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samedi 3 septembre 2016

CITÉ SOLEIL: L´HÉROÏSME, LE MIRACULISME ET LE SURRÉALISME AU COEUR DE LA SURVIE DES INDIVIDUS

Résumé

Cet article est une réflexion issue d´un constat dans le cadre d´un travail de terrain à Cité Soleil. Il propose de regarder ce bidonville comme prototype d´une société haïtienne qui ne survit que de l´héroïsme des uns, du miraculisme des autres et du surréalisme d´elle-même dans la mesure où les dirigeants et les élites n´ont toujours pas la conscience que le monde atteint déjà une phase scientifique, technique et technologique hautement avancée et que les problèmes sociaux et économiques d´aujourd´hui auxquels font face ces individus massés dans des bidonvilles insalubres ne peuvent pas se résoudre dans ces comportements et croyances irrationnels et subjectifs faisant d´un individu ou groupe d´individus l´incarnation du mal absolu.

Introduction

À l´École Normale Supérieure, dans le cadre d´un cours d´histoire d´Haïti, un jour, un professeur très célèbre au sein de l´institution et dans le milieu intellectuel haitien - dont je me garde de citer le nom - eut à dire que l´étranger - détenteur de la science, la technique et la technologie - ne les donnera pas à Haiti vu leur préciosité, leur grandeur et leur importance, toujours est-il qu´il nous fournit sans reserve du riz, maïs, pois, farine, viande périmée... pour nous remplir le ventre, car c´est ce à quoi nous ressemblons. Avec le temps, malgré moi, j´ai fini par m´adhérer à sa parole et j´irais même jusqu´à ajouter que ce n´est pas l´étranger qui refuse de nous donner la science, la technique et la technologie, mais de préférence notre état d´esprit qui bloque ces conquêtes et n´est pas prêt à les avoir, autrement dit, nos conditions sociales sont tellement alarmantes que parler de ces choses à un individu affamé, nu, squelettique, miséreux, pauvre, ce n´est pas seulement du chinois ou de la perte de temps, mais c´est comme un mal qu´on lui ferait dans la mesure où ventralement, mentalement et psychologiquement il n´est prédisposé qu´à entendre si ses besoins élémentaires les plus biologiques seront résolus d´abord. À l´instant même où on lui parle de ces choses, l´individu pense qu´on est indifférent et insensible à sa condition sociale.

De fait, il faut lui donner raison, car on ne peut pas sauter du besoin primaire pour tomber dans le tertiaire, lequel besoin primaire n´est même pas encore satisfait voire s´attaquer au besoin secondaire. On pourrait dire que l´accès aux nouvelles technologies de l´information et de la communication fait partie du besoin quaternaire. J´ai surtout eu affaire avec cette situation lorsque j´ai investi le terrain de Cité Soleil dans l´idée de réaliser un travail de recherche, qui a été une expérience fascinante comme je l´ai mentionné dans un rapport de travail publié sur mon blog. Dans presque tous les quartiers où je passais (Bélécou, Boston, Cité Lumière, Norway, Ti Haïti, Bois Neuf, Projet Drouillard...), la majorité des personnes que je côtoyais pensait que j´étais un agent du gouvernement, d´autres me prenaient pour un ongiste tandis que d´autres encore se méfiaient de me parler parce qu´ils n´avaient pas la moindre idée du travail que j´étais venu accomplir en dépit des explications que je leur ai fournies. De plus, dans les pourparlers j´ai vite compris qu´un tel état d´esprit traduit clairement qu´à Cité Soleil quand les individus ne vivent pas ou ne mangent à la merci d´un miracle, ils se noient dans des projets surréalistes qui, venant de messies autoproclamés et auto-surestimés, consistent à les faire rêver débout. En effet, l´on se demande très rarement ou presque pas ce qu´il faut réellement à un jeune pour vivre, évoluer, se mouvoir, se déplacer, s´éduquer, se fréquenter, se cultiver, circuler, travailler à l´intérieur de cette commune, déclarer, défendre et brandir fièrement à  l´extérieur de sa communauté son identité et son origine sociolocale sans risque de se faire humilier, ridiculiser, réprimer, bastonner, violenter, rabaisser voire tuer. Ce sujet y est quasi tabou. Or, bien que la réalité dont il découle saute aux yeux, il reste, pourtant, toujours indiscuté voire ignoré. Tandis que, pour survivre, les jeunes de Cité Soleil doivent se préparer à faire face à toutes sortes de discriminations sociales: mépris, humiliation, rabaissement, complexe d´infériorité, infériorisation, phobisme, exploitation sociale, chômage, exclusion sociale, culturelle, politique et économique, injustice sociale, peur de s´exprimer et de s´extérioriser, rejet, traitement au rabais, inhumanité etc.

Il s´agit, en fait, dans une certaine mesure, d´une souffrance liée à ce que j´appellerais une soléophobie qui se développe dans tous les sens. Déjà, au sein d´une société comme la société haïtienne, construite sur des stéréotypes sociétaux discriminatoires, exclusivistes, injustes et inégalitaires gravissimes, il ne va pas sans dire que l´intégration sociale des jeunes soléens ne peut ne pas se transformer en un véritable calvaire. De plus, l´environnement social dont ils sont issus noyée de violence, qui les suit partout et avec l´image duquel ils circulent à l´intérieur de Cité Soleil et se transportent en dehors de ce gigantesque bidonville, semble leur devenir une sorte de distinctif social pour ne pas dire un stigmate social, autrement dit, une espèce d´étiquetillage identitaire qui leur est collé à la peau. Comparée à ce qui s´est produit au Ruanda, vers 1994, où, pour distinguer un hutu d´un tutsi, il fallait les comparer à la longueur du nez ou à la couleur des yeux, cette situation tend à compromettre l´avenir de ces jeunes et leur cause de nombreuses embûches. Cette catégorisation sociale qui provient surtout de l´extérieur est discriminatoire et menace d´anéantir le courage des jeunes de ce bidonville qui ne cherchent qu´à s´épanouir en réclamant par leur conduite héroïque le droit de vivre dans un environnement social et culturel développementif et pacifique.

En traduisant cette réalité par trois concepts clés, à savoir, l´héroïsme, le miraculisme et le surréalisme, l´article part donc à la compréhension de cette manière exceptionnelle caractérisant la survie des jeunes à Cité Soleil. Sur ce, dans un premier temps, nous allons tenter de montrer l´importance de comprendre le paradoxe et le contraste de la fuite des jeunes. La seconde partie prendra en compte les caractéristiques des violences armées pratiquées à Cité Soleil. Afin de comprendre mieux l´ampleur et le fondement de ces violences, il est nécessaire d´identifier la catégorie sociale qui y est le plus activement impliquée. Enfin, l´article se conclut par une considération sur quelques éléments auxquels les jeunes recourent pour survivre à Cité Soleil non dans le sens d´une passivité résignante, mais dans celui d´un effort constant constitutif d´action et de prospectivité positivement étonnante.

1. Fuir pour aller où?

Plus récemment, 2004 à 2006 sont les années qui ont vu un nombre incalculable de jeunes déserter Cité Soleil pour aller se réfugier chez un parent, un ami, une connaissance, un proche voire un étranger résidant en section rurale ou urbaine, dans un endroit peu conflictuelle reculé des zones à risque potentiel de violences armées, d´assassinats, de viols et de séquestrations. Ils fuyaient les massacres, les vols, les maltraitances, les atrocités, les barbaries, les viols collectifs, les meurtres, les assassinats, les pillages, enfin, les crimes de toute nature qui se perpétraient, impunément et impitoyablement, dans les localités telles que Projet Drouillard, Bois Neuf, Boston, Ti Ayiti, Lintho 1 et 2, Cité Gérard, Soleil 15, 17, 19. C´est tant la dégénérescence de ces violences collectives que l´impuissance et la négligence des forces de l´ordre et de sécurité auxquelles ils assistaient et dont ils se plaignaient vainement, qui ont forcé ces jeunes à fuir, sinon momentanément, Cité Soleil. Au cours de la même période, certains l´ont déserté définitivement pour ne plus y revenir. Bon nombre d´entre eux, interrogés sur les raisons qui les ont poussés à agir de la sorte, n´ont pas donné de réponses surprenantes: les violences et l´irresponsabilité des autorités publiques sont au cœur des causes principales qu´ils soutiennent.

En effet, ce facteur d´omission, de négligence et de démission de l´État - cette sorte de terrorisme d´État pour certains; de son silence complice pour d´autres - est souvent évoqué dans les propos de ceux qui dénoncent la cruauté et la barbarie des violences dans cette municipalité. Le fait qu´à un stade ultime de ces phénomènes les jeunes de Cité Soleil ont eu le sentiment d´être de plus en plus abandonnés à eux-mêmes, de n´avoir aucun recours ni secours, qu´aucun ne prenait au sérieux leurs nombreux cris d´alerte désespérants, avant qu´ils ne se fassent massacrer, pour sauver leur peau, ils n´ont pu que fuir. Cette fuite dont nous parlons est, en réalité, un paradoxe et un contraste en ce sens qu´elle n´est pas une fuite à proprement parler, mais une sorte d´échappement et d´écartement qui soulage en même temps qu´il crée des préoccupations traumatiques réelles liées à une famille, à un ami, à un bien précieux laissés derrière. Ils ne s´en foutaient pas vraiment de ce qui pourrait arriver en fuyant ou après s´être échappés de cette cité mortuaire, mais c´est la chasse qui jouait en leur faveur et dès fois le miraculisme. Ce qui veut dire que le corps de ces jeunes s´en était certes échappé et détaché, néanmoins, leur esprit ne pouvait nullement se libérer ou se défaire ni des barbaries vues dans le passé ni de la conséquence future de leur acte sur leurs familles ou amis si jamais il advient à être découvert.

Or, c´est toujours risqué et extrêmement dangereux pour des civils, des gens désarmés, indéfensifs et inoffensifs de vivre et de partager le même espace avec des milices lourdement armés qui, échappés au contrôle des autorités, se montraient toujours aptes au crime et à la violence. C´est presqu´un mode de vie suicidogène dans la mesure où on ne peut pas affronter main nue l´inévitable, l´invivable et même l´impossible que représente le phénomène de violence sociale. Un tel mode de vie ne saurait ne pas être inquiétant voire incertain pour des jeunes qui aspirent à un avenir meilleur, or, plongés dans cet univers violent qui ne les rend pas forcément violents, mais qui les fait prendre automatiquement pour des gens violents, ils cherchent à s´en débarrasser qu´importe le prix. Et, ce prix c´est d´abord la fuite.
En effet, beaucoup de jeunes avaient fini par se convaincre que pour vivre et laisser germer une lueur d´espoir pour la cité, il est impératif de la déserter et de migrer à une autre localité, ne serait-ce que pour un très court instant. Mais où? Dans d´autres quartiers populaires et populeux comme Martissant, Fontamara, Simon Pelé, Croix-des-Bouquets, Carrefour, Tabarre, Plaine du cul-de-sac, etc. Les violences collectives armées engendrent des migrations internes et externes, mais, bien que peu fréquentes elles sont également présentes dans ces quartiers pouvant servir de refuge. Ces quartiers sont les principales destinations des jeunes désertés, et, à ce qu´il paraît, l´accueil n´y est pas du tout déconcertant dans la mesure où les individus provenant de ces quartiers réputés dangereux et violents se soutiennent entre eux, se prêtent réciproquement assistance et appui, car, susceptibles d´être exposés à des menaces phobiques, il serait plus facile aux jeunes de Cité Soleil fuyant les violences d´y trouver un endroit pour essouffler et respirer un peu qu´ailleurs. L´option de se rendre en dehors, c´est-à-dire dans une zone rurale le plus souvent très reculée de la capitale est très peu envisageable. Cet ailleurs peut désigner quelques-uns des quartiers bidonvilisés comme Delmas et Pétion-vile se trouvant à l´autre bord de l´intérieur des zones métropolitaines, et, à un moment de la durée, se sont délibérément octroyé le titre de quartiers résidentiels, de zones tranquilles ou prestigieuses donc moins exposées à ces genres de phénomènes. Or, étant donné que tout le monde sait pertinemment que le pays est un grand bidonville assiégé par la violence, on peut parler ici d´une fausse prétention.

De toute façon, si pour certains elle peut être définitive cette fuite pour d´autres revêt une nature éphémère surtout pour ceux qui fuient la commune et y reviennent de temps en temps au moment d´un calme apparent pour des raisons diverses. De plus, bien que ces actes répétitifs de violence, de banditisme et de criminalité tendent à forcer les jeunes à couper tout lien affectif, social et sentimental avec familles, amis et collègues, ils ne l´anéantissent pas définitivement pour autant. Ce qui veut dire que malgré le degré de leur cruauté, les violences collectives à Cité Soleil ne détruisent pas l´amour ni l´attachement que ces jeunes expriment pour cette commune. Beaucoup y restent, malgré tout, dans un espoir héroïque de se battre pour un changement. Certains, même étant dehors, continuent de lui prêter un infaillible support pendant que d´autres s´efforcent par un héroïsme audacieux quement de sauver son image par quelques actions positives. Certaines personnes, en attribuant ce sentiment d´appartenance à une sorte de fatalisme, diraient que ce sont des jeunes désespérés qui, ne sachant pas où aller, ne peuvent que se résigner à leur sort, beaucoup y verraient un suicide volontaire tandis que d´autres un héroïsme de ces jeunes qui exposent leur vie parce qu´ils refusent de se laisser déposséder de leur environnement natal auquel ils s´identifient. Il n´y a de pire violence que de contraindre quelqu’un´un à renoncer à sa propre identité et à abandonner l´espace physique socioculturel dans lequel il est né, il a grandi et a fait ses premiers pas de socialisation familiale, sociale et culturelle. En effet, comme nous allons le voir plus loin, ce n´est que par l´héroïsme, le miraculisme et le surréalisme que la vie, du moins la survie, soit possible à Cité Soleil.

À Cité Soleil, il existe une forte probabilité que criminels et innocents; victimes et bourreaux se voient, se revoient dans la plus parfaite impunité et méfiance. En outre, il arrive dès fois qu´auteurs et victimes de ces violences fuient en même temps pour aller se réfugier ailleurs au même endroit. Bien qu´ils s´en fuient pour des raisons divergentes et se rendent dans des endroits distincts - les uns fuient pour des causes liées aux actes criminels des individus armés tandis que d´autres à cause des raids menés par la Minustah et la police nationale - il arrive bien souvent que leurs regards se croisent, se recroisent et qu´ils se côtoient. Sur ce, au lieu d´être des fugitifs, il est préférable de considérer ces jeunes comme des déplacés, délocalisés, déclassés, expulsés, exclus, marrons locaux, expropriés, car, compte tenu de leur va et vient, en réalité ils ne vont nulle part. Ils vacillent, tournent et s´errent dans les alentours. Forcés à un marronnage local, un sentiment d´appartenance à Cité Soleil toutefois les traverse. Même si c´est pour des raisons diverses, et, en dépit des dangers, leurs fréquentations dans cette commune ne se ralentissent guère et tend à justifier une croyance surréaliste.

Il y a plus. Étant donné la difficulté de parler d´une fuite proprement dite - sans, cependant, oublier de mentionner que réellement beaucoup de gens ont été persécutés, chassés et même assassinés s´ils n´arrivaient pas à s´échapper - entre ceux qui restent et ceux qui font le va et vient, il y a lieu de souligner que s´il est facile et même visible d´indexer les auteurs, il est pourtant très difficile d´identifier les victimes dans la mesure où les auteurs des actes criminels se faufilent parmi les victimes et se considèrent le plus souvent eux-mêmes victimes. Un mélange complexe entre vraies victimes, victimes sacrificielles et éventuels victimaires de la faillite d´un système social, politique et économique qui les rejette, n´a pas su les intégrer, mais les contraint à la violence. Sur ce, les violences collectives à Cité Soleil nous aident à comprendre que nous avons affaire avec plusieurs catégories d´individus qui s´entremêlent et s´entrelacent: Innocents et coupables; civils et sujets armés, bons et mauvais; victimes et bourreaux, tortionnaires, sadiques, victimaires. Cette cohabitation est dangereuse et rend grandement difficile la compréhension du phénomène surtout lorsque certains font des criminels leurs protecteurs en lieu et place des forces de l´ordre. Voilà pourquoi, dans les attaques et les échanges de tirs des groupes armés entre eux, entre ceux-ci et les forces de l´ordre, on en enregistre souvent des victimes collatérales. Nous sommes donc en face d´un cas complexe sur lequel la victimologie a besoin de se pencher

Ainsi, ces catégories sociales partagent et vont jusqu´à discuter, d´un point de vue mosaïque, ce même espace social que symbolise Cité Soleil où nous assistons à une sorte de marasme criminologique et victimologique d´acteurs et agents sociaux. Étant sur toutes les lèvres - même les plus mutistes en parlent bavardement - et revenant à chaque instant dans des débats médiatiques et politiques pour y occuper plus un espace d´ampleur et de propagande, les dommages humains et matériels dont sont responsables ces violences grossissent de plus en plus et sont comme des arbres grandissantes qui cachent la forêt de misérabilité et de pauvreté où vit cette population. Ce qui nous pousse à la question de savoir quels sont les traits caractéristiques et explicatifs de ces violences qui non seulement enlèvent à l´individu son plein droit de vivre dans l´environnement social et culturel de son choix, mais surtout lui en imposent un autre contre son gré, sa volonté, sa vision, son objectif et son projet?

2. Quelques facteurs explicatifs aux violences collectives armées à Cité Soleil

Depuis le début des années 2000, les violences prennent une autre tournure à Cité Soleil et vont au-delà d´une simple implication des jeunes, des adolescents et même des enfants ou de leur simple volonté d´adhérer à des associations criminelles. Compte tenu de la façon dont elles se déroulent, il est fort probable qu´elles tiennent leur source d´une volonté hautement supérieure et d´une force extérieure. Autrement dit, il est simpliste de dire que les jeunes s´impliquent dans les conflits armés parce qu´ils sont pauvres et miséreux, cherchent des moyens de survie, sont nés avec des instincts criminels, ont faim et évoluent dans un environnement abjecte, insalubre et ignoble tel qu´il leur est impossible de s´en passer; très simpliste d´accoler à Cité Soleil l´étiquette stigmatisante, discriminatoire et exclusiviste de ''zone de non-droit''; et pire encore quand ceci provient de la bouche des plus hautes autorités étatiques; très simpliste, en outre, de stigmatiser les habitants de cette communauté qui, en réalité, n´ont rien tous à voir avec ce phénomène. Il y a d´une part une tendance au fatalisme, de l´autre à l´essentialisme de ces éléments lorsqu´il s´agit de Cité Soleil, qui font plus de tort qu´ils aident à problématiser le phénomène. Or, ils ne convainquent pas, car, même si les violences collectives armées à Cité Soleil auraient quelque chose à voir avec la misère et la pauvreté qui en sont, à la fois, cause et conséquence, la situation sociale des jeunes décrite ci-dessus ne peut pas à elle seule expliquer le degré de ces violences. De même, il y a d´autres pièges dont il faut se garder de tomber en caractérisant ces violences, le réductionnisme d´un côté qui fait de la misère et de la pauvreté leurs simples et principales causes, d´un autre côté, le négationnisme qui consisterait à nier - de près ou de loin, sur de court ou long terme - l´implication réelle de ces facteurs sociaux dans les violences.

En effet, on tombe souvent dans le piège du simplisme quand on fait découler les violences uniquement de la misère et de la pauvreté de la population soléenne. Bien qu´elles proviennent de causes multiples et diverses, la misère et la pauvreré peuvent accoucher des violences aussi bien qu´elles sont susceptibles d´être engendrées par les violences elles-mêmes. De plus, ces facteurs sociaux, dont les impacts ne peuvent être évalués effectivement que sur de long terme et qui interviennent souvent dans la causalité des violences, au lieu d´en être les causes immédiates, ils en sont le plus souvent les conséquences. Quelques auteurs qui réfléchissent sur la problématique des relations entre pauvreté-famine-misère et violence, n´ont jusque là pas prouvé une trace conséquentielle directe et médiate entre violence et cette trilogie de catastrophe humaine. Amartya Sen (2006) - l´un des plus célèbre parmi eux - a soutenu que c´est au cours de la période où le Bengladesh - pays ravagé par des guerres civiles - faisait face à une famine inimaginable que le pays a connu le moment le plus paisible et le plus calme de son histoire. Il arrive même, a-t-il poursuivi, que beaucoup de sociétés connaissent la violence après avoir passé par une phase révolutionnaire ayant abouti à l´amélioration des conditions de vie.
D`un côté, cela sous-entend que ce n´est pas parce que les gens sont pauvres et croupissent dans la misère qu´ils font la guerre entre eux, mais plutôt parce que ce sont les guerres fratricides et les conflits violents qui les ont plongé dans un état de pauvreté et de misère désespérant. La violence n´est pas toujours synonyme de pauvreté. La faim peut devenir une arme puissante pour calmer les esprits et imposer un régime d´oppression. De l´autre côté, surtout dans le cas de Cité Soleil et de toute autre zone stigmatisée par l´expression exclusiviste et discriminatoire de zones de non-droit, les violences armées qui compliquent la vie des habitants peuvent se traduire par une sorte de criminalité organisée au plus haut sommet des structures étatiques. Les véritables dérangeurs d´ordre et violateurs des règles de droits et des droits humains ce sont les gens en costumes et à cravates assis derrière leur bureau et sur le fauteuil de leur voiture climatisée. Ce sont eux les vrais bandits, les vrais délinquants d´État qu´il faut distinguer de ceux q´on appelle les sujets armés. C´est  à cause de ce banditisme d´État que les violences collectives s´érigent en maître dans cette commune et qu´on y retrouve un taux incroyable - plus de 80% selon les estimations - de gens pauvres, misérables et affamés qui s´entassent dans des taudis où ils défectent en plein air, sous un soleil plombant et à ras le sol, où ils discutent avec les porcs leurs maigres nourritures qu´ils se sont, difficilement voire miraculeusement, procuré. En résumé, même si les rapports entre violence et pauvreté-misère-famine sont difficiles à établir, dans la majorité des cas celles-ci sont les conséquences de celle-là.

Cependant, l´idée ici n´était point d´innocenter personne encore moins les jeunes impliqués, volontairement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment, dans les violences armées généralisées. Il s´agissait par contre de regarder le phénomène de la violence à Cité Soleil en profondeur, de l´attaquer dans ses racines et de l´aborder sous un autre angle. C´est que, du point de vue interne, c´est une violence née historiquement d´une négligence manifestement systémique des structures étatico-politiques et économiques. D´un point de vue environnemental et urbanistique, et, contrairement à ce que l´on pense, la morphologie socio-urbaine, l´organisation spatiale de la cité ainsi que le profil des sujets armés ont considérablement changé au cours des 10 dernières années, ce qui fait qu´une bonne partie des auteurs des violences armées provient de l´extérieur. Ce qui fait que la cité a connu une violence à double vitesse: l´une née à l´intérieur de ses propres originaires; une autre qui, venant de l´extérieur, a été le fruit des influences politiques. Il s´agit ici d´une transplantation de la violence à Cité Soleil engendrée par sa configuration géographique, sa structure sociale fragile, son histoire et la vulnérabilité de ses habitants. Ce sont des gens contraints à un train de vie qu´ils n´aiment pas, qu´ils ne souhaiteraient jamais mener, duquel ils veulent et cherchent à se libérer même avec de faibles moyens. En un mot, ce sont des individus poussés et incités à la violence à cause de la déliquescence, de la négligence, du pourrissement et de la corruption au sein des autorités gouvernementales. Cette violence généralisée leur devient par contre non le moyen de résoudre un problème, mais une finalité de survie biologique et zoologique.

3. Configuration sociologique des groupes armés et leur influence

C´est un des éléments important qui ne doit pas nous échapper, à savoir, la configuration sociologique des groupes armés, c´est-à-dire leur composition sociale. En observant bien ces groupes d´un point de vue d´effectif, même si nous ne détenons pas leur chiffre exact, ils ne sont formés que de quelque dizaine d´individus susceptibles d´être, maladroitement et boiteusement, mobilisés pour une pitance, ils sont par conséquent nettement minoritaires par rapport à ces 265.072 habitants qui vivent à Cité Soleil. Au sein de la communauté soléenne, ils répresentent un très faible pourcentage. Toutefois, leurs nombres sont constamment instables et varient en fonction des démobilisations et remobilisations continuelles, des recrutements clandestins et informels. Ce qui porte à dire que cette stigmatisation de prendre pour des bandits, gangs et criminels tous ceux qui sont originaires de Cité Soleil - en particulier les jeunes - est tout à fait inutile et absurde. Il est important donc d´extraire les citoyens honnêtes et paisibles des fauteurs de troubles pour ne faire d´amalgame.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux relations sociales, ces groupes existent, fonctionnent et évoluent dans la plus parfaite individuation et distanciation les uns par rapport aux autres. Les relations sociales leur importe moins que leur survie quotidienne. Ils se reconnaissent de loin en même temps qu´ils s´ignorent les uns les autres, même si la possibilité pour qu´ils se prêtent des renforts mutuels n´est pas à écarter. Les relations sociales entre eux, peut-on dire, sont d´ordre conflictuel et, pour être éphémères et se limiter à une sorte d´entente tacite en vue de lutter contre un camp d´ennemis communs, elles sont de moins en moins de caractère harmonieux. On peut dire donc qu´en dépit de tout, les groupes armés interagissent entre eux dans un cadre sociorelationnel et, bien qu´ambiguës, ces relations sociales ne sont pas tout à fait négligeables. Car, on y retrouve une catégorie sociale importante et fragile, à savoir, les jeunes et adolescents d´une tranche d´âge ne dépassant pas les vingtaines. La plupart d´entre eux ont partagé une enfance commune. Ainsi, la dynamique sociale dans laquelle s´inscrivent l´émergence et l´évolution des groupes armés à Cité Soleil est un sujet à prendre au sérieux.

Ces jeunes et adolescents - une catégorie sociale très vulnérable en ce qui a trait à la qualité de socialisation et de culturalisation qu´ils reçoivent dans cet environnement - auraient dû se retrouver à l´école; dans un centre de formation, de professionnalisation et de création culturelle et sportive pour y apprendre une discipline sportive, un art ou un métier. Ils goûtent déjà à la vie adulte dur et pénible sans savoir ce qu´elle est exactement, ce qu´elle leur réserve effectivement. Étant donné que l´influence sociale est une question d´ordre mutuel et relationnel; vu qu´ils n´ont pas été bien encadrés, orientés et conseillés dès leur jeunesse; vu qu´ils n´ont pas su sur qui compter et n´ont pas pu rester à l´école pour se préparer un avenir, ces jeunes ont recouru de très tôt à l´alcool, à la drogue, à la délinquance et à la violence dès fois pour survivre. Ils naissent, grandissent et meurent dans l´indifférence sociale totale et sans identité comme s´ils étaient des arbres sauvages dans les forêts parce qu´aucune planification sociale, urbanistique, environnementale et économique n´a été pensée en leur faveur, parce que, enfin, aucun programme de développement social et humain n´a été prévu pour eux. D´où leur rupture brutale d´avec les valeurs sociales.

Des jeunes qui s´amusaient et jouaient au football pieds nus et aux billes, leur jouet enfantin de prédilection, des gens de bien, gentils, respectueux, sages, aimables et aimés, qui, dans les premiers instants de leur jeunesse avaient des rêves fous, étaient traversés par toute sorte d´idées de grandeur et par une soif démesurée pour la lecture, l´éducation, la poésie, la littérature, la peinture, l´art; ils lisaient tout ce qui leur tombait sous la main et projetaient vers la science, la technique et la technologie, pourtant, du jour au lendemain, ces derniers sont devenus des criminels, des tueurs et des meurtriers non seulement à cause de l´environnement de violences et de guerres fratricides dans lequel ils ont grandi plus précisément, mais surtout à cause de la détérioration de leur condition sociale et économique, du brisement de leur espoir, de leur espérance et de leur rêve qu´ils ont vu s´envoler dans les flammes de l´exclusion, de la discrimination, de la corruption, de l´oubli, du laxisme étatique, de l´injustice sociale. Dans cette petite communauté, autrefois, tout le monde se connaissait, se parlait, se côtoyait, se fréquentait, s´échangeait et entretenait entre eux des relations amicalement harmonieuses, mais, au fil du temps, tout cela a disparu.

On a assisté donc au cours des vingt dernières années à une instabilité politique chronique, à une déchirure psychologique, à une cassure sociale systématique, enfin, à une fuite de compétences et ressources humaines au niveau interne de la très faible et réduite minorité de jeunes que possède Cité Soleil. Ces derniers, s´ils avaient la possibilité de vivre dans un climat pacifique et sécuritaire, auraient pu être très utiles pour cette commune. On peut, par conséquent, dans une certaine mesure, imputer aux violences qui s´installent dans la cité la carence des ressources humaines ainsi que la dévalorisation des symboles culturels et sociaux. Ce constat est également valable pour le pays tout entier. Si certains jeunes plus vulnérables que d´autres, se sont laissés, impuissamment, influencer par des groupes armés qui sèment la violence, alors que d´autres y ont résisté, cela sous-entend que, quelque part, en dépit de tout,  prendre part à la violence et à la criminalité n´est pas seulement un choix, mais surtout une contrainte.

Ce qui fait que beaucoup de ces jeunes qui auraient pu être utiles à la communauté deviennent pour elle, contre leur gré, source de douleur, de souffranceet désolation à cause de leur enrôlement forcé remplaçant les programmes gouvernementaux de développement social, politique et économique. Toutefois, beaucoup aussi ont été pris dans le piège de la juvénilité foudroyante et de la majorité précoce en se montrant plus fougueux, zélés, dévoués que d´autres et n´ont pas pu se retenir ni résister aux offres des associations criminelles. Dès fois, ils y ont succombé afin de survivre et de faire vivre ceux qui, même étant au courant de la nature criminelle de leurs actes, comptent sur eux pour un soutien, un appui financier quelconque. C´est pourquoi les familles n´ont pu exercer sur eux aucune emprise parce qu´ils ont le monopole économique. Puisque pratiquement toutes les portes leur étaient fermées, ils ne pouvaient que s´adonner à la violence criminelle bien que conscients des risques qu´ils en couraient, alors l´ambiance à Cité Soleil était tout à fait favorable à un enrôlement forcé au banditisme. Sur ce, il faut poser donc la question: Qu´est-ce qu´il faut réellement à un jeune pour vivre, du moins survivre, à Cité Soleil?

4. L´héroïsme, le miraculisme et le surréalisme au secours des jeunes de Cité Soleil

Non la résignation - je refuse ce mot parce qu´il revêt une connotation trop réductionniste et dès fois négationniste de la liberté de l´individu et de sa capacité à choisir et définir son propre avenir -, encore moins le recours unilatéral au banditisme, à la criminalité et à la délinquance - comme on se plaît à le croire - qu´il faut aux jeunes pour vivre ou survivre à Cité Soleil, mais plutôt une dose d´héroïsme et une croyance au miracle et au surréalisme. En effet, à Cité Soleil il se joue une surenchère de miracle (comme une sorte de science fiction) et de surréalisme au milieu des jeunes qui, refusant de fuir la violence dans un environnement déjà vu comme exclusiviste, opaque, inaccessible et coupé du reste du monde social, se comportent de plus en plus en héros. Ils se la jouent donc à l´héroïsme, au surréalisme et au miraculisme parce qu´ils croient en un miracle divin qui puisse arrêter les conflits armés. La cité est un espace fielleux où fréquenter les écoles, terminer ses études classiques voire s´octroyer une place à l´université se révèlent être des exploits surréalistes.

C´est en ces termes qu´on peut, d´une part, camper un portrait socio-robotique plus ou moins objectif et réel du milieu social et culturel de Cité Soleil et, d´autre part, parler des jeunes qui l´habitent encore. Chaque jeune qui, issu de ce bidonville, n´a pas une arme à la main mais a plutôt un livre ou un outil de travail manuel ou technique n´est rien d´autre qu´un héros, un miraculé et un produit du surréalisme considérant que le surréalisme est tout ce qui va au-delà du réel. Or, si le tout réel qui existe à Cité Soleil se réfère à la violence, au banditisme et au chimérisme, alorsque le contraire s´est produit pour certains jeunes en l´absence totale d´un plan social de récupération, d´insertion et d´encadrement, alors il n´y a d´autres expressions qui puissent caractériser cet état de fait que le surréalisme, le miraculisme et l´héroïsme. Tout ce dont un jeune a besoin pour vivre, évoluer, se fréquenter, se mouvoir, étudier et s´éduquer à Cité Soleil c´est ce surpassement qui a pour risque de vivre dans un environnement qui déteste les nèg a liv sa yo (ces gens à livres). Et, de fait, c´est en s´y remettant qu´ils ont réussi à ne pas se laisser moralement et psychologiquement infecter par cette espèce de virus de la violence.

Oui, en effet, il faut avoir du fiel et être un héros, un surréaliste et un fervent croyant dans les miracles pour parler de Cité Soleil en des termes qui ne plairaient sûrement pas à ceux-là qui veulent entendre, lire et écouter ce qui leur est imposé comme consommation médiatique de tous les jours sur cette zone, à savoir, les images dévastatrices, les violences armées, les cadavres dévorés par des chiens et des porcs, le barbarisme, les enfants nus et armés, les bandes armées brandissant leurs pistolets, mitrailleuses et kalachnikovs, les comportements libertaires des jeunes, les ambiances malsaines etc. Mais, plus d´uns ne parlent de la manière dont d´autres individus arrivent à se passer de ces choses. C´est un peu abstrait de parler de parler d´un héroïsme qui, à la différence de celui de Chansons de Roland ou celui des Dieux de l´Olympe dans la mythologie grecque, n´est pas fictif ni imaginaire, mais, paradoxalement et contrastement, réel et concrêt puisque vécu, survécu et surmonté par ceux sur le visage desquels peut-on lire une certaine résurrection, car, après avoir surmonté si miraculeusement les violences armées et meurtrières, ils sont des rescapés de la mort, ces les jeunes qui continuent, d´une façon ou d´une autre, à fréquenter cette zone, à y construire et renforcer leurs relations sociales, reprendre des liens de parenté et d´amitié, entretenir leurs familles et à y entreprendre leurs petites activités sociales, associatives, politiques, commerciales, économiques, culturelles et religieuses.

Si miraculisme, surréalisme et héroïsme adviennent à être un principe qui régit la vie et l´avenir dans cette communauté et perdurent en tant que tels, c´est que, d´une part, il faut admettre que là se développe quelque chose, socialement et humainement, d´anormal, une situation qui ne se peut être aucunement perçue et interprétée avec des yeux simplissimes. En fait, c´est parce qu´à Cité Soleil même pour s´offrir un plat chaud, boire de l´eau, se soigner, trouver un emploi, aller à l´école, enfin, s´habiller il faut se remettre à un héros, à une divinité ou à un faiseur de miracle des besoins sociaux les plus élémentaires. Et quand on est dans une situation pareille, une spirale dirait-on, on est sur terre sans y être. On est dans les nuages. Bien qu´ayant deux pieds sur terre, on est dans l´espace. On est entrain de vivre dans un monde réel, physique et sensible pourtant régi, paradoxalement, par des préceptes rencontrés exclusivement dans un monde invisible, insensible et abstrait. C´est pourquoi nous considérons Cité Soleil comme un véritable paradoxe et contraste, car dans un tel espace tout se compte sur des miracles, des surréels et des actes héroïques, alors que les gens vivent dans un environnement physique et matériel.

D´autre part, si Cité Soleil devient le centre de l´espérance des miracles qui pour certains n´ont jamais eu lieu; l´espace miraculeux qui produit des miraculés; l´endroit où le surréalisme sous toutes ses formes est à son paroxisme; le lieu où se trient quelques Moïses sauvés des eaux, c´est-à-dire, des jeunes qui ont préféré la paix à la violence sociale, l´argent facile à la discipline éducative, les mauvaises fréquentations aux frottements de gens honnêtes, la vie économique dure à la vie criminelle débaucheuse; c´est qu´elle est également une cité de l´irréalisme et de l´incertain, l´espace où se joue l´héroïsme même sans héros et l´environnement où prédomine un certain déterminisme social pour ne pas dire un fatalisme en ce sens que là se développe ce qu´on pourrait appeler dans le langage courant un zoologisme en ce qui a trait au traitement réservé aux êtres humains, c´est-à-dire, des personnes dont on parle en des termes plus zoologiques, biologiques et physiologiques qu´humains. En principe, seules des lois positives et objectives, seuls des projets rationnels, concrets et réalistes peuvent garantir le développement d´une communauté et la matérialisation de ces éléments répond à une exigence en ressources humaines qui, malheureusement, manquent à Cité Soleil pour ne pas dire à tout le pays.

Considérations finales

Somme toute, en dépit de tout, il n´y a pas que la violence que l´on puisse observer à Cité Soleil. Il y a trois aspects sur lesquels - en concluant cet article - nous aimérions mettre l´accent en observant le phénomène du conflit armé et de la violence collective à Cité Soleil. En premier lieu, au-delà d´être un prototype des misères humaines, cette cité demeure l´un des endroits en Haïti où il est possible de constater le courage, la force de travailler, la volonté de lutter et la détermination d´un peuple haïtien. C´est, en outre, un laboratoire d´observation de la manifestation de la foi inébranlable des haïtiens qui s´abandonnent sous l´égide du Bon Dieu Bon; c´est l´axe de résistance de l´haïtien qui, rongé par la misère, la pauvreté, le chomâge et l´exploitation sociale, ne cesse de croire qu´un miracle est toujours possible. On y rencontre, en second lieu, des jeunes qui forcent le chemin de l´éducation, de la culture, de l´art et du sport en dépit des difficultés sociales et économiques auxquelles ils confrontent chaque jour. C´est un véritable lieu de production et de gaspillage de talents sociaux. Il s´agit, comme troisième et dernier élément d´observation, d´un espace où on entrevoit le durcissement et la passivité de l´État dûs à la docilité d´une société civile qui ne se soulève que dans des rares occasions. Enfin, on pourrait dire que l´haïtien qui réussit - où qu´il soit et d´où qu´il vienne - est un miraculé, un surréaliste et un héros. Cité Soleil - cet environnement socio-culturel presque effacé de la carte géographique haïtienne - est un prototype de cette réalité sociale.

lundi 8 août 2016

AS VAIADAS POPULARES E O INTERIM BRASILEIRO

No sistema político brasileiro o vice-presidente é simultaneamente eleito com o presidente para que, em qualquer circunstância, sua ausência não paralise, dificulte e pare o funcionamento da União. Depende do caso, a substituição pode ser direta e automática - por exemplo no caso de  falecimento, acidente ou impedimento - em outros não, por exemplo, no caso de um procedimento de acusação. É exatamente neste caso que intervém o interim. O interim, com efeito, é uma situação excepcional no âmbito de um processo de investigação judiciária ou legislativa que consiste em afastar das responsabilidades legais a pessoa suspeitada de crimes para ser substituída por uma outra, como isso está acontecendo no caso da presidente Dilma Rousseff. Nesse caso, o personagem afastado perde, provisoriamente, seus poderes de decisão. É o seu sucessor - o interino que assumirá a continuidade do Estado  - que vai decidir em seu lugar com seu novo equipe com o qual ele governará. Por conseguinte, isso acaba de mudar completamente a política governamental anterior e afrouxar consideravelmente o ritmo de desenvolvimento e de crescimento do país. 

Brasil recebe, de 5 a 21 de agosto de 2016, uma das maiores, espetaculares, famosas e iluminantes competições do mundo: os Jogos Olímpicos. Durante esse tempo, todos os olhos do mundo inteiro estarão focalizados sobre ele. As cerimônias de abertura ocorreram no estádio do Maracanã, no Rio de Janeiro, a cidade anfitriã, em 5 de agosto. O protocolo diplomático quer que seja o presidente em função do país anfitrião que deve declarar, solenemente, aberta a competição. Como todos sabem, desde outubro de 2015, se iniciou um processo de impeachment contra a presidente, democraticamente eleita, Dilma Rousseff. Este processo vem piorando ainda mais as crises políticas, sociais et econômicas profundas pelas quais o Brasil estava passando. Com efeito, afastada pela votação majoritária dos Senadores (55/22), em maio de 2016, Dilma Rousseff foi substituída pelo vice-presidente Michel Temer qui, aguardando a destituição definitiva dela, está assumindo o interim. Foi em esta qualidade que ele era presente nas cerimônias de abertura das Olimpíadas no Maracanã durante as quais devia enfrentar as vaiadas populares. O artigo busca, portanto, analisa vaiadas e interim no contexto político e cultural atual brasileiro.

1. As vaiadas do Temer no Maracanã

O processo de impeachment é muito debatido, discutido e contravertido na sociedade brasileira. Os partidários de Dilma continuam denunciando um golpe, pois, segundo eles, impeachment sem ter crimes de responsabilidade, como a constituição federal de 1988 do país o defini, é, automaticamente, traduzido como golpe flagrante. Por outro lado, os adversários de Dilma estão reclamando cada dia nas manifestações populares seu julgamento por crimes fiscais cometidos. Todavia, além do processo de destituição de Dilma - ainda em andamento -, a questão de Petrobrás, a operação do Lava Jato, as manifestações estudantis nas universidades paulistas e federais, as greves dos funcionários e professores, tudo isso resume o clima social, político e econômico do Brasil no momento em que todos os projetores do mundo estão brilhados sobre ele por causa das Olimpíadas. Porém, a situação fica mais complicada por Temer no sentido de que ele tem que enfrentar as vaiadas e os xingamentos populares dos partidários de Dilma expressados por: ''Fora Temer'' a cada momento em que ele deve se pronunciar em público. 

Os gritos vaiadantes e xingadantes ouvidos no Maracanã traduziram, com certeza, a recusa do governo de Temer mesmo se for difícil dizer que todos os espectadores que o xingaram foram partidários de Dilma. De fato, não são todos aqueles que vaiam Temer que são, necessariamente, partidários de Dilma e vice versa. Os movimentistas sociais se transportaram até a Maracanã para dizer a Temer que seu governo não é legítimo, mas puramente golpista através das vaiadas. A prática de vaiar os presidentes e outros dirigentes políticos é muito comum não somente no Brasil, mas por toda parte do mundo, e, é amiúde a expressão de repúdio pelo povo ou pela assistência de uma coisa, de um comportamento ou de um indivíduo que ele não gosta e de quem censura as ações negativas. Dilma e Lula, quando forem presidentes, sofreram também vaiadas em muitas ocasiões. Todavia, como vamos desenvolvê-lo mais adiante, no caso de Temer, o contexto é extremamente diferente. Ou seja, o contexto interino defini uma outra realidade socio-política para o país, para os dirigentes e para os indivíduos.  

Como foi previsto pela Folha - um dos Jornais mais famosos do Brasil - Temer foi, efetivamente, vaiado no estádio do Maracanã no dia de abertura dos Jogos Olímpicos, em 5 de agosto de 2016. Portanto, essas vaiadas contra o Temer eram previsíveis nesta ocasião em que várias celebridades do mundo, como François Hollande (presidente da França), Ban Ki-moon (Secretário Geral das Nações Unidas) eram esperadas. Segundo o mesmo jornal, a intervenção de Temer não deveria durar mais que 10 segundos resumindo-se, estritamente, a essas palavras: ''Declaro abertos os Jogos do Rio, celebrando 31ª Olimpíada da era moderna''. Essas palavras não poderiam, tanto no contexto interino como no momento político das vaiadas, ser acrescentadas de jeito nenhum. Podemos dizer que a ampliação e a exageração das vaiadas no Maracanã são devidas ao clima de interim que é restritivo ao exercício pleno da democracia na expressão e na ação. Assim, todo país que precisa construir um sistema democrático forte, eficaz e quase infalível, deveria, de qualquer maneira, trabalhar para evitar um governo interim, porque ele é um obstáculo ao desenvolvimento da democracia.

2. A inevitabilidade das vaiadas populares em público 

Deve ser muito estressante ser vaiado e xingado em público sobretudo em presença de uma assistência tão importante, famosa e imensa que era o público do Maracanã (na presença de acerca 3 bilhões de espectadores físicos e virtuais no mundo inteiro que têm assistido a esta abertura segundo a Folha). Ademais, ser vaiado e xingado no caso de um interim não cria a mesma sensação e reação que ser vaiado e xingado quando estiver num governo normal. Portanto, nesse sentido, é difícil comparar as vaiadas de Dilma e Lula com as de Temer, porque enquanto o segundo está assumindo um interim muito contestado e rejeitado por uma grande parte do povo com veemência, embora previsto pela constituição federal, os primeiros tiraram sua legitimidade das eleições que são a maneira mais democrática para o povo expressar sua vontade.  Portanto, podemos dizer de maneira objetiva que enquanto as vaiadas de um eleito podem afetar seu mandato as de um não eleito questionam sua legitimidade e autoridade. Eu acredito que é mais possível que um governo interim, embora possa ser constitucional, mas para-democrático, tenha a enfrentar, diariamente, as vaiadas do povo. 

As vaiadas populares contra um não eleito podem ser interpretadas como expressão de rejeição da autoridade deste, mas a de uma insatisfação dos serviços a beneficiar se se tratar de um eleito. Quando, por exemplo, Dilma foi vaiada no estádio Mané Garrincha em Brasília, em 2013, no dia de abertura da Copa das Confederações, isso foi visto como um grito de insatisfação popular a respeito dos programas sociais como aquele chamado ''Minha casa minha vida''. As vaiadas de um não eleito se assimilam amiúde à rejeição total do povo do seu governo transitório e da sua autoridade nos quais ele não se reconhece. Esta rejeição e recusa são para denunciar a ilegitimidade, ilegalidade e o caráter antidemocrático deste governo. Nesse sentido, os partidários da Dilma vão continuar a vaiar Temer e seus ministros que eles consideram como golpistas. Mas, aqueles que estão reclamando o julgamento da Dilma não são igualmente em favor do Temer, ao contrário, o governo que ele formou foi severamente criticado por eles porque é constituído de pessoas corruptas e com passados e personalidades muito questionáveis. Os partidários da Dilma assim como alguns dos seus oponentes não gostam deste governo interim conduzido por Temer.

Mas, se qualquer governo, seja eleito e legítimo ou não, não pode se escapar a vaiadas e xingamentos do povo, em que as vaiadas sofridas por Temer no Maracanã poderiam ser uma lição? De um lado, o contexto socio-político não é mesmo, os personagens a serem vaiados não são mesmos, as causas pelas quais o povo vaia e xinga não são mesmas, e, por não serem idênticos, todos esses aspectos podem ter consequências muito diferentes. Com efeito, dominado pelo interim, o contexto socio-político brasileiro atual, que alguns consideram como golpista, está muito transtornado e complicado com este processo de impeachment. Como falei anteriormente, as vaiadas de um eleito não têm as mesmas repercussões que as de um não eleito. O eleito detém, apesar de tudo, um mandato do povo como seu representante legal e exerce sobre ele uma certa autoridade mesmo se não puder lhe impedir esse direito de vaiá-lo, se, apesar dos seus efeitos negativos ou positivos, as vaiadas puderem traduzir um direito da plateia popular para exprimir seus discordos com seus governantes.

Não é possível evitar as vaiadas mesmo previsíveis. Também, não é imaginável chegar a uma sanção de todo um povo que vaia seus dirigentes, todavia, as vaiadas os colocam, geralmente, em situações desconfortáveis. Não há dúvida de que as vaiadas são desastrosamente humilhantes, ofensoras, degradantes e ultrajantes, portanto, ninguém não gostaria de ser vaiado por causa, eu acredito, de traumatismos, frustrações e indignações psicológicas que ele pode provocar no futuro. Porém, no caso de um governo interim - sem, absolutamente, espírito de fanatismo - eu acredito que todos os seus representantes, começando pelo presidente, merecem ser vaiados, xingados, humilhados e tratados sem dignidade pelo povo a fim de combater o interim com seus efeitos e enviar um sinal claro de intolerância a todo governo interim. A meu ver, o interim é sinônimo de regresso e faz nascer um Estado imaturo, pária e para-democrático. Eu acho que é uma situação a ser evitada por qualquer país que procura construir um país com sistemas eleitoral, político, econômico, social, sistemas de saúde e de segurança nacional fortes e em bom funcionamento. Em resumo, um país que quer, verdadeiramente, avançar precisa estabelecer um regime político que fuga a questão do interim.

3. Alguns dilemas do interim

Paralelamente aos Jogos Olímpicos e Paraolímpicos, o Brasil, por causa do interim, está conhecendo situações econômicas e políticas difíceis e regressivas que afetam a maior parte da população. Um exemplo simples é o preço dos produtos alimentares de primeira necessidade, produtos cosméticos, produtos de uso doméstico, produtos de limpeza e de lava roupas que dobrou em menos de um mês após o interim que cria incertezas, confusões e fugas de capitais e de pessoas. As greves dos trabalhadores do setor público que estão piorando por causa de atrasos nos pagamentos salariais; os deslocamentos dos estrangeiros por outros países da América do sul e do norte; os desempregos justificam isso. Além disso, o acesso aos serviços públicos se complicam ainda mais. Um outro exemplo simples para entender é o serviço de atendimento aos estrangeiros na Policia Federal do estado de São Paulo em Campinas. Antes do interim, o processo de prorrogação do visto para estrangeiro detentor de visto temporário - como o visto item IV para estudantes - era fácil na Policia Federal deste estado. Com efeito, para prorrogar seu visto o solicitante não precisava agendar nenhuma data. Era preciso chegar com a documentação exigida e completa, retirar uma senha e aguardar ser atendido. 

Apesar das suas fraquezas e imperfeições, porque as senhas eram demasiadamente limitadas dependentemente da quantidade de pessoas que a Policia Federal pode atender no dia, este sistema de atendimento me parecia mais racional. Agora como é feito o procedimento? Tem que, obrigatoria e exclusivamente, agendar uma data no site da Policia Federal, tal data pode ir muito além (até 2 meses) do prazo de vencimento do visto atual do solicitante a ser renovado. A ideia do agendamento antecipado para evitar, talvez, transtornos e contra tempos é genial, mas quando ela estiver em conflito e em contradição com o vencimento de um prazo, então aí, a metodologia pela qual ela foi criada merece ser questionada. Este novo procedimento, em vez de melhorar o serviço aos estrangeiros solicitantes de prorrogação de visto, vem complicar e piorar sua situação de permanência legal no território nacional correndo o risco de ficar sem documento legal. Assim, estes são alguns exemplos mais simples da problematização do interim, mas ele tem consequências ainda mais profundamente catastróficas sobre o sistema de funcionamento brasileiro.

A democracia como processo ainda em construção no Brasil se fragiliza e se enfraquece consideravelmente com impeachment e o interim que retardam seu ritmo. Não sou contra o impeachment que, eu acredito, é constitucional e mesmo democrático. Mesmo se ele tende a lembrar às autoridades legais, em particular ao presidente e seu governo, que não receberam um cheque em branco, que não podem fazer o que quiserem desrespeitando as leis, ultrapassando seus limites e dificultando o exercício dos direitos das outras instituições, ele criou um monstro: o interim. Acho que é fundamental destituir qualquer governo corrupto que representa um obstáculo ao bem estar da sociedade até com ações violentas. Porém, não de qualquer jeito. Se o impeachment é democrático, o interim, sua consequência, não o é. Por que? Porque se, talvez, o interim seja legítimo, legal e constitucional, ele é, no entanto, para-democrático na medida em que um governo nascido do interim está funcionando em paralelo, em marginalidade e em contradição às regras democráticas e à sanção popular pelo intermediário das eleições que são a única expressão suprema de  liberdade e de direito que o povo tem para escolher seus próprios governantes. 

Como todos sabem, as eleições não se reduzem apenas ao exercício de um direito de votar, mas são também uma representatividade ativa do povo dentro do poder institucional. Ou seja, através das eleições, o povo está atuando, diretamente, no poder. Isso é muito interessante porque traduz a ficção da democracia. Na verdade, não é ficção. É o povo que atua com seus votos e que, quando as coisas estiverem andando de maneira errada, se levanta corajosamente. Nesse sentido, o interim coloca um dilema na medida em que tanto aqueles que o defendem quanto aqueles que o denunciam são representantes do povo e estão atuando em nome dele. Mas, o povo é mosaico, há povo e povo. O que significa que cada eleito e líder político, dentro da oposição e alhures, estão caminhando com seu povo na bolsa. Através das eleições, das manifestações populares e dos movimentos sociais é possível identificar o verdadeiro povo em ação com sua capacidade democrática. Para justificar o interim, alguns diriam que é o povo que o reclamou sem esquecer que uma outra parte do povo o recusa ferozmente. Portanto, no caso da justificação do interim, a noção do povo - embora frequentemente usada - é complicadíssima.

É um dos grandes dilemas que põe o interim brasileiro - senão todo interim - tanto para aqueles que estão envolvidos nele como atores protagonistas ou como oponentes quanto para a dinâmica social, política e econômica. Em ambos os casos extremos, o interim - embora seja uma etapa importante na espera de uma decisão final a fim de voltar à situação normal tal como prevista pela lei - complica e dificulta ainda mais o processo de desenvolvimento da sociedade. Por isso, as vaiadas não são inocentes e podem ser, nesse sentido, uma ótima ocasião para problematizar mais e repensar a questão do interim, ver se não há outra possibilidade de evitá-lo no futuro. O acento se coloca particularmente no interim que é o resultado direto e principal do impeachment, porque ele é o mais problemático. Todavia, não só um impeachment que pode produzir um interim, o falecimento de um presidente eleito pode também conduzir ao interim na medida em que a Constituição desse país não previu um sucessor automático e direto, seja um vice-presidente ou um Primeiro Ministro para poder substituí-lo pelo andamento e pela continuidade das políticas públicas do governo como isso acontece no sistema político dos Estados Unidos.

 4. O interim e as questões nacional e internacional

O interim ou governo transitório não é sem consequências regressivas terríveis sobre a sociedade e os sistemas econômico e financeiro, pois coloca os investidores e empreendedores capitalistas nacionais e internacionais em situação de confusão e de incerteza a respeito dos seus negócios e investimentos. Os cidadãos e estrangeiros no exercício dos seu direitos e suas atividades sociais são também fortemente afetados por essas confusões e incertezas na sua vida cotidiana. Tais consequências podem ser avaliadas mais profundamente ao longo prazo. É por isso que um país tem que procurar evitar o interim porque tudo mundo em um espiral. Os atores e agentes do impeachment têm interesse para que o interim permaneça, mas é povo que paga o preço. Mesmo se de curto prazo, o interim causa estragos inimagináveis e expõe o Brasil a perder confiança, prestígio e estima na escala mundial, mesmo se não pudermos ignorar que o interim é o produto de um procedimento constitucional. Nesse sentido, é importante que seja visto como tal. Isso é o aspecto mais geral e nacional da questão. Mas, há, do outro lado, o aspecto internacional e diplomático ainda mais complexo. Vamos tentar entender. 

De acordo com alguns dirigentes políticos, o Temer - acusado também de corrupção - está pressionando o Senado, em particular, seu presidente, Renan Calheiros, para adiantar mais o processo do impeachment que, segundo os Senadores, deveria acabar entre 25 e 26 de agosto com o julgamento final da presidente afastada. Em outras palavras, Temer está querendo antecipar o mais possível o processo. Parece que mesmo a Dilma se senta cansada com esse processo de impeachment que é em si mesmo cansativo porque dá muito trabalho. A pressão se justifica pelo fato da participação do Brasil, em setembro de 2016, na China, na reunião dos G20. Seria muito vergonhoso e desrespeitoso que o Brasil seja representado em uma tal reunião internacional de grande envergadura por um presidente interino. Isso teria um grande impacto na diplomacia internacional brasileira tanto do ponto de vista econômico e comercial como político. Mas, não devemos esquecer que, desde o início do impeachment, o Brasil está sob as observações das grandes potências econômicas e políticas mundiais, pois já este processo coloca em questão seu sistema democrático ainda em fase experimental. 

Eu acho que a maneira de que as vaiadas foram direcionadas contra o Temer no Maracanã por causa de seu estatuto de presidente interino era desmoralizante tanto do ponto de vista nacional como internacional. Nesse sentido, elas deveriam servir de lição suscitando debates e reflexões profundos sobre os sistemas políticos modernos que ainda valorizam o interim. Ademais, símbolo de um governo interim, um presidente interino não tem a mesma apreciação no exterior pelos outros países - sobretudo os países ocidentais que, sendo muito orgulhosos do seu sistema democrático, são muito preconceituosos nesse sentido. Ele não possui a mesma capacidade de decisão tanto sobre as questões nacionais como internacionais, enfim, ele será recebido no exterior de uma maneira absolutamente desprezada que se fosse um presidente normal democraticamente eleito. Sabemos, além disso, que o Brasil está concorrendo uma vaga no Conselho de Segurança da ONU e faz parte dos países como o Canadá, que estão reivindicando a ampliação desse conselho. Com certeza, o interim não é sem consequência sobre esta perspectiva. 

Com efeito, além das consequências sobre sua candidatura no Conselho de Segurança da ONU, do ponto de vista diplomático e das relações internacionais, o governo interino brasileiro já envia um sinal muito negativo de autogovernança, pois, se o Brasil não pode se autogovernar como pretende-se entrar numa instituição tão prestigiosa e importante como o Conselho de Segurança da ONU em que ele tomará decisões mais complexas para o mundo? Com essa pressa que Temer está cobrando o Senado, o Brasil está tentando redourar seu blusão se recuperando-se e reparando alguns erros cometidos anteriormente por causa do interim. Porém, desde no início, o processo de impeachment em si mesmo coloca em dificuldade a autogovernabilidade do Brasil, a credibilidade das suas instituições e as suas relações internacionais e diplomáticas com os outros países do mundo. Líder da América do sul seguido por Argentina, o sistema democrático brasileiro mereceria ser forte para enviar ótimos sinais de autoestima e autodeterminação a respeito do seu futuro político. A insegurança e a inquietação que causa o interim não são só nacionais, mas também internacionais. Assim, é viável que os valores, as estimas, as reputações, as apreciações, os prestígios, as considerações protocolares e diplomáticas do país, da sociedade e do povo sejam, internacionalmente, comprometidos, diminuídos e desprezados  por causa do interim.

Conclusão 

Por fim, as vaiadas não estão sem impactos, mesmo internos e morais. Imagine o traumatismo, o embaraço e a frustração que pode ter um governante passando seu tempo inteiro a enfrentar vaiadas e xingamentos em cada intervenção pública. Isso pode lhe causar nervosismo. Apesar de ser moralmente insuportável e insuperável, esta prática se torna normal e comum hoje nas intervenções públicas. Todavia, eu não acredito que vaiadas e xingamentos do povo colocam em questão seu nível de educação e de civilização, talvez, tenha a ver com uma cultura política. É uma dentre milhares de maneiras que o povo tem para poder exprimir frustração, rejeição, insatisfação, discordo, raiva contra seus dirigentes. Assim, além de seus impactos morais e internacionais e na espera que o Brasil se recupere do interim, as vaiadas precisam ser vistas como um exercício democrático e uma expressão popular na medida em que por elas o povo tem a possibilidade e a ocasião de dizer não sem agredir ninguém fisicamente.

Jean FABIEN
CAMPINAS, 9 de agosto de 2016

mardi 2 août 2016

RÉFLEXIONS SUR CE QUI SE PASSE ACTUELLEMENT DANS LE MONDE: LE TERRORISME EM QUESTION?

Introduction

Tellement consterné, perdu, bouleversé, abattu et dépassé par ces actes criminels, inhumains, insensés, ignobles, immoraux à la fois continuels et répétitifs, qui m´attristent et me plongent en même temps dans un profond questionnement: où est-ce que va notre monde? je ne me croyais pas avoir la force de consacrer quelques lignes de réflexion à ce terrorisme animalier et animaliste qui tient actuellement notre monde en otage. Pourtant, cela vient de se produire, car ce serait complice de me taire là-dessus. De près ou de loin, entant qu´être humain je me sens autant profondément frappé, affecté et atteint par les attentats terroristes que des milliers de familles innocentes qui en sont effectivement victimes. Tuer, assassiner, massacrer des gens innoncents, s´attaquer à des peuples, à des civils indéfensifs et inoffensifs, franchement ça me dépasse!  En effet, notre humanité et fraternité sont sur le point de s´effondrer et de se rabaisser au plus bas niveau de l´animalisme et du barbarisme dus à la cruauté et à l´atrocité montante du terrorisme.

Ne voulant pas tomber dans une sorte d´apologisation consciente ou inconsciente des crimes terroristes, j´estime nécessaire de passer outre d´une énumération des nombreux attentats terroristes et actions meurtrières qui ont frappé et continuent de frapper les peuples innocents des différentes parties du monde tant en Amérique du nord qu´en Europe. Toutefois, nous sommes pas sans savoir que les derniers actes de la barbarie terroriste remontent à quelques jours de cela à Rouen - où un prêtre a été froidement égorgé par des assaillants qui se sont réclamés du groupe d´État Islamique (EI) - à Paris, Nice, Munich, Orlando, Texas, Côte d´Ivoire, Afghanistan etc. Partout dans le monde c´est la terreur, le discorde et la peur créés dans les coeurs et les esprits par ces assassins impitoyables. Humains comme nous autres, nous n´arrivons pas vraiment à déceler les motifs et les raisons de leurs actes. L´objectif donc de cet article est d´essayer de réflechir sur ce qui se passe actuellement dans le monde contemporain. Comment comprendre l´état actuel de ce monde confronté au terrorisme sanglant?

1. Une interprétation plurielle et multiple: le terrorisme, l´Islam et l´État Islamique

On peut interpréter de dfférentes manières les attentats terroristes, les massacres, les génocides, les assassinats, les guerres silencieuses, les guerres sans nom, sans cause, sans objectif et sans fondement qui affectent les sociétés contemporaines les unes après les autres. Les fervents croyants religieux, plus particulièrement les chrétiens et les catholiques, diraient que les prophéties apocalyptiques continuent de s´accomplir et que la venue du maître n´est plus lointaine. Une venue à laquelle ils se préparent en menant une vie de piété, de paix, de pardon, d´amour et de miséricorde comme le Christ le leur a enseigné. Les anthropologues mettraient l´accent sur une crise culturelle ou des conflits éthnico-raciaux. Les sociologues, eux, parleraient de préférence d´une crise de désintégration sociale où des jeunes, en quête d´une identité ou s´imposant une identité radicale et extrémiste - vraisemblablement fausse et illusoire - se livrent à la violence et se rebellent contre l´ordre social établi. Les politistes y verraient plutôt une guerre terroriste fortement ancrée dans une vision destructrice des valeurs démocratiques, des libertés individuelles, des droits de l´homme, enfin, des principaux acquis de la modernité. Autant de lectures interprétatives complémentaires et contradictoires qui ne manqueront pas de pleuvoir sur ce qui se passe actuellement dans le monde. Ces interprétations sont à la fois vraies et fausses en ce sens que les actes terrifiants filmés par l´État Islamique lui-même vont au-delà de tout cela. Toutefois, peu importe les interprétations, il est clair que le monde fait face à des actes d´intolérance qui lui sont éminemment dangereux.

Ce qu´on appelle l´État Islamique sème la panique et le bouleversement au milieu des sociétés humaines. Il frappe aveuglement et sourdement. Il ne vise aucune cible précise. Tout pays ne partageant pas ses opinions - si opinions il en a - devient automatiquement un ennemi potentiel à frapper, donc sur cette terre personne ne peut épargner à la menace des attentats terroristes. Mais, une question demeure, qui n´aura peut-être pas de réponse - or, tel que les choses s´en vont, je ne m´attend pas non plus à l´obtenir - est celle de savoir les raisons qui poussent les terroristes appartenant à l´Islam radical à commettre ces actes? Peut-on dire que c´est une guerre contre l´Occident puisque la majorité des attentats se sont produits dans les sociétés occidentales? C´est difficile de le dire dans la mesure où certains pays de l´Afrique comme la Côte d´Ivoire, la Somalie, l´Afghanistan en ont également été touchés. Par ailleurs, pourquoi les puissances politiques, économiques et diplomatiques du monde occidental y compris l´ONU, qui se disent détenteurs des plus grands moyens techniques et technologiques  n´avaient-ils pas prévu le danger qu´allait courir l´humanité avec la constitution de tels États qui déclarent la guerre non pas seulement contre l´Occident, mais surtout contre l´humanité tout entière ainsi que contre ses valeurs morales, démocratiques et éthiques, ses cultures et ses traditions?

Peut-être l´était-il. Mais, ne serait-ce pas autant faire acte d´intolérance et d´imprudence qu´eux en disant que cette émergence aurait dû être bloquée? Je peux même oser me demander si elles le pouvaient ou le devaient, car il ne faut pas, d´une part, prêter des intentions et des actions aux puissances occidentales allant vers l´idée de la création psychologique et spirituelle d´une dictature imaginaire, d´autre part faire de ces puissances des superman qui peuvent se permettre n´importe quoi ou se croient tout permis dans ce monde. Sans vouloir rentrer dans les détails relatifs à l´État Islamique, il est important de rappeler qu´on appelle de cette sorte des pays comme, par exemble, l´Inde, la Bengladesh, le Pakistan, qui font de l´Islam la religion d´État. Ce sont des États théocratiques donc non laics où les préceptes religieux occupent une suprématie sur les lois ordinaires et constituent les normes applicables à tous et à toutes. Ainsi donc, ce qu´on appelle communément ou peut-être improprement le groupe d´États Islamiques - tel le Daech accusé de la quasi totalité des attentats terroristes qui ont coûté la vie à des milliers d´innocents dans le monde - est une organisation de criminels qui existe bel et bien réellement. Elle est super bien équipée et entraînée. Ce n´est donc pas une fiction. Toutefois, tous les États Islamiques ne sont pas nécessairement liés au terrorisme, de même que l´Islam, leur religion dominante, ne développe pas forcément une quelconque relation et complicité avec le terrorisme.

Cependant, en dépit de cette évidence, j´ai comme l´impréssion de vivre dans une pleine fiction en n´arrivant pas à comprendre le fonctionnement des groupes terroristes en matière de sources de financement, d´équipement, de ressources financières et économiques, d´organisation (sociale ou politique), de structure, d´infrastructure, de superstructure, de subsistance, d´approvisionnement, d´armement, de moyens technologiques et stratégiques pour pouvoir perpétrer leurs forfaits. Comment un État peut-il choisir de frapper des indéfensifs et inoffensifs? Qui les financent? D´où proviennent leurs ressources? Encore des questions difficiles. Néanmoins, une chose est certaine, c´est que, quel que soit le nom ou la nature qu´on leur attribue, le fait c´est qu´il exitse un groupe d´individus animés d´intentions criminelles et meurtrières qui, se réclamant de l´Islam radical et en sémant le barbarisme, révendique ou qu´on fait révendiquer chaque attentat terroriste qui est commis dans le monde. Il s´agit, que l´on veuille ou pas, d´une structure très bien organisée qui a ses propres moyens d´existence, de ravitaillement et de fonctionnement pour frapper, frapper toujours et frapper encore. Ainsi, les terroristes du groupe d´États Islamiques impliqués dans des attentats criminels sont loin d´être des amateurs. Formé majoritairement de jeunes, on aura tort de sous-estimer les potentialités et les capacités de ce groupe.

2. Terrorisme et identité: la jeunesse en cause

Notre monde d´aujourd´hui est celui qui se fonde sur la violence, la peur et la terreur. Je dirais comme Amartya Sen (2006), cet état est marqué par la souffrance de notre monde d´une crise d´identité singulière et d´autodéfinition de soi qu´un groupe éminemment intolérant, radical et extrémiste veut imposer. Des gens qui ne voient dans cette identité que la seule et l´unique dans le monde en faisant fi des différences culturelles et identitaires entre les peuples. Ce qui crée une intolérance accrue, cruelle, meurtrière et génocidaire. La guerre dont le Pape François et le président français ont fait mention, chacun dans ses interventions suivies des attentats à l´église de Saint Étienne-du-Rouvray, est, de mon humble point de vue, une guerre terroriste qui a rapport à une volonté systématique des groupes extrémistes et radicaux soit pour imposer une identité unique autoproclamée dont ils se croient être les seuls détenteurs, qu´ils estiment être supérieure aux autres; soit pour s´en chercher une par la violence qui, malheureusement, leur devient,  à cet effet, un moyen; enfin, soit étant en panne  d´identité, ces jeunes-là font face à une sorte d´excessivité identitaire.

Si nous regardons bien, il y a lieu de constater que la catégorie sociale la plus active dans les actes terroristes c´est des jeunes agés d´entre 15 à 20 ans pour ne pas dire des adolescents. Par exemple, le prêtre, Jacques Hamel, de la commune de Saint Étienne-du-Rouvray a été égorgé en son église et en plein culte, le mardi 26 juillet 2016, par un jeune de 19 ans soupçonné d´adhésion à l´EI. Les organisations terroristes recrutent des jeunes et entraînent des enfants à devenir leurs dévoués soldtas. De toute façon, le phénomène d´enfant-soldats est bel et bien réel au sein des groupes terroristes. Ce sont des jeunes désintégrés et cette désintégration est due soit au fait qu´ils vivent dans une société trop rigide et contraignante de laquelle ils veulent se libérer ou parce qu´ils font face à une société trop libérale, disons mieux trop libertine, qui n´arrive pas assez à leur inculquer une véritable estime de soi et une estime sociale, à les contenir en termes d´inclusion et de justice sociale et à leur faciliter une intégration sociale continue.

Durkheim a eu raison de prévoir qu´une société trop faible en matière du respect des normes sociales est un obstacle au développement de l´individu et à la cohésion sociale devant être le but de toute société, et engendrera, par conséquent, une très forte dégénérescence sociétale. De même, une société dont les lois, les normes et les règles sont trop rigides, contraignantes et restrictives des libertés peut aboutir à la révolte, à la rébellion, au suicide et à la volonté de s´isoler et de s´expatrier. Le rôle de toute société est l´intégration, l´inclusion, la cohésion et l´harmonie de ses membres axées sur des valeurs culturelles et sociales. En dehors de cela c´est le chaos et l´effondrement total. En effet, l´État Islamique est constitué de jeunes combattants qui se permettent des actes de cruauté qui nous poussent à nous demander s´ils ont une appartenance sociale et une identification sociétale. 

Des jeunes qui, à cause de cette déconnexion sociale, de ce sentiment d´inappartenance et de ce libertinage, troublent de plus en plus la paix sociétale. Ils s´enfoncent et se perdent dans une vie libertaire et rebelle que ne leur reconnaît aucune société. Jeunes, sans engagement sociale, sans responsabilité familiale, en panne de culture et d´éducation, qui se croient porteurs d´un message méssianique auquel ils veulent contraindre les autres, pour la plupart des jeunes comme eux, à s´allier. Ils peuvent user de toutes leurs influences pour endoctriner leurs semblables, les inciter à les rejoindre. L´une d´entre elles c´est la propagande médiatisée de leurs actes criminels, de leurs scènes de violence et de leur train de vie au quotidien qu´ils publient sur Internet après les avoir filmés. C´est par cette stratégie qu´ils parviennent à convaincre de nombreux jeunes. En effet, la majorité des jeunes qui a rejoint l´État Islamique ces derniers temps a témoigné que cela leur était arrivé après avoir visionné sur Internet une vidéo publiée par l´EI qui montre soit l´exécution d´une otage, soit présentant des camps d´entrainement des soldats, soit décrivant le train de leur vie quotidien ordinaire, soit filmant des scènes d´affrontements sanglants ou des réunions en plein air. Donc, selon les experts, 60%  des recrutements de l´organisation d´États Islamiques proviennent de cette propagande médiatique qui, cependant, n´a rien à voir avec le journalisme.

Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la conversion religieuse n´est nullement l´objectif de leurs actes ignobles. Autrement dit, la religion, l´identité religieuse, la foi religieuse sont loin d´être leur motivation. De plus, leurs buts sont très flous et sombrent dans l´ignorance absolue des règles morales de la religion, du bon sens, de la raison, de la rationalité, de la démocratie et de l´éthique. Voilà pourquoi, il est illogique de céder à la crainte que l´EI cherche à multiplier au sein des sociétés, parce que la violence absolutiste dont elle découle va vers sa propre destruction. Contrairement aux autres, ce terrorisme généralisé des jeunes n´est pas causé par une crise de modèles et de valeurs. Des modèles et valeurs il y en a et il y en aura toujours. Mais, c´est que ces jeunes-là veulent se créer eux-mêmes leurs propres modèles et valeurs en imposant un mode de vie. Et, le pir dans tout cela, c´est que c´est par des actions terrifiantes, terrorisantes et terriblement violentes qu´ils font cela tout en cherchant à séduire le maximum de jeunes possible. Ils prétendent défendre une humanité dont ils ont seulement et exclusivement la compréhension. Sur ce, on peut dire que l´autoproclamation d´une identité singulière, le rejet des valeurs occidentales et l´extrémisme sont parmi les facteurs susceptibles d´expliquer la causalité des actes terroristes de ces jeunes désaxés.

3. La compréhension du monde actuel et les particularités des guerres terroristes

Les guerres contemporaines que nous sommes entrain de vivre aujourd´hui sont des guerres terroristes qui ont des particularités par rapport aux autres guerres ordinaires que le monde a l´habitude de connaître. C´est que celles-ci vont à l´encontre du terrorisme pour briser le monde de la terreur qu´imposent le radicalisme, l´extrémisme, l´identitarisme, le barbarisme, l´absolutisme, le totalitarisme, le perfectionnisme. Ces guerres-là se font différemment aujourd´hui que les guerres traditionnelles d´avant en ce sens qu´elles n´éxigent pas un champ de bataille, c´est-à-dire un espace territorial physique où peuvent s´affronter les groupes bélligérants. La guerre du monde moderne ou post-moderne actuel - grandement marquée par le terrorisme - est à la fois visible et invisible, anonyme et nominative, physique et spirituelle, virtuelle et réelle, irrationnelle, absurde, enfin, c´est une guerre contre l´esprit critique, le dialogue, la liberté de pensée, la liberté d´expression, la capacité d´argumentation et d´analyse, la diversité culturelle, la pluralité identitaire et religieuse.

La seconde particularité de ces guerres c´est qu´elles n´impliquent plus les grandes puissances militaires entre elles, en d´autres termes, ce sont des guerres civiles qui ne disent pas leur nom. Peut-être certaines d´entre elles les ont-elles incitées par leurs actions d´ingérence et d´irrespect du droit des autres États, mais il est difficile de dire qu´elles en sont les principaux auteurs. L´on dirait même que ce sont des guerres provoquées par des petits États presqu´invisibles, inexistants et impuissants sur le plan scientifique, technique et technologique, mais qui, en matière d´armement, sont très puissants. Sur ce, le terrorisme serait la guerre des faibles contre l´entente, la coalition et la vision des forts, des États dits parias contre ceux dits modernes et civilisés, des petits États contre les grands États. Voilà pourquoi, ils frappent et continuent de frapper dans l´invisibilité et l´anonymat absolu tout en cherchant, dans l´hypothèse, à se faire un nom à travers ces guerres ne respectant aucune règle d´engagement.

Ces guerres terroristes accusent une troisième particularité c´est le filmage et la propagande médiatique des actions de l´EI soigneusement exécutés par des jeunes professionnels recrutés à travers le monde allant jusqu´à gagner au moins 1000 euros par mois: Une somme alléchante pour effectuer des besognes risquées. En effet, par la divulgation des vidéos sur Internet, l´État Islamique devient un marché très lucratif pour des jeunes photographes et filmographes qui ont besoin coûte que coûte de se construire une vie. De plus, cette somme et les avantages que leur offre l´EI peinent d´être trouvés de mieux ailleurs. Ainsi, le filmage et la propagande médiatisée, qui exigent une main d´oeuvre professionnelle performante et compétente pour faire un travail efficace tel que voulu par les commandants en chef, constituent deux moyens forts de l´État Islamique afin de, d´une part, envoyer un signal fort de la terreur et de la peur au monde entier, convaincre de plus en plus de personnes à les rejoindre dans la défense de leur cause, de l´autre. Il s´agit d´un travail réalisé par toute une équipe de professionnels expérimentés qui perçoivent un salaire supérieur à celui des combattants, car ils sont tellement précieux et importants pour la propagande médiatique, la propagation, la publication et la divulgation des actes de barbarie de l´EI qu´ils ne peuvent aucunement se permettre d´errer au cours des prises de photos et des filmages.

Comme dernière particularité nous aimerions souligner que ce monde dans lequel nous vivons actuellement connaît des conflits armés forts, mais surtout injustes, injustifiés et injustifiables. Si les conflits armés d´autrefois même les plus sanglants et meurtriers avaient un but et une finalité bien définis; étaient étatiques et ne visaient en aucune façon des civils puisque ces guerres étaient régies par des règles strictes - les guerres proprement dites sont toujours régies par des lois - dans les guerres d´aujourd´hui, cependant, on peine de déceler un but et une finalité, car il est difficile de comprendre comment des civils peuvent être la cible d´un groupe de meurtriers lui empêchant de déguster les béatitudes de la vie.

On n´arrive pas non plus à comprendre si un groupe radical et extrémiste s´en prend à un État et s´affirme de plus en plus hostile à lui que ce sont les membres de ce dernier qui doivent en payer le prix. Dans les guerres ordinaires, les soldats tirent sur les soldats et non sur les civils. D´où l´absurdité, l´irrationalité, l´imbécilité, l´idiotie, la cruauté et la banalité de ces guerres contemporaines terroristes que mène l´État Islamique. Même dans les deux Guerres mondiales dont une des finalités était le controle des richesses de la planète et l´établissement d´une puissance économique et militaire, des civils n´ont jamais été pris pour cible. Même si ces guerres ont certes fait des victimes innocentes et colatérales, même si de nombreux civils en ont été atteints de façon indirecte, les tirs et les raids ne les ont jamais visés directement comme cela se passe aujourd´hui. C´est vraiment insensé et aberrant tout ça!

4. Ce que les attentats terroristes peuvent nous apprendre 

Comme l´a soutenu le Pape François lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Pologne, en 2016, si les attentats terroristes n´ont aucune consistance, aucune base sociale, aucune cible et finalité fixes du point de vue matériel, ils cherchent, néanmoins, à briser l´union, la fraternité et l´amour auxquels nous sommes appelés à vivre selon que le Christ l´a ordonné, ce en nous incitant à la haine, à la peur et à la division et en voulant nous soulever les uns contre les autres. Ils sont allarmants certes, mais ils ne doivent pas nous jeter dans la crainte et la frayeur. De sa part, le président français s´est exprimé presque dans les mêmes termes en soulignant qu´en demeurant des actes lâches, les attentats terroristes n´ont qu´un seul but: détruire la cohésion entre les Français. C´est pourquoi, poursuit-il, c´est par un faisseau harmonieux, la cohésion et l´unité qu´on parviendra à vaincre l´Etat Islamique et le terrorisme. ''La France est en guerre contre le terrorisme et cette guerre, bien qu´elle soit longue, nous la gagnerons'', a-t-il ajouté. Ainsi, ce qu´il faut retenir c´est que les attaques terroristes interpellent la conscience et l´intelligence des hommes à s´unir pour un vivre ensemble juste, réel et non hyprocrite.

D´autres personnalités religieuses et politiques ont eu des propos allant dans le même sens, c´est le cas, par exemple, de Manuel Valls (Premier Ministre français) selon qui, en voulant nous imposer un monde de plus en plus haineux divisé en nous et eux, les attaques terroristes sont sans perspective et objectivité pour un monde plus juste, démocratique, progressiste et productif que nous devons construire ensemble. De sa part, le Mgr. Dominique Lebrun (Archevêque de Rouen) invite le monde au pardon de ces brebis égarées qui, selon lui, ne savent pas ce qu´ils font. Alors, c´est exactement dans ce carrefour qu´il faut cerner les attentats terroristes qui tendent à nous effrayer. C´est là aussi le piège du terrorisme dans lequel il ne faut pas tomber, celui de nous isoler les uns des autres. Les actes terroristes sont entrain de ruiner nos sociétés et créent dans les coeurs et les pensées toute sorte de peine, de confusion, d´incertitude, de deuil et de désespoir en cherchant, bien sûr, à bloquer le projet d´un monde meilleur.

Sur ce, les attaques terroristes peuvent nous apprendre sur l´importance  du vivre ensemble, renforcer chez nous les valeurs sociales et culturelles fortement significatives et ancrées dans l´espoir d´un monde où les religions se dialoguent entre elles dans un esprit de fraternité et d´union contre les puissances infernales du mal et de l´anarchie. Depuis l´assassinat du prêtre Jacques Hamel, les actions tant politiques que religieus ne cessent de se multiplier en faveur d´une campagne de sensibilisation sur la nécessité de ne pas nous laisser gagner par la frayeur du terrorisme dont le seul but est de briser entre nous tous les liens harmonieux qui doivent de plus en plus nous tisser ensemble. Il paraît que le cas de ce prêtre renvoie un signal d´un monde ultra mobilisé contre le terrorisme cauchemardesque.

Alors nous pouvons nous demander: L´assassinat du prêtre est-il une occasion pour relancer le débat interreligieux? Quelles retombées positives pourraient avoir les initiatives des musulmans, des chrétiens et des catholiques de prier ensemble dans un seul lieu en hommage à Jacques Hamel? Il est encore tôt de l´évaluer. Toutefois, une chose est certaine c´est que les actes terroristes peuvent servir, en dépit de tout, à comprendre mieux le monde, à s´interroger sur la culture religieuse, à tirer des leçons de nos égoismes et avarismes, à travailler pour que la paix et la justice sociale règnent, à renforcer notre conviction qu´un jour nous aurons un monde de moins en moins inégalitaire, enfin, à préparer nos progénitures à évoluer dans un environnement collectif socialement et moralement vivable.

Considérations finales

Enfin de compte, les conflits du monde contemporain ne sont pas aussi simples qu´on le croit et ne pourront pas être résolus par des approches simplistes et des projets suscitant des violences défensives ou offensives. Ils sont énormement complexes et compliqués. Il est temps d´éviter des réponses proportionnelles aux violences terroristes, car c´est ce que recherchent les organisations terroristes pour s´amplifier, s´envénimer et se renforcer. Par contre, il serait bon de penser plutôt à des actions plus efficaces axées sur la tolérance, l´amour, la diversité, la pluralité et la multiplicité des identités, des valeurs et des cultures; la fraternité, le vivre ensemble, le respect des droits et libertés individuels; l´égalité, l´esprit de justice, le dialogue, le compromis qu´il serait possible de combattre ce mal qu´est le terrorisme nous guéttant tous. Ces actions là sont plus difficiles à soutenir et à mener que les interventions et invasions guerrières. Tant qu´elle n´aura pas été touchée par une attaque terroriste de l´EI, aucune société, collectivité et communauté sociale, politique, religieuse ou éthnique ne peut s´en croire exempte. Il est dangereux que les guerres et les interventions militaires musclées puissent être la réponse aux violences folles, imbéciles, barbares et idiottes du terrorisme. Ainsi, il est important de savoir que notre monde est actuellement traversé par des violences pathologiques qui tendent vers une domestication de la pensée critique, une déshumanisation de l´homme et une animalisation de notre civilisation.

Jean FABIEN
Campinas, 2 août 2016

samedi 9 juillet 2016

NOUS EN AVONS PEU, MAIS NOUS LES ASSASSINONS BEAUCOUP!

Haiti marche de jour en jour vers le titre d´un pays prédateur, un sanctuaire d´assassins et de meurtriers où ses propres enfants, étant en quête infatigablement d´une vie sécuritaire, ne sont pas à l´abri. La vie humaine ou la vie tout simplement y est de plus en plus réduite à son plus vil niveau. Ce qui se passe actuellement en Haiti nous donne l´impression de faire face à une espèce d´haitianivore ou encore à une sorte de systématisation et instrumentalisation de la mort. C´est une société remplie de gens méchants qui ont assassiné, assassinent et continuent d´assassiner bon nombre de ses compétences. Le cas de Wilhem Edouard, que je ne´ai pas connu physiquement d´ailleurs vient s´ajouter aux multiples cas d´assassinats qui jusqu´à présent restent impunis et ne font qu´endeuiller une société déjà en panne de ressources humaines. Nous en avons peu, mais nous les tuons beaucoup. Haiti - en tant qu´il est symbolisé par ses personnes humaines qui y vivent - quand elle n´exclut, ne contraint à l´exil ou n´expulse, elle tue ou assassine. Malgré cette situation qui est bien sûr une des conséquences de la défaillance d´un système, Haiti demeure un lieu où il fait bon de vivre - bien entendu pour ceux qui en ont les moyens. Pas seulement pour ses citoyens, mais aussi pour les étrangers, car beaucoup d´entre eux ont déjà été épatés par la vigueur et la force de travailler qu´a ce peuple qui affronte quotidiennement la misère, la pauvreté, la vie et l´insécurité de toute nature: physique, alimentaire, sanitaire, économique, scolaire, environnementale etc.

Il est inutile de rappeler ici le total des victimes des actes de criminalité qui visent malheureusement nos plus belles têtes. Il est de même inacceptable que des criminels marchent et circulent tranquilement dans les rues après avoir commis des crimes odieux attristant et révoltant la conscience de toute une collectivité. Ceci résulte de l´impunité qui est pire que la criminalité. Elle, la criminalité, existe partout dans toute société, mais l´impunité non, c´est l´une des raisons pour lesquelles on ne peut pas la considérer comme fait social. Elle est une profanation de la victime, de sa famille, enfin, une négation de la vie en soi. Et quand cela arrive, les familles et la société en général sont doublement victimes: d´abord du crime, ensuite de l´impunité qui en découle. C´est triste! Et c´est ce qui bouleverse les Haitiens, c´est-à-dire le sentiment de vivre au milieu d´une bande de criminels et d´impunis avec ou sans cravate et costume, de partager dès fois le même milieu physico-social, environnemental et culturel avec ceux-là qui leur ont enlevé l´être cher, enfin, d´être obligé de se taire devant les boureaux qui leur ont arraché le coeur. Quand la criminalité s´adjoint à l´impunité, le produit qui en résulte s´appelle la destruction physique, mentale, psychologique et spirituelle de l´être humain, véritable architecte visible du monde. Ainsi, que peut-on espérer de productif et de développement tant sur le plan humain, social qu´intellectuel d´une société qui détruit la vie, piétine les valeurs et assassine le peu de compétences qui lui reste?

S´il est normal sur le plan sociologique qu´il y ait des crimes au sein des sociétés humaines dans la mesure où aucune et absoluement aucune d´entre elles n´en est exempte, il est cependant abject, répugnant, inhumain, indécent et impitoyable que l´impunité s´érige en règle alorsqu´elle aurait dû être l´exception. L´impunité n´est pas un fait social comme le crime l´est, mais elle traduit de préférence l´état de pourrissement et de dégénérescence auquel parvient une société et celui de désacralisation de la vie elle-même. Cela peut paraître exagérant, mais je crois que l´impunité mérite d´être plus combattue plus durement et rigoureusement avec plus de vivacité que la criminalité. Des crimes on en aura toujours pour ne pas dire souvent dans la société, mais l´impunité doit disparaître à jamais même si elle ne fera pas pour autant anéantir le crime. Ce n´est pas la criminalité qui est problématique à la société, mais plutôt l´impunité, car si l´on part du principe que la société est l´être invisible et consensuel au-dessus des individus, qui ne tolère qu´aucun acte odieux reste impuni, alors la société a elle-même ses principes dont le plus sublime d´entre eux est la sacaralité de la vie. Ainsi donc, il est dangereux que des actes comme tels, qui provoquent la nausée au sein de l´harmonie sociale et de la paix sociétale dont tout le monde a soif se repètent avec une fréquence si rapide.

Ce n´est pas un rêve ni un souhait utopique de penser à une société où la paix sociétale et l´harmonie sociale soient possibles, il existe des sociétés où l´on parle de moins en moins de crimes, vols, assassinats, massacres, meurtres du genre à l´haitienne. On dirait que ces sociétés vivent au ciel et leurs membres seraient des anges et des saints. Bien au contraire, elles existent bel et bien ces sociétés terrestres où le taux de criminalité est à un niveau très faible pour ne pas dire négligeable. Des exemples on en a même trop et on les trouve plus précisément dans les sociétés conservatrices européennes. En effet, selon le Institute of Economics and Peace, l´Islande, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, l´Autriche et la Suisse occupent, en 2013, le top des cinq pays les moins violents dans le monde. Fruit d´un travail de longue haleine, ces sociétés échantillonnées parviennent à instaurer et maintenir un système efficace qui combat la corruption intimement liée à l´impunité. Donc, il nous est possible de parvenir aussi à ce stade puisqu´ils sont des être humains comme nous. Il suffit que nous ayons la volonté de commencer un jour ce combat contre la corruption.

Les criminels n´ont pas changé de formule ni de stratégie, ils opèrent de la même façon qu´auparavant, c´est-à-dire ils attendent à la sortie d´une banque, d´un lieu de travail, d´une maison pour abattre la personne ciblée, ce, en circulant le plus souvent à moto, véhicule de transport en commun très utilisé en Haiti, mais pourtant nettement sorti du contrôle de ceux qu´on appelle les autorités. Quel paradoxe et contraste! De plus, ils ont l´air de ne pas s´inquiéter du tout avant, pendant et après leur crime. Après le crime c´est encore pir et même plus frustrant, car dans une société digne de ce nom, nul criminel ou assassin n´a le droit de se sentir confortable, d´être tranquile ni en paix après avoir commis son acte ignoble. Mis à part sa conscience à le juger, qui est le plus souvent endormie quand il agit, se sachant poursuivi par une justice efficace, forte, puissante, non corrompue mais restauratrice, ses sommeils doivent être continuellement troublés jusqu´au jour de son appréhension. Mais, hélas! il est paradoxalement entendu qu´en Haiti des voleurs, criminels, assassins, tueurs silencieux et bandits sont plus arrogants que le paisible et l´indéfensif individu, qu´ils déjeunent, dinent et se divertissent paisiblement avec des personnes que l´on aurait pu jamais imaginer.

Je me rappelle avoir dit dans un article en 2011 qu´Haiti est une mère qui mange ses propres enfants. Ce phénomène appelé cannibalisme puerpéral est très fréquent chez les espèces animales, mais il peut se produire chez l´espèce humaine. De fait, à une certaine époque de l´histoire de l´humanité les humains mangeaient les humains pour apaiser leur faim. Malheureusement, ce phénomène qu´on pourrait appeler de cannibalisme étatico-sociétal se rencontre dans notre chère Haiti, mais sous d´autres formes. Car quand on est dans une société où l´État ne punit ni ne sanctionne, mais se plaît ingénueusement à dénoncer et à condamner, c´est comme si c´est lui-même qui a assassiné. L´État haitien - si le concept peut lui être approprié - est un État cannibaliste, criminel et assassin et chaque jour qui passe je m´en rend compte. Cet article était un cris de coeur pour exprimer - je m´en garde d´employer le verbe ''condamner'' qui devient monnaie courante en Haiti et d´un usage vraiment insipide - mes plus vives indignations contre l´assassinat lâchement crapuleux de Guyto Toussaint, l´ex-directeur de la BNC. Aujourd´hui c´est le tour de Wilhem Edouard, encore un crime de plus, un crime de trop, on n´en a assez! Il est temps que cela cesse! Il est temps que des êtres humains voire des ressources humaines cessent de perdre la vie dans des conditions pires que celles des animaux.

Je n´ai pas connu Wilhem Edouard, donc je ne prétend parler de lui dans cet article, mais il s´agit avant tout d´un être humain. La mort ne connaît pas de personalité ni de nationalité, donc la mort d´un homme quand elle se produit dans des situations sinistres pareilles est non seulement celle de tout homme, mais surtout ne peut ne pas révolter notre conscience, notre humanité tel que cela s´est produit dans le cas de notre ami Francky Altinéus péri dans le massacre à l´Arcahaie le 12 février 2016. Combien d´autres petits Guyto, Wilhem, Francky ont déjà goûté dans l´anonymat aux armes impitoyables des meurtriers? Ou combien y en a-t-il inscrits sur leur liste pour y bientôt goûter? Il est important de souligner que ce cas d´assassinat devrait nous offrir l´occasion de plaidoyer en faveur de la vie et de l´humanité bien qu´il n´en soit pas le seul. Il existe de nombreux Haitiens sans nom - des oubliés, des abandonnés, des exclus, des exotiques - qui périssent journalièrement sous les armes assassines des criminels. Il y a une banalisation terrible de la vie en Haiti. Et c´est ce qui fait le plus peur .

Toutefois, comme le veut le principe, je m´incline humblement devant le départ de cet homme dont l´étoile brillait dans la communauté journalistique haitienne. J´assimile souvent la mort à un départ, à un voyage ou à un déplacement de ce monde visible, sensible et physique vers celui qui est invisible, insensible et spirituel, mais c´est lorsqu´il s´agit d´une mort naturelle. La mort prématurée comme celle de père Gérard Jean Juste, Mireille Durocher Bertain, Jean Marie Vincent, Brignole Lindor, Jean Rigot Delus, Guyto Toussaint, Wilhem Edouard... ne peut aucunement être un voyage ni un départ, mais une exécution sommaire, une expulsion brutale, un débarras, un assassinat tout court. Sur ce, je tiens à souligner que la mort n´est plus un fait naturel en Haiti, c´est-à-dire on s´y fait tuer très prématurément par de différentes causes non naturelles: massacre, assassinat, oubliette, exclusion, abandon, famine, chômage, criminalité, violence armée continue, vol, viol etc. C´est dur de le dire, mais la mort est telle qu´elle devient une sorte de débarrassement pour ceux qui sont considérés comme étant de trop dans la société. À force d´une banalisation et profanation accrues de la vie, les Haitiens ont le pressentiment d´être de trop dans leur propre société. Ce n´est pas en fait le crime qui les pousse vers un tel sentiment mais plutôt la gestion médiocre, mécreante, irrationnelle et irresponsable qui en est faite. 

Enfin, ce sont des actes qu´on doit certes réprimer de manière très sévère, mais l´impunité tue aussi et même plus dur qu´eux. Car, quand une famille au moment de pleurer son être cher disparu pense à une justice corrompue faisant de l´impunité son boussole, dont elle n´obtiendra jamais justice, réparation et récupération, alors on ne peut s´attendre qu´à une société frustrée, disloquée, cassée, segréguée, regorgée d´assassins et coupée du reste des sociétés où la vie se sacralise. Ainsi, le combat pour que cela s´arrête n´est pas pour aujourd´hui mais il doit et peut commencer aujourd´hui même et pourquoi pas avec cet assassinat, faisant de lui un point de départ. L´essentiel c´est d´avoir une justice sociale et politique puissante, forte, efficace et restauratrice qui doit prévenir, punir, sanctionner et réintégrer au lieu de dénoncer, enfin, des programmes de réparation, de restauration et de récupération pour les familles victimes, d´accompagnement psychologique, de réinsertion sociale pour les criminels appréhendés.

Jean FABIEN

Vienne, 10 Juillet 2016