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lundi 8 février 2016

7 FÉVRIER 2016, HAITI TOURNE LA PAGE DOULOUREUSE DE CE MARTELLY, MAIS...

     Le 7 février 2016, Haiti vient de se décharger d´un fardeau qu´elle a été astreinte de porter pendant cinq ans. Ce furent, en effet, cinq années d´insultes, de hontes, d´injures, de propos salissants, avilissants que nos enfants, nos jeunes n´auraient jamais dû entendre sortir de la bouche de celui qui était censé être le premier d´entre nous malgré tout. Hélas! Pauvre Haiti! Heureusement, nous avons Ecclésiaste pour nous remonter le moral et nous donner la force de continuer à vivre et d´espérer dans un lendemain meilleur quand il dit: ''il y a un temps pour chaque chose''. Si l´ère martellyste fut le temps allarmant où il trainait dans la boue le peu qui nous restait comme valeur morale, symbolique et culturelle, ce 8 février 2016 est le temps d´essuyer ces larmes et de prendre la ferme décision que nous ne revivrerons plus jamais ce temps sous quelle que forme que ce soit. C´est une révolution froide et douce qui vient de se produire en Haiti. Cependant, la messe n´est pas encore dite. L´épée de Damoclès est encore pandue plus gravement sur la tête du pays.

     La cérémonie traditionnelle de passation de pouvoir n´a pas eu lieu, en lieu et place une séance spéciale s´est tenue au Parlement réuni en Assemblée Nationale le dimanche 7 février 2016 pour recevoir l´acte officiel de la fin du mandat de M. Martelly et constater en même temps l´existence d´un vide présidentiel. Cette situation politique extrêmement spéciale s´explique par quelques scénarios importants. En premier lieu, le président sortant, M. Michel Martelly, arrive au terme de son mandat sans pouvoir, cependant, passer l´échappe présidentielle à son successeur conformément aux voeux constitutionnels. Il l´a, par conséquent, remise là où elle lui a été passée au cou le 14 mai 2011, c´est-à-dire au Parlement. Le second scénario s´explique par le fait que l´Éxecutif, comme le Parlement entre 2014 et 2015, devient automatiquement en cette date disfonctionnel. Haiti est réellement une terre d´exceptionalités, de spécialités, de stupéfactions, d´inventions, mais surtout l´endroit qui rend le possible impossible, l´impossible possible. 

     Il y a, par ailleurs, un autre constat à faire, il s´agit du climat socio-politique dans lequel cette fin de mandat s´est déroulée. En effet, le peuple haitien a grandi et fait preuve d´une certaine maturité démocratique en laissant M. Martelly partir dans une certaine tranquilité sans qu´il n´y ait d´invasion militaire (comme en 1994 et en 2004), des violences populaires, des déchoucages, des chasses à l´homme (comme le 7 février 1986), sans qu´il n´ait été contraint à l´exile. De plus, après son passage au Parlement, il a emprunté les rues de Pétion-Ville à pied sans incidents majeurs. Cette attitude est à remarquer. Pour une seconde fois depuis 1986, un président laisse le pouvoir et reste dans le pays. Cela est encore historique et s´inscrit dans les grandes pratiques modernes de la démocratie. Bravo au peuple haitien! Il a renvoyé le signal qu´il est un peuple pacifique. Sur ce, il est important d´aller sur cette même voie et d´en faire plus en vue d´éviter toute entrave à la croissance de notre démocratie en perpétuelle construction. Néanmoins, tout ce qui est à retenir de cette journée, c´est qu´Haiti vient de tourner une page de son histoire, la plus malheureuse pour ne pas dire la plus cauchemardesque. Le temps où le peuple se faisait insulter à longueur de journée, à chaque sortie spectaculaire est désormais révolu. Le temps du rève dans lequel était plongé un grand nombre d´Haitiens tant en Haiti qu´à l´étranger est passé, voici il nous est offert l´opportunité de commencer une nouvelle Haiti.

     Cependant, je doute fort que la façon dont cette journée s´est achevée au Parlement permette d´entrevoir une solution rationnelle. La formule de sortie de crise consentie à l´aube du 7 février et parafée par les présidents des deux chambres et celui de la république entre ce dernier et l´Exécutif est problématique à cause de la configuration actuelle du parlement et du climat d´incertitude qui plane sur sa légitimité à être acteur d´un tel concensus. Je crains que celle-ci puisse permettre effectivement de trouver une porte de sortie à la situation socio-politique actuelle, ce pour plusieurs raisons. Comme l´ont admis plus d´un, la crise dépasse le cadre institutionnel, disons mieux, elle n´est pas entièrement ou seulement institutionnelle, elle est aussi conjoncturelle et nécessite de s´ouvrir aux autres acteurs sociaux, politiques et économiques, donc le plan de sortie de crise ne peut être unilatéral surtout avec un Parlement qui n´inspire pas confiance, mas il mérite d´être multilatéral. 

     Cette soi-disant 50ème Législature rentrée en fonction à l´insu des procédures prévues à cet effet est entachée de contestation et d´illégitimité parce qu´il est issu des démagogies produites par le CEP les 9 août et 25 octobre 2015 communément appelés très malsainement ''élections''. Par conséquent, il ne serait pas en mesure de décider à elle seule une formule en laissant de côté l´opposition, les partis politiques et les organisations de la société civile, surtout que beaucoup d´entre ces parlementaires font l´objet de virulentes suspicions. Nous sommes ici face à une incohérence grave. Car, si, d´une part, les ''élections'' législatives et présidentielles des 9 août et 25 octobre 2015 ont été genantes et vivement contestées à tous les niveaux au point que Jude Célestin a définitivement décidé de ne plus embrasser un second tour du scrutin pas avant une évaluation complète du processus par une commission digne à cause des fraudes et irrégularités, alors de quel droit ces parlementaires issus de celles-ci peuvent-ils se prévaloir des prérrogatives d´apporter une quelconque solution à la crise engendrée elle-même par ces diverses contestations? C´est d´elle qu´est accouché aujourd´hui ce vide présidentiel, alors comment ceux qui en sont le produit peuvent-ils être problème et solution à la fois? Autrement, nous sommes en droit de nous demander si ce parlement existe-t-il réellement? Si oui, peut-il faire partie de la solution de la crise?

     Toutefois, il convient d´admettre qu´en dépit de tout, cette décision issue du parlement, le dimanche 7 février 2016 selon laquelle l´ex-président Michel Martelly a remis le pouvoir à l´Assemblée Nationale, a évité le pir attendu, par contre, le malheur plane encore sur nous. Mais, que dit l´entente? Qu´est-ce qu´on peut attendre d´elle? En effet, selon l´entente trouvée pour assurer un départ ''controlé et réfléchi'' de Martelly dans le calme et la paix - ce qui a été constaté d´ailleurs - il est entendu que, une fois le vide présidentiel est constaté par le président de l´Assemblée Nationale, la présidence est vacante et, afin de remplir ce vide provisoirement, il est prévu deux choses: premièrement l´ouverture des inscriptions à tous les citoyens et citoyennes à l´échelle nationale répondant aux exigences faites par la constitution et les lois de la république, afin de venir faire le dépot de leurs pièces au parlement, deuxièmement la création d´une commission parlementaire bicamérale qui sera chargée de l´étude de ces dossiers. Quelle foutaise!

     Plaidant en faveur du respect des institutions et de leur valorisation, je trouverais cette formule superbement correcte dans le cas où l´institution en question n´était pas sous les coups des suspicions, c´est-à-dire si les membres qui la composent n´étaient pas issus d´un processus électoral vicié à la base, s´il y avait des dispositions légales qui l´ont prévue. Donc, si elle non plus n´est pas à l´abri des contestations et protestations populaires, de celles des partis politiques de l´opposition et des organisations de la société civile, alors pourquoi ne pas laisser la tâche au Premier Ministre en place d´assumer la gouvernance provisoire au cours des 90 ou 120 jours prévus? Pourquoi cette vente aux enchères de la présidence provisoire? Nous ne sommes pas loin de donner raison à Martelly qui, en partant, a rappelé l´attitude des affamés de pouvoir et schizophrènes de la pratique ôte-toi de là que je m´y mette. Dans un pareil cas, il est incertain que cette formule produise des effets positifs. Elle va créer d´autres animosités, parce que non seulement ces parlementaires réduisent la crise à un simple facteur institutionnel, mais surtout parce qu´il est impropre, indécent, indigne et indignant que ce soit encore eux qui s´impliquent dans cette marchandisation de la présidence. 

     Néanmoins, s´il était souhaitable qu´un compromis soit trouvé entre les différents acteurs de la crise, cela n´a pas été fait. De ce fait, il est prudent que le parlement arrête de se mettre en avantgardisme dans ses excès. Le Parlement tel qu´il est constitué aujourd´hui est problématique, donc il ne peut pas prétendre être capable d´un quelconque résultat aux problèmes originels dont il fait aussi partie. La crise est pourtant loin d´être résolue, elle est amoindrie. Elle peut exploser à n´importe quel moment et cette entente en sera une des causes. Si actuellement Martelly c´est du passé - bien que beaucoup de gens l´aient toujours considéré comme une page regrettable d´histoire depuis longtemps tournée - cela ne veut  aucunement dire que les luttes fratricides traditionnelles pour le pouvoir disparaissent. Et c´est ce à quoi nous sommes exposés avec ce dépot des pièces prévu dans ce parlement délabré. Le poste de la présidence provisoire sera accordé aux plus offrants. Quelle république de conards!

     Enfin, mis à part les dangers de l´après Martelly auxquels la république est exposée, l´histoire retiendra la déliquescence à laquelle la Présidence en particulier et l´État en général ont été réduits sous le règne de M. Martelly. Ce fut le règne de l´immoralité, du non respect pour le genre humain (les femmes en particulier), pour la presse, pour le peuple haitien et pour les serviteurs de l´État, de la délinquance étatique, du banditisme et gangtérisme institutionnel, de la corruption consentie et érigée en norme, de la fuite des genres de bien et honnêtes et l´affichage en public des malfrats. En tout cela, le plus important est de tourner à jamais et définitivement cette page de notre histoire de peuple. Pour que cela soit, il est impératif que le peuple soit éduqué, qu´il y ait un devoir de mémoire dès l´enfance et une écritute historique et sociologique sur ce règne obscurantiste à la Boyer.

Jean  FABIEN

Campinas, 8 février 2016

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