nouvelle. Son utilité et son importance s´expliquent par le fait qu´elle nous servira grandement de leçon et de guide afin d´améliorer et de perfectionner la carrière de chercheur et de professeur de sociologie que nous avons l´intention d´embrasser après notre formation.

INTRODUCTION

Cité Soleil qui, deux années plutôt, était le champ de prédilection des conflits armés entre différentes bandes armées, est entrain de se redonner peu à peu une autre image en tentant de récupérer sa vie normale d´animation, de mobilité et de circulation. Les activités économiques et sociales s´y reprennent timidement et graduellement, et, la cité continue d´être, malgré toute sa volonté à y mettre un terme, le champ empirique de l´observation et de l´analyse scientifique du phénomène des conflits armés en Haïti, un laboratoire d´analyse des violences armées recurrentes. Ce travail de terrain – réparti en trois grandes étapes: enquête, interview et collecte de données – avait pour objectif de recueillir informations, opinions, documents et données statistiques pour le développement et la préparation de la thèse doctorale intitulée: conflits armés et changement social à Cité Soleil: une analyse critique de la gestion politique et du rôle des religions. Tout aspect difficil mis de côté, l´expérience était enrichissante.

Toute recherche scientifique – quelle que soit la facilité avec laquelle le chercheur parvient aux sources des données et des informations, peu importe l´atmosphère social, politique, culturel et environnemental dans lequel il l´exécute – est sujette à d´énormes difficultés susceptibles de contraindre ce dernier soit à l´abandon définitif ou partiel soit à un changement de sujet de recherche, d´hypothèse ou de problématique. Si le travail du chercheur constitue une activité intellectuelle créative et enrichissante, il peut être aussi stressant et son exécution peut devenir difficile. Sur ce, nous tenons à mettre l´accent ici sur trois grandes classes de difficultés – dont on parle très peu – qui peuvent tout basculer si le chercheur ne se montre pas tenace, méthodique, méticuleux, objectif et concentré sur son travail afin de parvenir à la réalisation de son rêve, car, un chercheur, comme le souligne Luís Rey (1993), est quelques fois pris pour un rêveur.

La première classe de difficultés auxquelles le chercheur doit faire très attention et dont il doit faire une gestion stricte et organisée est celles qui s´articulent, dans un premier temps, autour des problèmes d´ordre personnel et affectif de plusieurs types notamment ceux qui ont rapport à l´émotion, à la motivation et à la concentration du chercheur, et, dans un second temps, ceux qui touchent à son entourage intellectuel et amical aussi bien qu´à l´ambiance familiale dans laquelle se dérouleront ses activités de recherche.
En second lieu, si le chercheur ne fait pas très attention, certains éléments dans les enquêtes sociologiques, les contacts et les rencontres de toutes sortes peuvent le surprendre quand il s´investit à fond sur le terrain de la recherche. N´étant donc pas des surprises, et, faisant partie inter de la recherche, leur maîtrise et leur gestion ne seront pas chose tout à fait difficile pour ce dernier. Néanmoins, c´est par son objectivité, son esprit d´équipe, sa conviction, sa constance, sa détermination, sa tenacité, sa perspicacité, sa consistance et sa persévérance qu´il pourra surmonter les obstacles imprévisibles qui le saisissent.
Un troisième type de difficultés ne peut ne pas attirer notre attention, il s´agit de celles relatives à l´inaccessibilité aux documents, données et informations importants strictement et directement liés au thème de la recherche. Ces derniers types de difficultés peuvent – et il se doit de l´être ainsi de toutes les façons – être compensés par une certaine approche générale en intégrant le phénomène étudié dans une dimension sociologique totale globale. Sur ce, on peut dire qu´en plus qu´elles font partie intégrante de la recherche, et, en dépit des tonnes de stress quelques fois insupportables qu´elles apportent, les difficultés peuvent aussi transmette au chercheur de la maturité intellectuelle, de la force morale et de la foi scientifique dans sa démarche.

Comme tout étudiant-chercheur, nous avons, nous autres aussi, confronté à ces difficultés et celles-ci remontent même, d´un point de vue personnel, à notre voyage marqué par des scènes inattendues. Tout travail de recherche scientifique commence quelque part. Ce quelque part n´est pas forcément là où les enquêtes, les consultations bibliographiques, les interviews formelles comme informelles, les rencontres, les contacts, les collectes de données se débutent, autrement dit, si ce début ne renvoie pas nécessairement à se jeter dès les premiers instants dans les travaux de recherche, alors il peut concerner au premier abord les trajets du voyage parcourus avant d´arriver sur les lieux de la recherche afin de la démarrer activement. Les travaux de recherche scientifique ont des rapports étroits sur le plan psychologique aux états mental, spirituel, émotionnel, motivationnel et affectif du chercheur. Pour cela, dans le cadre de ce rapport de travail, nous aimerions remonter aux difficultés affectivo-motivationnelles qui ont failli compromettre notre travail et montrer par quelles stratégies elles ont été surmontées.

Sur ce, le présent rapport comprend trois grandes parties. La première présente les différentes activités développées suivies, dans la seconde, par leur bilan qui est une sorte d´autoévaluation à la fois subjective et objective. La troisième partie, qui occupe la plus grand part de ce rapport, fait état des difficultés de toutes sortes par lesquelles nous avons passé et la manière dont nous les avons affrontées. Celles-ci seront abordées sous plusieurs angles. Dans un premier temps, afin de comprendre la nature diversifiée des difficultés qui peuvent avoir des impacts sur la recherche scientifique, nous commençons par celles d´ordre affectivo-motivationnel, c´est-à-dire celles me concernant plus directement et personnellement au premier chef, et, pour avoir pris naissance dans le cadre de notre projet de voyage, nous pensons qu´il est fondamental de leur accorder ici une attention particulière. En second lieu, nous allons traiter des problèmes rencontrés tant avec les institutions privées qu´avec les institutions publiques qui –, la majorité d´entre elles bien entendu –, après avoir reçu des lettres de demande de documents et d´interviews en vue de leur participation à la recherche, ont choisi de bouder nos invitations.

Si le troisième type de difficulté de la recherche concerne les maintes tentatives réalisées pour rencontrer plusieurs membres des groupes armés, question de les interviewer en tant qu´acteurs centraux du phénomène des conflits armés, le quatrième rend compte des difficultés d´ordre méthodologique et épistémologique de la recherche, qui prennent en compte les enquêtes sociologiques (interviews, entretiens[1], rencontres, enquêtes de terrains et collectes de données) et l´accès aux documents (livres, articles, commentaires...) traitant théoriquement du phénomène des conflits armés à Cité Soleil. Voilà pourquoi, tout au long du développement de notre travail nous allons essayer d´insérer le phénomène des conflits armés à Cité Soleil dans une approche socio-globale de la réalité sociale, politique, économique du pays sans néanmoins l´écarter de ses aspects particuliers. En guise de conclusion, nous parlerons des institutions publiques et privées qui, dans une certaine mesure, ont valablement contribué à notre recherche.

I.       LES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DÉVELOPPÉES SOUS FORME CHRONOLOGIQUE

1.      Calendrier d´actitivés et plan d´action

Une fois sur le sol d´Haïti, il fallait, sans plus tarder, nous mettre au travail tout en nous préparant psychologiquement et matériellement à entreprendre nos activités. Pour les démarrer, nous avons d´abord commencé par établir un calendrier d´activités et un plan d´action. Ceux-ci doivent nous permettre de suivre méticuleusement et méthodiquement les différentes phases dans l´exécution des travaux de recherche. Ce calendrier d´activités était conçu en six phases comme le montre le tableau suivant:

Data
Tipo de atividade
12 de janeiro a 12 de fevereiro

I.                   Fase de observação exploratória
1.      Mapeamento das associações sociais, humanitárias, religiosas, políticas e ONG que atuam em Cité Soleil
2.      Identificação e caracterização dos grupos armados
3.      Localização socio-geográfica das zonas de violência em Cité Soleil
4.      Identificação geográfica dos lugares de culto
5.      Descrição das atividades políticas, sociais, religiosas, culturais e econômicas em Cité Soleil
13 de fevereiro a 13 de março
II.                Fase de pesquisa documental
1.      Pesquisa de livros históricos sobre Haiti e Cité Soleil a partir de 1990
2.      Busca de Jornais e revistas sobre as violências em Cité Soleil
3.      Consulta do plano de desenvolvimento de Cité Soleil
4.      Consulta do plano de segurança e de organização socio-espacial de Cité Soleil
5.      Verificação dos programas governamentais
6.      Seleção e classificação das obras mais pertinentes e importantes
14 de março a 14 de abril
III.             Fase de atividades intelectuais
1.      Leitura das obras
2.      Resumo e fichamento
3.      Relatório de leitura
4.      Produção intelectual
5.      Palestra
15 de abril a 15 de maio
IV.             Fase de entrevistas
1.      Com os líderes políticos
2.      Com os atores religiosos
3.      Com os atores sociais
4.      Com os atores humanitários e ONG
5.      Com os habitantes previamente identificados nas zonas conflituosas
16 de maio a 16 de junho
V.                Fase de Inquérito de proximidade de opinião
1.      Na população
2.      Dentro algumas Igrejas
3.      Em algumas outras zonas de violência armada como Martissant, Simon Pelé e outras visitadas.
17    de junho a 12 de julho
VI.             Fase de tentativa de encontros com:
1.      Associações civis e políticas
2.      Ministro da justiça
3.      Ministro das coletividades territoriais
4.      Chefe da policia em Cité Soleil
5.      Chefe da Minustah em Cité Soleil
6.      Grupos de pesquisa na UEH
7.      Grupos armados (se possível)
Tableau 1. Source: L´auteur

Pour y parvenir, nous avons eu comme plan d´action: réaliser d´abord la phase observatoire et exploratoire du phénomène susceptible de nous donner une première lecture de celui-ci; élaborer la liste des institutions (publiques et/ou privées) que nous avons l´intention de contacter et de rencontrer, faire une sélection préliminaire, par thème de recherche, les ouvrages à consulter dans des bibliothèques où ils se peuvent être accessibles, camper à cet effet un calendrier de lecture tant à domicilie que dans les centres de documentation tels que la Bibliothèque Nationale d´Haïti et la Bibliothèque de la Faculté d´Éthnologie[2] où nous nous rendions souvent, enfin, concevoir un plan stratégique qui nous permettra de rencontrer les organisations sociales et politiques, les acteurs religieux, les groupes armés et autres entités intéressées par la recherche.

Le 12 janvier, c´était la commémoration des victimes du séisme du 12 janvier 2010. Le vendredi 13 et le samedi 14 janvier 2017, nous avons effectué une visite dans la commune de Cité Soleil. L´objectif de celle-ci était de tester le terrain ainsi que sa fragilité rappelant que ce lieu qui représente notre champ d´expérimentation empirique et scientifique du phénomène des conflits armés reste pendant longtemps le manifeste de l´Haïti enfouie dans la crasse, la violence, la misère, la criminalité et l´insalubrité, une zone controlée par des bandes armées qui détiennent droit de vie et de mort sur toute une population. Dès notre arrivée, en nous mettant dans une posture de journaliste, nous nous mettions à sillonner la zone et nous avons constaté que, effectivement, des changements s´y sont opérés depuis que nous avons quitté le pays.

Ce qui signifie que nous nous sommes promptement mis au travail en organisant d´abord notre emploi du temps. Définir un plan et un calendier d´activités revient à faire une gestion rationnelle de notre séjour qui ne doit excéder 6 mois. La première semaine y a par conséquent été consacrée. Aussitôt le plan et le calendrier terminés, nous commençions par entreprendre les contacts d´une part avec les principales institutions étatiques concernées par nos collectes de données, comme, par exempl, la Mairie de Cité Soleil, la Police Nationale, la Minustah, la Sécurité Publique, d´autre part avec les groupes sociaux, les organisations politiques et les sujets armés regroupés cette fois sous le nom de fondation. L´ordre chronologique qui suit représente tout simplement un condensé des travaux exécutés dans le temps et dans l´espace, mais il ne traduit pas leur exécution systématique.

2.      Les travaux exécutés en ordre chronologique

2.1.Phase 1: Observation exploratoire: Du vendredi 13 janvier au 31 janvier 2017[3]: Les premiers instants

Les trois dernières semaines du mois de janvier ayant suivi notre arrivée sur la terre d´Haïti ont été consacrées à des tâches multiplex: organiser notre agenda, établir les contacts en mettant sur pied un planing afin de voir dans quelle mesure il est possible de rencontrer les personnes physiques et morales concernées par notre recherche parmi lesquelles les personnalités politiques (le maire et le député), le commissaire de police de la Cité Soleil, la justice, les institutions privées et les organisations sociales et politiques opérant dans cette commune. Dans un second temps, comme activité parallèle, nous nous mettions à observer l´environnement dans lequel nous allions travailler afin de pouvoir lier connaissance aux réalités (anciennes comme nouvelles) qui nous attendent.

2.2.Phase 2: Documentation et lecture: 1er mars au 30 mars: Début des consultations bibliographiques

Le mois de mars a été l´un des plus intenses, car il a marqué le début des recherches bibliographiques[4]. Il s´agissait de trouver des livres et documents dans les différents centres de documentation dans le pays qui traitent des thèmes tels que: violence, criminalité, conflit social, environnement criminogène, politique gouvernementale de gestion des conflits armés etc. Nous avons donc commencé par établir un calendrier de fréquentation des bibliothèques comme la Bibliothèque nationale d´Haïti (BnH), celles des facultés d´éthnologie et des sciences humaines[5].

2.3.Phase 3: Sillonnage et entretiens: 1er février au 29 février 2017: Première prise de contact avec les organisations sociales, politiques et culurelles ainsi que les institutions religieuses.

En février, nous avons entamé une sorte de géolocalisation cartographique des organisations sociales, politiques et culturelles qui évoluent à Cité Soleil. Il fallait s´enquérir sur leur secteur d´activités, leur mode de fonctionnement, les activités qu´elles organisent et sur la façon dont elles participent dans le processus de paix ayant suivi les conflits armés. Nous avons, par ailleurs, rendu visite à quelques églises de la place où nous avons rencontré des leaders religieux.

2.4.Phase 4: Contacts institutionnels: 1er avril au 31 mais: Acheminement des demandes de documents aux institutions concernées par la recherche

En fait, depuis en mars certaines institutions avaient déjà été formellement informées de notre demande de documents. Mais, les mois d´avril et de mai, en mettant tout en oeuvre pour y parvenir, ont vu accélérer nos correspondances avec les institutions publiques et privées touchées par les problématiques de notre recherche. Il y en a même qui ont reçu des lettres de demande d´interview sur la situation de la sécurité nationale, ce fut le cas, par exemple, de la Secrétairie d´état à la sécurité publique. Certaines nous ont accordé quelque rendez-vous tandis que d´autres restaient fermées dans leur silence. Entre temps, en attendant d´être contacté, nous nous sommes rendu à Cité Soleil pour continuer le sillonnage prendre quelques images.

2.5.Phase 5: Enquêtes de terrain: 18 mars au 14 juin

Si timidement nous avions, dès le mois de janvier, commencé à faire quelques enquêtes de terrain et des interviews au sein de la communauté de Cité Soleil en abordant plus précisément les chefs d´organisations sociales, politiques et leaders religieux, les mois d´avril, de mai et de juin ont été consacrés aux enquêtes et interviews de façon plus intense et féconde afin de pouvoir recueillir les opinions de la population et de ces acteurs sur le phénomène des conflits armés à Cité Soleil.

2.6.Phase 6: Organisation des matériels: 15 juin au 11 juillet: Dernière ligne droite des activités

Les mois de juin et juillet étaient très agités parce que non seulement ils marquaient les dernières lignes droites de la recherche, mais surtout parce que nous nous approchions vers la fin de notre séjour. Néanmoins, cette dernière phase était dominée par la récapitulation, la révision, l´évaluation et le classement des matériels obtenus. Par ailleurs, même le jour de notre départ, le 12 juillet, nous avons dû nous rendre à la Direction Générale de la Police nationale d´Haïti qui, nous ayant promis quelques statistiques de la PNH sur ses actions à combattre les violences urbaines et l´insécurité, na pas pu malheureusement honorer ses promesses.

3.      En ce qui concerne les enquêtes de terrain, les interviews et les collectes de données

L´enquête de terrain – très importante pour un travail de recherche en sociologie – malgré les difficultés qui l´enveloppent, représente à elle seule, surtout dans le cas qui concerne Cité Soleil, une étape colossale à franchir parfois pour remédier à la faiblesse, à l´incapacité ou à l´involonté des institutions publiques haïtiennes à nous fournir informations, documents et données statistiques nécessaires et fiables, aux lacunes des centres de documentation à se procurer de livres traitant du sujet en question. Elle consiste, sans prétendre remplacer les données statistiques d´une quelconque institution, l´IHSI, par exemple, à aller rechercher auprès de la communauté concernée les informations dont les institutions ationales se seraient rendues incapables ou impossibles de nous communiquer. En effet, le travail de terrain que nous avons réalisé à Cité Soleil était compris entre plusieurs étapes: observation préliminaire du phénomène, exploration, prise de contact, collecte de données. Il était donc impératif de nous transporter personnellement et physiquement sur le terrain afin d´interviewer les habitants sur le phénomène de conflits armés et de changement social qui s´opère dans ce grand bidonville dans le but de les analyser minutieusement. Ainsi, l´enquête de terrain aurait, en quelque sorte, pour rôle de compenser les lacunes documentales relatives au sujet de la recherche.

 L´interview qui occupe une place aussi importante que l´enquête de terrain dans la recherche sociologique était quant à elle dans une grande impasse en ce sens que, certains acteurs politiques, religieux et sociaux; citoyens ordinaires; notables; chefs d´organisations sollicités avaient refusé de nous accorder des interviews explicites et formelles sur la situation des conflits armés à Cité Soleil. Dès qu´on leur propose d´obtenir d´eux une interview en toute confidentialité, ils recullent[6] et se referment sur eux-mêmes. Or, ils ne se gênent pas à parler en circuit fermé de Cité Soleil, de ses jours passés à la fois glorieux et affreux, de ses bandes armées, des violences collectives qui le paralysent moyennant que cela se fasse en toute discrétion et reste dans le cadre d´une simple conversation amicale ordinaire. De plus, il est important de ne pas mentionner que l´interview sera enregistrée et que sa formalité servira aux fins exclusives d´une recherche scientifique. Néanmoins, certains d´entre eux se sont montrés très coopérants en comprenant les raisons et le bien fondé de notre recherche. C´est ainsi que nous avons pu réussir à faire quelques interviews. De ce fait, une interview informelle – disons plutôt une conversation occasionnelle, spontanée ou amicale – devient plus propice et a plus forte chance de réussir qu´une interview formelle clairement sollicitée.

Enfin, la collecte de données et de documents était un autre casse-tête: beaucoup d´institutions concernées de la sécurité nationale, de la justice et de la gestion politique des conflits armés dans les zones vulnérables comme Cité Soleil refusent – sans en invoquer les raisons – de mettre à notre disposition les documents afin de produire une analyse beaucoup plus approfondie du phénomène. Si certaines ont formellement donné une fin de non recevoir à nos requêtes en le faisant par écrit, d´autres ont froidement choisi de faire silence en ne nous communicant pas les raisons de leur refus de nous aider dans la quête des données[7]. Ce qui, à coup sûr, aura un certain impact sur le développement de la thèse vu que nous allons devoir recourir à d´autres sources corolaires pour traiter et analyser un phénomène à caractère national, communal et communautaire[8]. Toutefois, nous avons pu quand bien même recueillir beaucoup de données, d´informations et de documents que ce soit à travers nos enquêtes de terrain, que ce soit par les interviews que nous avons réalisées de façon formelle ou informelle évitant ainsi que la thèse soit totalement boycottée.

II.    BILAN DES ACTIVITÉS DE TRAVAUX DE RECHERCHE

 Le bilan consiste à faire une autoévaluation à la fois subjective et objective des activités concrétisées. Le bilan présenté ci-dessous traduit les hauts et les bas, le niveau de satisfaction et d´insatisfaction du travail de recherche à Cité Soleil, lequel travail nous a permis de découvrir une autre facette de ce grand bidonville caractérisé aujourd´hui par le calme et la paisibilité. Les affrontements violents et armés ont considérablement diminué. Ils ne sont plus visibles, se font de plus en plus rares et se conjuguent désormais au passé. La finalité de ce bilan à trois volets: bilan de toutes les activités, bilan des enquêtes et bilan des interviews est de faire ressortir notre propre appréciation critique sur le travail concrétisé. Ainsi, dans le Tableau 2 ci-après le niveau de satisfaction est évalué de la manière suivante: de 0-4 (insatisfait), de 5-7 (satisfait) et de 8-10 (très satisfait)[9].
1.      Bilan général des différentes activités réalisées
Date
Nature de l´activité
Objectif
Lieu
Réalisation
Évaluation
16-1-2017 au 23-1-2017
Sillonnage de certains quartiers de Cité Soleil
Prendre la tension de la zone
Cité Soleil
V
8
13-2-2017
Consultation du Nouvelliste (Janvier – Mars 1990)
Vérifier un événement qui s´est déroulé dans cette date
Bibliothèque nationale d´Haïti
V
8
4-3-2017
Visite au Service de Finance locale du MICT
Nous renseigner sur le budget de Cité Soleil
Pacot
V
3
4-3-2017
Rencontre avec le Cercle Culturel des Amis de la Paix
Connaître les organisation sociales
Cité Soleil-Lintho 1
V
8
8-3-2017
Rencontre avec OPAM
Connaître les organisation sociales
Cité Soleil-Duvivier
V
8
9-3-2017
Visite à la DDO
Nous renseigner
Champ de Mars
V
8
10-3-2017
Visite au MAST
Nous renseigner
Av. Charles Summer
V
7
10-3-2017
Visite au Secrétaria à Sécurité Publique
Nous renseigner
Turgeau
V
7
18-3-2017
Rencontre avec le Prof. Manedas
Discuter du thème de la violence
Champ de Mars
V
8
25-3-2017
Rencontre avec le pasteur de l´église Weslyenne
Comprendre comment les églises se sont comportées pendant les conflits et quels impacts ils ont eu sur elles
Cité Lumière-Cité Soleil
V
7
25-3-2017
Rencontre avec CHAM
Connaître les organisations sociales
Soleil 19-Cité Soleil
V
8
27-3-2017
Rencontre avec plusieurs organisations sociales et politiques, des leadeers communautaires
Parler des violences armées à Cité Soleil
Hopital Sainte Cathérine-Cité Soleil
V
8
30-3-2017
Rencontre avec OPJED
Connaître les organisations sociales
Soleil 22-Cité Soleil
V
8
1-4-2017
Présentation d´une conférence sur la comparaison entre Cité Soleil et les favelas brésiliennes
Présenter une conférence
Hopital Sainte Cathérine-Cité Soleil
V
8
1-4-2017
Interview avec Yonel, houngan
L´interviewer sur le rôle du vodou dans les conflits armés
Soleil 17-Cité Soleil
V
9
7-4-2017
Visite à la DGPNH
Nous renseigner
Pétion-Ville
V
5
8-4-2017
Interview avec pasteur Profaite Médéus, Église Chrétienne des Cités
L´interviewer sur le rôle des religions dans les conflits armés à Cité Soleil
ECC-Cité Soleil
V
9
4-5-2017
Rencontre avec um responsable de la AVSI
Nous renseigner sur le rõle des ONGs dans les conflits armés
Ruelle Volcy-Cité Soleil
V
7
5-5-2017
Rencontre avec FOFADEM
Connaître les organisations sociales et politiques
Cité Soleil
V
4
8-5-2017
Interview avec Venel Jean, Directeur de l´école Salnave Jean
Parler de la vision des éducateurs des conflits armés
Cité Soleil
V
7
5-5-2017
Interview avec pasteur André Jean Ebaniste, Pasteur de l´église pentecotiste
Parler du rôle des religions dans les conflits armés et de leurs impacts sur elle
Cité Soleil
V
6
5-5-2017
Interview avec Saintiny Jean Sorel, éducateur
Parler des conflits armés à Cité Soleil
Soleil 5- Cité Soleil
V
7
6-5-2017
Interview avec le juge Oreste Félix
Aborder les dossiers de la justice
Boston-Cité Soleil
V
8
9-5-2017
Rendez-vous au Ministère des Cultes avec le DG
Rencontrer le DG Evens Souffrant sur la lettre de demande de documents[10]
Delmas 75
V
0
16-5-2017
Interview avec pasteur Holly Chery, pasteur de l´Église de Jésus-Christ Matthieu 16:18
Parler du rôle des religions dans les conflits armés et de ses impacts sur elle
Boston-Cité Soleil
V
8
9-5-2017
Interview avec pasteur Frantzy Roméus, pasteur de l´église Mission coréenne Love and Hope
Parler du rôle des religions dans les conflits armés et de ses impacts sur elle
BLVD Soleil-Cité Soleil
V
8
14-5-2017
Rencontre avec différents membres de l´Église Chrétienne des Cités
Les interviewer sur leurs activités religieuses
ECC-Cité Soleil
V
8
15-5-2017
Interview avec Charles Rostant, éducateur
L´interviewer sur les conflits armés
Soleil 14-Cité Soleil
V
7
21-5-2017
Interview avec pasteur Bruno Bernnard et Fr. Dovaine Chery, ECC
L´interviewer sur les impacts des conflits sur les églises
ECC-Cité Soleil
V
7
22-5-2017
Interview avec pasteur Joseph Jean Enock
L´interviewer sur l´histoire de Cité Soleil et faire une radiographie des conflits armés
Sarthe-Mairie de Cité Soleil
V
8
25-5-2017
Interview avec pasteur Mercier, pasteur Milrick Jean Noel, ECC
L´interviewer sur les impacts des conflits armés sur les églises
ECC-Cité Soleil
V
8
16-5-2017
1ère suivi administratif de notre lettre à la DGPNH
air ele suivi de notre lettre à la DGPNH
Pétion-Ville
V
2
23-5-2017
2ème suivi administratif de notre lettre à la DGPNH
suivi administratif de notre lettre à la DGPNH
Pétion-Ville
V
2
22-5-2017
Interview avec pasteur Pierre Altès, église Baptiste directe mondiale
L´interviewer sur les impacts des conflits sur les églises
Varreux I-Cité Soleil
V
7
30-5-2017
Rencontre avec Cherlyne de l´Hopital Sainte Cathérine
Chercher les statistiques sur les blessés par balles au cours des conflits armés
Hopital Sainte Cathérine-Cité Soleil
V
7
30-5-2017
Interview avec Iscar, Fondation Siloé
L´interviewer sur les conflits armés à Cité Soleil
Bélékou-Cité Soleil
V
9
1-6-2017
Interview avec Olritch, Fondation Gabriel
L´interviewer sur les conflits armés à Cité Soleil et l´activité de la fondation
Soleil 15- Cité Soleil
V
9
8-6-2017
Interview avec Frantzy et Frantz, Fondation Sabathem
L´interviewer sur les conflits armés à Cité Soleil
Boston-Cité Soleil
V
9
31-5-2017
3ème suivi à la DGPNH
Faire le suivi
Pétion-Vill
V
2
12-6-2017
4ème suivi à la DGPNH
Faire le suivi
Pétion-Vill
V
2
14-6-2017
5ème suivi à la DGPNH
Faire le suivi
Pétion-Vill
V
5
14-6-2017
Interview avec Anthony, éducateur
L´interviewer sur les conflits armés à Cité Soleil
Bélékou-Cité Soleil
V
9
22-6-2017
6ème suivi à la DGPNH
Faire le suivi, par téléphone
Pétion-Vill
V
2
29-6-2017
Visite à JILAP
Demander des documents sur la violence et l´insécurité
Champ de Mars
V
8
7-7-2017
Visite à l´hopital Sainte Cathérine
Recevoir les statistiques sur les blessés par balles
Saint Cathérien-Cité Soleil
V
8
Tableau 2. Source: L´auteur

2.      Bilan d´exécution des enquêtes de terrain
Date
Nom
Type
Lieu
Objectif
Évaluation
16 jan au 31 jan
Dénombrement des églises
Fermé
Cité Soleil
Dénombrer certaines églises à Cité Soleil
8
1º fev. au 15 fev.
Les événements de 2004-2006
Ouvert et fermé
Cité Soleil
Comprendre comment les habitants de Cité Soleil ont vécu ces événments
8
16 fev. au 29 fev.
Perception des gens armés par les habitants de Cité Soleil
Fermé
Cité Soleil
Enquêter sur la façon dont les habitants de Cité Soleil perçoivent les individus armés
8
1º mars au 15 mars
Processus de formation des groupes armés
Fermé
Cité Soleil
Comprendre le mécanisme de formation des groupes armés
8
16 mars au 30 mars
Gestion politique des conflits armés
Fermé
Cité Soleil
Recueillir les opinions des habitants de Cité Soleil sur la façon de l´État aurait géré les conflits armés
8
31 mars au 14 avril
Mobilité sociale des habitants de Cité Soleil vers d´autres zones
Fermé
Canaan, Village Renaissance
Comprendre pourquoi les habitants de Cité Soleil l´ont laissée.
8
15 avril au 29 avril
Rôle des religions dans les conflits armés
Fermé
Cité Soleil
Recuillir les informations sur le rôle des religions dans les conflits armés d ela part des membres
8
30 avril au 15 mai
Rôle des religions dans les conflits armés
Fermé
Cité Soleil
Recuillir les informations sur le rôle des religions dans les conflits armés d ela part des leaders religieux
8
16 mai au 16 juin
Situation des conflits armés
Fermé et ouvert
Cité Soleil
Recuillir les opinions sur la situations passée et présente des conflits armés à Cité Soleil
8
17 juin au 30 juin
Statistiques de fréquentation des croyants à l´églis em période de conflits armés
Fermé
Cité Soleil
Comprendre la fréquentation des croyants dans les activités religieuses em période de conflits armés
8
Tableau 3. Source: L´auteur

3.      Bilan d´exécution des interviews
Période
Nombre d´interviews réalisées
Lieu
Type
Évaluation
18 mars au 30 mars
5
Cité Soleil
Fermée et ouverte
8
1 avril au 8 avril
5
Cité Soleil
Fermée et ouverte

2 mai au 30 mai
27
Cité Soleil
Fermée et ouverte
8
1 juin au 14 juin
3
Cité Soleil
Fermée et ouverte
8
Tableau 4. Source: L´auteur

III. LES DIFFICULTÉS DE LA RECHERCHE

1.      Les difficultés d´ordre affectivo-personnel et subjectivo-motivationnel

Les premières difficultés de la recherche ont commencé, sous un angle de disposition psychologique, mentale et motivationnelle, à l´aéroport de Brasília où, le 10 janvier 2017 aux environs de 1h30, je suis arrivé afin de prendre mon vol en direction d´Haïti. En effet, parti de São Paulo, le 9 janvier, tout motivé, joyeux, gaie et déterminé, malgré la longue durée du trajet, mon vol Brasília vers Port-au-Prince était fixé à 3h30 et l´embarquement devait débuter dans une trentaine de minutes. Me voici en ligne pour retirer mon boading pass lorsqu´un des responsables de la compagnie aérienne Copa Airlines m´approcha pour me demander où est-ce que j´allais. Je lui ai répondu avec gaieté de coeur que ma destination finale était Haïti. Ce fut en ce moment qu´il commença à m´informer sur les nouvelles restrictions de bagages qui frappent la compagnie sur la zone caribéenne plus particulièrement sur Haïti. Ayant strictement droit à 32 kilogrammes, mes trois malettes en faisaient plus qu´une soixante dizaine. En apprenant cela, le ciel vient juste de me tomber sur la tête!

Selon les toutes dernières informations qui venaient juste de m´être communiquées et confirmées ce jour même du vol sur le comptoir où je devais retirer mon boading pass, il est arrivé que la compagnie aérienne Copa Airlines était en ce moment en période d´embargo, ce qui lui empêchait par conséquent de permettre à ses passagers de voyager avec des bagages additionnels comme cela est prévu dans les règlements de la politique, ce, même s´ils se seraient disposés à payer pour ces surplus de bagages. Nous sommes tombés des nus. Voyez donc de près la scène! Une personne motivée, se sachant être consciemment en possession de bagages additionnels pour lesquels il s´était déjà disposé bien avant de partir à payer, et voilà qu´on vient de lui dire qu´ils ne pourront plus être transportés. À notre grand étonnement, nos bagages étaient frappés d´interdiction. Que faire alors dans un endroit où l´on est seul, sans aide, sans secours, sans recours, et, en plus, très loin de chez soi? Dans un endroit où personne ne veut rien entendre? En conséquence, la motivation, le contentement, la joie, la gaieté et la sérénité qui nous animaient, tout ceci nous a brusquement été enlevé.

Après de longues et vaines discussions tenues avec les employés de la Copa concernant cette nouvelle politique de bagages qui ne faisait que nous surprendre, ils ne voulaient absoluement rien entendre, ainsi toute tentative de sortie de cette difficulté et de compromis n´a abouti à aucun résultat. De plus, à 2h du matin aucun service de cargo ne fonctionnait, alors comment payer pour les transporter en Haïti à travers des services particuliers? Nous avions donc le choix entre laisser ces bagages puis embarquer ou reporter le voyage, ce qui allait nous coûter des fortunes sur le plan économique. De toutes les façons, nous étions entre l´enclume et le marteau. Nous étions donc obligés de monter à bord en tant que dernier passager, privé de nos deux malettes additionnelles. Elles ont été ainsi abandonnées dans l´enceinte de l´aéroport de Brasília sur le pavé.

De Panama étant, où nous avons effectué une escale de quelques heures, nous essayions de contacter quelques amis à Brasília et à São Paulo question de leur demander de venir récupérer ces bagages, mais c´était en vain: tous les trous nous étaient obstrués[11]. Plusieurs tentatives échouées, des appels téléphoniques placés sans succès, l´heure de s´embarquer pour Haïti avance à grand pas, l´accès à l´internet limité à une heure termine, ayant épuisé toutes les voies de recours qui nous paraîssaient possibles: c´est à ce moment-là que nous nous sommes vraiement rendus compte que nous venons de perdre ces deux malettes que nous ne retrouverons plus jamais. Même si cet incident bouleversait notre pensée, nous tentions de faire le vide dans notre esprit en nous convaincant nous-mêmes avoir laissé derrière nous cet incident si malheureux.

Devant ce fait accompli, nous avons donc entrepris de comprendre ce qui vient de se produire et décidé de tout oublier en puisant dans la morale existentialiste la force de comprendre que la dimension humano-existentielle de l´homme doit transcender les choses matérielles mises à sa disposition comme usufruitier. Autrement dit, bien qu´importants et utiles pour notre fonctionnement, les biens et les choses que nous possédons ne doivent diminuer l´humanité qui est en nous ni éteindre sa flamme de motivation qui nous ensorcelle. De plus, nous nous sommes ressourcés dans l´éthique de conviction pour qu´un tel incident n´ait en aucune façon des conséquences néfastes sur la recherche ni ne nous détourne des objectifs que nous nous sommes fixés au préalable.

Il est 15h, nous sommes atteris à l´aéroport Toussaint Louverture épuisé, fatigué et manque de sommeil. Nous y voilà sur notre terre natale laissée il y a trois ans. En effet, notre arrivée en Haïti s´est effectuée le 11 janvier 2017, et, bien que pétri et mortifié par la fatigue, psychologiquement abattu par ce voyage qui nous a coûté des montagnes en termes de dépense d´énergie physique et spirituelle, nous nous sentions très déterminé. Il fallait rester motivé, fort et objectif tant sur le plan physique et moral que spirituel et psychologique, il fallait aussi bien gérer notre temps de séjour qui ne devait excéder 6 mois. Après deux à trois jours de recul, de réflexion, de récupération, de concentration et de méditation, car il fallait nous débarrasser – même partiellement et au plus vite que possible – de ce passé fracassant et douloureux afin de nous mettre au travail. En fait, il m´a fallu un grand effort moral de dépassement et de surpassement pour amoindrir et atténuer les effets psychologiques de ces abus endurés avec courage. Je devais donc m´armer d´audace, de constance et de perspicacité afin de rester concentré sur l´objectif pour lequel je suis rentré en Haïti, celui de réaliser des travaux de recherche en vue du développement et de la préparation de la thèse.

Il convient de souligner que les difficultés rencontrées au cours du voyage nous ont enlevé toute motivation spirituelle et préparation psychologique au préalable tel qu´il nous fallait les recouvrer par des exercices de méditation et de transcendance. Celles-ci ont toutefois provoqué un léger retard dans le démarrage des travaux de recherche. Nous avions l´impression d´être dexacé et désorienté. Ce ne sont pas seulement les problèmes d´ordre méthodologique qui puissent compromettre à un travail de recherche. Les obstacles peuvent avoir aussi des caractères affectivo-personnel, psychologico-motivationnel, sentimental et émotionnel.

Même si la recherche correspond aux rigueurs scientifique, théorique et méthodologique, elle repose également sur la santé physique, spirituelle, mentale et psychologique du chercheur d´abord, ensuite sur son environnement social, familial et culturel afin de bien mener les travaux de recherches. De toute façon, il est appelé à faire face à d´autres obstacles dont il saura par quelle stratégie les affronter. Si les états mentaux et psychologiques du chercheur ne sont pas au point fixe, il sera difficile de s´attendre à des résultats satisfaisants de la recherche.

Ainsi, il fallait, désormais, faire en sorte que ces événements malheureux ne se sont jamais produits afin de nous consacrer aux immences besognes qui nous attendent. Par ailleurs, nous devions nous préparer également à d´autres obstacles éventuels qui peuvent subvenir tout au long de la recherche. De ce fait, un plan d´action et un calendrier d´activités bien fisselés ont été conçus, au moyen desquels nous avons commencé par créer une liste d´institutions publiques et privées à contacter, à l´intérieur desquelles nous espérons trouver des documents utiles et importants pour un meilleur développement de notre recherche. Des difficultés y relatives ont surgi. En les exposant ici, on va pouvoir constater le problème d´accès aux documents et données au niveau des institutions publiques et privées haïtiennes – surtout les médias privés – aussi bien que la privation pour ne pas dire la négation du droit à l´information en Haïti.

2.      Les difficultés relatives aux contacts avec les institutions publiques

Les institutions publiques, qu´elles appartiennent au secteur social, politique, économique ou culturel, qu´elles soient de caractère national ou international, sont d´une très grande importance pour une recherche qui veille à ce que ses sources soient officielles. En fait, toute recherche scientifique digne de ce nom en nécessite, et, dans une société démocratique, elles jouent un rôle de premier ordre en matière du droit à l´information, autrement dit, le citoyen ne devrait pas avoir du fil à retorde à trouver des informations auprès des institutions publiques. Car, non seulement c´est grâce à elles qu´il est possible d´avoir des données officielles – même si elles ne sont pas toujours fiables – sur un phénomène, mais surtout les versions officielles des faits c´est elles qui les détiennent et c´est elles qu´on peut soumettre à une analyse critique.

Vous vous imaginez un seul instant le dégat que pourrait provoquer l´absence ou le dysfonctionnement d´une institution comme IHSI[12] – chargée de fournir toutes les données statistiques à caractère démographique, social, politique, économique et religieux sur l´ensemble du territoire – ou encore son refus à les mettre à la disposition du public en privant le citoyen de son droit à l´information? Dans les pays où la corruption se fait visiblement, l´information est monayée, ainsi, le droit à l´information devient une vaine expression qu´on aura beau chanter sur tous les toits. Sur ce, quand les institutions publiques laissent à un citoyen-chercheur le choix de se fier aux autres sources – généralement les rumeurs et les informations non officielles – elles se remettent elles-mêmes en cause et laissent planer sur elles de véritables suspiçions.

S´il s´avère que dans les pays très développés la règle veut que l´appareil institutionnel et administratif soit fonctionnel et dynamique pour répondre au besoin du citoyen surtout en matière d´information, en Haïti cette règle devient malencontreusement l´exception. L´accès aux informations et documents officiels sont un véritable calvaire pour un chercheur en Haïti, surtout lorsque ce dernier n´est pas disposé à donner des pot-de-vins pour avoir les données et documents auxquels il a droit, surtout lorsqu´il dénonce cette marchandisation du droit à l´information. Nous avons ainsi rencontré des difficultés énormes de cette nature auprès des institutions publiques et privées haïtiennes. Si certaines nous ont formellement fait part de leur refus de nos demandes, d´autres n´ en ont fait aucun cas en restant fermées dans leur silence. Avec les institutions internationales[13], le résultat n´était pas moins catastrophique Ainsi, pour avoir contacté ces institutions publiques, nous sommes en mesure d´évaluer leur niveau de démocratisation en matière du droit à l´information, de déceler la déliquescence et la faiblesse de celles-ci tant au niveau communal que national, enfin, de classer celles qui, d´une certaine manière, ont contribué à notre recherche.

2.1. À la Mairie de Cité Soleil
Située à Sarthe sur la route nationale # 1, la Mairie de Cité Soleil est la première si ce n´est la plus importante institution publique avec laquelle il est important de collaborer dans le cadre d´une telle recherche. De fait, c´est la première institution à laquelle nous nous sommes dirigés, le lundi 16 janvier 2017, en vue d´obtenir quelques informations, données statistiques et documents sur Cité Soleil, à savoir, son budget de fonctionnement, sa répartition territoriale, la liste des quartties, celle des organisations sociales et politiques, celle des ONGs , celle des lieux de cultes agissant à l´intérieur de la cité aussi bien que l´opinion du nouveau conseil municipal fraîchement élu sur le phénomène des conflits armés et la situation socio-politique actuelle telle que nous venons de la découvrir. Ce jour-là, nous y avons rencontré le Maire principal, grâce à la référence d´un de nos frères qui y travaille.

Avec lui, une brève conversation d´une dizaine de minutes s´est tenue sur le but de notre visite, la nature et le contenu de notre recherche. Après cette conversation, nous n´avons rien eu en termes de documents et de données, car selon celui-ci la Mairie a éte presque dysfonctionnelle et a subi de sévères actes de vandalisme et de malversation orchestrés par les anciennes équipes intérimaires nommées par l´ex-président Michel Martelly entre 2014 et 2015 jusqu´aux dernières élections municipales de 2016. Toutefois, nous pouvons dire que la conversation avec le maire a été plus ou moins avantageuse puis que nous avons pu l´informer de la recherche et convenu avec lui une rencontre pas trop lointaine au cours de laquelle nous aurons à aborder les sujets politiques, sociaux et économiques poignants concernant Cité Soleil. Sur ce, un rendez-vous était marqué dans un espace d´une semaine.

Nos premières démarches institutionnelles ayant commencé à la Mairie de Cité Soleil où nous nous sommes brièvement entretenus avec le Maire principal fraîchement élu, nous ont permis d´avoir une idée sur le fonctionnement de cette municipalité. D´un point de vue descriptif, mis à part les bureaux de chacun des trois maires et du chef du cabinet, elle comporte plusieurs services notamment la comptabilité, le service des collectivités territoriales et du développement, le service des cultes et des religions, le service des affaires sociales, pour ne citer que ceux-là. Sa cour et ses quelques espaces à l´intérieur sont toujours remplis de gens, du moins lorsque nous nous y rendions. Étaient-ils tous des employés de la Mairie? Pour certains, la majorité travaille à la Mairie, pour d´autres ceux et celles qui viennent pour des services, des demandes d´emploi, des rendez-vous etc. s´entre mêlent avec les employés qui portent des maillots de la mairie et quelque fois un badge. Ceci ne suffit pas comme critère de distinction puisque des anciens portent les même maillots. Pour d´autres encore il s´agit d´anciens employés de la Mairie qui viennent pour se faire réintégrer.

En effet, selon la toute dernière information, la nouvelle équipe municipale de Cité Soleil dans son souci de mettre de l´"ordre" venait de mettre à pied une centaine d´employés qui, dit-elle, n´ont jamais été figurés sur la feuille d´émargement de la Mairie et faisaient l´objet des chèques zombis. La situation nous paraîssait quand bien même inquiétante. Mais, il ne faut rien dramatiser, car c´est l´image que projettent presque toutes les mairies se trouvant dans l´arrondissement de Port-au-Prince: elles sont souvent bondées d´individus sans savoir distinguer ceux qui sont employés et ceux qui ne le sont pas. Donc, à chaque visite, voyant ces multitudes, il était non seulement difficile de les catégoriser socialement, mais cette situation nous rendait surtout un peu inconfortable.

Or, pour des raisons qui nous demeurent jusqu´à présent inconnues, ce rendez-vous a unilatéralement été reporté à plusieurs reprises. La dernière fois que moi et le maire nous sommes vus nous avons parlé de Cité Soleil, et, après m´avoir promis l´acccompagnement de la mairie, nous nous sommes quittés en de très bons termes avec l´espoir d´obtenir très prochainement l´interview sollicitée. En effet, après maintes tentatives sans succès pour rencontrer le maire, il a finalement accepté de nous recevoir le 29 mars. Lorsque nous nous sommes présentés à son bureau, nous avons réitéré la volonté d´avoir de lui cette interview. Aussitôt, il a brusquement changé d´avis en refusant catégoriquement de nous accorder cette interview formelle pour des raisons que nous ignorons jusqu´à présent[14]. Il en a profité pour nous renvoyer auprès de son responsable des affaires sociales, une façon de nous esquiver et de se débarrasser de nous, car ce service ne nous a pas apporté grand´chose. En fait, cette réaction n´était pas différente de celle de plusieurs chefs d´organisations à Cité Soleil desquelles nous nous sommes approchés en vue d´obtenir d´eux de façon formelle une interview. S´ils acceptent de parler des conflits armés à Cité Soleil, ils le font surtout dans un cadre informel, discrétionnaire, implicite et amical.

Malgré ce refus, nous avons manifesté plus d´énergie et de détermination à poursuivre nos recherches et à continuer nos démarches auprès des autres institutions publiques ou privées concernées. Entre temps, en attendant que les nouvelles soient bonnes pour revoir monsieur le maire ainsi que des possibilités pour contacter les personnalités politiques, religieuses et sociales visées par notre recherche, nous nous sommes adonnés à la lecture d´ouvrages traitant des conflits sociaux, des violences collectives, des mouvements sociaux pendant que paralèllement nous réalisions une observation exploratoire de la communauté de Cité Soleil afin de mieux saisir sa nouvelle configuration sociale.

Au service des affaires sociales de la Mairie où nous nous sommes rendus au cours du mois d´avril sous référence du maire principal qui sait pertinemment que celui-ci est nettement dépourvu des documents dont nous avons besoin, pas la moindre idée sur l´existence et le fonctionnement des organisation sociales et des ONGs. En effet, d´une part, à ce service, on nous a craché sèchement que la Mairie ne dispose d´aucune statistique sur l´existence et le fonctionnement des organisations sociales et des ONGs agissant dans les limites de ce grand bidonville à cause des incompétenses dont les anciennes équipes municipales se serait rendue coupable et de l´absence d´une base de données à ce propos. D´autre part, à celui de la comptabilité où il nous fallait s´enquérir sur le budget et les recettes communales de la Mairie, le même son de cloche. Ces services n´existent que de nom.

Les accusations interpersonnelles sont monnaie courante en Haïti pour s´innocenter ou se faire passer soit pour la victime soit pour le meilleur. Une nouvelle équipe se justifie toujours de sa bonté, de sa bonne volonté à servir ou de son éventuelle disponibilité à aider, mais tout en acculant l´équipe précédente à son insu comme principal responsable de tout ce qui lui empêche d´aider. Les causes principales qui expliquent ce comportement c´est d´abord les irregularités électorales, les transitions subséquentes et les crises politiques répétitives. La vérité c´est que les institutions haïtiennes sont toujours très réticentes à fournir aux citoyens haïtiens les informations dont ils ont besoin. Le droit à l´information n´est que de nom pour ne pas dire qu´il n´existe pas en Haïti. Du moins, il est réservé à une catégorie sociale ou à une classe d´individus bien déterminée rappelant que l´exclusion sociale est quasiment la règle en Haïti au lieu d´être l´exception.

Ainsi, à la Mairie, non seulement il ne nous a pas été permis d´avoir une interview sur l´aspect politique des conflits armés dans la cité avec un des trois membres du conseil municipal en tant qu´autorité à la fois publique et politique – ce qui aurait été grandement souhaitable –, mais surtout ne nous ont été fournis aucuns documents et données statistiques importants et sérieux sur la cité. La Mairie de Cité Soleil, première institution publique pour ne pas dire l´une des principales institutions communales, où nous aurions dû obtenir les documents importants sur la cité au profit de la recherche, a passé nettement à côté de nos attentes.

Cependant, la blamer sévèrement à cause de cela serait un peu injuste et incohérent dans la mesure où cette déliquescence et faiblesse institutionnelle en matière de documentation affectent au plus haut niveau presque toutes les institutions publiques haïtiennes. Le poisson pourrit par la tête. Si toutefois, il nous a été difficile d´avoir des documents écrits sur la Cité Soleil comme nous le souhaitions, un membre du cabinet de la Mairie, à la fois acteur religieux, social et politique, en fait, un homme à multiples identités très influent et populaire, a bien voulu accepter de nous accorder une interview. Par ailleurs, au service des religions et des cultes nous avons pu obtenir un petit bout de papier manuscrit faisant office d´une espèce de rapport statistique sur l´existence et le fonctionnement des lieux de cultes à l´intérieur de la cité.

Devant la faiblesse de la Mairie à collaborer à notre recherche, pour ne pas dire son involonté ou son incapacité, nous avons dû recourir aux institutions nationales tout en espérant remédier à cette situation. À cet effet, si des lettres de demande de documents étaient incessamment acheminées à ces institutions publiques et privées: le Ministère des Cultes, la Police Nationale d´Haïti, la Sécurité Publique, le Ministère des Affaires sociales et du travail, le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, la Radio Télévision Nationale d´Haïti, la Radio Télévision Caraïbes, la Radio Télé Kiskeya, la Radio Télé Ginen, d´autres n´ayant pas exigé de lettre ont été verbalement informées de notre recherche. Ce fut le cas, par exemple, du Ministère de l´Intérieur et des Collectivités Territoriales, institution de tutelle des mairies, chargée de leur gestion; de la Mairie de Cité Soleil et du Tribunal de Paix de Cité Soleil.

2.2. Au Ministère de l´Intérieur et des Collectivités Territoriales
Logiquement, c´est à ce ministère selon la loi de sa création datée du 19 mai 1990, qu´il revient la mission de concevoir, de definir et de concrétiser la politique du pouvoir exécutif en ce qui concerne la tutelle des collectivités territoriales, l´immigration et l´émigration et la protection civile. On peut dire qu´il est en outre responsable de valoriser les projets et les initiatives des collectivités territoriales en matière d´aménagement de leurs territoires et de fournitures de services publics. C´est par son biais que celles-ci reçoivent la part d´investissement qui leur est allouée dans le budget national[15] étant donné que beaucoup d´entre elles accusent une certaine faiblesse en matière d´autonomie financière. Il est donc chargé d´améliorer les finances locales et la capacité de gestion des collectivités haïtiennes. Le système de gestion politique de l´État haïtien étant extrêmement centralisateur fait que les communes sont de plus en plus dépendantes de l´État central.

D´un point de vue général, les collectivités, qui comprennent la section communale, la commune et le département, détiennent une autonomie (administrative, financière, politique ou économique) beaucoup plus nominative que réelle, car les communes à recettes fiscales extrêmement faibles, celle de Cité Soleil, par exemple, ne peuvent compter que sur l´état central afin de les assister par l´intermédiaire de ce ministère non seulement en termes de dépenses administratives, mais encore pour les dépenses d´ordre logistique et matériel répondant à leur fonctionnement. Si le principe veut que les communes se prennent elles-mêmes en charge sur le plan financier et administratif, cela arrive à quelques rares exceptions près[16]: presque toutes les communes haïtiennes vivent une situation de dépendance totale de l´état central. Donc, le MICT est la seconde institution publique que nous avons contactée pour essayer de voir si les faiblesses enregistrées à la Mairie de Cité Soleil pouvaient être corrigées.

 Le MICT, par le truchement de son Service de Finance Locale, auquel nous nous sommes adressés lors de notre arrivée puisque c´est lui qui s´encharge de la question qui nous préoccupe, n´a pas fait la différence. Bien au contraire, il nous a enfoncé le clou dans le crâne lorsque, le 3 mars, il a facheusement rejeté notre demande sous prétexte qu´il ne reçoit point les rapports de la mairie de Cité Soleil: une municipalité hors norme et complètement irregulière dans la présentation des rapports, a renchéri un des responsables avec lequel nous avons pris contact. Dans un second temps, ce fonctionnaire publique par lequel nous avons été reçu nous a fait savoir qu´il faut une autorisation expresse de la mairie de Cité Soleil pour avoir les informations demandées sur son budget de fonctionnement compte tenu de son autonomie. Quelle autonomie quand on sait que, premièrement, c´est son ministère de tutelle, deuxièmement, cette mairie n´est pas en mesure de fournir des chiffres sur son fonctionnement. Alors que ce sont des données qui auraient dû être facilement disponibles au citoyen, les demander prouve clairement une faiblesse institutionnelle en matière du respect du droit du citoyen à l´information.

En nous exigeant ceci, il était clair que le ministère n´était pas prêt à coopérer et nous renvoie à une tâche difficile dont il sait pertinemment inaccomplissable. Malgré les nombreuses insistances, le refus persiste. Alors, ayant tout compris, et, pour éviter de gaspiller le temps à cause des déceptions essuyées là-bas, nous avons donc décidé de ne plus nous y rendre pour des raisons suivantes. La distance de l´endroit où se trouve le siège officiel du ministère était extrêmement loin par rapport au centre-ville voire notre lieu de domicile; de plus, nous n´y avions rencontré aucune volonté d´aide et d´appui de la part des responsables; le temps nous pessurait, et, enfin, nous avions tellement d´activités qui nous attendaient et auxquelles nous devions consacrer du temps que nous pensions qu´il fallait mieux nous diriger vers d´autres institutions qui seraient plus ou moins flexibles et disponibles à nous accompagner.

2.3. Au Secrétariat d´État à la Sécurité Publique
Le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique est composé de deux grands secrétariats: le Secrétariat d´État à la Sécurité Publique et le Secrétariat d´État à la Justice. C´est au premier que nous avons adressé notre demande de documents sur la sécurité publique à l´échelle nationale, et, en particulier dans la commune de Cité Soleil. Ce secrétariat est la principale institution chargée de la mise en application de la politique du pouvoir exécutif en matière de sécurité publique. La sécurité est d´abord un sentiment, un état mental et psychologique: il faut se sentir à l´abri de tout danger, de tout risque dans l´environnement où l´on vit. C´est la situation physique où l´individu a l´assurance de n´être exposé, en particulier l´agression physique (Larousse). Sur le plan institutionnel est un tout cannevanesque implicant différentes entités: la police, la justice, la population et la société civile. Elle est publique, cela signifie que tout le monde a le droit d´en jouir pleinement sans exclusion aucune. Ainsi, la sécurité publique consiste en des stratégies et plans d´action mis sur pied par les institutions policière et judiciaire afin de garantir la protection aux citoyens en ce qui concerne leur circulation et leur mobilité sociale.

En ce qui concerne notre demande au Secrétariat d´État à la Sécurité Publique, celui-ci avait sèchement répondu que les documents qui lui sont demandés sur la sécurité publique sont des dossiers classés. En ayant répondu de la sorte, cette institution a fait une très mauvaise lecture du contenu de notre lettre. Une autre lettre de demande d´interview lui a été acheminée dans l´objectif d´avoir les opinions du secrétaire d´État sur la situation des conflits armés à Cité Soleil et ce que prévoit ce secrétariat en matière d´actions et d´activités. Celle-ci, contrairement à la première, n´a eu aucune suite favorable ou défavorable. Le Secrétariat à la Sécurité Publique a ainsi donc décidé de classer sans suite notre demande. Parmi les autres institutions publiques qui ont, ingénieusement, choisi de bouder nos demandes c´est à la PNH et au ministère des cultes que nous avons connus les déceptions les plus dures, car, chacune en qui la concerne représente une épine dorsale de notre recherche.

En effet, si la première devrait nous fournir des statistiques sur les actes de violence et de banditisme dans les zones métropolitaines et ses environs y compris Cité Soleil, ainsi que les actions de démantèlement des groupes armés menés par la police, la seconde aurait pour tâche de nous aider à avoir des documents sur les différentes dénominations religieuses appartenant spécifiquement à la commune de Cité Soleil, leur lieu d´implantation et leurs activités, car, en principe c´est la seule institution chargée de concéder des permis de fonctionnement à toutes les confessions religieuses sur le territoire national. Sur ce, les deux, savoir, la PNH et le ministère des cultes, constituent des institutions importantes pour notre travail.

2.4. Le calvaire vécu à la PNH
Protéger et servir. Telle est la dévise de la PNH. Mais protéger qui ou quoi? Servir qui ou quoi? De quelle famille ou classe sociale doit-on être issu pour être servi et protégé par la PNH? Quelle doit être la couleur de sa peau pour recevoir le "service" et la "protection" fournis par la PNH? Quelle est la qualité de ce service et de cette protection? Le mot service ici – sans besoin de parler de protection – mériterait d´être mis entre mille guillemets. À la PNH, on nous a tournés en rond, nous avons été victime d´une espèce de marronage administratif ou institutionnel. Au lieu d´être servis, eh bien nous avons été desservis. Paraissait-il que ma requête gêne, et que ce gêne d´y répondre clairement corresponderait à sa pertinence. Ce gêne, semble-t-il, rongeait tellement l´esprit des responsables de la PNH qu´ils n´ont recours qu´à cette technique de découragement qui consisterait à nous faire passer d´institution en institution, c´est-à-dire à fréquenter presque toutes les institutions policières de la capitale jusqu´à ce qu´enfin aucune satisfaction ne soit trouvée. Était-ce par méchanceté ou par ignorance? Peut-être les deux. Néanmoins, ce que nous avons retenu,  c´est que compte tenu de la complexité, de la fragilité et de la pertinence de notre sujet de recherche, le comportement de la PNH nous a laissés comprendre qu´elle n´est pas prête à nous accompagner dans nos démarches.

En effet, à la fin du mois de février, nous avons rendu visite au commissaire de police de Cité Soleil pour solliciter formellement de cette institution l´accès à des documents traitant de la situation de la sécurité nationale et du climat de violence qui régnait à Cité Soleil. L´agent que nous avons trouvé en poste nous a fait savoir que cette demande doit être adressée à la DDO (Direction Départementale de l´Ouest). Cette direction de la PNH est l´autorité hiérarchique immédiate de tous les commissariats de police opérant dans le département de l´ouest. C´est d´elle que relève la compétence de décider de la suite ou pas d´un dossier. De ce fait, la lettre a formellement été déposée à cette direction le 17 mars. En cette même date, plusieurs autres institutions ont elles aussi reçu formellement une demande de documents parmi lesquelles nous aimerions mentionner: la Radio Télévision Caraïbes, le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, le Secrétariat d´État à la Sécurité Publique. Exceptionnellement, la Radio Télévision Nationale d´Haïti a eu la sienne le 16 mars.

Nos premières démarches ont commencé à la base de UDMO (Unité Départementale de Maintien d´Ordre) située à Cité Soleil au Carrefour appelé Boulevard Cité Soleil et au Commissariat de Cité Soleil situé sur la route nationale #1. Dans chacune de ces institutions, les agents qui nous ont reçus nous ont répété la même chose: une demande de telle envergure la DDO, chargée de la coordination générale des activités policières dans le département de l´ouest, doit être la première instance à en être informée. La PNH en tant qu´une institution strictement hierarchisée, l´ordre de fournir un quelconque document, fragil et sensible surtout, doit venir du haut commandement, c´est-à-dire du supérieur hierarchique immédiat. Dans le cas du commissariat et du sous-commissariat[17] de la commune de Cité Soleil, leur supérieur hiérarchique serait la DDO.

La lettre acheminée à la DDO avait pour objectif de demander à l´institution policière l´accès aux documents traitant de la sécurité nationale et plus particulièrement des interventions de la police à Cité Soleil, afin de les analyser aux fins de la recherche. Cette lettre n´a reçu aucune suite favorable après plus de six semaines que la DDO l´a reçue. Le jour où j´aurais dû recevoir une éventuelle réponse, à notre grand étonnement le secrétariat nous a demandé de contacter de préférence l´Inspection Générale de la PNH (IGPNH) sachant pertinemment que cette institution ne règle que les affaires internes de la PNH. L´IGPNH est une police des polices et a pour rôle d´inspecter sur la conduite et le comportement des policiers tant à l´intérieur qu´à l´extérieur du corps policier en vue de les corriger et de le sanctionner pour la bonne marche de l´institution policière. Une semaine plus tard, nous nous y sommes rendus malgré tout.

À notre arrviée, la secrétaire nous a confirmé réellement que l´Inspection générale n´est pas habilitée à se prononcer sur ces genres de dossiers, car elle s´occupe de l´administration interne de la police et est appelée à prendre des décisions sur la conduite et le comportement des policiers les uns vis-à-vis des autres et sur leur relation avec la population, alors il faudrait retourner voir la DDO qui est mieux habilitée à prendre une décision dans le cas de notre demande. Ce que nous avons précipitamment fait le même jour. En arrivant, c´est à ce moment là qu´un des agents dans la salle de réception nous a chuchotté que les demandes de documents de ce genre – extrêmement fragiles – deverait être adressée à la Direction Générale de la PNH situé à Pétion-Ville. Entre temps, le jour de notre retour à la DDO, une policière, membre du cabinet, a voulu nous restituer la lettre telle qu´elle lui a été adressée. Nous avons donc refusé de la recevoir sans qu´une réponse – positive ou négative –  ne nous soit accordée de la part de la PNH, ne serait-ce que pour nous servir d´archive. Sous ce refus, la policière est piquée d´une grosse colère et m´a abandonné sur la cour de la DDO. Ainsi, cette lettre,  comme tant d´autres d´ailleurs, est restée sans suite et sans réponse.

À la direction générale de la PNH on nous a informé que c´est au service de communication de la PNH qu´il faut s´adresser, car c´est lui qui garde dans les archives les rapports et reportages des interventions de la PNH. Erreur grotesque! Car, personne ne sait vraiment qui s´occupe de quoi. Le service de presse de la PNH n´a pas ces attributions qu´on lui prête. Néanmoins, la responsable de ce service avec qui nous nous sommes entretenu à la DGPNH a eu la sagesse et la déférence de nous introduire auprès du secrétariat du commissaire divisionnaire, Carle Henry Boucher, qui, après trois semaines d´attente, avait finalement accepté de nous recevoir et avec qui d´ailleurs nous avons eu quelques échanges, mais dans un cadre informel. C´est celui-ci qui devrait s´occuper de mon dossier. Au reste, cette conversation s´est soldée par une recommandation à nous promulguée par ce dernier, qui consiste à écrire directement à la direction générale qui, elle-même, décidera de la suite du dossier. Car, même si, généralement, c´est lui qui traite ces genres de dossiers, il doit tout de même obtenir par écrit l´autorisation du DG. La lettre, ayant conservé tout son contenu et le même objectif, a donc été acheminée à la DGPNH le 12 mai 2017.

Cette lettre est restée plus d´un mois sans aucune suite normale. À chaque appel téléphonique placé, la même chanson: le DG est tellement pris dans ses activités avec le gouvernement qu´il n´a pas le temps de se pencher sur notre requête. Mis à part ces appels téléphoniques nous ne pouvons évaluer le nombre de va-et-vient au siège central de la DGPNH, ce sans aucun succès. Toutefois, nous tenions mordicus à avoir ces documents par la persévérance et la tenacité dans notre démarche accordant un minimum de bénéfice du doute à l´institution policière. Enfin, la dernière ligne droite de la lettre était assurée par l´Inspecteur James Chérise du cabinet de la Direction Générale, qui nous avait reçu avec respect en nous remettant une revue de la PNH qui venait juste de paraître appelée Securitas dans l´espoir que celle-ci peut nous être utile.

Malheureusement, à la dernière minute, il a dû s´en décharger à cause de son indisponibilité en la confiant à un autre inspecteur dont le nom nous échappe et que nous n´avons jamais rencontré jusqu´à notre départ d´Haïti. Le 11 juillet, soit un jour avant cedit départ, nous nous sommes présentés à la DGPNH, le nouvel inspecteur chargé de la suite du dossier n´étant pas présent, la secrétaire nous a demandé de prendre un autre rendez-vous pour demain, soit le 12 juillet, le jour même de notre sortie du pays. Nous avons accepté sans hésiter sachant que c´est notre dernière chance. Il ne valait plus la peine d´y aller car nous avons été roulés dans de la farine. En fait, en nous ayant ainsi joués comme du toupis, la PNH a râté l´occasion de faire partie d´une recherche importante sur la problématique des conflits armés à Cité Soleil. Les péripéries n´étant pas terminées c´est au tour maintenant du ministère des cultes de nous faire goûter aux siennes.

2.5.Les péripéties au Ministère des Cultes
Au Ministère des cultes nous espérions trouver des documents et statistiques sur l´existence et le fonctionnement des différentes confessions religieuses sur le territoire national et, en particulier, dans la commune de Cité Soleil. Comme cela s´intitule dans la loi organique qui l´a créé le 30 mai 1924, ce ministère est chargé de réglementer le fonctionnement des cultes sur toute l´étendue du territoire. En fait, si historiquement parlant le ministère des cultes était un ministère à part entière, au fil du temps avec les nombreuses modifications qu´il a subies, il s´agit plus aujourd´hui d´une direction des cultes qu´un ministère des cultes à proprement parler, car, faisant partie du ministère des affaires étrangères, le ministère des cultes n´a pas de ministre propre, mais un directeur général répondant au nom de M. Evens Souffrant. Donc, le ministre des affaires étrangères est aussi celui des cultes, d´où le nom institutionnel: Ministère des affaires étrangères et des cultes.

Nous avons été à ce ministère pour solliciter de ces statistiques afin de pouvoir, d´une part, mieux repertorier les lieux de cultes dans les zones les plus conflictuelles à Cité Soleil, d´autre part, analyser leurs activités dans cette commune. Suivant cette même loi du 30 mai 1924, l´une de ses attributions consiste à veiller à l´exécution des conditions, concordats et accords particuliers signés par le Gouvernement avec les églises ou toutes autres religions établies sur le territoire national, à veiller à l´exécution des lois relatives au libre exercice des divers cultes religieux. Ainsi, pour les statistiques sur les confessions religieuses nous estimons, après tant de calamités et de difficultés pour le localiser, avoir frappé à la bonne porte.

Nous nous sommes trompés grandemente. Dans un premier temps, la lettre acheminée le 31 mars n´a été l´objet d´aucun suivi administratif voire obtenir une réponse favorable ou défavorable. Après un mois d´attente inespérée, je me suis rendu en personne au ministère. C´était comme si les gens venaient à pein de prendre connaissance de la lettre, et, pour essayer d´atténuer la situation on m´a fait agender un rendez-vous avec le Directeur Général. À notre grande déception, ce rendez-vous fixé pour le 9 mai 2017 était juste pour venir entendre que celui qui devrait prendre en charge ma demande est en congé de formation. Une information qui aurait pu m´être communiquée par téléphone ou par e-mail puisque mes contacts se trouvaient visiblement mentionnés dans l´entête de la lettre. Il est clair que personne n´a lu ma lettre. C´était encore plus déceptionnant et frustrant quand on venait de savoir que le rendez-vous marqué pour rencontrer le directeur général ne pouvait avoir lieu. Celui-ci nous a fait dire par le biais de sa secrétaire qu´il faut attendre le retour du responsable.

Il n´y avait rien d´autre à faire que d´attendre terminer le soi-disant congé de formation du responsable. La secrétaire de la direction générale a pris sur son compte de lui transmettre la lettre. L´a-t-elle fait? Nous ne savons pas, mais le fait c´est que nous n´avions que sa coordonnée et sa référence, de plus, ce fut avec elle que nous avons eu tous les contacts téléphoniques. « M. Fabien, le responsable une fois revenu du congé, sera informé du dossier et rentrera en contact avec vous pour les suites nécessaires », m´a-t-elle laissé savoir lors de la dernière conversation téléphonique que j´eue avec elle. Aucun appel ne provenant de ce ministère, j´ai dû moi-même appeler la secrétaire de la direction générale, le 14 juin 2017, qui, bien que administrativement déchargée du dossier, m´ait aidé tant bien que mal à faire quelques démarches, afin de m´enquérir sur l´état de notre demande. Mais hélas!, elle n´était pas en mesure de nous fournir la moindre information.

En fait, j´ai quitté le pays avec la rage au coeur et le sentiment d´avoir été traité non comme un étranger, car les Haïtiens respectent profondément les étrangers, un respect qui n´est autre que l´expression de la peur et de la servitude, mais plutôt comme un apatride qui n´a pas sa place dans cette société. Nous avons même eu à nous engueuler avec un employé de ce ministère sur une déclaration de ce dernier selon laquelle: « le ministère ne dispose pas de statistiques sur les églises catholiques et que c´est pour la première fois qu´un chercheur sollicite ces données ». C´est triste qu´une institution publique puisse réserver un tel traitement à un citoyen dont tout le seul souci était d´accéder aux informations. En fait, nous déplorons plus le traitement qui nous a été réservé et l´attitude des employés que le fait que ce ministère a jugé bon de ne pas répondre soit négativement ou positivement à notre demande. Le service public se vend cher en Haïti et chaque fonctionnaire public à son prix.

Enfin, une réponse, qu´elle soit négative ou positive, satisfaisante ou insatisfaisante, reste et demeure une réponse. Et, une réponse sous-entend qu´un minimum d´attention a été accordée à la requête de la personne, qu´elle a été lue, comprise et interprétée. En revanche, un silence, qui est également une forme de répondre, est pir qu´une gifle. En principe, du point de vue administratif, même par respect pour l´institution elle-même, aucune correspondance ne devrait rester sans réponse. Si à ce niveau, ce strict minimum de civilité et de respect pène à se tenir, nous sommes en droit de nous interroger sur l´avenir et le futur de cette société haïtienne. Faut-il toujours donner raison à Michel Rolph Trouillot (1986) de ce que les institutions nationales ne sont pas au service des nationaux: l´État haïtien est cette institution bureaucratique pour ne pas dire cette machine d´oppression campée contre les citoyens dans tous les sens?

3.      Les difficultés liées aux contacts avec les institutions privées

Les institutions privées que nous avons contactées dans le cadre de notre recherche évoluent pour la plupart dans le secteur de la presse parlée, écrite et télévisée, il s´agit de la Radio Télévision Caraïbes (RTVC), Radio Télé Ginen (RTG), Radio Télé Kiskeya (RTK) qui ont été formellement informées de notre demande de documents étant donné que nous estimons qu´elles détiennent des bases de données fiables sur les événements violents qui se sont produits au cours des 20 dernières années dans le pays. Nous plaçions à vrai dire toute notre confiance à trouver auprès de ces institutions reportages, vidéos, documentaires, interviews, articles, éditoriaux... produits sur le phénomène des conflits armés à Cité Soleil. Si la RTVC a reçu sa lettre le 17 mars, celle de la RTG lui a été acheminée le 31 mars, tandis que la RTK a reçu la sienne le 7 avril. Après maintes tentatives, pas de réponse d´aucune d´entre elles.

La déception était à son comble, comme si elles se sont toutes entendues pour rejeter unanimement notre demande. En effet, nous croyions pouvoir grandemente compter sur ces institutions médiatiques qui, à notre grand étonnement, n´ont manifesté aucun intérêt à nous accompagner dans notre recherche. L´une comme l´autre se sont montrées très indifférentes à l´endroit de notre demande et n´ont ressenti la moindre nécessité d´en fournir une réponse négative ou positive. Ainsi, l´attitude de ces médias ont non seulement trahi leur propre dévise: la liberté à l´information, mais surtout elle ne diffère en rien de celle des institutions publiques que eux-mêmes ne cessent inlassablement de critiquer quand il leur est difficile d´accéder aux informations que ces dernières devraient mettre à leur disponibilité.

En ayant jeté notre dévolu sur ces médias, ce choix s´est arrêté sur un postulat de confiance, de fiabilité et d´un accès plus ou moins facile aux documents dont nécessite notre recherche, ainsi l´objectif était d´obtenir d´eux – dans la mesure du possible – des images en mouvement surtout en ce qui concerne les derniers événements de 2004 plus connus sous le nom d´Opération Bagdad. Aucune de ces institutions médiatiques, dit-on, classées parmi les meilleures du pays n´a eu la moindre amabilité et décence de répondre ne serait-ce que par le négatif à notre demande. Il ne nous reste comme preuve de péripéties endurées dans les contacts avec eux que les modiques accusés de réception et rien de plus. Nul besoin donc de dire combien était immense notre désolation. De plus, l´accueil du personnel réceptionniste dans ces différentes institutions sont matière à réflechir profondément sur leur vrai visage, car, ce qu´elles projettent comme image vers l´extérieur est totalement différent de ce qu´ils sont réellement à l´intérieur. Malgré une patience de fer, une détermination d´acier et une tenacité hors pair dont nous avons fait montre pour parvenir à notre but, nous n´avons rien reçu de ces institutions en termes de documentation.

En Haïti, les discriminations et humiliations racistes atteignent le plus haut sommet institutionnel et sont de toute nature et de toute sorte. Elles sont très subtiles donc difficilement décelables et identifiables. Pour les détecter, il convient de suivre les faits et gestes des personnes qui en sont l´auteur; leurs démarquages, leurs silences et leurs esquivements. Car, comment comprendre qu´une institution a reçu une lettre à laquelle elle a apposé son sceau d´accusé de réception, et n´a pas eu la décence d´y répondre ne serait-ce par le négatif? Si ce n´est un racisme institutionnel, comme cela peut-il être appelé?

Après maintes tentatives de contacts téléphoniques pendant plus de trois mois avec toutes les trois séparément, il s´avérait que ces stations de radio et de télévision ont ignoré le contenu de notre demande. À la réception de la RTVC, par exemple, où nous nous sommes présentés un mois après avoir déposé notre lettre, une secrétaire grotesque qui pensait que le but de notre visite était pour une demande d´emploi, nous a hautainement dit que: « si après un mois, vous n´avez reçu aucun contact de la radio c´est que votre demande a été rejetée, aussi simplement que ça monsieur ».

Un agent de sécurité de cette même station qui nous prenait aussi pour un demandeur d´emploi, avec qui nous avons brièvement échangé sur le but de notre visite, nous a secrètement laissé comprendre que les demandes d´emploi parviennent difficilement au patron pour ne pas dire jamais quand la personne n´est pas quelqu´un de quelqu´un de l´institution. Mais, quand je lui ai fait savoir que la raison pour laquelle j´étais là était autre, alors ses propos très pessimistes m´ont laissé entrevoir peu de chance de réussir dans ma démarche. Mais, étant donné qu´il est dit: « qui ne risque rien n´a rien », nous avons quand même tenté. La réaction qui a suivi notre demande a donné raison à cet agent de sécurité. Alors, voilà comment une institution médiatique à grande réputation, très vantardiste dans la capitale, qui se dit respectueuse du droit à l´information a choisi de traiter la demande d´un étudiant.
De  la façon dont ces institutions ont choisi de traiter nos demandes, nous pouvons nous demander si nos lettres étaient réellement parvenues à la personne responsable qui devrait prendre la décision qui convient? Car, l´accusé de réception ne garantit nullement la rigueur avec laquelle nos lettres devront suivre leurs parcours administratifs jusqu´à ce qu´elles soient tombées entre les mains de celui ou celle charge(e) de prendre la décision finale. Nous sommes en droit de douter sur la fiabilité des démarches administratives au sein de telles institutions (publiques ou privées) qui affichent de tels comprotements quand même regrettables et dangereux pour la réputation dont elles se vantent sans arrêt. Ainsi, c´est ça la presse d e mon pays Haïti: « yon kout dlo cho, yon kout dlo frèt »[18].

Enfin, même si à l´unanimité elles n´ont donné aucune suite favorable à nos demandes, nous pensons rémedier à cette situation tout au moins grâce à leur site qui puisse héberger quelques-uns des documents dont il nous fallait. Néanmoins, tout n´est pas sûr. Il faudra recourir à d´autres sources. Nous avons dû mettre en veilleuse la liste de ces institutions pour nous consacrer de préférence aux lectures. Entre temps, avant d´entamer les phases d´observation et d´exploration de l´espace social, culturel, politique, économique et environnemental que représente Cité Soleil en vue de la préparation de nos questionnaires d´enquête, nous cherchions à rencontrer les membres des groupes armés pour des entretiens et interviews tout en espérant ne pas rencontrer les mêmes difficultés. Ce n´était pas tout à fait évident.

4.      Difficultés d´ordre méthodologique et épistémologique

4.1.Difficultés se rapportant aux rencontres avec les groupes armés

Comment rencontrer les membres des groupes armés? Est-il facile de les aborder? Comment les interviewer sur les violences armées à Cité Soleil si aujourd´hui leurs membres se disent travailleurs sociaux sous la bannière des fondations? Ce sont ces questions qui nous intriguaient au moment de penser à entamer les démarches qui consistent à rencontrer les membres des groupes armés à Cité Soleil. Il y a un autre atmosphère social et politique qui prévaut à Cité Soleil depuis 2016: la "paix" y est revenue, les affrontements armés sont de moins en moins visibles et fréquents, les attaques et provocations entre bandes armées se réduisent, la circulation et la mobilité sociale des biens et des personnes se font sans grand incident à l´intérieur de la commune, les bandes armées ont décidé de ne plus s´entretuer, enfin, la vie, paraît-il, est bel et bien réapparue sous un nouveau soleil à Cité Soleil. Tout cela est susceptible de rendre difficile une interview avec les membres des groupes armés de crain qu´ils ne rejettent notre demande sous pretexte qu´ils se considèrent comme n´étant plus armés. Qu´est-ce qui explique cette difficulté?

En fait, trois raisons fondamentales pourraient expliquer cette difficulté. Premièrement, le changement social qui s´opère à l´intérieur des groupes armés à Cité Soleil tant au niveau de leur configuration sociologique que de leur champ d´action, c´est-à-dire si, d´une part, leurs membres étaient pris pour des bandits dangereux, aujourd´hui ils se convertissent en travailleurs sociaux qui, avec l´arme dans une main et les activités sociales dans l´autre, se décident à utiliser leurs armes à d´autres fins, d´autre part, les groupes armés se sont érigés dorénavant en fondations par lesquelles les aides sociales des ONGs ou de tout autre organisme national ou international transitent et se canalisent.

La seconde raison est le nouveau statut que se choisissent actuellement les sujets armés: ils sont des collaborateurs, c´est-à-dire ils collaborent avec les instances locale (la mairie), nationale (le secteur des affaires) et internationale (ONGs) à faciliter l´acheminement des  aides sociales à l´intérieur de Cité Soleil, car ils maîtrisent mieux que quiconque tous les petits coins de Cité Soleil. Enfin, le dernier élément qu´il faut saisir c´est que le contexte socio-politique relatif aux conflits armés n´est plus le même à Cité Soleil: les groupes armés même s´ils continuent d´exister ne se lèvent plus les unes contre les autres. Une entente a été trouvée du moins avec les trois principaux quartiers, savoir, Boston, Soleil 19 et Projet Drouillard, selon laquelle est établi le respect mutuel du territoire. À la tête de chacun d´eux se trouve un dirigeant qui n´est plus appelé chef comme auparavant, mais dirigeant. Nous aurons l´occasion de développer beaucoup plus amplement ces aspects de la nouvelle configuration sociologique des groupes armés à Cité Soleil qui nous paraissent à la fois intéressants et problématiques.

S´il nous était pratiquement difficile de rencontrer les groupes armés en tant que tels avec tous les sujets armés réunis pour une sorte d´interview collective – ce que nous avions tant souhaité – nous avons eu toutefois l´occasion de tenir de fructueuses interviews avec quelques-uns des sujets armés des groupes armés les plus influents actuellement à Cité Soleil. Ils sont une multitude, mais aujourd´hui, d´un point de vue sociogéographique des conflits armés, trois grandes bases controlent actuellement Cité Soleil, il s´agit de Bélékou, de Soleil 19, et de Boston. À l´exception de Bélékou, chacune des deux dernières zones sont reliées par d´autres quartiers satélitaires. À la tête de chacune de ces zones se trouve un dirigeant pour réprendre exactement le mot que les sujets armés utilisent, et, chaque zone satélitaire est dirigée par un individu armé. Ainsi, ce qui nous a le plus frappé dans l´organisation des groupes armés c´est leur structuration plus ou moins hiérarchisée qui n´existait pas auparavant.

4.2.Difficultés concernant les enquêtes sociologiques

Les difficultés qui se rapportent aux enquêtes sociologiques sont bien moins graves et peuvent avoir des impacts beaucoup moins négatifs sur la recherche que les autres difficultés traitées ci-dessus. Il faut dire qu´elles ont été menées sans incidents majeurs à part quelques petites incompréhensions disparatement survenues. La méthode dont nous nous sommes servie pour mener les enquêtes est à la fois a priori et a posteriori; qualitative et quantitative.

4.2.1. Une revision des méthodes

En effet, au commencement, nous avons opté pour une méthodologie a prioriste au moyen de laquelle une hypothèse préformulée doit être vérifiée avec les données et informations trouvées sur le terrain. Nous partions de l´hypothèse selon laquelle les conflits armés à Cité Soleil s´inscrivent dans les grands changements sociaux, politiques et économiques survenus au sein de la société haïtienne après le 7 février 1986, plus précisément vers 1990. Car, les événements qui ont marqué l´histoire contemporaine d´Haïti, ont été causés par des facteurs multiples à la fois complexes, compliqués et interconnectés. Les conflits armés dans les zones populaires, qui en font partie devraient être plutôt perçus comme l´expression des masses exploitées, dépossédées et oubliées, mais désireuses de se faire entendre, accepter et intégrer dans cette société. Il fallait donc trouver des données fiables capables de nous aider à défendre une telle hypothèse.

Mais les réalités du terrain nous ont contraint un peu à remettre en question cette hypothèse et cette méthode a prioriste. En ne changeant pas complètement la donne, en ne nous imposant pas une vision unilatérale et radicale des conflits armés à Cité Soleil, il nous fallait donc voir dans quelle mesure conjuguer la méthodologie a prioriste d´avec la méthodologie posterioriste, celle-ci consiste à se servir des données et informations recueillies postérieurement sur le terrain pour formuler une hypothèse. En fait, en général, en applicant cette méthodologie le chercheur fait semblant de se rendre sur le terrain dépourvu d´hypothèse et que ce sont les réalités du terrain qui vont lui permettre de bien dégager la meilleure hypothèse qui soit.

Dans le second cas,  le chercheur n´en vient pas avec des idées préfabriquées et toutes faites afin de les appliquer aux sujets que la recherche concernée, il en crée quelques-unes à partir de ce qu´il aura obtenu comme ressources, sources et fonds documentaires disponibles. De fait, de même que nous ne sommes pas arrivés sur le terrain dépourvus d´une hypothèse, nous avons tenu de confronter celle-ci avec les nouvelles réalités du terrain en vue d´en dégager une meilleure perspective. Ainsi, dans le cas qui nous concerne, il ne s´agit pas de formuler une nouvelle hypothèse, mais plutôt de corriger ou de retravailler notre hypothèse afin de la rendre plus apte à expliquer le phénomène que nous sommes entrain d´étudier, car, non seulement il faut tenir compte des changements sociaux – même s´ils ne sont pas nombreux – qui se sont opérés, mais encore de l´entrée en scène de nouveaux acteurs (sociaux, politiques et religieux) afin de les analyser.
                                       
À propos de la méthodologie qualitative, nous nous sommes basés sur les enquêtes de terrain à l´intérieur de la population soléenne ainsi que sur les interviews structurées ou sémistructurées (ou les entretiens) avec des sujets clés séléctionnés au préalable. Par ailleurs, pour la méthodologie quantitative, nous devons compter sur la collecte de données et l´accès aux documents et informations auprès des institutions choisies en vertu de leur champ d´action et de leur base de données supposées fiables. Donc, si les nouvelles réalités qui ont surgi en notre absence à Cité Soleil au sujet de l´atmosphère des conflits armés nous ont interpellé à revoir notre hypothèse, elles n´ont eu aucun impact sur la seconde méthode employée. Les acteurs séléctionnés pour les interviews étant restés les mêmes, le lieu et la population fixés pour nos enquêtes de terrain n´ont pas non plus été modifiés si ce n´est que la rentrée en scène de nouveaux acteurs.

Bien que fraîchement rentrée dans une paix fragile et conditionnée, le sentiment d´insécurité continue d´intriguer et d´inquiéter toute personne désireuse de fréquenter les quartiers de Cité Soleil. Nous n´en étions pas exempt. En effet, en ce qui nous concerne, compte tenu de notre récent retour au pays, pour aller dans la commune que nous avons laissée longtemps – donc étrange aux nouvelles réalités sociale, politique, économique et culturelle qui y dominent – il a fallu faire attention et prendre un certain recul afin de tester sur le plan sociologique l´environnement social, culturel, politique et économique dans lequel nous allions travailler. Ce sont des difficultés qui s´expliquent par rapport à une fréquentation peureuse et craintive de la commune de Cité Soleil, zone fraîchement sortie de la liste rouge de la Banque Mondiale. La peur et la crainte qui ont caractérisé cette observation et exploration ont graduellement été dissipées. Elles étaient des préoccupations à la fois intrinsèques et extrinsèques, basées sur des éléments réels par rapport aux inquiétudes et aux méfiances qui rongent tous les esprits.

En prenant en compte les conseils qui nous ont été promulgués, les enquêtes sociologiques que nous avons menées dans la commune de Cité Soleil et qui ont commencé par le sillonnage, l´exploration et l´observation de la zone se sont déroulées normalement et se soldent par une grande stupéfaction: la pacificité, le calme et la tranquilité qui règnent dans cette commune qui, plus de 12 mois de cela, était réputée zone rouge. Cette phase d´exploration et d´observation rencontrait des difficultés d´ordre psychologico-démotivateur par rapport aux multiples informations déconcertantes qui nous parvenaient sur la cité. Mais, elles ont été très vite surmontées en nous faisant confiance et en faisant confiance à quelques amis de la zone qui nous accompagnaient. Ce travail d´enquêtes sociologiques qui a duré 6 mois avait pour objectif de recueillir au sein de la population informations et opinions de toute personne qui aurait vécu le phénomène des conflits armés à Cité Soleil de 1990 jusqu´aux très récents affrontements interquartiers entre 2015 et 2016. Nous pouvons les classer en quatre grandes phases: la phase exploratoire et observatoire, les enquêtes de terrain proprement dites, les interviews ou entretiens avec des personnes des différents secteurs d´activités: politique, social, religieux, économique et culturel, enfin, les collectes de données.

4.2.2. Le sillonnage des zones conflictuelles: la phase exploratoire de l´enquête sociologique

La phase exploratoire dans le cadre d´une enquête sociologique consiste à parcourir le lieu qui représente le champ empirique du phénomène social à étudier avant de l´approfondir et d´y apporter une quelconque réflexion critique ou un quelconque jugement de valeur. Son avantage est d´abord d´ordre moral dans la mesure où elle permet de s´enquérir sur l´état mental et psychologique des groupes sociaux en question. Si elle est susceptible de déformer la réalité et rendre le résultat escompté biaisé, elle peut par contre fournir une meilleure vision du fait social. Toutefois, elle garde toute son importance dans l´enquête sociologique, car, non seulement il s´agit d´une sorte d´appréciation sommaire à distance du phénomène social, mais surtout la phase exploratoire constitue un procédé par lequel la réalité sociale est visualisée de loin afin de s´en faire une idée préliminaire rapide.

Cette exploration nous amène à considérer que Cité Soleil est devenue aujourd´hui une zone à l´oeil nu paisible et tranquile, où, d´une part, les activités économiques ont pratiquement redémarré, la vie communautaire s´est timidement et progressivement relancée, de l´autre. En conséquence, la plupart des personnes qui avaient, par exemple, déserté Bois Neuf, Cité Gérard et Projet Drouillard lors des conflits armés ont commencé à y retourner. Dès les premiers jours, j´ai vu des camionnettes remplies d´articles de maison rentrer à Bois Neuf, localité située en face de Projet Drouillard. Nous avons donc compris que malgré l´environnement physique insalubre, le sentiment d´insécurité, l´état hideux des maisons, c´est l´incapacité économique des gens qui est à l´originde de ce retour. Une hypothèse que la majorité des personnes intérrogée confirmera par la suite de nos différentes enquêtes.

C´est ainsi que du 13 au 14 janvier 2017, au lendemain de la dix-septième année de commémoration du séisme du 12 janvier 2010, nous avons pris l´initiative de sillonner les zones réputées les plus conflictuelles à Cité Soleil, question de tester l´environnement qui représente le champ empirique de notre travail de recherche, d´évaluer le paysage morphologique et d´appréhender la réalité sociale, politique et religieuse qui s´y installe actuellement. Ce qui veut dire que ce sillonnage avec des yeux observateurs a permis d´avoir une idée préliminaire sur l´espace physique et l´espèce sociale.

Nous nous sommes, très brièvement et partiellement, entretenus avec quelques habitants de Projet Drouillard, de Bois Neuf et de Boston sur l´atmosphère sociale et politique, question de nous faire une idée générale du climat sécuritaire et de la situation sociale de ces habitants. Cette phase exploratoire de l´enquête – pour mieux la réaliser – a été soumise à une méthode sociojournalistique qui est une sorte de technique consistant à jouer le journaliste qu´on n´est pas vraiment afin de parvenir à s´approcher des personnes visées par les enquêtes, d´avoir une idée préalable sur la faisabilité et la réalisation des enquêtes à venir. Celle-ci nous a aidé tout au long des enquêtes.

Ce sillonnage basé sur les strutures sociales réelles à Cité Soleil s´inscrivait dans l´objectif de nous rendre compte de l´ampleur de la réalité sociale. Nous avons ainsi parcouru les zones telles que Bois Neuf, Projet Drouillard, Boston et Soleil 4, 13, 15, 17 et 19, Cité Lumière avant d´entamer la phase dite d´observation directe libre puis passer à l´observation méthodique (DANTIER, 2008). Par ce sillonnage, nous avons donc reálisé ce qu´il convient d´appeler une sociogéographie des zones conflictuelles, c´est-à-dire une géolocalisation ou une délimitation géographique de l´espace social où les groupes sociaux ont l´habitude de rentrer en conflits armés.

4.2.3. La phase observatoire de l´enquête sociologique

Selon Larousse, le verbe observer signifie voir et regarder le phénomène ou la chose sans y porter une quelconque étude. L´observateur ainsi que l´explorateur ne sont pas des acteurs du fait social étudié, c´est-à-dire ils ne participent pas aux actions qui ont créé l´événement qui les précède et les devance en même temps. L´objectif de cette observation était double. D´une part, nous reconnecter avec l´ambiance socioculturelle (ancienne comme nouvelle) qui existe à Cité Soleil, que nous avons perdue de vue pendant un certain temps,  mieux lier connaissance avec les nouvelles relations sociales entre les individus et les groupes afin de parvenir à une analyse macrosociologique du phénomène, d´autre part. À ce qu´il paraît, certaines choses ont changé dans la commune.

En effet, après la phase exploratoire, nous avons immédiatement entamé la phase d´observation directe libre  ainsi que la phase d´observation directe méthodique de la réaslité sociale qui, elle-même, fait appel à la préparation de questionnaires d´enquêtes. Si, de l´avis de Bernard Dantier, la première est une organisation progressive ou une correction des hypothèses et une manière de délimiter provisoirement le champ d´étude, la seconde, elle, se rapporte à l´exécution méthodique de la recherche par l´élaboration d´un questionnaire d´enquête  (DANTIER, op. cit. p. 15-16). C´est à ces tâches que nous nous sommes consacrés entre avril et mai.

Quand nous avons commencé à fréquenter Cité Soleil, nous constatons que les conflits armés ne sont plus fréquents comme avant, mais changent de nature. Sur ce, nos hypothèses qui s´articulaient autour des conflits armés avaient besoin d´être corrigées. Ce qui ne résulte pas entièrement d´un changement d´hypothèses, mais d´une correction comme mentionnée dans les paragraphes ci-dessus. Enfin, nous avons élaboré 10 questionnaires d´enquêtes chacun répondant à un objectif particulier articulé bien entendu autour de l´objectif général de la recherche qui est celui de comprendre pourquoi les conflits armés sont-ils si répétitifs et fréquents dans la commune de Cité Soleil.

4.2.4. La phase d´expérimentation

Prendre la tension de la zone selon la méthode de la sociométrie de Moreno (1970) cité par Dantier, voilà ce qu´il convient de faire lorsque nous entamons la phase d´expérimentation de la réalité sociale. La sociométrie selon l´auteur serait la méthode qui consiste en une microsociologie, c´est-à-dire une sociologie qui s´accentue sur les éléments mircroscopiques dynamiques des groupes sociaux peu importe leur taille (grande ou petite). Elle met en évidence les petits groupes sociaux et leurs relations sociales pour parvenir à une explication macrosociologique du phénmène social. Les procédés sociométriques, poursuit l´auteur, consistent à décrire et à mesurer les relations sociales spontanées qui sont les composantes élémentaires de tous les groupements (Ibid, p. 27-30).

Dans le cadre de la mise en application de cette phase, dans le cas de Cité Soleil, nous avons rencontré des organisations sociales, politiques et culturelles afin d´avoir leur propore vision de la réalité sociale et des conflits armés qui se conjuguent à présent au passé. Les groupements sociaux tels que Coopération des Humanistes pour un Avenir Meilleur (CHAM), Organisation pour la Promotion des Jeunes et des Enfants en Difficulté (OPJED), Organisation Populaire pour l´Avancement de la Masse (OPAM) - pour ne citer que ceux-là - ont fait valoir leurs opinions sur Cité Soleil et sur la nouvelle conjoncture qui se joue. Les opinions émises par les leaders de ces organisations en tant qu´entités microsociologiques qui représentent une infime partie de la population, ont été insérées dans une vision macrososiologique des choses.

4.2.5. Les enquêtes sociologiques proprement dites

Comme leur nom l´indique, les enquêtes sociologiques consistent à mettre en rapport, dans le cadre d´une recherche sociologique, un enquêteur et un enquété qui, par le truchement d´un questionnaire d´enquête joue le rôle d´un répondant soumis à des questions ouvertes ou fermées suivant l´objectif à atteindre. Dans le cas du questionnaire fermé, les réponses sont mécaniques, les opinions du répondant ne compte guère, il doit se contenter de répondre tout simplement par vrai ou faux; de choisir la bonne réponse entre A, B, C, ou D... Elles ont été menées exclusivement dans la commune de Cité Soleil, en particulier, dans les zones réputées jadis à haute intensité de violences collectives, savoir, Boston, Bélékou, Cité Gérard, Projet Drouillard, Soleil 15,17,19, Warf, Cité Lumière, Ti Haïti, Linthau 1 et 2, 3ème Cité, Brooklyn.

La majorité de nos interviewés a été soumise à des questions fermées tandis que d´autres ont dû répondre à des questions ouvertes, ce fut le cas, par exemple, des répondants du questionnaire 1 qui a été en outre très sélectif. Il s´adressait à des personnes sélectionnées suivant trois critères: leur expérience vitale du phénomène des conflits armés à Cité Soleil, leur capacité à analyser la période de 2004 à 2015 au cours de laquelle les conflits armés étaient devenus beaucoup plus intensifiés, enfin, les activités qu´elles exercent dans la zone. Si chaque enquête a ses critères, les critères  généraux applicables à toutes les enquêtes sont: être âgé de 18 ans, avoir une bonne santé physique et mentale, savoir lire et écrire. Le nom de chaque enquête correspondait à l´objectif spécifique fixé. Le tableau ci-dessous donne une vue globale de toutes les enquêtes que nous avons réalisées, leurs objectifs aussi bien que les zones d´intervention et le nombre de personnes interviewées. 

Statistique générale des enquêtes de terrain

Objectif
Lieu de l´enquête
Hommes interviewés
Femmes interviewées
Nombre d´interviewés
Situation des conflits armés à cité soleil (Q1)

Avoir les opinions des individus sur la situation des conflits armés à Cité Soleil
Cité Soleil
24
0
24
Événements de 2004 et 2006 communément appelés “opération bagdad”. (Q2)
Comprendre comment les habitants de Cité Soleil ont vécu et apprécié les événements de 2004 et 2006 qui ont marqué la chute de Jean Bertrand Aristide, l´amplification des conflits armés dans cette commune et la nouvelle occupation étrangère d´Haïti par l´ONU.
Cité Soleil
53
40
93
Gestion politique des conflits armés (Q3)
Recueillir les opinions des habitants de Cité Soleil sur la façon dont l´État aurait géré politiquement les conflits armés.
Cité Soleil
33
7
40
Processus de formation des groupes armés (Q4)
Comprendre le mécanisme de formation des groupes armés à partir des points de vue réceuillis auprès des habitants de Cité Soleil.
Cité Soleil
16
2
18
Perception des sujets armés par les habitants de cité soleil (Q5)
Enquêter sur la façon dont les habitants de Cité Soleil perçoivent les sujets armés
Cité Soleil
28
8
36
Mobilité sociale des habitants de Cité Soleil (Q6)
Comprendre pourquoi les habitants de Cité Soleil l´ont laissée soit définitivement ou provisoirement.
Canaan et Village Renaissance
19
21
40
Religions/Statistiques de fréquentation (Q7)
Déterminer la fréquenation des personnes dans les lieux de cultes pendant les moments de conflits
Cité Soleil
17
25
42
Rôle des religions dans les conflits armés/leaders (Q8)
Recueillir les opinions des adeptes et leaders religieux sur le rôle des religions dans les conflits armés à Cité Soleil.
Cité Soleil
11
0
11
Rôle des religions dans les conflits armés/adeptes (Q9)
Recueillir les opinions des adeptes et leaders religieux sur le rôle des religions dans les conflits armés à Cité Soleil.
Cité soleil
17
3
20
Dénombrement des églises (Q10)
Établir une fiche technique des églises à Cité Soleil par zone.
Cité Soleil
30
0
30



247
106
353
Tableau 5. Source: L´auteur

Le questionnaire qui accuse le plus grand nombre de répondants est le questionnaire 2 avec un total de 93 répondants(e). L´objectif était d´atteindre le seuil de 100 personnes comme échantillons sociostatistiques pour cette enquête et de 50 pour chacune des autres enquêtes. Mis à part les rencontres fortuites, sur un total de 10 enquêtes réalisées 353 personnes réparties en 247 hommes et 106 femmes ont été interviewées à Cité Soleil. Si nous tenons compte des différents thèmes abordés dans nos enquêtes, nous contatons que le sexe masculin brille avec un pourcentage de 70 % tandis que la gente féminine ne représente que 30 %. Les femmes se sont montrées donc moins intéressées que les hommes à aborder les thèmes relatifs aux violences collectives et conflits armés avec nous. Elles affichaient une réticence si prononcée qu´il fallait avoir de la patience pour les aborder. Quelle est l´utilité des ces enquêtes? À quoi serviront-elles dans le cadre de notre travail?

Nous pouvons répondre très rapidement et succintement que, en dehors du fait que chaque enquête poursuivait un objectif particulier, l´objectif général de toutes les enquêtes que nous avons menées était non seulement de placer les acteurs sociaux au centre de la recherche, mais encore de combler par informations et opinions les lacunes théoriques. Par exemple, une enquête sur la gestion politique des conflits armés et celle sur la situation des conflits armés sont importantes dans la mesure où la première prend en compte l´opinion de l´individu sur les actions de l´État central à gérer les conflits armés, la seconde met l´accent sur la façon dont l´individu lui-même a vécu cette expérience. Ce qui fait la valeur des enquêtes c´est la réponse qu´elles apportent à un fait social donné. Ainsi, les nôtres répondent valablement au besoin de la recherche sociologique parce qu´elles nous apportent des statistiques difficiles à trouver au niveau des instances officielles, mais en plus elles s´ancrent à la vision des individus (acteurs sociaux, politiques, économiques, religieux et culutrels que nous étudions) qui doivent constituer le centre de toute sociologie sans néanmoins tomber dans une sorte d´individualisme sociologique ou de sociologisme individualiste.

4.2.6.      Difficultés relatives aux interviews

Paradoxalement, les interviews sont l´endroit où nous avons connu plus de désolation et de frustration pour ne pas dire de déception en même temps qu´elles représentent l´un des succès incontestables de notre travail de recherche en Haïti grâce, bien entendu, à un changement de méthode. En effet, la première méthode priorisait les interviews strictement structurées où la personne est soumise à un ensemble de questions préparées d´avance. Après avoir essuyé quelques échecs, nous avons avons décidé de la changer en interviews semistructurées qui permettent à l´enquêteur de laisser parler l´enquété sans écarter l´objectif qu´il s´est fixé et perdre de vue le fil conducteur de l´enquête. Et, de fait, nous avons réussi avec un total de 40 interviews réalisées tant dans le cadre formel qu´informel dans un espace de quatre mois.

La fiche technique des interviewés est multiple, c´est-à-dire parmi nos interviewés on rencontre des personnes appartenant à des classes sociales diverses, ayant des cultures et moeurs différentes, vivant dans des environnements divers etc. Leur sélection a obéi à trois critères fondamentaux comme c´était le cas pour le questionnaire 1. D´abord, leur expérience vitale des conflits armés à Cité Soleil, ensuite leur capacité à analyser le phénomène, enfin, les activités qu´elles entreprennent dans ce vaste bidonville. Ainsi, ils sont pour la plupart des acteurs de groupes sociaux, des religieux, des leaders politiques, des leaders communautaires, des commerçants, des agents culturels.

Il n´y a pas seulement le maire de Cité Soleil qui avait refusé de nous accorder une interview. Le commissaire de Cité Soleil n´a pas non plus répondu à notre invitation de nous accorder une interview. Lorsque la demande lui a été soumise verbalement, il nous a référé à son supérieur hierarchique, à savoir, la Direction Générale de la PNH, ce qui allait rendre notre calvaire encore plus compliqué. Nous avons esquivé cette voie. Il y aussi le secrétaire d´état à la sécurité publique qui, ayant été formellement informé de notre demande d´interview, en a fait peu de cas.

Nous avons également caressé le désir de nous entretenir avec le député de Cité Soleil, mais, n´ayant pas eu le temps de lui faire part de notre préoccupation, de plus, les amis qui nous promettaient leur aide à ce propos n´ont pas pu honorer leur promesse. Ainsi, mon chemin et le sien ne se sont jamais croisés. À la base centrale de la Minustah située près de l´aéroport, on nous a dit sèchement qu´aucun membre de la Minustah n´est plus autorisé à donner des interviews. Par ailleurs, la lettre de demande de documents qui lui était adressée n´a jamais été répondue, or, nous savons pertinemment qu´elle détient un centre de documentation riche qui aurait pu bien nous aider.

En résumé, à l´exception du chef du cabinet de la Mairie de Cité Soleil, en la personne du Pasteur Jean Enock Joseph, nous n´avons obtenu aucune interview des personnalités politiques soit au niveau communal ou national sur la situation des conflits armés et le climat d´insécurité qui existait – mais qui existe encore à l´état latent comme un volcan – à Cité Soleil. Nos interviewés sont des pasteurs, des leaders d´organisations sociales et politiques et de simples individus évoluant dans les secteurs éducatif, culturel, artistique et autres, dont nous jugeons que leur version des faits peut être d´une grande utilité.

4.3.      Difficultés relatives aux collectes des données et à la réunion des documents

Les difficultés sont interconnectées. Les unes influencent sur les autres. C´est ainsi que les diverses difficultés que nous avons rencontrées dès le début ont eu des impacts considérables sur la phase de la collecte de données et de la réunion des documents que ce soit en matière de gestion de temps, que ce soit en matière des déplacements. La première difficulté de cette nature se rapporte aux lacunes que nous avons sur le plan théorique à problématiser et analyser le phénomène des conflits armés à Cité Soleil qui date de plus de vingt cinq ans. La seconde c´est que très peu d´ouvrages historiques couvrent la période à laquelle ils ont commencé, une des plus importantes de l´histoire contemporaine haïtienne. En effet, du point de vue de l´histoire contemporaine d´Haïti, 1990 représente un point de départ crucial pour comprendre le processus de dégénérescence sociale et politique des violences sociales non pas seulement à l´intérieur de la commune de Cité Soleil, mais surtout dans les quatre coins du pays. Car, il faut comprendre que ce qui se passe à Cité Soleil s´inscrit dans un processus de violence globale.

La troisième et dernière difficulté revient à la contrainte du temps pour collecter les données: peu de temps pour faire beaucoup de choses. La collecte de données nécessite patience, tenacité, disponibilité et temps suffisant. Si nous avions les trois premiers, le quatrième – le plus important d´ailleurs – nous manquait cruellement. Le temps imparti pour accomplir tout ce travail était de 6 mois. Or, en Haïti, les démarches administrativo-institutionnelles sont extrêmement lentes. Il faut y mettre au minimum trois mois pour trouver une réponse à une demande. À quelques rares exceptions, il est possible de rencontrer des institutions qui prennent au sérieux un travail de telle envergure, car, comme nous l´avons déjà souligné, oser demander de l´information et des documents en Haïti est une impertinence. De plus, cela mériterait soit de verser de spot-de-vins, soit de se faire recommander par une haute personnalité comme référence.

Entre autre, il n´y a pas en Haïti cette culture de transparence, voilà pourquoi l´autre qui demande de l´information voire des comptes est toujours perçu comme dérangeant, emmerdeur, encombreur voire un ennemi – pas même un adversaire – dont il faut inévitablement se débarrasser. Les données statistiques sont quasi inexistantes sur Cité Soleil. L´IHSI qui aurait dû nous en fournir ne dispose absolument rien, puisque depuis qu´elle est devenue commune en 2002, aucune étude topographique, aucune enquête démographique, aucune investigation géographique sérieuse n´a été menée sur Cité Soleil. D´où notre dilemme. Nous avons même été obligés de faire notre propre petit dénombrement – pour ne pas dire recensement – de quelques lieux de cultes à Cité Soleil.

Toutefois, nous avons pu quand bien même avoir accès à certains documents qui ne concernent pas directement Cité Soleil, mais des documents historico-journalistiques qui peuvent apporter une certaine amélioration aux lacunes théoriques qu´accuse le thème de la recherche.  Aux bibliothèque nationale d´Haïti, de la faculté d´éthnologie, de la faculté des sciences humaines – quand ces deux dernières étaient en fonction avant leur fermeture définitive – des Frères de l´instruction chrétienne nous avons trouvé pas mal d´ouvrage traitant de la période dictatoriale, de la transition démocratique jusqu´à aujourd´hui et des années 1990. Voilà pourquoi, tout au long de notre étude, nous allons essayer de montrer le rapport qui existe entre la dictature des Duvalier et la violence tout en plaçant Cité Soleil au centre de ce débat pour la simple et bonne qu´elle est une des oeuvres produites par le régime duvaliériste.

Par ailleurs, mis à part chez nous en Haïti nous nous sommes procurés de beaucoup de livres d´histoire, mais grâce à cet évenement du livre produit chaque année appelé Livres en folie, nous en avons profiter pour acheter quelques ouvrages à caractère religieux, politique et social qui peuvent nous être utiles. En matière de documentation, la JILAP est l´une des rares institutions haïtiennes qui nous ont fourni des statistiques importantes sur la violence et l´insécurité en Haïti, lesquelles statistiques auraient dû être, comme nous l´avons voulu, comparées aux statistiques policières sur la même question. Malheureusement, leur livraison n´a pas été possible. Ainsi, il faut dire que, d´un point de vue général, la bibliographie ne manque pas sur les thèmes comme violence, conflits armés et changement social, mais en ce qui concerne Haïti elle fait énormément défaut,  c´est pour cette raison nous comptons remédier à cette situation par le truchement de l´usage des articles de journaux, de vidéos en circulation sur youtube disponibles en disparates sur le phénomène des conflits armés à Cité Soleil.

Parmi les institutions clés auxquelles nous avons adressé des lettres de demande de documents, quelques-unes seulement y ont répondu positivement. Ce qui fait que si, par ailleurs, nous avons connu toutes ces difficultés qui, d´une façon ou d´une autre, posent une certaine limite à la recherche et nous ont affecté psychologiquement au point qu´elles ont failli nous porter au découragement, les réponses et les accueils dont nous avons joui auprès des autres institutions tant privées que publiques qui nous ont ouvert leur bras, ont été pour nous une espèce de sérum pour nous ranimer, nous raffermir et nous redonner la force de poursuivre avec plus de fermeté et de détermination. Ce fut le cas de la Commission Épiscopale Nationale Justice et Paix, de la Radio Télévision Nationale d´Haïti (RTNH), du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST), du Réseau National de la Défense des Droits de l´Homme (RNDDH) et du Ministère de la Planification et de la Coopératio Externe (MPCE), de l´Hopital Sainte Cathérine et du Tribunal de Paix de Cité Soleil.

CONCLUSION: LES INSTITUTIONS AYANT CONTRIBUÉ À NOTRE RECHERCHE

Un proverbe haïtien dit ceci: « depi tèt poko koupe espere mete chapo » qu´on peut traduire en Français par: « tant que tu vis il y a de l´espoir ». Si nous nous accrochions aux déceptions, frustrations, mépris, stress, démarches calamiteuses, humiliations et péripéties lassantes, si nous nous mettions à y pleurnicher, non seulement nous aurions râté la chance de goûter à la bienvéillance des autres institutions, mais ce travail n´aurait surtout pas vu le jour. Quelque part dans ces moments difficiles, il y a lieu de tirer quelque chose de bon et de ne pas tout dramatiser.

En effet, nous avons rencontré des institutions publiques et privées qui se sont montrées touchées par l´importance de notre travail et y ont apporté une contribution significative. Chose que nous n´aurions osé croire au début de la recherche. Bien qu´en nombre restreint – le nombre important moins que la signification de l´aide qu´elles ont fournie – ces institutions nous ont étonné. Il est vrai que toutes les contributions ne s´apprécient au même degré encore plus certaines institutions peuvent voir l´utilité de leur part contributive prise avec pincette et précaution, mais le plus important c´est la volonté, l´attention et le respect qu´elles ont accordé à notre requête. Ces institutions sont le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, la RTNH, le Tribunal de paix de la commune de Cité Soleil, l´hopital Saint Cathérine, et, dans une certaine mesure, la Mairie de ladite commune. Sous l´angle privé, seule la Commission Épiscopale Justice et Paix a apporté sa pierre utile et importante à cette recherche.

En effet, des Ministères du plan et des affaires sociales nous avons obtenu respectivement la liste des ONGs et celle des organisations sociales existant sur le territoire national. La RTNH a bien voulu mettre à notre disposition quelques vidéos sur DVDs produites sur Cité Soleil. Au Tribunal de Paix de Cité Soleil, nous avons eu une longue et enrichissante conversation avec le juge Oreste Félix – un homme d´une bonté et d´une compréhension inexplicables – sur le rôle du Tribunal dans la commune durant les périodes des conflits armés, les différents et principaux cas qu´il a pu entendre, la nature et l´origine des plaintes reçues, les décisions de justice. Ce dernier nous a fait verbalement un portrait sombre du tribunal dès sa création jusqu´au récent moment où le calme est apparemment revenu dans la cité en passant par les terribles événements qui l´ont rendu pratiquement dysfonctionnel entre 2004 et 2006[19]. Malheureusement, le tribunal n´était pas en mesure de nous fournir des statistiques sur les sujets sus-mentionnés si ce n´est qu´une simple petite feuille de papier que nous avons difficilement reçu de la main d´un greffier inflexible et réclacitrant.

Il faut souligner, d´une part, que la Mairie de Cité Soleil a, d´une façon ou d´une autre, apporté une certaine contribution à la recherche en ayant obtenu d´elle par le truchement de son service des cultes et religions quelques statistiques sur l´existence des temples religieux à travers la Cité Soleil. D´autre part, nous avons eu l´occasion d´y rencontrer pasteur Jean Enock Joseph – une figure référentielle dans le combat pour la paix à Cité Soleil – avec qui une excellente et fructueuse conversation s´est tênue pendant plus d´une heure de temps. Cette interview s´est déroulée autour de deux grands sujets: l´histoire orale de Cité Soleil et la radiographie des conflits armés.

Pour sa part, l´hopitale Sainte Cathérine, le seul et unique centre hospitalier publique de la commune, a joué valablement son rôle en ayant mis à notre disposition la liste de quelques blessés par balles et à armes blanches au cours de la période allant de 2004 à 2006, et qui ont été pris en charge par cet hopital. Toutefois, la responsable nous a fait savoir qu´au cours des périodes de grandes tensions à Cité Soleil (de 2003 jusqu´à 2015 en passant par 2007-2008) où l´on recevait plus fréquemment des blessés par balles, l´hopital était sous le controle administratif des Medecins sans Frontières qui avaient le droit de garder toutes les données statistiques sur les patients. L´hopital ne disposant pas d´hortopédiste, il revenait donc aux Médecins sans Fontières de procéder aux opérations, aux extractions de balles et j´en passe. D´où la nature incomplète voire inachevée de la liste des blessés par balles que nous avons recue.

Enfin, la Commission Épiscopale Justice et Paix, une institution religieuse privée qui fait la promotion de la justice et du respect des droits de l´homme et se détermine à laisser ses projecteurs grandemente allumés sur les actes de violence et d´insécurité dans la zone métropolitaine et ses environs, a apporté une grande contribution à la recherche. Les données statistiques sur la violence et l´insécurité à Port-au-Prince dans ses arrondissements et communes qu´elle nous a fournies sont utiles et nous permettront non seulement de combler quelques lacunes, mais surtout de mieux analyser soigneusement le phénomène des violences armées tant à Cité Soleil qu´à l´échelle nationale.

En guise de conclusion, nous aimerions souligner que si au ministère des cultesnous avons connu le calvaire, à la PNH l´enfer, à la Sécurité Publique le mépris, aux RTVC, RTG et RTK l´humiliation et la honte, ces autres institutions ont tant bien que mal fait la différence et c´est tout ce qui compte[20]. Bien que du point de vue de satisfaction et d´attente personnelles les documents reçus sont loin d´être à la hauteur des analyses que nous nous proposons de produire sur le phénomène des conflits armés au niveau de la cité, nous les avons quand bien même acceptés avec beaucoup de gratitude puisque – que sais-je – ils peuvent être d´une certaine utilité. Voilà pourquoi, nous tenons à adresser à chacune de ces institutions un vibrant remerciement.

Références
DESMET, H; LAHAYE, W; POURTOIS, J.P. Les points-charnières de la recherche scientifique. Campus Numérique Forse. Disponible à: https://mtcmadagascar.files.wordpress.com/2013/07/methodologie_m2r.pdf. Accès le: 10. aou. 2017.
GRANAI, Georges. Techniques de l´enquête sociologique. In: GURVITCH, George. Traité de sociologie. Tome 1, Paris: Presses Universitaires de France, 1967, p.135-151.
REY, Luís. Planejar e redigir trabalhos científicos. São Paulo: Editora Edgard Blücher LTDA, 1993.



* Ce travail de recherche prend en compte les enquêtes de terrain, les interviews et les collectes de données. Réalisé exclusivement dans la commune de Cité Soleil, il s´articule autour du titre de notre thèse: Conflits armés et changement social à Cité Soleil: Une analyse critique de la gestion politique et du rôle des religions.

Ò Doctorant en Sociologie à l´Université d´État de Campinas (São Paulo, Brésil) sous l´orientation du Prof. Dr. Renato Ortiz. E-mail: jeandefabien1982@yahoo.fr Blog: https://jeandefabien1426.blogspot.com.br/.

[1] Les interviews et entretiens ont été sollicités auprès des autorités politiques tant à l´échelle communale que nationale, des acteurs religieux, des leaders d´organisations sociales, des ONGs, des sujets armés, des membres des fondations fondées immédiatement après la paix à Cité Soleil.
[2] Depuis le début du mois de janvier, où nous avons commencè à la fréquenter, la bibliothèque de la faculté d´éthnologie fonctionnait timidement selon un horaire inflexible. Le public extérieur y était admis exceptionnellement le mardi et le jeudi de 9h à 18h. À cause des crises qui ont éclaté dans l´enceinte de cette faculté, elle cessait momentanément de servir le public pour enfin arrêter définitivement ses activités après le dernier incident malheureux survenu entre le doyen de cette faculté et un étudiant selon lequel celui-là aurait passé de dessus l´étudiant sa voiture laissant ce dernier dans un état très grave. La justice n´est pas encore en mesure jusqu´à présent de faire la lumière sur ce fait pendant que les étudiants continuent de réclamer justice et réparation pour leur camarade.
[3] En réalité, il nous était difficile de suivre de manière rectiligne et radicale étape par étape le plan d´action. Cette chronologie est juste pour se faire au moins une idée globale des différentes activités entreprises dès notre arrivée jusqu´à la fin de notre court séjour. Il fallait enfin faire beaucoup de choses dans peu de temps qui nous étaient impartis.

[4] Bien que nous ayons commencé les recherches et consultations bibliographiques au mois de mars, cela n´empêchait pas que nous entreprenions d´autres activités, de plus, l´activité de consultation bibliographique et de lecture se continuait parallèlement aux autres jusqu´à la fin.
[5] Nous avons cessé de fréquenter la bibliothèque de cette faculté pour deux raisons principales. La première, avant sa fermeture défitive, c´est que, en matière de documentation, elle n´a pas vraiment répondu à notre attente. En second lieu, elle avait cessé d´émettre ses services au public lecteur extérieur à la faculté reçu, si je ne m´abuse, le samedi et le dimanche. Ce qui aurait pu être avantageux pour nous, car ces jours-là les activités sociales sont moins intenses.
[6] Dans un autre travail intitulé Cité Soleil serait-elle à l´origine une cité violente?, nous aurons l´occasion de problématiser cette peur de parler des conflits armés chez certaines personnes à Cité Soleil.
[7] Ce fut le cas de la Minustah, du MICT, des médias et de tant d´autres institutions dons nous espérions un apport significatif à notre recherche.
[8] Les détails liés aux difficultés de la recherche seront traités avec minutie ultérieurement.
[9] Il se peut bien que certaines activités non mentionnées dans le texte soient insérées dans le tableau. Toutefois, il faut toujours garder à l´esprit que nous reprenons l´essentiel.
[10] Cette rencontre n´a jamais eu lieu.
[11] À vrai dire deux amis parmi les personnes contactées, se trouvant à São Paulo, étaient disposées à nous rendre ce service. Mais, vu que la chance de réussite était très mince et l´espace de temps trop long, nous avons dû abandonner cette démarche.
[12] IHSI: Institut Haïtien de Statistique et d´Information est l´équivalent de l´IBGE.
[13] En ce qui concerne les institutions internationales, seule la Minustah, la mission onusienne déployée en Haïti depuis avril 2004, a formellement été contactée dans le cadre de notre recherche, ce dans un double objectif: obtenir des rapports de la Minustah sur ses interventions à Cité Soleil entre 2004-2006, solliciter une interview avec un responsable de la Minustah à Cité Soleil afin de comprendre le rôle de cette mission dans le processus de paix qui vient d´apparaître. Malheureusement, elle n´a jamais donné suite à notre demande de documents ne respectant pas ainsi la promesse d´appel qu´elle nous avait faite lors de la réception de cette lettre. Celle concernant l´interview n´a même pas été reçue: L´agent nous a sèchement laissé comprendre que pour ces genres de recherche scientifique, les reponsables de la Minustah n´accordent pas d´interview.
[14] Celui-ci nous a fait savoir, en répondant sèchement à la sollicitation qui lui a été faite quelques semaines auparavant lors de notre première conversation avec lui selon laquelle il est important de nous accorder une interview sur la situation politique de la commune et les conflits armés qui y prévalent: « qu´il n´est plus disposé à accorder une interview ou un entretien sur la situation politique de la cité. D´autres notables, chefs d´organisations sociales et leaders politiques de la zone peuvent le faire à sa place, a-t-il renchéri ». De ce refus, nous avons pu retenir une seule et unique leçon de moral: le non respect de la parole donnée, l´une des principales caractéristiques de nos hommes politiques pour ne pas dire leur côté le plus absoluement maladif.
[15] La loi de finance de l´exercice 2015-2016 attribue au Ministère de l´Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) une enveloppe de 2.241.867.731 de gourdes répartis comme suit: 1.458.467.731 pour les dépenses de fonctionnement et de 783.400.000 de gourdes pour les investissements.
[16] La commune de Delmas, une des plus riches du pays, génère à elle seule plus de 4 milliards de gourdes, l´équivalent de 80 millions de dollars américains, tandis que Cité Soleil pène à en collecter quelques 400.000 de gourdes.
[17] Le Sous-commissariat de Cité Soleil, situé à Warf entre Soleil 19 et 21, a été à maintes reprises la cible de plusieurs attaques violentes et même détruit par les bandes armées. La dernière en date remonte en 2004 lors des événements qui ont contraint M. Aristide à l´exil. Ce sous-commissariat était complètement vidé de ses agents jusqu´à sa très récente reconstruction et restitution à la communauté soléenne.
[18] La presse de mon pays Haïti c´est « le chaud et le froid »
[19] Les événements survenus dès la fin de 2003 et amplifiés en 2004 jusqu´à 2008, appelés par les bandes armées, opération bagdad, ont pratiquement cassé le fonctionnement du tribunal de paix de Cité Soleil. La justice à Cité Soleil était à cette époque complètement absente pour ne pas dire inexistante.
[20] Ce ministère, la PNH, la Securité publique et les autres institutions privées n´ont pas vraiment saisi l´ampleur et l´importance de notre recherche, voilà pourquoi, honteusement, elles viennent de rater l´occasion de mettre en valeurs leurs données statistiques. Car, en dehors de la fiabilité et de la crédibilité, l´utilisation des données est un prestige pour l´institution qui les fournit et une preuve réelle de la priorité qu´elle accorde à la démocratie, aux droits de la personne de s´informer et à la transparence dans l´esprit de construction d´un vrai état de droit.

dimanche 29 octobre 2017

DA VIOLÊNCIA LIBERTADORA A OUTRAS VIOLÊNCIAS: SOCIOLOGIA HISTÓRICA DO HAITI

DA VIOLÊNCIA LIBERTADORA A OUTRAS VIOLÊNCIAS: SOCIOLOGIA HISTÓRICA DO HAITI

Resumo

Amiúde as pessoas se perguntam se o ser humano nasce violento ou se ele o se torna? Ou, será que ser violento é normal? Devemos entender, primeiro, que ser violento é um estado latente, segundo, uma escolha que as circunstâncias sociais impõem e, terceiro, um meio para chegar a um fim. Não se trata de normal ou de anormal, pois, a história da humanidade nos mostrou que a violência se inscreve numa dinâmica vingadora como passagem das opressões à libertação. Nesse sentido, ela pertence aos fatos sociais na medida em que a sociedade não pode se separar dela. A revolta do escravo oprimido é um exemplo típico e demonstrativo desta violência libertadora. O objetivo do artigo é discutir, a partir de uma compreensão sociológica da violênciao aspecto libertador da violência tomando formação histórica da sociedade haitiana como exemplo na perspectiva de tentar mostrar que se ela não é um fim em si, mas um meio que deve obedecer as suas regras naturais e sociais cujo uso errado e irracional pode custar um preço caro

Palavras-chave: Violência. Liberdade. História

Abstract

     Often people wonder if the human being is born violent or if he becomes violent? Or, is being violent is normal? We must first understand that being violent is a latent state, second, a choice that social circumstances impose, and third, a means to an end. It is not normal or abnormal, because the history of humanity has shown us that violence is inscribed in an avenging dynamic as a passage from oppression to liberation. In this sense, it belongs to social facts insofar as society can not separate itself from it. The revolt of the oppressed slave is a typical and demonstrative example of this liberating violence. The aim of this article is to discuss, from the sociohistorical formation of Haitian society, the liberating aspect of violence in the perspective of trying to show that it is not an end in itself, but a medium that may not correspond to other realities.

Keywords: Violence. Liberty. Hsitory.

Introdução 

        É indiscutível que Haiti tenha uma história fascinante de revolução social e política marcada tanto por momentos tristes e gloriosos quanto por conflitos e violências intestinos, na qual se entremeiam violência e escravidão, fatos sociais inseparáveis. Tudo começou no século XV quando o mundo estivesse assistindo na cumplicidade e consternação a exterminação maciça e sistemática de três milhões[1] de Índios na parte oriental da ilha do Ayiti. A ínfima quantidade que sobreviveu deste genocídio – não menos do que 2000 – se refugiou nas montanhas. Lá eles morreram resistindo (NAU, 1854, p. 200-217). Era o triunfo da barbárie sobre a humanidade. Com efeito, da resistência indiana até a proclamação da independência nacional em 1804 passando, com certeza, por todas as formas de luta possível: suicídio coletivo[2], revolta geral, quilombola, rebeliões sucessivas, lutas clandestinas, Haiti permanece a terra da melhor lição de resistência, de esperança e de liberdade, onde se entrecruzam duas raças humanas (africanos e europeus) em conflitos, mas condenadas a partilhar uma história ancorada de violências, de lutas, de crimes, mas também de glória e de heroísmo.

Os escravos africanos, ao substituírem os Índios, demonstraram que tinham capacidades físicas, humanas e materiais para levar uma luta violenta de dois séculos e meio pela liberdade, pelo direito e pela dignidade humana. Uma violência libertadora nasce num momento crucial em que esta raça enérgica, incansável e inesgotável, que nunca se deixou dizimada pela escravidão apesar de ser feroz e mortífera, se convenceu da sua força física e quantitativa de lutar (NAU, op. cit. p. 26-27). Toda forma de violência era necessária para sair desta opressão escravagista. A logica da colônia quer que a liberdade triunfe da violência e dos conflitos. Máquina de sangue, a escravidão criou no escravo um ser violento. Nesse sentido, Madiou declarou:

Les colons, les capitaines-généraux Leclerc et Rochambeau avaient exercé tant de cruautés sur les indigènes, que ceux-ci se faisaient, pour ainsi dire, une vertu de rendre aux Français crime pour crime. Ils étaient devenus aussi féroces que leurs persécuteurs. Peut-on s´étonner des vengeances exercées par celui que l´esclavage a rendu cruel? Mais quant au général Rochambeau, il appartenait à un peuple vieilli dans la civilisation[3] (MADIOU, 1989, p. 129).

É o significado da violência libertadora e emancipadora pouco tratada na problemática das violências sociais. O mérito cabe, no entanto, a Frantz Fanon (1961) por chamar atenção do mundo sobre o fato de que a violência do oprimido é libertadora e não é nada que uma resposta proporcional à violência do opressor. Aqui não se trata da dimensão devastadora e destruidora da violência nem da sua apologia, mas do seu aspecto revolucionário e transformador. Duas palavras resumem então as cenas de violência e de conflitos na vida social dos escravos africanos na colônia de Santo Domingo: opressão e libertação, ambas as situações são impregnadas de contradição, de rivalidade e de conflito de interesse ou de classe. Tanto na opressão como no processo de libertação a violência é absoluta e impiedosa. Na colônia de Santo Domingo violência colonial e violência libertadora andavam junto.

Nesse contexto histórico, a violência colonial era feroz, mas jamais conseguiu acabar com o otimismo dos escravos. Em resposta a esta violência, eles começaram a organizar, clandestinamente, suas lutas. Pela recusa da metrópole de negociar e pela sua vontade de continuar mantendo a escravidão, as guerras começaram a transformar a sociedade colonial em campo de batalha interminável. A política colonial de não dialogar era uma causa fundamental da amplificação e da multiplicação das violências dos escravos, e era também um caminho irreversível pela sua libertação. De fato, as guerras revolucionárias ocorreram num contexto decisivo. De um lado, o exército colonial se enfraqueceu tanto em matéria de quantidade dos soldados cujo estado de saúde era caótico quanto em matéria de munições, um número incalculável de escravos aderiram às lutas revolucionárias pela liberdade, do outro. Esta liberdade adquirida nas guerras precisará, logo depois, ser consolidada e protegida contra os conflitos políticos e violências sociais  internos. 

Assim, ao refletir em torno da problemática da violência libertadora, o artigo objetiva mostrar que a transição da violência libertadora para outras formas de violência de maneira absolutamente errada e irracional pode ter um preço caro. A partir daí, vamos então discutir como a violência libertadora abriu a porta para o Haiti poder sentar-se dentre os países livres e independentes, ressaltar a sociedade querida após esta etapa, sublinhar o sentido próprio da violência libertadora, mostrar a dimensão da herança de violência pela má exploração da violência libertadora, e, por fim, ver se o caso de Cité Soleil pode ser considerado como um protótipo desta situação.

1. Uma violência libertadora comprometida que colocou Haiti nos conselhos das nações

Esta saída inevitável desses séculos de violência colonial constitui uma etapa importante na defesa dos Direitos Humanos, da justiça social, da igualdade entre as raças, da soberania e da valorização dos valores sociais dos povos. Era também crucial para transcender e motivar espiritualmente outros povos. Quem neste mundo pode esquecer o apoio desta nação negra aos povos latino-americanos? Quem não sabe que sua libertação era contaminadora e inspiradora para os povos oprimidos do mundo inteiro? Desde a aurora, a história haitiana se inscreve numa dinâmica de violência e de conflitos sem início sem fim. Se na colônia ela era um instrumento de libertação, de emancipação e de transformação, ela se tornou o principal obstáculo da nova nação independente em 1804, que nasceu, certo, com grandes dilemas econômicos, diplomáticos, políticos e sociais, mas o pior era os conflitos e as rivalidades intrínsecos causados por fortes interesses particulares.

A defesa dos interesses pessoais em detrimento dos interesses coletivos é, infelizmente, uma herança da sociedade colonial que os novos governantes haitianos abraçaram. Com efeito, durante o período opressivo, os brancos e os libertos eram os principais grupos sociais rivais na colônia. Eles se entendem raramente, só, por exemplo, quando for preciso conspirar contra os escravos. É que seus interesses eram divergentes. Enquanto os brancos querem continuar no controle da colônia embora ausentes, os libertos reivindicam sua igualdade com eles e seu direito de gozar os mesmos privilégios que eles. Nesta conjuntura, os escravos, as principais vítimas desta situação, não podiam se organizar para pensar seu próprio modelo de sociedade, a sociedade colonial em si já era muito desigual, discriminadora, opaca, violenta e conflituosa. A sociedade deixada pelos cólons ingleses, espanhóis e franceses de Santo Domingo cujas violências eram insuportáveis demais porque nasceram num contexto de conflitos mundiais pela hegemonia racista europeia, era sua única referência.

Considerando que quando, a partir do século XVII, os Franceses ocuparam a parte ocidental da ilha – a atual República do Haiti – as rivalidades pelo comércio internacional entre os diversos países europeus já eram numa fase muito avançada, a revolução haitiana então não é isolada deste contexto internacional. Ela não é uma parte da história mundial francesa, mas a história mundial de uma nação negra que ia redefinir o mapa do mundo e o conselho das nações. Tanto os conflitos e as violências que afligiram a França quanto as revoltas dos escravos, tudo isso constitui um catalizador para que as guerras independentistas e libertadoras nas colônias possam se amplificar ganhando força e colocando a metrópole numa posição delicada. É claro que os escravos tenham aproveitado dos movimentos sociais, políticos e intelectuais – as Luzes – que estavam acontecendo na Europa para compelir a França a proclamar a liberdade para todos. A vaga incessante de proclamação da liberdade até, em 4 de fevereiro de 1794, a abolição geral da escravidão nas colônias francesas resulta, segundo Vertus Saint-Louis (2008), da pressão exercida pelas insurreições dos escravos num contexto de guerras civis intestinas e de rivalidades internacionais pelo comércio do mundo.

La colonie française de Saint-Domingue, partie occidentale de l´île d´Haïti, nous a paru insérée dans un réseau International de conflits entre les grandes puissances d´Europe, rivalisant pour la domination du commerce de la planète et de l´exploitation de ses ressources humaines et matérielles. Nous avons associé l´avènement de la liberté de 1794 dans la colonie de Saint-Domingue au mouvement des Lumières de l´Europe, aux commotions sociales et politiques qui secouent la France depuis 1789, et aux guerres de la révolution française qui éclatent en 1792 et 1793[4] (SAINT-LOUIS, 2008, p. 3).

Assim, as lutas revolucionárias e as violências libertadoras permitiram ao Haiti não somente de ser identificado, triunfalmente, dentre os povos livres e independentes, mas também abriram o caminhou da rebelião pela busca da liberdade e da dignidade para os outros povos. Era um combate em toda sua crueza entre violência colonial e violência libertadora, entre racismo, colonialismo e escravagismo mais cruéis das potências colonizadoras europeias e humanismo. Os escravos africanos ao vencerem, em 1803, França, Inglaterra e Espanha, dotaram este país de um certidão de nascimento irrefutável. Esta vitória foi semelhante ao som de uma música que atingiu todas as orelhas da terra ao mesmo tempo. Assim, as lutas haitianas pela justiça social, pela liberdade e pelo respeito do direito e da dignidade do ser humano se inscrevem doravante na história universal de uma sociedade livre, igualitária e democrática, a querida pelo líder da revolução.

2. A sociedade querida

Uma sociedade livre, igualitária, totalmente liberada de escravos, de explorados, de opressão, de servidão, enfim, uma sociedade justa em que tudo mundo possa gozar do fruto da independência, em que tudo mundo possa ter a igual chance de ter sucesso social. Mas, era um ideal levando em conta todas as fragilidades da sociedade pós-colonial que, finalmente, era, por ensaio e erro, uma continuação e uma reprodução típica da sociedade colonial. Com efeito, na sociedade independente as rivalidades radicais brancos e libertos foram substituídas pelos conflitos de interesses entre os principais heróis das guerras libertadoras que, em detrimento do resto da população, queriam confiscar todos os recursos materiais e naturais existentes. A luta de classe e a discriminação pela cor da pele e pela raça jamais foram tão cruéis.

Com uma população quase 100 % analfabeta, com um minúsculo grupo de intelectuais determinados, formar uma nação, construir uma sociedade até criar um ideal político na base do qual nascerão os grandes projetos sociais, econômicos e políticos, era a tarefa mais difícil. Isso se tornava ainda mais difícil num clima de violência, de conflitos internos, de ameaças externas (reais ou imaginárias) que transformam o país em uma espécie de obsessão. Ora, as principais ameaças e os maiores obstáculos ao desenvolvimento do país eram mais interiores ao próprio sistema social e político do que exteriores. Como lutar contra as forças exteriores sem estar em harmonia, em união e em unidade com as forças interiores? Um reino dividido pode subsistir? Como pretende-se mudar o mundo na discórdia e na divisão? Foi aquilo que os dirigentes haitianos não podiam compreender.

Então, por causa dos conflitos sociais e políticos internos e dos interesses individuais, a gestão da independência era difícil e tornou a violência libertadora uma contaminação pelo avanço da sociedade. Além deste tipo de violência, no Haiti livre e independente encontramos outros tipos de violência e de conflito variados, descontrolados e irresolvidos, que comprometeram a construção de uma nova equipe socialista governamental cujo processo foi, infelizmente, interrompido pelo assassinato brutal do líder principal, Jean-Jacques Dessalines, tal assassinato agravou as rivalidades políticas infinitas. O problema da institucionalização dos conflitos internos criou uma forma violenta de combate cega. Este modelo de sociedade igualitária, socialista, justa e democrática querida nos primeiros dias que seguiram a independência permanece até agora um grande sonho.

3. O sentido da violência libertadora

Xavier sustenta que a violência pode tomar várias formas e, além disso, em toda sociedade ela pode, não somente, ser de tipos diversos, mas também responder a funções múltiplas (XAVIER, 2008). É o caso, de um lado, da escravidão, da ditadura e da guerra, as formas de violência mais frequentes do mundo moderno e que têm por função a destruição da humanidade. Do outro lado, temos a violência simbólica que domina as sociedades contemporâneas de hoje, sua função seria a desvalorização e o desconhecimento do ser humano. A escravidão e a ditadura resumem perfeitamente a história social e política de violência da sociedade haitiana. A elas se acrescentam as revoltas e as lutas populares, outro tipo de violência com outra função e missão.

Trata-se no caso do Haiti - ou de qualquer sociedade escravizada - de uma oposição fundamental entre a violência que desumaniza e aquela que permite reconquistar esta humanidade, uma violência de perda da liberdade e da dignidade diametralmente oposta a uma violência pela reconquista destes valores inalienáveis. A violência libertadora sempre se opõe à violência opressora; a violência reumanizante é o antídoto da violência desumanizante. Vertus Saint-Louis (2008, p. 36), diria liberdade moderna oposta à liberdade do direito natural dos povos. Todo povo ou todo grupo micro ou macrossocial constituído pode, em qualquer momento, mostrar seu caráter violento na medida em que sua existência, seus valores, seus interesses e seus direitos estão em perigo. Se a violência não é monopólio de ninguém, mas uma arma que cada um pode usar no processo de sua construção social, então a liberdade é o princípio mais sagrado a tornar o ser humano violento.

Em fim, se a violência colonial e desumanizante é aquela que roubou na vida das pessoas o gosto da moralidade, da justiça e da convivência social, a violência libertadora tende a restituir tudo isso a elas. Uma dinâmica constante de traição política entre dirigentes dentro do estado haitiano, instabilidade crônica, imobilismo, desconfiança, superstição política e crise de poder, a corrupção sistêmica, tudo isso faz parte das cicatrizes da violência colonial que, infelizmente, a revolução não conseguiu curar. O país nasceu com uma diplomacia muito menosprezada, miséria, pobreza, exclusões sociais, insegurança, desrespeito, racismo, prejuízos, são as sequelas da supremacia da violência fratricida  sobre o diálogo e do uso errado da violência libertadora num contexto inapropriado. Do ponto de vista sociológico, a violência libertadora é intrínseca à revolução, uma república precisa de construção e não de violência seja ela supostamente libertadora, isso é irracional a ponto que podemos dizer que o Haiti contemporâneo parece mais cruel do ponto de vista social do que o Haiti colonial no sentido de que sua violência simbólica, social e política de hoje é a produção dos seus próprios filhos.


4. A herança da violência

Este conceito de violência libertadora nos faz pensar de outra maneira a delinquência infantil, juvenil e adulta, as violências coletivas urbanas com uma natureza subversiva e louca nos bairros populares que, por suas características, parecem ser uma outra faceta desta violência emancipadora num outro contexto social marcado por suas próprias realidades, ou seja, não são miséria, pobreza e fome que provocam a violência dos jovens de lá, mas ela seria o grito deles para sair e emancipar-se deste estado abjecto e indigno, seria uma maneira de denunciar sua exclusão, seu abandono pelas autoridades governamentais. Ou, talvez, esses jovens tenham aproveitado da herança de sociedade violenta que lhes deixou a história do Haiti. Infelizmente, essas imagens de miséria e de pobreza acrescentada à violência desonram a nação mais fantástica da história mundial.

Após sair da colonização, a sociedade tinha que enfrentar um problema crucial de convivência social e coletiva. Se na sociedade pós-guerra a violência de tipo colonial acabou ao mesmo tempo que a violência libertadora, mas não a violência em si. Com efeito, ela passou a existir sob as formas intrínsecas. As violências que nos produzimos e reproduzimos contra nos mesmos nos levam à uma autodestruição e aumentaram os riscos da violência externa que se traduzia pelas ameaças exteriores da comunidade internacional. Esta situação criou uma frenesia que paralisou toda a organização interna das instituições sociais, políticas e econômicas do país, por conseguinte, um verdadeiro freio ao desenvolvimento, à construção de uma vida coletiva tranquila e à socialização social, cultural e intelectual do ser haitiano. Ora, o principal problema da sociedade haitiana pós-colonial não era a violência em si, mas o desafio de saber viver coletivamente, de priorizar os interesses sociais e de tratar sem violência e agressividade suas diferencias.

Todos os regimes ditatoriais passados até Duvalier - 30 anos atrás - se inscreveram nesta dinâmica de produção e de reprodução da violência como arma de dominação e de permanência no poder. A intolerância ilimitada acabou com a vida de todos aqueles que pretendem defender justiça social, direitos humanos, democracia, liberdade e bem-estar social, começando pelos líderes mais influentes até o indivíduo mais comum. Tantas coisas degradantes e consternadoras marcaram a vida deste país e tendem a apagar sua história gloriosa que abriu com coragem, força e autoridade os caminhos da verdadeira liberdade e democracia na América.

A exploração na sociedade dita “democrática” nos parece moralmente mais cruel e inumana do que a do sistema colonial. Por quê? Porque no sistema colonial o escravo tem consciência da sua escravidão e sabe que, sem camuflagem e enganação, ele não tem liberdade nem direito à educação, à alimentação, à saúde, enfim, tudo depende da única vontade do mestre. Isso é o fato concreto da vida dele num sistema dominado por aqueles que acreditam deter um direito natural de domesticar e matar os outros. É a realidade da sua desumanização apesar da sua humanidade. Num tal contexto, a escolha é clara: submeter-se ou revoltar. Se a escravidão é um crime contra a humanidade, a miséria e a pobreza dessas massas que moram nas periferias populosas, miseráveis e insalubres como Cité Soleil o são também. É uma violência simbólica e uma colonização invisível. Numa sociedade extremamente desigual com 80 % dos indivíduos na pobreza, 60 % na pobreza extrema e 10 % detentores da maior parte das riquezas, a democracia haitiana é uma escravatura camuflada.

Sem cair num historicismo, num determinismo ou num essencialismo, mostramos, de maneira bem resumida, que se a violência era necessária para conquistar a independência e a liberdade, ela não pode sê-lo, no entanto, para consolidá-las e desenvolver o país. Nesse sentido, a violência pode ser entendida como uma etapa a franquear para um povo, mas não a base ou a finalidade da sua existência nem da sua organização social e administrativa. Em algum momento da vida de uma sociedade é fundamental que se saiba distinguir quando violência é a solução e quando é o problema. Sem esta distinção é a confusão absoluta. Se a sociedade haitiana é, na sua essência, uma sociedade violenta e conflituosa, o lugar de Cité Soleil é muito interessante neste debate. Todavia, as violências e os conflitos que se produzem lá têm algumas particularidades a entender.

5. Cité Soleil como protótipo desta herança?

É claro que Cité Soleil – como qualquer outro município onde as violências coletivas e os conflitos armados são endêmicos – seja um produto da história contemporânea da sociedade haitiana, e está reproduzindo as mesmas formulas de respostas violentas às necessidades sociais e econômicas. As particularidades das violências e conflitos em Cité Soleil, é que, primeiro, eles nascem num contexto histórico contemporâneo de ditadura e de golpes de estado sucessivos, no qual as desigualdades sociais e raciais, as perseguições políticas, as exclusões sociais, a corrupção, as fugas dos intelectuais, as violências políticas, as violências sociais estavam em neta recrudescência. Em segundo lugar, são confrontações violentas e armadas entre várias frações de grupos armados rivais que, não tendo interesses fixos, se colocam à disposição da demanda mais luxuriosa. Por fim, terceiro, eles são caracterizados por um nível de frequência e de repetição que nunca mudou de fonte nem de conteúdo, ou seja, uma perenidade de conflitos e de violência alternada.

É evidente neste caso que, uma sociedade de reprodução da desigualdade, da exclusão, da fobia, do racismo, da discriminação familiar e escolar, da corrupção, produza violência e criminalidade. Com efeito, a situação catastrófica dos bairros populares como Cité Soleil, Martissant, Bel Air, La Saline já são uma comprovação palpável e visível dos efeitos desastrosos da violência e dos conflitos armados que, na nossa análise, são uma prorrogação, uma continuação e uma reprodução dos conflitos políticos que acontecem em nível mais alto das instituições sociais e políticas. Falando de violências coletivas e conflitos armados de natureza urbana no Haiti contemporâneo, Cité Soleil é o bairro que, nos últimos dez anos, tem o registro mais alarmante: 104 homicídios em 2010, 110 em 2012, com 80 % pelas armas de fogo. Ele representa 22 % de todos os homnicídios cometidos nas zonas metropolitanas.

Ora, foi desde os anos 1990 que Cité Soleil começou a se tornar um bastião de violência e de conflito armado entre grupos rivais que, na verdade, têm um objetivo idêntico: ser o líder hegemônico que controla Cité Soleil. Se a intervenção da policia nessas rivalidades seria para diminuir seus impactos nefastos sobre a população, porém, às vezes, ela cria mais problema do que resolve. A violência dos sujeitos armados é substituída pela violência policial. Por sua posição geográfica, sua história, suas características, sua composição social, seu ambiente, sua habitação, sua vulnerabilidade, Cité Soleil – mesmo se não seja o único bairro violento do país – é um caso interessante para compreender a essência da violência e do conflito na sociedade haitiana assim como o problema da institucionalidade que os afetam.

É importante entender que a lógica dos conflitos armados em Cité Soleil, da sua frequência e repetição e da permanência dos grupos armados traduz a transição da violência libertadora às outras violências  que bloqueiam a sociedade. As razões pelas quais os grupos rivais se confrontam entre si numa municipalidade tão pobre e miserável, onde 80% da população vivem na pobreza extrema, não são dialectizadas. Seria muito fácil ou simples responsabilizar unicamente os grupos armados sem olhar, de um lado, a incompetência e a incapacidade do governo de resolver este problema que fragiliza ainda mais as condições sociais e econômicas dos grupos vulneráveis. Do outro lado, olhar os grupos armados numa perspectiva criminosa sem entender que eles são o primeiro centro de socialização das crianças em Cité Soleil, que eles são constituídos de jovens com inteligência, objetivo, reivindicação, ambição, motivação, interesses, mas em condição marginal e discriminadora, que pertencem a uma estrutura social violenta, é ir fora da complexidade do fenômeno. 

Estamos falando aqui de jovens pais e responsáveis de famílias, sem maturidade, que têm obrigações biológicas, sociais e econômicas a satisfazer quotidianamente numa sociedade onde só acerca de 25 % de pessoas têm um emprego. Suas exigências domésticas como cuidar filhos e mulheres, comer, se vestir; exigências materiais como comprar bens, pagar aluguel, por fim, exigências sociais como festejar ou ajudar um parente, estão num impasse. Na ausência de trabalho, de emprego, de desenvolvimento social, como eles podem responder a todas essas exigências sem recorrer à violência e à criminalidade? Assim, a violência urbana em Cité Soleil não pode ser considerada como libertadora, ao contrário, ela é uma corrupção e uma contaminação da violência libertadora incompreendida e mal explorada na sociedade atual.

Conclusão

Em suma, falar de violência libertadora hoje não é fazer apologia da violência, ao contrário, é entender a violência numa dimensão mais crítica do ponto de vista da sociologia contemporânea, compreender que a liberdade quando ameaçada se torna uma conquista violenta. Há etapas distintas no uso da violência, todas as violências não são idênticas, e, como fato social, a violência sempre tem um objetivo, acontece num espaço e afeta um indivíduo ou uma coletividade. Utilizar o caso do Haiti enfatizando sua sociologia histórica era ideal para sustentar que a utilidade da violência corresponde ao respeito de algumas regras naturais e sociais e que o uso errado das mesmas pode provocar consequências muito lamentáveis. É por isso que os Estados se dotam do uso da violência que eles chamam violência legítima. O abandono definitivo da violência é quase uma missão impossível. Todavia, ela pode ser racionalmente controlada para não ficar só desastrosa e consternadora.

Referências

EDOUARD, Robenson. Violences et ordre social en Haïti: Essai sur le vivre-ensemble dans une société postcolonial. Québec: Presses de l´université du Québec, 2013.Violences et ordre social en Haïti: Essai sur le vivre-ensemble dans une société postcolonial. Québec: Presses de l´université du Québec, 2013.
FANON, Frantz. Les damnés de la terre. Paris: La Découverte, 1961.
MADIOU, Thomas. Histoire d´Haïti. Tome III (1803-1807). Port-au-Prince: Henri Deschamps, 1989.
NAU, Émile. Histoire des caciques d´Haïti. Port-au-Prince: Fardin, 1854.
SAINT-LOUIS, Vertus. Mer et liberté: Haïti (1492-1794). Port-au-Prince: [s.n.], 2008.
XAVIER, Crettiez. Les formes de la violence. Paris: La Décuverte, 2008.




[1] Os historiadores e viajantes, contemporâneos da descoberta, não se concordam sobre o número da antiga população do Haiti. Alguns falam de um milhão, outros até três (...) Oitocentos mil almas é um número que comportam o espaço do país e a facilidade de subsistir, até para selvagens (nossa tradução) (NAU, 1854, p. 80).
[2] O suicídio dos Índios traduz, na história do Haiti, uma expressão de rejeição do sistema de opressão. Era a maneira mais pacífica para os Índios lutar. Além disso, ele consiste em uma autosanção que eles se têm imposto a si mesmos como forma de resistência e de resposta à violência da escravidão.
[3] Os cólons, os capitães-generais Leclerc e Rochambeau tinham exercido tantas crueldades sobre os indígenas como estes se faziam, por assim dizer, uma virtude de tornar crime por crime aos Franceses. Eles se tornavam tanto ferozes quanto seus perseguidores. Pode-se admirar-se das vinganças exercidas por aquele que a escravidão tornou cruel? Porém, quanto ao general Rochambeau, ele pertencia a um povo envelhecido na civilização (nossa tradução).

[4] A colônia francesa de Santo Domingo, parte ocidental da ilha do Haiti, nos pareceu inserida numa rede internacional de conflitos entre os maiores potências da Europa, rivalizando pela dominação do comércio do planeta e pela exploração dos seus recursos humanos e materiais. Temos associado o advento da liberdade de 1794 na colônia de Santo Domingo ao movimento das Luzes da Europa, às comoções sociais e políticas que sacudem a França desde 1789, e às guerras da revolução francesa que acontecem em 1792 e 1793 (nossa tradução).

dimanche 17 septembre 2017

HAITI, DE L´INSUBORDINATION DANS LES RELATIONS SOCIOHIÉRARCHIQUES ENTRE PEUPLE ET ÉLUS: LE BUDGET NATIONAL À L´ÉPREUVE

Résumé

Le budget national 2017-2018 suscite des débats et des violences collectives. Cela démontre les intérêts divergents qui l´entourent. Outil de travail, il crée des ennemis et fait des amis. L´objectif de cet article n´est pas de faire une analyse systématique et dialéctique du budget, car, sans le texte il nous est impossible d´accomplir une telle tâche, mais d´essayer d´interpréter le comportement des élus qui, n´écoutant pas le cris des mandants, veulent leur imposer un budget qu´ils contestent. Ce que nous appelons une insubordination s´il faut admettre qu´en démocratie qui a consacré le principe de la souveraineté populaire, les subordonnés sont les élus, le patron le peuple. En outre, le principe sociohiérarchique veut que les premiers fassent la volonté du second et exécutent ses ordres, or, dans les faits c´est le contraire. Comment  à partir du vote du budget pouvons-nous comprendre cette relation d´insubordination où les rôles entre peuple et élus sont confus et inversés?

Introduction

Il est devenu comme une sorte de culture politique ou sociétale en Haiti de ne pas mettre chaque chose à sa place comme quoi cette société, étant à la fois très spéciale et paradoxale où le normal s´impose en anormal et vice versa, a la tête renversée comme des pyramides d´Égypte. Tout y est inversé, en particulier les relations sociales hiérarchisées où l´élève remplace l´enseignant, l´étudiant le professeur, le salarié le patron, la famille la société, enfin, l´élu le peuple. C´est surtout sur ce dernier aspect que, dans cet article, nous aimérions mettre l´accent où le budget national occupe un point central de ces relations sociohiérarchiques. En effet, expression des relations sociales, politiques et économiques entre les élus et le peuple, le budget est une arme à double tranchant en ce sens qu´il unit et divise, qu´il fache et rassure en même temps. 

Les mécontentements qu´il a provoqués ces derniers temps tendent à monter que l´ordre sociohiérarchique existant entre les élus et le peuple fait face à un dilemme. De plus, les violences qu´il a engendrées au cours des dernières manifestations - qui auraient dû être évitées d´ailleurs -  traduisent une sorte d´insubordination qui, elle-même, signifie purement et simplement l´entêtement des subordonnés, savoir, les élus, à agir contrairement à la volonté de leur patron en l´occurrence le peuple. Mettant à l´épreuve le budget national dans son aspect interrelationnel et le grogne qu´il suscite au milieu de la population, notre réflexion se penchera sur une question de relation sociale d´insubordination entre peuple et élus surtout dans les décisions que ces derniers prennent. Ainsi, nous allons nous efforcer à trouver une réponse à cette question: entre le peuple et les élus qui est le véritable patron? 

1.  Récapitulation des faits

Il ne m´est pas possible de rentrer dans les aspects techniques et analytiques du budget national, d´ailleurs, ne l´ayant pas sous les mains, je ne peux y apporter aucun jugement de valeur et une analyse minutieuse. Ce serait faire preuve d´une improbité intellectuelle gravissime. Néanmoins, toute rumeur écartée, il faut admettre d´entre de jeu que le budget suscite des problèmes et les protestations tendent à le prouver. Et, il me paraît tout à fait normal qu´il engendre autant de difficultés à l´appliquer, car cela traduit, d´une part, une certaine maturité politique du peuple en ce sens qu´il s´est créé lui-même avec force une place dans les hauts débats de politique économique jadis réservés aux grands esprits.  Mais, nos réflexions s´articuleront autour des faits, c´est-à-dire les dissensions sociales que le budget suscite pas seulement dans les milieux social, politique, économique, financier et commercial, mais encore dans les milieux populaires. Les révoltes populaires de la semaine écoulée montrent comment les relations se décousent entre élus et peuple, d´où le phénomène de l´insubordination.

Alors que le président s´entête à le publier tel quel en faisant fi des opinions des structures sociales et politiques organisationnelles qui le dénoncent comme un crime de haute trahison et d´injustice sociale, le secteur syndical crie au scandale et appelle à la grève générale la semaine prochaine. C´est un réflex normal de peuple dans toute société, de se soulever contre une décision qui va à l´encontre de ses intérêts. De plus, c´est un droit légitime et souverain qu´il détient de remettre en question les agissements de ceux et celles qu´il a élus(e) jusqu´à les révoquer s´il le faut. Toutefois, il faut admettre que du point de vue de la sociologie politique, le budget au-delà de son statut de loi, est un espace social et démocratique de débat intellectuel sérieux et approfondi, autrement dit le plateau sur lequel se jouent les cartes des grands intérêts. Donc, espace par excellence de la dialéctique politique et d´interaction sociale, la loi budgétaire conditionne la vie de tout un peuple. Cependant, ce débat ne peut en aucun cas être celui qui s´ancre à un sourdisme et à un aveuglisme. Il doit porter sur des stratégies intelligentes et concrètes de sortie de crise.

2. L´insubordination des élus face au patronat tout-puissant du peuple

Alors, cette situation traduit ce qu´il convient d´appeler une insubordination des élus de l´État par rapport à leur patron superpuissant, savoir, le peuple. Mais, le président est le dirigeant et le peuple le dirigé, comme peut-il en être également le subordonné, n´est-ce pas incohérent de dire cela? La hiérarchisation sociale se caractérise par des relations d´intérêts dirigeants dirigés ou dominants dominés, elle rentre dans le cadre du droit administratif à partir des principes sociojuridiques sur lesquels la société fonde essentiellement ses raisons d´être, et sur lesquels les relations entre les différentes classes sociales se greffent également. Par ailleurs, le contrat social dans sa dimension sociodémocratique consacre un principe universel qui est celui de la souveraineté du peuple et sa suprématie par rapport aux élus qui sont, par ricochet, ses subordonnés pour la simple et bonne raison que c´est lui qui fait d´eux des autorités et les paie à travers ses taxes, impôts et autres obligations fiscales pour le servir. Et, voilà pourquoi quand ces derniers passent d´autorité à l´autoritarisme, de la démocratie au démocratisme ou à la maladiocratie, de la gouvernance au dirigisme, le peuple ne peut ne pas les rappeler à l´ordre par des mouvements sociaux, des soulèvements, des révoltes et même des violences collectives. Ici, nous nous retrouvons dans le cadre de l´accomplissement des devoirs démocratiques  qui transcendent les règles de droit administratif. 

Dans la démocratie - qu´elle soit représentative ou autre - c´est le peuple qui décide, avec son vote c´est lui qui donne des ordres, c´est lui qui est de fait au commande dont une partie est confiée de droit à ses mandataires. C´est, en outre, lui qui dicte aux élus ce qu´ils doivent faire et dans quel sens ils doivent conduire les politiques sociales, ce sont ses opinions qui vaillent, et, toute intention ou volonté de ne pas prendre en compte ses opinions n´est autre qu´une insubordination et une dérogation au principe démocratique qui fait de lui le super patron de tous ses élus. D´où le sens crucial du mot souvenrain reconnu au peuple. Soit qu´on est dans une démocratie soit qu´on n´est pas dedans. Et, quelque soit son niveau de déliquescence, la démocratie reste ce qu´elle est: le pouvoir suprême et intransmissible du peuple. 

Les principes démocratiques, inaliénables et inviolables, sous-entendent que le peuple a toujours raison que c´est à lui que revient le dernier mot. C´est pour cette raison que nous qualifions d´insubordination non pas politique, mais démocratique tout comportement des élus de l´État qui jouent au sourd aux injonctions du peuple. Par exemple, quand celui-ci leur enjoint de ne pas valoriser le budget à problèmes, mais ils persistent dans leur projet, ceci ne peut être qu´une insubordination, c´est dire le fait de ne pas respecter les principes démocratiques et de persister dans l´erreur. Entrepreneur et patron qu´il était ou qu´il reste toujours, je suis sûr que le chef de l´État ne supporterait une seconde que ses ordres soient méprisés par ses employé d´Agrotrans. Il en est de même du peuple, le seul et véritable patron des élus y compris lui, l´employeur super puissant et par excellence de tout élu dans tout système démocratique. Ainsi donc, sans qu´il ne s´agisse d´un angélisme ou d´un déisme du peuple, il y a lieu de comprendre que dans l´ordre hiérarchique démocratique le peuple occupe la suprématie et ses intérêts sont au-dessus de tout.

Or, comme le savent aussi bien que moi les employeurs, toute insubordination suppose des sanctions allant du blame à la révocation en passant bien sûr par les mises en disponibilité. Je pense que l´acte d´insubordination ayant été déjà consumée au parlement après le vote du budget dans des termes presqu´unanimes,  il ne reste que le blame et le préavis ou les avertissements avant d´arriver à la révocation. Dans le cadre démocratique de relation peuple et élus, les manifestations, les révoltes, et, malheureusement, les violences collectives traduisent ses avertissements à la rigueur le blame. Donc, c´est ce qu´ont traduit les manifestations populaires de la seconde semaine de septembre, c´est-à-dire la chance pour les élus de se ressaisir du mal qu´ils s´apprêtent à commettre à la société en voulant imposer ce budget, de se refaire, de se regarder en face et prendre conscience d´eux-mêmes. 

Le but d´un blame ou d´un préavis ou de tout autre type d´avertissement est de porter l´insubordonné à revoir son comportement discrédité et reproché par le supérieur hiérarchique tout en le corrigeant une bonne foi pour toute. Dans cette situation gravissime d´insubordination dont il est question ici, la principale bête noire à blamer c´est le parlement qui s´est comporté de manière hypocrite pour n´avoir pas défendu effectivement les intérêts du peuple. Ainsi, en agissant de la sorte, il perd catégoriquement son droit de représenter celui-ci qui, à un moment donné, doit prendre le controle de ses propres revendications, car le temps de compter sur ses représentants -véreux, avares et cupides de surcroît- est désormais révolu. 

3. Le Parlement, le véritable traitre

Le principal traitre et hypocrite dans cette affaire d´insubordination n´est autre que le parlement. En votant le budget rejetté par le peuple parce qu´il ne réflète pas ses avantages comme cela aurait dû être, il se coupe du peuple et devient automatiquement son ennemi, contredit ses intérêts et, en conséquence, trahit sa confiance et met en jeu son mandat populaire. Manipulés ou pas - ce qui constituerait une insulte à l´intelligence et à la conscience collective - ces soulèvements populaires traduisent l´involonté et le refus d´une partie du peuple qui ne se connaît pas dans cette nouvelle loi budgétaire qui, se préparant à entrer en vigueur ce 1er octobre 2017 pour terminer le 30 septembre 2018, est une arme à la fois politique et juridique de combat. Il traduit la vision de société tant sur le plan sociopolitique qu´économique des dirigeants. 

Le parlement c´est le peuple qui agit indirectement, mais il n´est pas le peuple. Cela veut dire que les deux sont distincts, et, même s´ils sont appelés à travailler en symbiose, leurs intérêts sont le plus souvent divergents. Or, le parlement c´est le bras droit et l´institution de confiance du peuple, comment son action peut-elle aller dans le sens contraire à la volonté de ce dernier? Les élus doivent-ils faire leur propre volonté ou celle du peuple qui les a élus? Le rôle de tout mandataire n´est pas de mettre le mandant dans une situation embarrassante, ni de l´attrister en avilissant ses intérêde, ni d´hypothéquer le mandat qui lui est confié, mais de le sortir de son inconfortabilité par rapport à une situation, lui donner de la confiance et de l´assurance. Ce rôle principal se traduit, dans un esprit d´avocature et de justice sociale, par la défense des intérêts du peuple.

Or, ces insubordinations ne sont nullement nouvelles dans la société haitienne. Toute la vie politique, sociale, culturelle, professionnelle, économique de celle-ci en est marquée. Et, lorsque les rôles sont si bêtement inversés, il faut s´attendre au cahos, à la terreur, au désordre généralisé, à la corruption, à la rebellion, à la révolte, à l´anarchie totale, mais surtout à la résistance. Ce sont ces insubordinations des élus et ces inversements de fonctions qui ont accouché toutes les dictatures passées au cours desquelles le peuple a cédé son rôle de souverain décideur au profit de la peur. Et, il y a lieu de comprendre que le dynamisme de la dictature commence soit par le silence ou la tahison ou le musèlement ou l´ignorance ou le faire semblant du parlement jusqu´à sa destitution irreversible lorsque le dictateur finit par avoir sous son controle toutes les institutions clés. Or, c´est le moment qu´Haiti est entrain de vivre actuellement.

Le parlement qui était censé se placer au côté du peuple pour lutter contre ce budget qu´il dénonce avec véhémence, force et énergie, c´est encore lui qui l´a trahi. Par conséquent, même si nous ne nous précipitions pas de dire qu´une autre dictature factuelle se forme, mais il y a lieu de comprendre que l´acte posé par le parlement est celui de la haute trahison, signe embryonnaire de toute dictature. Ainsi, quand le parlement, le centre de la manifestation des besoins populaires, et la présidence, les seules et uniques institutions de prédilection qui incarnent la volonté populaire sont démissionnaires par rapport à leur rôle de protecteur et de défenseur des intérêts du peuple, nous sommes tombés dans l´insubordination totale par rapport aux relations sociohiérarchiques qui doivent exister entre eux.

Considérations finales: la voie de la raison

Il est appelé aux élus de faire preuve d´inteligence, de dicernement et de lucidité en se détournant de la voie d´incrédulité et d´entêtement pour embrasser celle de la raison. Les casses, les violences, les incendies des voitures et les actes de vandalisme issues des manifestations populaires de la semaine écoulée, même s´ils sont à déployer et à condamner avec la dernière rigueur, ont, néanmoins, eu pour cause factuelle le budget auquel le peuple a du mal à s´identifier. S´il en est ainsi, c´est que le bon sens veut que vous compreniez qu´un basta vous est imposé par le peuple afin de repenser les choses. Cette culture selon laquelle c´est les dirigeants qui doivent toujours avoir raison sur le peuple est répressive, dépressive et contre productive, car il est impératif que tout élu travaille au bien-être de son électeur, son seul et unique patron. L´employé ne peut se substituer au patron et vice versa, en d´autres termes les élus ne remplacent jamais le peuple, mais ils le représentent. Et, quand cela n´est l´ordre des choses est inversé, il faut se préparer plus tard aux jours difficiles et compliqués.

En résumé, en démocratie, les relations entre élus et peuple; représentants et représentés; dirigeants et dirigés; mandataires et mandants sont toujours caractéristiques d´insubordinations. Elles se traitent différemment, car le seul recours du peuple aux insubordinations parfois insupportables et répétitives de ces derniers ce sont les soulèvements, les violences, les révoltes et les manifestations. L´insubordination est un acte irrespectueux envers le principe de la souveraineté du peuple, elle enfreint les règles démocratiques et constitue un frain au développement social et économique et un obstacle à la stabilité politique, car elle suscite trop de colère et d´animosité chez le peuple.

Campinas, 16 septembre 2017