L´objectif
de ce rapport est de partager à ceux et celles que cela intéresse notre
expérience de travail de terrain. Divisé en effet en trois grandes parties, il est
un résumé des principales activités académiques, scientifiques et
intellectuelles de recherches et d´enquêtes que nous avons entreprises en Haïti
au cours de notre très court séjour de six mois allant du 11 janvier à 12 juillet
2017. S´insérant dans le cadre du développement et de la préparation de notre
thèse, celles-ci sont expliquées dans la première partie suivies de leur bilan
dans la seconde. La troisième traite des difficultés de toutes sortes
auxquelles nous avons fait face
ainsi que la façon dont nous les avons surmontées. Tout en mettant l´accent sur
l´essentiel, ce rapport se conclut par les contributions positives.
Mots-clés: Rapport.
Bilan. Travail de recherche. Enquête de terrain. Difficulté.
ABSTRACT
The objective of this report
is to share our experience of working in the field with those who are
interested. Divided into three main parts, it is a summary of the main
academic, scientific and intellectual activities of research and surveys that
we have undertaken in Haiti during our very short six-month stay from January
11 to July 12, 2017. In the framework of the development and the preparation of
our thesis, these are explained in the first part followed by their balance in
the second. The third deals with the difficulties of all kinds and the way in
which we have overcome them. Whilst focusing on the essentials, this report
concludes with positive contributions.
Keywords: Report. Balance sheet. Research work. Field investigation. Difficulty.
AVANT-PROPOS
Les activités détaillées dans le
présent rapport ont été menées dans la commune de Cité Soleil, l´un des
quartiers les plus violents de Port-au-Prince, et qui représente notre champ
empirique d´observation et d´expérimentation dans le domaine des sciences
sociales du phénomène des conflits armés et des violences urbaines. En
partageant ici ces activités, leur bilan et les difficultés y relatives,
l´objectif est de mettre à la disposition du public intéressé notre expérience
de travail de recherche au cours duquel nous avons goûté tant au contentement,
à la satisfaction et à la joie qu´à la frustration, à la désolation et au
mépris. D´un autre côté, il importe d´appeler à tout un chacun à ne pas se
focaliser uniquement sur le côté scientifique des obstacles en oubliant ou
négligeant les aspects d´ordre subjectif, affectif, émotionnel, motivationnel
et personnel ayant rapport à la vie intrinsèuqe du chercheur, qui, d´une façon
ou d´une autre, peuvent avoir de graves conséquences sur le déroulement de sa
recherche.
Il est vrai que tout le monde n´est pas appelé à passer par les mêmes difficultés d´ordre affectivo-personnel et subjectivo-motivationnel, néanmoins, les partager ici pourrait, dans une certaine mesure, être d´une aide significative pour celui ou celle désireux d´y puiser une idée. Sur ce, nous l´avons jugé utile – et même impératif – de les exposer, les expliquer et les disponibiliser dans le cadre de cette étude pour servir de mémoire. Ainsi, nous pouvons dire d´entre de jeu que, en dépit de tout, cette expérience de travail de terrain nous a énormément marqué et a été sensationnelle, instructive, fabuleuse et fructueuse au point que cela nous tente encore d´en refaire une nouvelle. Son utilité et son importance s´expliquent par le fait qu´elle nous servira grandement de leçon et de guide afin d´améliorer et de perfectionner la carrière de chercheur et de professeur de sociologie que nous avons l´intention d´embrasser après notre formation.
Il est vrai que tout le monde n´est pas appelé à passer par les mêmes difficultés d´ordre affectivo-personnel et subjectivo-motivationnel, néanmoins, les partager ici pourrait, dans une certaine mesure, être d´une aide significative pour celui ou celle désireux d´y puiser une idée. Sur ce, nous l´avons jugé utile – et même impératif – de les exposer, les expliquer et les disponibiliser dans le cadre de cette étude pour servir de mémoire. Ainsi, nous pouvons dire d´entre de jeu que, en dépit de tout, cette expérience de travail de terrain nous a énormément marqué et a été sensationnelle, instructive, fabuleuse et fructueuse au point que cela nous tente encore d´en refaire une nouvelle. Son utilité et son importance s´expliquent par le fait qu´elle nous servira grandement de leçon et de guide afin d´améliorer et de perfectionner la carrière de chercheur et de professeur de sociologie que nous avons l´intention d´embrasser après notre formation.
INTRODUCTION
Cité Soleil qui, deux années
plutôt, était le champ de prédilection des conflits armés entre différentes
bandes armées, est entrain de se redonner peu à peu une autre image en tentant
de récupérer sa vie normale d´animation, de mobilité et de circulation. Les
activités économiques et sociales s´y reprennent timidement et graduellement, et,
la cité continue d´être, malgré toute sa volonté à y mettre un terme, le champ
empirique de l´observation et de l´analyse scientifique du phénomène des
conflits armés en Haïti, un laboratoire d´analyse des violences armées
recurrentes. Ce travail de terrain – réparti en trois grandes étapes: enquête,
interview et collecte de données – avait pour objectif de recueillir
informations, opinions, documents et données statistiques pour le développement
et la préparation de la thèse doctorale intitulée: conflits armés et changement social à Cité Soleil: une analyse critique
de la gestion politique et du rôle des religions. Tout aspect difficil mis
de côté, l´expérience était enrichissante.
Toute recherche scientifique – quelle que soit la
facilité avec laquelle le chercheur parvient aux sources des données et des
informations, peu importe l´atmosphère social, politique, culturel et
environnemental dans lequel il l´exécute – est sujette à d´énormes difficultés
susceptibles de contraindre ce dernier soit à l´abandon définitif ou partiel
soit à un changement de sujet de recherche, d´hypothèse ou de problématique. Si
le travail du chercheur constitue une activité intellectuelle créative et
enrichissante, il peut être aussi stressant et son exécution peut devenir
difficile. Sur ce, nous tenons à mettre l´accent ici sur trois grandes classes
de difficultés – dont on parle très peu – qui peuvent tout basculer si le
chercheur ne se montre pas tenace, méthodique, méticuleux, objectif et
concentré sur son travail afin de parvenir à la réalisation de son rêve, car,
un chercheur, comme le souligne Luís Rey (1993), est quelques fois pris pour un
rêveur.
La première classe de difficultés auxquelles le
chercheur doit faire très attention et dont il doit faire une gestion stricte
et organisée est celles qui s´articulent, dans un premier temps, autour des
problèmes d´ordre personnel et affectif de plusieurs types notamment ceux qui
ont rapport à l´émotion, à la motivation et à la concentration du chercheur, et,
dans un second temps, ceux qui touchent à son entourage intellectuel et amical
aussi bien qu´à l´ambiance familiale dans laquelle se dérouleront ses activités
de recherche.
En second lieu, si le chercheur ne fait pas très attention, certains éléments dans les enquêtes sociologiques, les contacts et les rencontres de toutes sortes peuvent le surprendre quand il s´investit à fond sur le terrain de la recherche. N´étant donc pas des surprises, et, faisant partie inter de la recherche, leur maîtrise et leur gestion ne seront pas chose tout à fait difficile pour ce dernier. Néanmoins, c´est par son objectivité, son esprit d´équipe, sa conviction, sa constance, sa détermination, sa tenacité, sa perspicacité, sa consistance et sa persévérance qu´il pourra surmonter les obstacles imprévisibles qui le saisissent.
En second lieu, si le chercheur ne fait pas très attention, certains éléments dans les enquêtes sociologiques, les contacts et les rencontres de toutes sortes peuvent le surprendre quand il s´investit à fond sur le terrain de la recherche. N´étant donc pas des surprises, et, faisant partie inter de la recherche, leur maîtrise et leur gestion ne seront pas chose tout à fait difficile pour ce dernier. Néanmoins, c´est par son objectivité, son esprit d´équipe, sa conviction, sa constance, sa détermination, sa tenacité, sa perspicacité, sa consistance et sa persévérance qu´il pourra surmonter les obstacles imprévisibles qui le saisissent.
Un troisième type de difficultés ne peut ne pas
attirer notre attention, il s´agit de celles relatives à l´inaccessibilité aux
documents, données et informations importants strictement et directement liés
au thème de la recherche. Ces derniers types de difficultés peuvent – et il se
doit de l´être ainsi de toutes les façons – être compensés par une certaine
approche générale en intégrant le phénomène étudié dans une dimension sociologique
totale globale. Sur ce, on peut dire qu´en plus qu´elles font partie intégrante
de la recherche, et, en dépit des tonnes de stress quelques fois insupportables
qu´elles apportent, les difficultés peuvent aussi transmette au chercheur de la
maturité intellectuelle, de la force morale et de la foi scientifique dans sa
démarche.
Comme tout étudiant-chercheur, nous avons, nous
autres aussi, confronté à ces difficultés et celles-ci remontent même, d´un
point de vue personnel, à notre voyage marqué par des scènes inattendues. Tout
travail de recherche scientifique commence quelque part. Ce quelque part n´est
pas forcément là où les enquêtes, les consultations bibliographiques, les
interviews formelles comme informelles, les rencontres, les contacts, les
collectes de données se débutent, autrement dit, si ce début ne renvoie pas nécessairement
à se jeter dès les premiers instants dans les travaux de recherche, alors il
peut concerner au premier abord les trajets du voyage parcourus avant d´arriver
sur les lieux de la recherche afin de la démarrer activement. Les travaux de
recherche scientifique ont des rapports étroits sur le plan psychologique aux
états mental, spirituel, émotionnel, motivationnel et affectif du chercheur. Pour
cela, dans le cadre de ce rapport de travail, nous aimerions remonter aux
difficultés affectivo-motivationnelles qui ont failli compromettre notre
travail et montrer par quelles stratégies elles ont été surmontées.
Sur ce, le présent rapport comprend trois grandes
parties. La première présente les différentes activités développées suivies,
dans la seconde, par leur bilan qui est une sorte d´autoévaluation à la fois
subjective et objective. La troisième partie, qui occupe la plus grand part de
ce rapport, fait état des difficultés de toutes sortes par lesquelles nous
avons passé et la manière dont nous les avons affrontées. Celles-ci seront
abordées sous plusieurs angles. Dans un premier temps, afin de comprendre la
nature diversifiée des difficultés qui peuvent avoir des impacts sur la
recherche scientifique, nous commençons par celles d´ordre
affectivo-motivationnel, c´est-à-dire celles me concernant plus directement et
personnellement au premier chef, et, pour avoir pris naissance dans le cadre de
notre projet de voyage, nous pensons qu´il est fondamental de leur accorder ici
une attention particulière. En second lieu, nous allons traiter des problèmes
rencontrés tant avec les institutions privées qu´avec les institutions
publiques qui –, la majorité d´entre elles bien entendu –, après avoir reçu des
lettres de demande de documents et d´interviews en vue de leur participation à
la recherche, ont choisi de bouder nos invitations.
Si
le troisième type de difficulté de la recherche concerne les maintes tentatives
réalisées pour rencontrer plusieurs membres des groupes armés, question de les
interviewer en tant qu´acteurs centraux du phénomène des conflits armés, le
quatrième rend compte des difficultés d´ordre méthodologique et épistémologique
de la recherche, qui prennent en compte les enquêtes sociologiques (interviews,
entretiens[1],
rencontres, enquêtes de terrains et collectes de données) et l´accès aux
documents (livres, articles, commentaires...) traitant théoriquement du
phénomène des conflits armés à Cité Soleil. Voilà pourquoi, tout au long du
développement de notre travail nous allons essayer d´insérer le phénomène des
conflits armés à Cité Soleil dans une approche socio-globale de la réalité
sociale, politique, économique du pays sans néanmoins l´écarter de ses aspects
particuliers. En guise de conclusion, nous parlerons des institutions publiques
et privées qui, dans une certaine mesure, ont valablement contribué à notre
recherche.
I.
LES
DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DÉVELOPPÉES SOUS FORME CHRONOLOGIQUE
1. Calendrier d´actitivés et plan
d´action
Une fois sur le sol d´Haïti, il fallait, sans plus
tarder, nous mettre au travail tout en nous préparant psychologiquement et
matériellement à entreprendre nos activités. Pour les démarrer, nous avons
d´abord commencé par établir un calendrier d´activités et un plan d´action.
Ceux-ci doivent nous permettre de suivre méticuleusement et méthodiquement les
différentes phases dans l´exécution des travaux de recherche. Ce calendrier
d´activités était conçu en six phases comme le montre le tableau suivant:
Data
|
Tipo de
atividade
|
12
de janeiro a 12 de fevereiro
|
I.
Fase de
observação exploratória
1.
Mapeamento das associações sociais, humanitárias,
religiosas, políticas e ONG que atuam em Cité Soleil
2.
Identificação e caracterização dos grupos armados
3.
Localização socio-geográfica das zonas de
violência em Cité Soleil
4.
Identificação geográfica dos lugares de culto
5.
Descrição das atividades políticas, sociais,
religiosas, culturais e econômicas em Cité Soleil
|
13
de fevereiro a 13 de março
|
II.
Fase de
pesquisa documental
1.
Pesquisa de livros históricos sobre Haiti e Cité
Soleil a partir de 1990
2.
Busca de Jornais e revistas sobre as violências em
Cité Soleil
3.
Consulta do plano de desenvolvimento de Cité
Soleil
4.
Consulta do plano de segurança e de organização
socio-espacial de Cité Soleil
5.
Verificação dos programas governamentais
6.
Seleção e classificação das obras mais pertinentes
e importantes
|
14
de março a 14 de abril
|
III.
Fase de
atividades intelectuais
1.
Leitura das obras
2.
Resumo e fichamento
3.
Relatório de leitura
4.
Produção intelectual
5.
Palestra
|
15
de abril a 15 de maio
|
IV.
Fase de
entrevistas
1.
Com os líderes políticos
2.
Com os atores religiosos
3.
Com os atores sociais
4.
Com os atores humanitários e ONG
5.
Com os habitantes previamente identificados nas
zonas conflituosas
|
16
de maio a 16 de junho
|
V.
Fase de
Inquérito de proximidade de opinião
1.
Na população
2.
Dentro algumas Igrejas
3.
Em algumas outras zonas de violência armada como
Martissant, Simon Pelé e outras visitadas.
|
17
de junho a 12 de julho
|
VI.
Fase de
tentativa de encontros com:
1.
Associações civis e políticas
2.
Ministro da justiça
3.
Ministro das coletividades territoriais
4.
Chefe da policia em Cité Soleil
5.
Chefe da Minustah em Cité Soleil
6.
Grupos de pesquisa na UEH
7.
Grupos armados (se possível)
|
Tableau 1. Source: L´auteur
Pour y parvenir, nous avons eu
comme plan d´action: réaliser d´abord la phase observatoire et exploratoire du
phénomène susceptible de nous donner une première lecture de celui-ci; élaborer
la liste des institutions (publiques et/ou privées) que nous avons l´intention
de contacter et de rencontrer, faire une sélection préliminaire, par thème de
recherche, les ouvrages à consulter dans des bibliothèques où ils se peuvent
être accessibles, camper à cet effet un calendrier de lecture tant à domicilie
que dans les centres de documentation tels que la Bibliothèque Nationale
d´Haïti et la Bibliothèque de la Faculté d´Éthnologie[2] où
nous nous rendions souvent, enfin, concevoir un plan stratégique qui nous
permettra de rencontrer les organisations sociales et politiques, les acteurs
religieux, les groupes armés et autres entités intéressées par la recherche.
Le 12 janvier, c´était la
commémoration des victimes du séisme du 12 janvier 2010. Le vendredi 13 et le
samedi 14 janvier 2017, nous avons effectué une visite dans la commune de Cité
Soleil. L´objectif de celle-ci était de tester le terrain ainsi que sa
fragilité rappelant que ce lieu qui représente notre champ d´expérimentation
empirique et scientifique du phénomène des conflits armés reste pendant
longtemps le manifeste de l´Haïti enfouie dans la crasse, la violence, la
misère, la criminalité et l´insalubrité, une zone controlée par des bandes
armées qui détiennent droit de vie et de mort sur toute une population. Dès
notre arrivée, en nous mettant dans une posture de journaliste, nous nous
mettions à sillonner la zone et nous avons constaté que, effectivement, des
changements s´y sont opérés depuis que nous avons quitté le pays.
Ce qui signifie que nous nous
sommes promptement mis au travail en organisant d´abord notre emploi du temps.
Définir un plan et un calendier d´activités revient à faire une gestion
rationnelle de notre séjour qui ne doit excéder 6 mois. La première semaine y a
par conséquent été consacrée. Aussitôt le plan et le calendrier terminés, nous
commençions par entreprendre les contacts d´une part avec les principales
institutions étatiques concernées par nos collectes de données, comme, par
exempl, la Mairie de Cité Soleil, la Police Nationale, la Minustah, la Sécurité
Publique, d´autre part avec les groupes sociaux, les organisations politiques
et les sujets armés regroupés cette fois sous le nom de fondation. L´ordre
chronologique qui suit représente tout simplement un condensé des travaux exécutés
dans le temps et dans l´espace, mais il ne traduit pas leur exécution
systématique.
2. Les travaux exécutés en ordre
chronologique
2.1.Phase
1: Observation exploratoire: Du vendredi 13 janvier au 31 janvier 2017[3]:
Les premiers instants
Les trois dernières semaines du
mois de janvier ayant suivi notre arrivée sur la terre d´Haïti ont été
consacrées à des tâches multiplex: organiser notre agenda, établir les contacts
en mettant sur pied un planing afin de voir dans quelle mesure il est possible
de rencontrer les personnes physiques et morales concernées par notre recherche
parmi lesquelles les personnalités politiques (le maire et le député), le
commissaire de police de la Cité Soleil, la justice, les institutions privées et
les organisations sociales et politiques opérant dans cette commune. Dans un
second temps, comme activité parallèle, nous nous mettions à observer
l´environnement dans lequel nous allions travailler afin de pouvoir lier
connaissance aux réalités (anciennes comme nouvelles) qui nous attendent.
2.2.Phase
2: Documentation et lecture: 1er mars au 30 mars: Début des consultations
bibliographiques
Le mois de mars a été l´un des plus
intenses, car il a marqué le début des recherches bibliographiques[4].
Il s´agissait de trouver des livres et documents dans les différents centres de
documentation dans le pays qui traitent des thèmes tels que: violence,
criminalité, conflit social, environnement criminogène, politique
gouvernementale de gestion des conflits armés etc. Nous avons donc commencé par
établir un calendrier de fréquentation des bibliothèques comme la Bibliothèque
nationale d´Haïti (BnH), celles des facultés d´éthnologie et des sciences
humaines[5].
2.3.Phase
3: Sillonnage et entretiens: 1er février au 29 février 2017: Première prise de
contact avec les organisations sociales, politiques et culurelles ainsi que les
institutions religieuses.
En février, nous avons entamé une
sorte de géolocalisation cartographique des organisations sociales, politiques
et culturelles qui évoluent à Cité Soleil. Il fallait s´enquérir sur leur
secteur d´activités, leur mode de fonctionnement, les activités qu´elles
organisent et sur la façon dont elles participent dans le processus de paix
ayant suivi les conflits armés. Nous avons, par ailleurs, rendu visite à
quelques églises de la place où nous avons rencontré des leaders religieux.
2.4.Phase
4: Contacts institutionnels: 1er avril au 31 mais: Acheminement des demandes de
documents aux institutions concernées par la recherche
En fait, depuis en mars certaines
institutions avaient déjà été formellement informées de notre demande de
documents. Mais, les mois d´avril et de mai, en mettant tout en oeuvre pour y
parvenir, ont vu accélérer nos correspondances avec les institutions publiques
et privées touchées par les problématiques de notre recherche. Il y en a même
qui ont reçu des lettres de demande d´interview sur la situation de la sécurité
nationale, ce fut le cas, par exemple, de la Secrétairie d´état à la sécurité
publique. Certaines nous ont accordé quelque rendez-vous tandis que d´autres
restaient fermées dans leur silence. Entre temps, en attendant d´être contacté,
nous nous sommes rendu à Cité Soleil pour continuer le sillonnage prendre quelques
images.
2.5.Phase
5: Enquêtes de terrain: 18 mars au 14 juin
Si timidement nous avions, dès le
mois de janvier, commencé à faire quelques enquêtes de terrain et des interviews
au sein de la communauté de Cité Soleil en abordant plus précisément les chefs
d´organisations sociales, politiques et leaders religieux, les mois d´avril, de
mai et de juin ont été consacrés aux enquêtes et interviews de façon plus
intense et féconde afin de pouvoir recueillir les opinions de la population et
de ces acteurs sur le phénomène des conflits armés à Cité Soleil.
2.6.Phase
6: Organisation des matériels: 15 juin au 11 juillet: Dernière ligne droite des
activités
Les mois de juin et juillet étaient
très agités parce que non seulement ils marquaient les dernières lignes droites
de la recherche, mais surtout parce que nous nous approchions vers la fin de
notre séjour. Néanmoins, cette dernière phase était dominée par la récapitulation,
la révision, l´évaluation et le classement des matériels obtenus. Par ailleurs,
même le jour de notre départ, le 12 juillet, nous avons dû nous rendre à la
Direction Générale de la Police nationale d´Haïti qui, nous ayant promis
quelques statistiques de la PNH sur ses actions à combattre les violences
urbaines et l´insécurité, na pas pu malheureusement honorer ses promesses.
3. En ce qui concerne les enquêtes de
terrain, les interviews et les collectes de données
L´enquête de terrain – très
importante pour un travail de recherche en sociologie – malgré les difficultés
qui l´enveloppent, représente à elle seule, surtout dans le cas qui concerne
Cité Soleil, une étape colossale à franchir parfois pour remédier à la
faiblesse, à l´incapacité ou à l´involonté des institutions publiques
haïtiennes à nous fournir informations, documents et données statistiques
nécessaires et fiables, aux lacunes des centres de documentation à se procurer
de livres traitant du sujet en question. Elle consiste, sans prétendre remplacer
les données statistiques d´une quelconque institution, l´IHSI, par exemple, à
aller rechercher auprès de la communauté concernée les informations dont les
institutions ationales se seraient rendues incapables ou impossibles de nous
communiquer. En effet, le travail de terrain que nous avons réalisé à Cité
Soleil était compris entre plusieurs étapes: observation préliminaire du
phénomène, exploration, prise de contact, collecte de données. Il était donc
impératif de nous transporter personnellement et physiquement sur le terrain
afin d´interviewer les habitants sur le phénomène de conflits armés et de
changement social qui s´opère dans ce grand bidonville dans le but de les
analyser minutieusement. Ainsi, l´enquête de terrain aurait, en quelque sorte,
pour rôle de compenser les lacunes documentales relatives au sujet de la
recherche.
L´interview qui occupe une place aussi
importante que l´enquête de terrain dans la recherche sociologique était quant
à elle dans une grande impasse en ce sens que, certains acteurs politiques,
religieux et sociaux; citoyens ordinaires; notables; chefs d´organisations
sollicités avaient refusé de nous accorder des interviews explicites et
formelles sur la situation des conflits armés à Cité Soleil. Dès qu´on leur
propose d´obtenir d´eux une interview en toute confidentialité, ils recullent[6] et
se referment sur eux-mêmes. Or, ils ne se gênent pas à parler en circuit fermé
de Cité Soleil, de ses jours passés à la fois glorieux et affreux, de ses
bandes armées, des violences collectives qui le paralysent moyennant que cela
se fasse en toute discrétion et reste dans le cadre d´une simple conversation
amicale ordinaire. De plus, il est important de ne pas mentionner que
l´interview sera enregistrée et que sa formalité servira aux fins exclusives
d´une recherche scientifique. Néanmoins, certains d´entre eux se sont montrés
très coopérants en comprenant les raisons et le bien fondé de notre recherche.
C´est ainsi que nous avons pu réussir à faire quelques interviews. De ce fait,
une interview informelle – disons plutôt une conversation occasionnelle,
spontanée ou amicale – devient plus propice et a plus forte chance de réussir
qu´une interview formelle clairement sollicitée.
Enfin, la collecte de données et de
documents était un autre casse-tête: beaucoup d´institutions concernées de la
sécurité nationale, de la justice et de la gestion politique des conflits armés
dans les zones vulnérables comme Cité Soleil refusent – sans en invoquer les
raisons – de mettre à notre disposition les documents afin de produire une
analyse beaucoup plus approfondie du phénomène. Si certaines ont formellement
donné une fin de non recevoir à nos requêtes en le faisant par écrit, d´autres
ont froidement choisi de faire silence en ne nous communicant pas les raisons
de leur refus de nous aider dans la quête des données[7].
Ce qui, à coup sûr, aura un certain impact sur le développement de la thèse vu
que nous allons devoir recourir à d´autres sources corolaires pour traiter et
analyser un phénomène à caractère national, communal et communautaire[8].
Toutefois, nous avons pu quand bien même recueillir beaucoup de données,
d´informations et de documents que ce soit à travers nos enquêtes de terrain,
que ce soit par les interviews que nous avons réalisées de façon formelle ou
informelle évitant ainsi que la thèse soit totalement boycottée.
II.
BILAN
DES ACTIVITÉS DE TRAVAUX DE RECHERCHE
Le bilan consiste à faire une autoévaluation à
la fois subjective et objective des activités concrétisées. Le bilan présenté
ci-dessous traduit les hauts et les bas, le niveau de satisfaction et
d´insatisfaction du travail de recherche à Cité Soleil, lequel travail nous a
permis de découvrir une autre facette de ce grand bidonville caractérisé aujourd´hui
par le calme et la paisibilité. Les affrontements violents et armés ont
considérablement diminué. Ils ne sont plus visibles, se font de plus en plus
rares et se conjuguent désormais au passé. La finalité de ce bilan à trois
volets: bilan de toutes les activités, bilan des enquêtes et bilan des
interviews est de faire ressortir notre propre appréciation critique sur le
travail concrétisé. Ainsi, dans le Tableau
2 ci-après le niveau de satisfaction est évalué de la manière suivante: de
0-4 (insatisfait), de 5-7 (satisfait) et de 8-10 (très satisfait)[9].
1. Bilan général des différentes activités réalisées
Date
|
Nature
de l´activité
|
Objectif
|
Lieu
|
Réalisation
|
Évaluation
|
16-1-2017
au 23-1-2017
|
Sillonnage
de certains quartiers de Cité Soleil
|
Prendre
la tension de la zone
|
Cité
Soleil
|
V
|
8
|
13-2-2017
|
Consultation
du Nouvelliste (Janvier – Mars 1990)
|
Vérifier
un événement qui s´est déroulé dans cette date
|
Bibliothèque
nationale d´Haïti
|
V
|
8
|
4-3-2017
|
Visite
au Service de Finance locale du MICT
|
Nous
renseigner sur le budget de Cité Soleil
|
Pacot
|
V
|
3
|
4-3-2017
|
Rencontre
avec le Cercle Culturel des Amis de la Paix
|
Connaître
les organisation sociales
|
Cité
Soleil-Lintho 1
|
V
|
8
|
8-3-2017
|
Rencontre
avec OPAM
|
Connaître
les organisation sociales
|
Cité
Soleil-Duvivier
|
V
|
8
|
9-3-2017
|
Visite
à la DDO
|
Nous
renseigner
|
Champ
de Mars
|
V
|
8
|
10-3-2017
|
Visite
au MAST
|
Nous
renseigner
|
Av.
Charles Summer
|
V
|
7
|
10-3-2017
|
Visite
au Secrétaria à Sécurité Publique
|
Nous
renseigner
|
Turgeau
|
V
|
7
|
18-3-2017
|
Rencontre
avec le Prof. Manedas
|
Discuter
du thème de la violence
|
Champ
de Mars
|
V
|
8
|
25-3-2017
|
Rencontre
avec le pasteur de l´église Weslyenne
|
Comprendre
comment les églises se sont comportées pendant les conflits et quels impacts
ils ont eu sur elles
|
Cité
Lumière-Cité Soleil
|
V
|
7
|
25-3-2017
|
Rencontre
avec CHAM
|
Connaître
les organisations sociales
|
Soleil
19-Cité Soleil
|
V
|
8
|
27-3-2017
|
Rencontre
avec plusieurs organisations sociales et politiques, des leadeers
communautaires
|
Parler
des violences armées à Cité Soleil
|
Hopital
Sainte Cathérine-Cité Soleil
|
V
|
8
|
30-3-2017
|
Rencontre
avec OPJED
|
Connaître
les organisations sociales
|
Soleil
22-Cité Soleil
|
V
|
8
|
1-4-2017
|
Présentation
d´une conférence sur la comparaison entre Cité Soleil et les favelas
brésiliennes
|
Présenter
une conférence
|
Hopital
Sainte Cathérine-Cité Soleil
|
V
|
8
|
1-4-2017
|
Interview
avec Yonel, houngan
|
L´interviewer
sur le rôle du vodou dans les conflits armés
|
Soleil
17-Cité Soleil
|
V
|
9
|
7-4-2017
|
Visite
à la DGPNH
|
Nous
renseigner
|
Pétion-Ville
|
V
|
5
|
8-4-2017
|
Interview
avec pasteur Profaite Médéus, Église Chrétienne des Cités
|
L´interviewer
sur le rôle des religions dans les conflits armés à Cité Soleil
|
ECC-Cité
Soleil
|
V
|
9
|
4-5-2017
|
Rencontre
avec um responsable de la AVSI
|
Nous
renseigner sur le rõle des ONGs dans les conflits armés
|
Ruelle
Volcy-Cité Soleil
|
V
|
7
|
5-5-2017
|
Rencontre
avec FOFADEM
|
Connaître
les organisations sociales et politiques
|
Cité
Soleil
|
V
|
4
|
8-5-2017
|
Interview
avec Venel Jean, Directeur de l´école Salnave Jean
|
Parler
de la vision des éducateurs des conflits armés
|
Cité
Soleil
|
V
|
7
|
5-5-2017
|
Interview
avec pasteur André Jean Ebaniste, Pasteur de l´église pentecotiste
|
Parler
du rôle des religions dans les conflits armés et de leurs impacts sur elle
|
Cité
Soleil
|
V
|
6
|
5-5-2017
|
Interview
avec Saintiny Jean Sorel, éducateur
|
Parler
des conflits armés à Cité Soleil
|
Soleil
5- Cité Soleil
|
V
|
7
|
6-5-2017
|
Interview
avec le juge Oreste Félix
|
Aborder
les dossiers de la justice
|
Boston-Cité
Soleil
|
V
|
8
|
9-5-2017
|
Rendez-vous
au Ministère des Cultes avec le DG
|
Rencontrer
le DG Evens Souffrant sur la lettre de demande de documents[10]
|
Delmas
75
|
V
|
0
|
16-5-2017
|
Interview
avec pasteur Holly Chery, pasteur de l´Église de Jésus-Christ Matthieu 16:18
|
Parler
du rôle des religions dans les conflits armés et de ses impacts sur elle
|
Boston-Cité
Soleil
|
V
|
8
|
9-5-2017
|
Interview
avec pasteur Frantzy Roméus, pasteur de l´église Mission coréenne Love and
Hope
|
Parler
du rôle des religions dans les conflits armés et de ses impacts sur elle
|
BLVD
Soleil-Cité Soleil
|
V
|
8
|
14-5-2017
|
Rencontre
avec différents membres de l´Église Chrétienne des Cités
|
Les
interviewer sur leurs activités religieuses
|
ECC-Cité
Soleil
|
V
|
8
|
15-5-2017
|
Interview
avec Charles Rostant, éducateur
|
L´interviewer
sur les conflits armés
|
Soleil
14-Cité Soleil
|
V
|
7
|
21-5-2017
|
Interview
avec pasteur Bruno Bernnard et Fr. Dovaine Chery, ECC
|
L´interviewer
sur les impacts des conflits sur les églises
|
ECC-Cité
Soleil
|
V
|
7
|
22-5-2017
|
Interview
avec pasteur Joseph Jean Enock
|
L´interviewer
sur l´histoire de Cité Soleil et faire une radiographie des conflits armés
|
Sarthe-Mairie
de Cité Soleil
|
V
|
8
|
25-5-2017
|
Interview
avec pasteur Mercier, pasteur Milrick Jean Noel, ECC
|
L´interviewer
sur les impacts des conflits armés sur les églises
|
ECC-Cité
Soleil
|
V
|
8
|
16-5-2017
|
1ère
suivi administratif de notre lettre à la DGPNH
|
air
ele suivi de notre lettre à la DGPNH
|
Pétion-Ville
|
V
|
2
|
23-5-2017
|
2ème
suivi administratif de notre lettre à la DGPNH
|
suivi
administratif de notre lettre à la DGPNH
|
Pétion-Ville
|
V
|
2
|
22-5-2017
|
Interview
avec pasteur Pierre Altès, église Baptiste directe mondiale
|
L´interviewer
sur les impacts des conflits sur les églises
|
Varreux
I-Cité Soleil
|
V
|
7
|
30-5-2017
|
Rencontre
avec Cherlyne de l´Hopital Sainte Cathérine
|
Chercher
les statistiques sur les blessés par balles au cours des conflits armés
|
Hopital
Sainte Cathérine-Cité Soleil
|
V
|
7
|
30-5-2017
|
Interview
avec Iscar, Fondation Siloé
|
L´interviewer
sur les conflits armés à Cité Soleil
|
Bélékou-Cité
Soleil
|
V
|
9
|
1-6-2017
|
Interview
avec Olritch, Fondation Gabriel
|
L´interviewer
sur les conflits armés à Cité Soleil et l´activité de la fondation
|
Soleil
15- Cité Soleil
|
V
|
9
|
8-6-2017
|
Interview
avec Frantzy et Frantz, Fondation Sabathem
|
L´interviewer
sur les conflits armés à Cité Soleil
|
Boston-Cité
Soleil
|
V
|
9
|
31-5-2017
|
3ème
suivi à la DGPNH
|
Faire
le suivi
|
Pétion-Vill
|
V
|
2
|
12-6-2017
|
4ème
suivi à la DGPNH
|
Faire
le suivi
|
Pétion-Vill
|
V
|
2
|
14-6-2017
|
5ème
suivi à la DGPNH
|
Faire
le suivi
|
Pétion-Vill
|
V
|
5
|
14-6-2017
|
Interview
avec Anthony, éducateur
|
L´interviewer
sur les conflits armés à Cité Soleil
|
Bélékou-Cité
Soleil
|
V
|
9
|
22-6-2017
|
6ème
suivi à la DGPNH
|
Faire
le suivi, par téléphone
|
Pétion-Vill
|
V
|
2
|
29-6-2017
|
Visite
à JILAP
|
Demander
des documents sur la violence et l´insécurité
|
Champ
de Mars
|
V
|
8
|
7-7-2017
|
Visite
à l´hopital Sainte Cathérine
|
Recevoir
les statistiques sur les blessés par balles
|
Saint
Cathérien-Cité Soleil
|
V
|
8
|
Tableau
2. Source: L´auteur
2. Bilan d´exécution des enquêtes de
terrain
Date
|
Nom
|
Type
|
Lieu
|
Objectif
|
Évaluation
|
16
jan au 31 jan
|
Dénombrement
des églises
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Dénombrer
certaines églises à Cité Soleil
|
8
|
1º
fev. au 15 fev.
|
Les
événements de 2004-2006
|
Ouvert
et fermé
|
Cité
Soleil
|
Comprendre
comment les habitants de Cité Soleil ont vécu ces événments
|
8
|
16
fev. au 29 fev.
|
Perception
des gens armés par les habitants de Cité Soleil
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Enquêter
sur la façon dont les habitants de Cité Soleil perçoivent les individus armés
|
8
|
1º
mars au 15 mars
|
Processus
de formation des groupes armés
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Comprendre
le mécanisme de formation des groupes armés
|
8
|
16
mars au 30 mars
|
Gestion
politique des conflits armés
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Recueillir
les opinions des habitants de Cité Soleil sur la façon de l´État aurait géré
les conflits armés
|
8
|
31
mars au 14 avril
|
Mobilité
sociale des habitants de Cité Soleil vers d´autres zones
|
Fermé
|
Canaan,
Village Renaissance
|
Comprendre
pourquoi les habitants de Cité Soleil l´ont laissée.
|
8
|
15
avril au 29 avril
|
Rôle
des religions dans les conflits armés
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Recuillir
les informations sur le rôle des religions dans les conflits armés d ela part
des membres
|
8
|
30
avril au 15 mai
|
Rôle
des religions dans les conflits armés
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Recuillir
les informations sur le rôle des religions dans les conflits armés d ela part
des leaders religieux
|
8
|
16
mai au 16 juin
|
Situation
des conflits armés
|
Fermé
et ouvert
|
Cité
Soleil
|
Recuillir
les opinions sur la situations passée et présente des conflits armés à Cité
Soleil
|
8
|
17
juin au 30 juin
|
Statistiques
de fréquentation des croyants à l´églis em période de conflits armés
|
Fermé
|
Cité
Soleil
|
Comprendre
la fréquentation des croyants dans les activités religieuses em période de
conflits armés
|
8
|
Tableau
3. Source: L´auteur
3. Bilan d´exécution des interviews
Période
|
Nombre
d´interviews réalisées
|
Lieu
|
Type
|
Évaluation
|
18
mars au 30 mars
|
5
|
Cité
Soleil
|
Fermée
et ouverte
|
8
|
1
avril au 8 avril
|
5
|
Cité
Soleil
|
Fermée
et ouverte
|
|
2
mai au 30 mai
|
27
|
Cité
Soleil
|
Fermée
et ouverte
|
8
|
1
juin au 14 juin
|
3
|
Cité
Soleil
|
Fermée
et ouverte
|
8
|
Tableau
4. Source: L´auteur
III. LES DIFFICULTÉS DE LA
RECHERCHE
1. Les difficultés d´ordre
affectivo-personnel et subjectivo-motivationnel
Les premières difficultés de la recherche ont
commencé, sous un angle de disposition psychologique, mentale et
motivationnelle, à l´aéroport de Brasília où, le 10 janvier 2017 aux environs
de 1h30, je suis arrivé afin de prendre mon vol en direction d´Haïti. En effet,
parti de São Paulo, le 9 janvier, tout motivé, joyeux, gaie et déterminé, malgré
la longue durée du trajet, mon vol Brasília vers Port-au-Prince était fixé à
3h30 et l´embarquement devait débuter dans une trentaine de minutes. Me voici
en ligne pour retirer mon boading pass
lorsqu´un des responsables de la compagnie aérienne Copa Airlines m´approcha
pour me demander où est-ce que j´allais. Je lui ai répondu avec gaieté de coeur
que ma destination finale était Haïti. Ce fut en ce moment qu´il commença à
m´informer sur les nouvelles restrictions de bagages qui frappent la compagnie
sur la zone caribéenne plus particulièrement sur Haïti. Ayant strictement droit
à 32 kilogrammes, mes trois malettes en faisaient plus qu´une soixante dizaine.
En apprenant cela, le ciel vient juste de me tomber sur la tête!
Selon les toutes dernières informations qui venaient
juste de m´être communiquées et confirmées ce jour même du vol sur le comptoir
où je devais retirer mon boading pass,
il est arrivé que la compagnie aérienne Copa Airlines était en ce moment en
période d´embargo, ce qui lui empêchait par conséquent de permettre à ses
passagers de voyager avec des bagages additionnels comme cela est prévu dans
les règlements de la politique, ce, même s´ils se seraient disposés à payer
pour ces surplus de bagages. Nous sommes tombés des nus. Voyez donc de près la
scène! Une personne motivée, se sachant être consciemment en possession de
bagages additionnels pour lesquels il s´était déjà disposé bien avant de partir
à payer, et voilà qu´on vient de lui dire qu´ils ne pourront plus être
transportés. À notre grand étonnement, nos bagages étaient frappés
d´interdiction. Que faire alors dans un endroit où l´on est seul, sans aide,
sans secours, sans recours, et, en plus, très loin de chez soi? Dans un endroit
où personne ne veut rien entendre? En conséquence, la motivation, le
contentement, la joie, la gaieté et la sérénité qui nous animaient, tout ceci
nous a brusquement été enlevé.
Après de longues et vaines discussions tenues avec
les employés de la Copa concernant cette nouvelle politique de bagages qui ne
faisait que nous surprendre, ils ne voulaient absoluement rien entendre, ainsi
toute tentative de sortie de cette difficulté et de compromis n´a abouti à
aucun résultat. De plus, à 2h du matin aucun service de cargo ne fonctionnait,
alors comment payer pour les transporter en Haïti à travers des services
particuliers? Nous avions donc le choix entre laisser ces bagages puis
embarquer ou reporter le voyage, ce qui allait nous coûter des fortunes sur le plan
économique. De toutes les façons, nous étions entre l´enclume et le marteau.
Nous étions donc obligés de monter à bord en tant que dernier passager, privé
de nos deux malettes additionnelles. Elles ont été ainsi abandonnées dans
l´enceinte de l´aéroport de Brasília sur le pavé.
De Panama étant, où nous avons effectué une escale
de quelques heures, nous essayions de contacter quelques amis à Brasília et à
São Paulo question de leur demander de venir récupérer ces bagages, mais
c´était en vain: tous les trous nous étaient obstrués[11].
Plusieurs tentatives échouées, des appels téléphoniques placés sans succès,
l´heure de s´embarquer pour Haïti avance à grand pas, l´accès à l´internet
limité à une heure termine, ayant épuisé toutes les voies de recours qui nous
paraîssaient possibles: c´est à ce moment-là que nous nous sommes vraiement
rendus compte que nous venons de perdre ces deux malettes que nous ne retrouverons
plus jamais. Même si cet incident bouleversait notre pensée, nous tentions de
faire le vide dans notre esprit en nous convaincant nous-mêmes avoir laissé
derrière nous cet incident si malheureux.
Devant ce fait accompli, nous avons donc entrepris
de comprendre ce qui vient de se produire et décidé de tout oublier en puisant
dans la morale existentialiste la force de comprendre que la dimension
humano-existentielle de l´homme doit transcender les choses matérielles mises à
sa disposition comme usufruitier. Autrement dit, bien qu´importants et utiles
pour notre fonctionnement, les biens et les choses que nous possédons ne
doivent diminuer l´humanité qui est en nous ni éteindre sa flamme de motivation
qui nous ensorcelle. De plus, nous nous sommes ressourcés dans l´éthique de
conviction pour qu´un tel incident n´ait en aucune façon des conséquences
néfastes sur la recherche ni ne nous détourne des objectifs que nous nous
sommes fixés au préalable.
Il est 15h, nous sommes atteris à l´aéroport
Toussaint Louverture épuisé, fatigué et manque de sommeil. Nous y voilà sur
notre terre natale laissée il y a trois ans. En effet, notre arrivée en Haïti
s´est effectuée le 11 janvier 2017, et, bien que pétri et mortifié par la
fatigue, psychologiquement abattu par ce voyage qui nous a coûté des montagnes
en termes de dépense d´énergie physique et spirituelle, nous nous sentions très
déterminé. Il fallait rester motivé, fort et objectif tant sur le plan physique
et moral que spirituel et psychologique, il fallait aussi bien gérer notre
temps de séjour qui ne devait excéder 6 mois. Après deux à trois jours de
recul, de réflexion, de récupération, de concentration et de méditation, car il
fallait nous débarrasser – même partiellement et au plus vite que possible – de
ce passé fracassant et douloureux afin de nous mettre au travail. En fait, il
m´a fallu un grand effort moral de dépassement et de surpassement pour
amoindrir et atténuer les effets psychologiques de ces abus endurés avec
courage. Je devais donc m´armer d´audace, de constance et de perspicacité afin
de rester concentré sur l´objectif pour lequel je suis rentré en Haïti, celui
de réaliser des travaux de recherche en vue du développement et de la
préparation de la thèse.
Il convient de souligner que les difficultés
rencontrées au cours du voyage nous ont enlevé toute motivation spirituelle et
préparation psychologique au préalable tel qu´il nous fallait les recouvrer par
des exercices de méditation et de transcendance. Celles-ci ont toutefois
provoqué un léger retard dans le démarrage des travaux de recherche. Nous
avions l´impression d´être dexacé et désorienté. Ce ne sont pas seulement les
problèmes d´ordre méthodologique qui puissent compromettre à un travail de
recherche. Les obstacles peuvent avoir aussi des caractères
affectivo-personnel, psychologico-motivationnel, sentimental et émotionnel.
Même si la recherche correspond aux rigueurs
scientifique, théorique et méthodologique, elle repose également sur la santé
physique, spirituelle, mentale et psychologique du chercheur d´abord, ensuite
sur son environnement social, familial et culturel afin de bien mener les
travaux de recherches. De toute façon, il est appelé à faire face à d´autres
obstacles dont il saura par quelle stratégie les affronter. Si les états
mentaux et psychologiques du chercheur ne sont pas au point fixe, il sera
difficile de s´attendre à des résultats satisfaisants de la recherche.
Ainsi, il fallait, désormais, faire en sorte que ces
événements malheureux ne se sont jamais produits afin de nous consacrer aux
immences besognes qui nous attendent. Par ailleurs, nous devions nous préparer
également à d´autres obstacles éventuels qui peuvent subvenir tout au long de
la recherche. De ce fait, un plan d´action et un calendrier d´activités bien
fisselés ont été conçus, au moyen desquels nous avons commencé par créer une
liste d´institutions publiques et privées à contacter, à l´intérieur desquelles
nous espérons trouver des documents utiles et importants pour un meilleur
développement de notre recherche. Des difficultés y relatives ont surgi. En les
exposant ici, on va pouvoir constater le problème d´accès aux documents et
données au niveau des institutions publiques et privées haïtiennes – surtout
les médias privés – aussi bien que la privation pour ne pas dire la négation du
droit à l´information en Haïti.
2. Les difficultés relatives aux
contacts avec les institutions publiques
Les institutions publiques, qu´elles appartiennent
au secteur social, politique, économique ou culturel, qu´elles soient de
caractère national ou international, sont d´une très grande importance pour une
recherche qui veille à ce que ses sources soient officielles. En fait, toute
recherche scientifique digne de ce nom en nécessite, et, dans une société
démocratique, elles jouent un rôle de premier ordre en matière du droit à
l´information, autrement dit, le citoyen ne devrait pas avoir du fil à retorde
à trouver des informations auprès des institutions publiques. Car, non
seulement c´est grâce à elles qu´il est possible d´avoir des données
officielles – même si elles ne sont pas toujours fiables – sur un phénomène,
mais surtout les versions officielles des faits c´est elles qui les détiennent
et c´est elles qu´on peut soumettre à une analyse critique.
Vous vous imaginez un seul instant le dégat que
pourrait provoquer l´absence ou le dysfonctionnement d´une institution comme
IHSI[12] –
chargée de fournir toutes les données statistiques à caractère démographique,
social, politique, économique et religieux sur l´ensemble du territoire – ou
encore son refus à les mettre à la disposition du public en privant le citoyen
de son droit à l´information? Dans les pays où la corruption se fait
visiblement, l´information est monayée, ainsi, le droit à l´information devient
une vaine expression qu´on aura beau chanter sur tous les toits. Sur ce, quand
les institutions publiques laissent à un citoyen-chercheur le choix de se fier
aux autres sources – généralement les rumeurs et les informations non
officielles – elles se remettent elles-mêmes en cause et laissent planer sur
elles de véritables suspiçions.
S´il s´avère que dans les pays très développés la
règle veut que l´appareil institutionnel et administratif soit fonctionnel et
dynamique pour répondre au besoin du citoyen surtout en matière d´information,
en Haïti cette règle devient malencontreusement l´exception. L´accès aux
informations et documents officiels sont un véritable calvaire pour un
chercheur en Haïti, surtout lorsque ce dernier n´est pas disposé à donner des
pot-de-vins pour avoir les données et documents auxquels il a droit, surtout
lorsqu´il dénonce cette marchandisation du droit à l´information. Nous avons
ainsi rencontré des difficultés énormes de cette nature auprès des institutions
publiques et privées haïtiennes. Si certaines nous ont formellement fait part
de leur refus de nos demandes, d´autres n´ en ont fait aucun cas en restant
fermées dans leur silence. Avec les institutions internationales[13], le
résultat n´était pas moins catastrophique Ainsi, pour avoir contacté ces
institutions publiques, nous sommes en mesure d´évaluer leur niveau de
démocratisation en matière du droit à l´information, de déceler la
déliquescence et la faiblesse de celles-ci tant au niveau communal que
national, enfin, de classer celles qui, d´une certaine manière, ont contribué à
notre recherche.
2.1.
À la Mairie de Cité Soleil
Située à Sarthe sur la route nationale # 1, la
Mairie de Cité Soleil est la première si ce n´est la plus importante
institution publique avec laquelle il est important de collaborer dans le cadre
d´une telle recherche. De fait, c´est la première institution à laquelle nous
nous sommes dirigés, le lundi 16 janvier 2017, en vue d´obtenir quelques informations,
données statistiques et documents sur Cité Soleil, à savoir, son budget de
fonctionnement, sa répartition territoriale, la liste des quartties, celle des
organisations sociales et politiques, celle des ONGs , celle des lieux de
cultes agissant à l´intérieur de la cité aussi bien que l´opinion du nouveau
conseil municipal fraîchement élu sur le phénomène des conflits armés et la
situation socio-politique actuelle telle que nous venons de la découvrir. Ce
jour-là, nous y avons rencontré le Maire principal, grâce à la référence d´un
de nos frères qui y travaille.
Avec lui, une brève conversation d´une dizaine de
minutes s´est tenue sur le but de notre visite, la nature et le contenu de
notre recherche. Après cette conversation, nous n´avons rien eu en termes de
documents et de données, car selon celui-ci la Mairie a éte presque
dysfonctionnelle et a subi de sévères actes de vandalisme et de malversation
orchestrés par les anciennes équipes intérimaires nommées par l´ex-président
Michel Martelly entre 2014 et 2015 jusqu´aux dernières élections municipales de
2016. Toutefois, nous pouvons dire que la conversation avec le maire a été plus
ou moins avantageuse puis que nous avons pu l´informer de la recherche et
convenu avec lui une rencontre pas trop lointaine au cours de laquelle nous
aurons à aborder les sujets politiques, sociaux et économiques poignants
concernant Cité Soleil. Sur ce, un rendez-vous était marqué dans un espace
d´une semaine.
Nos premières démarches institutionnelles ayant
commencé à la Mairie de Cité Soleil où nous nous sommes brièvement entretenus
avec le Maire principal fraîchement élu, nous ont permis d´avoir une idée sur
le fonctionnement de cette municipalité. D´un point de vue descriptif, mis à
part les bureaux de chacun des trois maires et du chef du cabinet, elle
comporte plusieurs services notamment la comptabilité, le service des
collectivités territoriales et du développement, le service des cultes et des
religions, le service des affaires sociales, pour ne citer que ceux-là. Sa cour
et ses quelques espaces à l´intérieur sont toujours remplis de gens, du moins
lorsque nous nous y rendions. Étaient-ils tous des employés de la Mairie? Pour
certains, la majorité travaille à la Mairie, pour d´autres ceux et celles qui
viennent pour des services, des demandes d´emploi, des rendez-vous etc. s´entre
mêlent avec les employés qui portent des maillots de la mairie et quelque fois
un badge. Ceci ne suffit pas comme critère de distinction puisque des anciens
portent les même maillots. Pour d´autres encore il s´agit d´anciens employés de
la Mairie qui viennent pour se faire réintégrer.
En effet, selon la toute dernière information, la
nouvelle équipe municipale de Cité Soleil dans son souci de mettre de
l´"ordre" venait de mettre à pied une centaine d´employés qui,
dit-elle, n´ont jamais été figurés sur la feuille d´émargement de la Mairie et
faisaient l´objet des chèques zombis. La situation nous paraîssait quand bien
même inquiétante. Mais, il ne faut rien dramatiser, car c´est l´image que
projettent presque toutes les mairies se trouvant dans l´arrondissement de
Port-au-Prince: elles sont souvent bondées d´individus sans savoir distinguer
ceux qui sont employés et ceux qui ne le sont pas. Donc, à chaque visite,
voyant ces multitudes, il était non seulement difficile de les catégoriser
socialement, mais cette situation nous rendait surtout un peu inconfortable.
Or, pour des raisons qui nous demeurent jusqu´à
présent inconnues, ce rendez-vous a unilatéralement été reporté à plusieurs
reprises. La dernière fois que moi et le maire nous sommes vus nous avons parlé
de Cité Soleil, et, après m´avoir promis l´acccompagnement de la mairie, nous
nous sommes quittés en de très bons termes avec l´espoir d´obtenir très
prochainement l´interview sollicitée. En effet, après maintes tentatives sans
succès pour rencontrer le maire, il a finalement accepté de nous recevoir le 29
mars. Lorsque nous nous sommes présentés à son bureau, nous avons réitéré la
volonté d´avoir de lui cette interview. Aussitôt, il a brusquement changé
d´avis en refusant catégoriquement de nous accorder cette interview formelle
pour des raisons que nous ignorons jusqu´à présent[14].
Il en a profité pour nous renvoyer auprès de son responsable des affaires
sociales, une façon de nous esquiver et de se débarrasser de nous, car ce
service ne nous a pas apporté grand´chose. En fait, cette réaction n´était pas
différente de celle de plusieurs chefs d´organisations à Cité Soleil desquelles
nous nous sommes approchés en vue d´obtenir d´eux de façon formelle une
interview. S´ils acceptent de parler des conflits armés à Cité Soleil, ils le
font surtout dans un cadre informel, discrétionnaire, implicite et amical.
Malgré ce refus, nous avons manifesté plus d´énergie
et de détermination à poursuivre nos recherches et à continuer nos démarches
auprès des autres institutions publiques ou privées concernées. Entre temps, en
attendant que les nouvelles soient bonnes pour revoir monsieur le maire ainsi
que des possibilités pour contacter les personnalités politiques, religieuses
et sociales visées par notre recherche, nous nous sommes adonnés à la lecture
d´ouvrages traitant des conflits sociaux, des violences collectives, des
mouvements sociaux pendant que paralèllement nous réalisions une observation
exploratoire de la communauté de Cité Soleil afin de mieux saisir sa nouvelle
configuration sociale.
Au service des affaires sociales de la Mairie où
nous nous sommes rendus au cours du mois d´avril sous référence du maire
principal qui sait pertinemment que celui-ci est nettement dépourvu des
documents dont nous avons besoin, pas la moindre idée sur l´existence et le
fonctionnement des organisation sociales et des ONGs. En effet, d´une part, à
ce service, on nous a craché sèchement que la Mairie ne dispose d´aucune
statistique sur l´existence et le fonctionnement des organisations sociales et
des ONGs agissant dans les limites de ce grand bidonville à cause des
incompétenses dont les anciennes équipes municipales se serait rendue coupable
et de l´absence d´une base de données à ce propos. D´autre part, à celui de la
comptabilité où il nous fallait s´enquérir sur le budget et les recettes
communales de la Mairie, le même son de cloche. Ces services n´existent que de
nom.
Les accusations interpersonnelles sont monnaie
courante en Haïti pour s´innocenter ou se faire passer soit pour la victime
soit pour le meilleur. Une nouvelle équipe se justifie toujours de sa bonté, de
sa bonne volonté à servir ou de son éventuelle disponibilité à aider, mais tout
en acculant l´équipe précédente à son insu comme principal responsable de tout
ce qui lui empêche d´aider. Les causes principales qui expliquent ce
comportement c´est d´abord les irregularités électorales, les transitions
subséquentes et les crises politiques répétitives. La vérité c´est que les
institutions haïtiennes sont toujours très réticentes à fournir aux citoyens
haïtiens les informations dont ils ont besoin. Le droit à l´information n´est
que de nom pour ne pas dire qu´il n´existe pas en Haïti. Du moins, il est
réservé à une catégorie sociale ou à une classe d´individus bien déterminée
rappelant que l´exclusion sociale est quasiment la règle en Haïti au lieu
d´être l´exception.
Ainsi, à la Mairie, non seulement il ne nous a pas
été permis d´avoir une interview sur l´aspect politique des conflits armés dans
la cité avec un des trois membres du conseil municipal en tant qu´autorité à la
fois publique et politique – ce qui aurait été grandement souhaitable –, mais
surtout ne nous ont été fournis aucuns documents et données statistiques
importants et sérieux sur la cité. La Mairie de Cité Soleil, première
institution publique pour ne pas dire l´une des principales institutions
communales, où nous aurions dû obtenir les documents importants sur la cité au
profit de la recherche, a passé nettement à côté de nos attentes.
Cependant, la blamer sévèrement à cause de cela
serait un peu injuste et incohérent dans la mesure où cette déliquescence et
faiblesse institutionnelle en matière de documentation affectent au plus haut
niveau presque toutes les institutions publiques haïtiennes. Le poisson pourrit
par la tête. Si toutefois, il nous a été difficile d´avoir des documents écrits
sur la Cité Soleil comme nous le souhaitions, un membre du cabinet de la
Mairie, à la fois acteur religieux, social et politique, en fait, un homme à
multiples identités très influent et populaire, a bien voulu accepter de nous
accorder une interview. Par ailleurs, au service des religions et des cultes
nous avons pu obtenir un petit bout de papier manuscrit faisant office d´une
espèce de rapport statistique sur l´existence et le fonctionnement des lieux de
cultes à l´intérieur de la cité.
Devant la faiblesse de la Mairie à collaborer à
notre recherche, pour ne pas dire son involonté ou son incapacité, nous avons
dû recourir aux institutions nationales tout en espérant remédier à cette
situation. À cet effet, si des lettres de demande de documents étaient
incessamment acheminées à ces institutions publiques et privées: le Ministère
des Cultes, la Police Nationale d´Haïti, la Sécurité Publique, le Ministère des
Affaires sociales et du travail, le Ministère de la Planification et de la
Coopération Externe, la Radio Télévision Nationale d´Haïti, la Radio Télévision
Caraïbes, la Radio Télé Kiskeya, la Radio Télé Ginen, d´autres n´ayant pas
exigé de lettre ont été verbalement informées de notre recherche. Ce fut le
cas, par exemple, du Ministère de l´Intérieur et des Collectivités
Territoriales, institution de tutelle des mairies, chargée de leur gestion; de
la Mairie de Cité Soleil et du Tribunal de Paix de Cité Soleil.
2.2. Au Ministère de
l´Intérieur et des Collectivités Territoriales
Logiquement, c´est à ce ministère selon la loi de sa
création datée du 19 mai 1990, qu´il revient la mission de concevoir, de
definir et de concrétiser la politique du pouvoir exécutif en ce qui concerne
la tutelle des collectivités territoriales, l´immigration et l´émigration et la
protection civile. On peut dire qu´il est en outre responsable de valoriser les
projets et les initiatives des collectivités territoriales en matière
d´aménagement de leurs territoires et de fournitures de services publics. C´est
par son biais que celles-ci reçoivent la part d´investissement qui leur est
allouée dans le budget national[15]
étant donné que beaucoup d´entre elles accusent une certaine faiblesse en
matière d´autonomie financière. Il est donc chargé d´améliorer les finances
locales et la capacité de gestion des collectivités haïtiennes. Le système de
gestion politique de l´État haïtien étant extrêmement centralisateur fait que
les communes sont de plus en plus dépendantes de l´État central.
D´un point de vue général, les collectivités, qui
comprennent la section communale, la commune et le département, détiennent une
autonomie (administrative, financière, politique ou économique) beaucoup plus
nominative que réelle, car les communes à recettes fiscales extrêmement
faibles, celle de Cité Soleil, par exemple, ne peuvent compter que sur l´état central
afin de les assister par l´intermédiaire de ce ministère non seulement en
termes de dépenses administratives, mais encore pour les dépenses d´ordre
logistique et matériel répondant à leur fonctionnement. Si le principe veut que
les communes se prennent elles-mêmes en charge sur le plan financier et
administratif, cela arrive à quelques rares exceptions près[16]:
presque toutes les communes haïtiennes vivent une situation de dépendance
totale de l´état central. Donc, le MICT est la seconde institution publique que
nous avons contactée pour essayer de voir si les faiblesses enregistrées à la
Mairie de Cité Soleil pouvaient être corrigées.
Le MICT, par
le truchement de son Service de Finance Locale, auquel nous nous sommes adressés
lors de notre arrivée puisque c´est lui qui s´encharge de la question qui nous
préoccupe, n´a pas fait la différence. Bien au contraire, il nous a enfoncé le
clou dans le crâne lorsque, le 3 mars, il a facheusement rejeté notre demande
sous prétexte qu´il ne reçoit point les rapports de la mairie de Cité Soleil:
une municipalité hors norme et complètement irregulière dans la présentation
des rapports, a renchéri un des responsables avec lequel nous avons pris
contact. Dans un second temps, ce fonctionnaire publique par lequel nous avons
été reçu nous a fait savoir qu´il faut une autorisation expresse de la mairie
de Cité Soleil pour avoir les informations demandées sur son budget de
fonctionnement compte tenu de son autonomie. Quelle autonomie quand on sait
que, premièrement, c´est son ministère de tutelle, deuxièmement, cette mairie
n´est pas en mesure de fournir des chiffres sur son fonctionnement. Alors que
ce sont des données qui auraient dû être facilement disponibles au citoyen, les
demander prouve clairement une faiblesse institutionnelle en matière du respect
du droit du citoyen à l´information.
En nous exigeant ceci, il était clair que le
ministère n´était pas prêt à coopérer et nous renvoie à une tâche difficile
dont il sait pertinemment inaccomplissable. Malgré les nombreuses insistances,
le refus persiste. Alors, ayant tout compris, et, pour éviter de gaspiller le
temps à cause des déceptions essuyées là-bas, nous avons donc décidé de ne plus
nous y rendre pour des raisons suivantes. La distance de l´endroit où se trouve
le siège officiel du ministère était extrêmement loin par rapport au
centre-ville voire notre lieu de domicile; de plus, nous n´y avions rencontré
aucune volonté d´aide et d´appui de la part des responsables; le temps nous
pessurait, et, enfin, nous avions tellement d´activités qui nous attendaient et
auxquelles nous devions consacrer du temps que nous pensions qu´il fallait
mieux nous diriger vers d´autres institutions qui seraient plus ou moins
flexibles et disponibles à nous accompagner.
2.3. Au Secrétariat
d´État à la Sécurité Publique
Le Ministère de la Justice et de la Sécurité
Publique est composé de deux grands secrétariats: le Secrétariat d´État à la
Sécurité Publique et le Secrétariat d´État à la Justice. C´est au premier que
nous avons adressé notre demande de documents sur la sécurité publique à
l´échelle nationale, et, en particulier dans la commune de Cité Soleil. Ce
secrétariat est la principale institution chargée de la mise en application de
la politique du pouvoir exécutif en matière de sécurité publique. La sécurité est
d´abord un sentiment, un état mental et psychologique: il faut se sentir à
l´abri de tout danger, de tout risque dans l´environnement où l´on vit. C´est
la situation physique où l´individu a l´assurance de n´être exposé, en
particulier l´agression physique (Larousse). Sur le plan institutionnel est un
tout cannevanesque implicant différentes entités: la police, la justice, la
population et la société civile. Elle est publique, cela signifie que tout le
monde a le droit d´en jouir pleinement sans exclusion aucune. Ainsi, la
sécurité publique consiste en des stratégies et plans d´action mis sur pied par
les institutions policière et judiciaire afin de garantir la protection aux
citoyens en ce qui concerne leur circulation et leur mobilité sociale.
En ce qui concerne notre demande au Secrétariat
d´État à la Sécurité Publique, celui-ci avait sèchement répondu que les
documents qui lui sont demandés sur la sécurité publique sont des dossiers
classés. En ayant répondu de la sorte, cette institution a fait une très
mauvaise lecture du contenu de notre lettre. Une autre lettre de demande
d´interview lui a été acheminée dans l´objectif d´avoir les opinions du
secrétaire d´État sur la situation des conflits armés à Cité Soleil et ce que
prévoit ce secrétariat en matière d´actions et d´activités. Celle-ci,
contrairement à la première, n´a eu aucune suite favorable ou défavorable. Le
Secrétariat à la Sécurité Publique a ainsi donc décidé de classer sans suite
notre demande. Parmi les autres institutions publiques qui ont, ingénieusement,
choisi de bouder nos demandes c´est à la PNH et au ministère des cultes que
nous avons connus les déceptions les plus dures, car, chacune en qui la
concerne représente une épine dorsale de notre recherche.
En effet, si la première devrait nous fournir des
statistiques sur les actes de violence et de banditisme dans les zones
métropolitaines et ses environs y compris Cité Soleil, ainsi que les actions de
démantèlement des groupes armés menés par la police, la seconde aurait pour
tâche de nous aider à avoir des documents sur les différentes dénominations
religieuses appartenant spécifiquement à la commune de Cité Soleil, leur lieu
d´implantation et leurs activités, car, en principe c´est la seule institution
chargée de concéder des permis de fonctionnement à toutes les confessions
religieuses sur le territoire national. Sur ce, les deux, savoir, la PNH et le
ministère des cultes, constituent des institutions importantes pour notre travail.
2.4.
Le calvaire vécu à la PNH
Protéger et servir. Telle est la dévise de la PNH.
Mais protéger qui ou quoi? Servir qui ou quoi? De quelle famille ou classe
sociale doit-on être issu pour être servi et protégé par la PNH? Quelle doit
être la couleur de sa peau pour recevoir le "service" et la
"protection" fournis par la PNH? Quelle est la qualité de ce service
et de cette protection? Le mot service ici – sans besoin de parler de
protection – mériterait d´être mis entre mille guillemets. À la PNH, on nous a
tournés en rond, nous avons été victime d´une espèce de marronage administratif
ou institutionnel. Au lieu d´être servis, eh bien nous avons été desservis.
Paraissait-il que ma requête gêne, et que ce gêne d´y répondre clairement corresponderait
à sa pertinence. Ce gêne, semble-t-il, rongeait tellement l´esprit des
responsables de la PNH qu´ils n´ont recours qu´à cette technique de
découragement qui consisterait à nous faire passer d´institution en
institution, c´est-à-dire à fréquenter presque toutes les institutions
policières de la capitale jusqu´à ce qu´enfin aucune satisfaction ne soit
trouvée. Était-ce par méchanceté ou par ignorance? Peut-être les deux.
Néanmoins, ce que nous avons retenu,
c´est que compte tenu de la complexité, de la fragilité et de la
pertinence de notre sujet de recherche, le comportement de la PNH nous a
laissés comprendre qu´elle n´est pas prête à nous accompagner dans nos
démarches.
En effet, à la fin du mois de
février, nous avons rendu visite au commissaire de police de Cité Soleil pour
solliciter formellement de cette institution l´accès à des documents traitant
de la situation de la sécurité nationale et du climat de violence qui régnait à
Cité Soleil. L´agent que nous avons trouvé en poste nous a fait savoir que
cette demande doit être adressée à la DDO (Direction Départementale de
l´Ouest). Cette direction de la PNH est l´autorité hiérarchique immédiate de
tous les commissariats de police opérant dans le département de l´ouest. C´est
d´elle que relève la compétence de décider de la suite ou pas d´un dossier. De
ce fait, la lettre a formellement été déposée à cette direction le 17 mars. En
cette même date, plusieurs autres institutions ont elles aussi reçu
formellement une demande de documents parmi lesquelles nous aimerions
mentionner: la Radio Télévision Caraïbes, le Ministère des Affaires Sociales et
du Travail, le Secrétariat d´État à la Sécurité Publique. Exceptionnellement,
la Radio Télévision Nationale d´Haïti a eu la sienne le 16 mars.
Nos premières démarches ont commencé à la base de
UDMO (Unité Départementale de Maintien d´Ordre) située à Cité Soleil au
Carrefour appelé Boulevard Cité Soleil et au Commissariat de Cité Soleil situé
sur la route nationale #1. Dans chacune de ces institutions, les agents qui
nous ont reçus nous ont répété la même chose: une demande de telle envergure la
DDO, chargée de la coordination générale des activités policières dans le
département de l´ouest, doit être la première instance à en être informée. La
PNH en tant qu´une institution strictement hierarchisée, l´ordre de fournir un
quelconque document, fragil et sensible surtout, doit venir du haut
commandement, c´est-à-dire du supérieur hierarchique immédiat. Dans le cas du
commissariat et du sous-commissariat[17]
de la commune de Cité Soleil, leur supérieur hiérarchique serait la DDO.
La lettre acheminée à la DDO avait pour objectif de
demander à l´institution policière l´accès aux documents traitant de la
sécurité nationale et plus particulièrement des interventions de la police à
Cité Soleil, afin de les analyser aux fins de la recherche. Cette lettre n´a
reçu aucune suite favorable après plus de six semaines que la DDO l´a reçue. Le
jour où j´aurais dû recevoir une éventuelle réponse, à notre grand étonnement
le secrétariat nous a demandé de contacter de préférence l´Inspection Générale
de la PNH (IGPNH) sachant pertinemment que cette institution ne règle que les
affaires internes de la PNH. L´IGPNH est une police des polices et a pour rôle
d´inspecter sur la conduite et le comportement des policiers tant à l´intérieur
qu´à l´extérieur du corps policier en vue de les corriger et de le sanctionner pour
la bonne marche de l´institution policière. Une semaine plus tard, nous nous y
sommes rendus malgré tout.
À notre arrviée, la secrétaire nous a confirmé
réellement que l´Inspection générale n´est pas habilitée à se prononcer sur ces
genres de dossiers, car elle s´occupe de l´administration interne de la police
et est appelée à prendre des décisions sur la conduite et le comportement des
policiers les uns vis-à-vis des autres et sur leur relation avec la population,
alors il faudrait retourner voir la DDO qui est mieux habilitée à prendre une
décision dans le cas de notre demande. Ce que nous avons précipitamment fait le
même jour. En arrivant, c´est à ce moment là qu´un des agents dans la salle de
réception nous a chuchotté que les demandes de documents de ce genre –
extrêmement fragiles – deverait être adressée à la Direction Générale de la PNH
situé à Pétion-Ville. Entre temps, le jour de notre retour à la DDO, une
policière, membre du cabinet, a voulu nous restituer la lettre telle qu´elle
lui a été adressée. Nous avons donc refusé de la recevoir sans qu´une réponse –
positive ou négative – ne nous soit
accordée de la part de la PNH, ne serait-ce que pour nous servir d´archive.
Sous ce refus, la policière est piquée d´une grosse colère et m´a abandonné sur
la cour de la DDO. Ainsi, cette lettre,
comme tant d´autres d´ailleurs, est restée sans suite et sans réponse.
À la direction générale de la PNH on nous a informé
que c´est au service de communication de la PNH qu´il faut s´adresser, car
c´est lui qui garde dans les archives les rapports et reportages des
interventions de la PNH. Erreur grotesque! Car, personne ne sait vraiment qui
s´occupe de quoi. Le service de presse de la PNH n´a pas ces attributions qu´on
lui prête. Néanmoins, la responsable de ce service avec qui nous nous sommes
entretenu à la DGPNH a eu la sagesse et la déférence de nous introduire auprès
du secrétariat du commissaire divisionnaire, Carle Henry Boucher, qui, après
trois semaines d´attente, avait finalement accepté de nous recevoir et avec qui
d´ailleurs nous avons eu quelques échanges, mais dans un cadre informel. C´est
celui-ci qui devrait s´occuper de mon dossier. Au reste, cette conversation
s´est soldée par une recommandation à nous promulguée par ce dernier, qui
consiste à écrire directement à la direction générale qui, elle-même, décidera
de la suite du dossier. Car, même si, généralement, c´est lui qui traite ces
genres de dossiers, il doit tout de même obtenir par écrit l´autorisation du
DG. La lettre, ayant conservé tout son contenu et le même objectif, a donc été
acheminée à la DGPNH le 12 mai 2017.
Cette lettre est restée plus d´un mois sans aucune
suite normale. À chaque appel téléphonique placé, la même chanson: le DG est
tellement pris dans ses activités avec le gouvernement qu´il n´a pas le temps
de se pencher sur notre requête. Mis à part ces appels téléphoniques nous ne pouvons
évaluer le nombre de va-et-vient au siège central de la DGPNH, ce sans aucun
succès. Toutefois, nous tenions mordicus
à avoir ces documents par la persévérance et la tenacité dans notre démarche
accordant un minimum de bénéfice du doute à l´institution policière. Enfin, la
dernière ligne droite de la lettre était assurée par l´Inspecteur James Chérise
du cabinet de la Direction Générale, qui nous avait reçu avec respect en nous
remettant une revue de la PNH qui venait juste de paraître appelée Securitas dans l´espoir que celle-ci
peut nous être utile.
Malheureusement, à la dernière minute, il a dû s´en
décharger à cause de son indisponibilité en la confiant à un autre inspecteur
dont le nom nous échappe et que nous n´avons jamais rencontré jusqu´à notre départ
d´Haïti. Le 11 juillet, soit un jour avant cedit départ, nous nous sommes
présentés à la DGPNH, le nouvel inspecteur chargé de la suite du dossier
n´étant pas présent, la secrétaire nous a demandé de prendre un autre rendez-vous
pour demain, soit le 12 juillet, le jour même de notre sortie du pays. Nous
avons accepté sans hésiter sachant que c´est notre dernière chance. Il ne
valait plus la peine d´y aller car nous avons été roulés dans de la farine. En
fait, en nous ayant ainsi joués comme du toupis, la PNH a râté l´occasion de
faire partie d´une recherche importante sur la problématique des conflits armés
à Cité Soleil. Les péripéries n´étant pas terminées c´est au tour maintenant du
ministère des cultes de nous faire goûter aux siennes.
2.5.Les
péripéties au Ministère des Cultes
Au Ministère des cultes nous espérions trouver des
documents et statistiques sur l´existence et le fonctionnement des différentes
confessions religieuses sur le territoire national et, en particulier, dans la
commune de Cité Soleil. Comme cela s´intitule dans la loi organique qui l´a
créé le 30 mai 1924, ce ministère est chargé de réglementer le fonctionnement
des cultes sur toute l´étendue du territoire. En fait, si historiquement
parlant le ministère des cultes était un ministère à part entière, au fil du
temps avec les nombreuses modifications qu´il a subies, il s´agit plus
aujourd´hui d´une direction des cultes qu´un ministère des cultes à proprement
parler, car, faisant partie du ministère des affaires étrangères, le ministère
des cultes n´a pas de ministre propre, mais un directeur général répondant au
nom de M. Evens Souffrant. Donc, le ministre des affaires étrangères est aussi
celui des cultes, d´où le nom institutionnel: Ministère des affaires étrangères
et des cultes.
Nous avons été à ce ministère pour solliciter de ces
statistiques afin de pouvoir, d´une part, mieux repertorier les lieux de cultes
dans les zones les plus conflictuelles à Cité Soleil, d´autre part, analyser
leurs activités dans cette commune. Suivant cette même loi du 30 mai 1924,
l´une de ses attributions consiste à veiller à l´exécution des conditions,
concordats et accords particuliers signés par le Gouvernement avec les églises
ou toutes autres religions établies sur le territoire national, à veiller à
l´exécution des lois relatives au libre exercice des divers cultes religieux.
Ainsi, pour les statistiques sur les confessions religieuses nous estimons,
après tant de calamités et de difficultés pour le localiser, avoir frappé à la
bonne porte.
Nous nous sommes trompés grandemente. Dans un
premier temps, la lettre acheminée le 31 mars n´a été l´objet d´aucun suivi
administratif voire obtenir une réponse favorable ou défavorable. Après un mois
d´attente inespérée, je me suis rendu en personne au ministère. C´était comme
si les gens venaient à pein de prendre connaissance de la lettre, et, pour
essayer d´atténuer la situation on m´a fait agender un rendez-vous avec le
Directeur Général. À notre grande déception, ce rendez-vous fixé pour le 9 mai
2017 était juste pour venir entendre que celui qui devrait prendre en charge ma
demande est en congé de formation. Une information qui aurait pu m´être
communiquée par téléphone ou par e-mail puisque mes contacts se trouvaient
visiblement mentionnés dans l´entête de la lettre. Il est clair que personne
n´a lu ma lettre. C´était encore plus déceptionnant et frustrant quand on venait
de savoir que le rendez-vous marqué pour rencontrer le directeur général ne
pouvait avoir lieu. Celui-ci nous a fait dire par le biais de sa secrétaire
qu´il faut attendre le retour du responsable.
Il n´y avait rien d´autre à faire que d´attendre
terminer le soi-disant congé de formation du responsable. La secrétaire de la
direction générale a pris sur son compte de lui transmettre la lettre. L´a-t-elle
fait? Nous ne savons pas, mais le fait c´est que nous n´avions que sa
coordonnée et sa référence, de plus, ce fut avec elle que nous avons eu tous
les contacts téléphoniques. « M. Fabien, le responsable une fois revenu du
congé, sera informé du dossier et rentrera en contact avec vous pour les suites
nécessaires », m´a-t-elle laissé savoir lors de la dernière conversation
téléphonique que j´eue avec elle. Aucun appel ne provenant de ce ministère,
j´ai dû moi-même appeler la secrétaire de la direction générale, le 14 juin
2017, qui, bien que administrativement déchargée du dossier, m´ait aidé tant
bien que mal à faire quelques démarches, afin de m´enquérir sur l´état de notre
demande. Mais hélas!, elle n´était pas en mesure de nous fournir la moindre
information.
En fait, j´ai quitté le pays avec la rage au coeur
et le sentiment d´avoir été traité non comme un étranger, car les Haïtiens
respectent profondément les étrangers, un respect qui n´est autre que
l´expression de la peur et de la servitude, mais plutôt comme un apatride qui
n´a pas sa place dans cette société. Nous avons même eu à nous engueuler avec
un employé de ce ministère sur une déclaration de ce dernier selon laquelle: «
le ministère ne dispose pas de statistiques sur les églises catholiques et que
c´est pour la première fois qu´un chercheur sollicite ces données ». C´est
triste qu´une institution publique puisse réserver un tel traitement à un
citoyen dont tout le seul souci était d´accéder aux informations. En fait, nous
déplorons plus le traitement qui nous a été réservé et l´attitude des employés
que le fait que ce ministère a jugé bon de ne pas répondre soit négativement ou
positivement à notre demande. Le service public se vend cher en Haïti et chaque
fonctionnaire public à son prix.
Enfin, une réponse, qu´elle soit négative ou
positive, satisfaisante ou insatisfaisante, reste et demeure une réponse. Et,
une réponse sous-entend qu´un minimum d´attention a été accordée à la requête de
la personne, qu´elle a été lue, comprise et interprétée. En revanche, un silence,
qui est également une forme de répondre, est pir qu´une gifle. En principe, du point
de vue administratif, même par respect pour l´institution elle-même, aucune
correspondance ne devrait rester sans réponse. Si à ce niveau, ce strict
minimum de civilité et de respect pène à se tenir, nous sommes en droit de nous
interroger sur l´avenir et le futur de cette société haïtienne. Faut-il
toujours donner raison à Michel Rolph Trouillot (1986) de ce que les
institutions nationales ne sont pas au service des nationaux: l´État haïtien
est cette institution bureaucratique pour ne pas dire cette machine
d´oppression campée contre les citoyens dans tous les sens?
3. Les difficultés liées aux contacts
avec les institutions privées
Les institutions privées que nous avons contactées
dans le cadre de notre recherche évoluent pour la plupart dans le secteur de la
presse parlée, écrite et télévisée, il s´agit de la Radio Télévision Caraïbes
(RTVC), Radio Télé Ginen (RTG), Radio Télé Kiskeya (RTK) qui ont été
formellement informées de notre demande de documents étant donné que nous
estimons qu´elles détiennent des bases de données fiables sur les événements
violents qui se sont produits au cours des 20 dernières années dans le pays.
Nous plaçions à vrai dire toute notre confiance à trouver auprès de ces
institutions reportages, vidéos, documentaires, interviews, articles,
éditoriaux... produits sur le phénomène des conflits armés à Cité Soleil. Si la
RTVC a reçu sa lettre le 17 mars, celle de la RTG lui a été acheminée le 31
mars, tandis que la RTK a reçu la sienne le 7 avril. Après maintes tentatives,
pas de réponse d´aucune d´entre elles.
La déception était à son comble, comme si elles se
sont toutes entendues pour rejeter unanimement notre demande. En effet, nous
croyions pouvoir grandemente compter sur ces institutions médiatiques qui, à
notre grand étonnement, n´ont manifesté aucun intérêt à nous accompagner dans
notre recherche. L´une comme l´autre se sont montrées très indifférentes à
l´endroit de notre demande et n´ont ressenti la moindre nécessité d´en fournir
une réponse négative ou positive. Ainsi, l´attitude de ces médias ont non
seulement trahi leur propre dévise: la liberté à l´information, mais surtout
elle ne diffère en rien de celle des institutions publiques que eux-mêmes ne
cessent inlassablement de critiquer quand il leur est difficile d´accéder aux
informations que ces dernières devraient mettre à leur disponibilité.
En ayant jeté notre dévolu sur ces médias, ce choix
s´est arrêté sur un postulat de confiance, de fiabilité et d´un accès plus ou
moins facile aux documents dont nécessite notre recherche, ainsi l´objectif
était d´obtenir d´eux – dans la mesure du possible – des images en mouvement
surtout en ce qui concerne les derniers événements de 2004 plus connus sous le
nom d´Opération Bagdad. Aucune de ces
institutions médiatiques, dit-on, classées parmi les meilleures du pays n´a eu
la moindre amabilité et décence de répondre ne serait-ce que par le négatif à
notre demande. Il ne nous reste comme preuve de péripéties endurées dans les
contacts avec eux que les modiques accusés de réception et rien de plus. Nul
besoin donc de dire combien était immense notre désolation. De plus, l´accueil
du personnel réceptionniste dans ces différentes institutions sont matière à
réflechir profondément sur leur vrai visage, car, ce qu´elles projettent comme
image vers l´extérieur est totalement différent de ce qu´ils sont réellement à
l´intérieur. Malgré une patience de fer, une détermination d´acier et une
tenacité hors pair dont nous avons fait montre pour parvenir à notre but, nous
n´avons rien reçu de ces institutions en termes de documentation.
En Haïti, les discriminations et humiliations
racistes atteignent le plus haut sommet institutionnel et sont de toute nature
et de toute sorte. Elles sont très subtiles donc difficilement décelables et
identifiables. Pour les détecter, il convient de suivre les faits et gestes des
personnes qui en sont l´auteur; leurs démarquages, leurs silences et leurs
esquivements. Car, comment comprendre qu´une institution a reçu une lettre à
laquelle elle a apposé son sceau d´accusé de réception, et n´a pas eu la
décence d´y répondre ne serait-ce par le négatif? Si ce n´est un racisme
institutionnel, comme cela peut-il être appelé?
Après maintes tentatives de contacts téléphoniques
pendant plus de trois mois avec toutes les trois séparément, il s´avérait que
ces stations de radio et de télévision ont ignoré le contenu de notre demande.
À la réception de la RTVC, par exemple, où nous nous sommes présentés un mois
après avoir déposé notre lettre, une secrétaire grotesque qui pensait que le
but de notre visite était pour une demande d´emploi, nous a hautainement dit
que: « si après un mois, vous n´avez reçu aucun contact de la radio c´est que
votre demande a été rejetée, aussi simplement que ça monsieur ».
Un agent de sécurité de cette même station qui nous
prenait aussi pour un demandeur d´emploi, avec qui nous avons brièvement
échangé sur le but de notre visite, nous a secrètement laissé comprendre que
les demandes d´emploi parviennent difficilement au patron pour ne pas dire
jamais quand la personne n´est pas quelqu´un de quelqu´un de l´institution.
Mais, quand je lui ai fait savoir que la raison pour laquelle j´étais là était
autre, alors ses propos très pessimistes m´ont laissé entrevoir peu de chance
de réussir dans ma démarche. Mais, étant donné qu´il est dit: « qui ne risque
rien n´a rien », nous avons quand même tenté. La réaction qui a suivi notre
demande a donné raison à cet agent de sécurité. Alors, voilà comment une
institution médiatique à grande réputation, très vantardiste dans la capitale,
qui se dit respectueuse du droit à l´information a choisi de traiter la demande
d´un étudiant.
De la façon
dont ces institutions ont choisi de traiter nos demandes, nous pouvons nous
demander si nos lettres étaient réellement parvenues à la personne responsable
qui devrait prendre la décision qui convient? Car, l´accusé de réception ne
garantit nullement la rigueur avec laquelle nos lettres devront suivre leurs
parcours administratifs jusqu´à ce qu´elles soient tombées entre les mains de
celui ou celle charge(e) de prendre la décision finale. Nous sommes en droit de
douter sur la fiabilité des démarches administratives au sein de telles
institutions (publiques ou privées) qui affichent de tels comprotements quand
même regrettables et dangereux pour la réputation dont elles se vantent sans
arrêt. Ainsi, c´est ça la presse d e mon pays Haïti: « yon kout dlo cho, yon
kout dlo frèt »[18].
Enfin, même si à l´unanimité elles n´ont donné
aucune suite favorable à nos demandes, nous pensons rémedier à cette situation
tout au moins grâce à leur site qui puisse héberger quelques-uns des documents
dont il nous fallait. Néanmoins, tout n´est pas sûr. Il faudra recourir à
d´autres sources. Nous avons dû mettre en veilleuse la liste de ces
institutions pour nous consacrer de préférence aux lectures. Entre temps, avant
d´entamer les phases d´observation et d´exploration de l´espace social,
culturel, politique, économique et environnemental que représente Cité Soleil en
vue de la préparation de nos questionnaires d´enquête, nous cherchions à
rencontrer les membres des groupes armés pour des entretiens et interviews tout
en espérant ne pas rencontrer les mêmes difficultés. Ce n´était pas tout à fait
évident.
4.
Difficultés
d´ordre méthodologique et épistémologique
4.1.Difficultés
se rapportant aux rencontres avec les groupes armés
Comment rencontrer les membres des groupes armés?
Est-il facile de les aborder? Comment les interviewer sur les violences armées
à Cité Soleil si aujourd´hui leurs membres se disent travailleurs sociaux sous
la bannière des fondations? Ce sont ces questions qui nous intriguaient au
moment de penser à entamer les démarches qui consistent à rencontrer les
membres des groupes armés à Cité Soleil. Il y a un autre atmosphère social et
politique qui prévaut à Cité Soleil depuis 2016: la "paix" y est
revenue, les affrontements armés sont de moins en moins visibles et fréquents,
les attaques et provocations entre bandes armées se réduisent, la circulation
et la mobilité sociale des biens et des personnes se font sans grand incident à
l´intérieur de la commune, les bandes armées ont décidé de ne plus s´entretuer,
enfin, la vie, paraît-il, est bel et bien réapparue sous un nouveau soleil à
Cité Soleil. Tout cela est susceptible de rendre difficile une interview avec
les membres des groupes armés de crain qu´ils ne rejettent notre demande sous
pretexte qu´ils se considèrent comme n´étant plus armés. Qu´est-ce qui explique
cette difficulté?
En fait, trois raisons fondamentales pourraient
expliquer cette difficulté. Premièrement, le changement social qui s´opère à
l´intérieur des groupes armés à Cité Soleil tant au niveau de leur
configuration sociologique que de leur champ d´action, c´est-à-dire si, d´une
part, leurs membres étaient pris pour des bandits dangereux, aujourd´hui ils se
convertissent en travailleurs sociaux qui, avec l´arme dans une main et les
activités sociales dans l´autre, se décident à utiliser leurs armes à d´autres
fins, d´autre part, les groupes armés se sont érigés dorénavant en fondations
par lesquelles les aides sociales des ONGs ou de tout autre organisme national
ou international transitent et se canalisent.
La seconde raison est le nouveau statut que se
choisissent actuellement les sujets armés: ils sont des collaborateurs, c´est-à-dire ils collaborent avec les instances
locale (la mairie), nationale (le secteur des affaires) et internationale
(ONGs) à faciliter l´acheminement des
aides sociales à l´intérieur de Cité Soleil, car ils maîtrisent mieux
que quiconque tous les petits coins de Cité Soleil. Enfin, le dernier élément
qu´il faut saisir c´est que le contexte socio-politique relatif aux conflits
armés n´est plus le même à Cité Soleil: les groupes armés même s´ils continuent
d´exister ne se lèvent plus les unes contre les autres. Une entente a été
trouvée du moins avec les trois principaux quartiers, savoir, Boston, Soleil 19
et Projet Drouillard, selon laquelle est établi le respect mutuel du
territoire. À la tête de chacun d´eux se trouve un dirigeant qui n´est plus
appelé chef comme auparavant, mais dirigeant. Nous aurons l´occasion de développer
beaucoup plus amplement ces aspects de la nouvelle configuration sociologique
des groupes armés à Cité Soleil qui nous paraissent à la fois intéressants et
problématiques.
S´il nous était pratiquement difficile de rencontrer
les groupes armés en tant que tels avec tous les sujets armés réunis pour une
sorte d´interview collective – ce que nous avions tant souhaité – nous avons eu
toutefois l´occasion de tenir de fructueuses interviews avec quelques-uns des sujets
armés des groupes armés les plus influents actuellement à Cité Soleil. Ils sont
une multitude, mais aujourd´hui, d´un point de vue sociogéographique des
conflits armés, trois grandes bases controlent actuellement Cité Soleil, il
s´agit de Bélékou, de Soleil 19, et de Boston. À l´exception de Bélékou,
chacune des deux dernières zones sont reliées par d´autres quartiers
satélitaires. À la tête de chacune de ces zones se trouve un dirigeant pour
réprendre exactement le mot que les sujets armés utilisent, et, chaque zone
satélitaire est dirigée par un individu armé. Ainsi, ce qui nous a le plus
frappé dans l´organisation des groupes armés c´est leur structuration plus ou
moins hiérarchisée qui n´existait pas auparavant.
4.2.Difficultés
concernant les enquêtes sociologiques
Les difficultés qui se rapportent aux enquêtes
sociologiques sont bien moins graves et peuvent avoir des impacts beaucoup
moins négatifs sur la recherche que les autres difficultés traitées ci-dessus.
Il faut dire qu´elles ont été menées sans incidents majeurs à part quelques
petites incompréhensions disparatement survenues. La méthode dont nous nous
sommes servie pour mener les enquêtes est à la fois a priori et a
posteriori; qualitative et quantitative.
4.2.1. Une revision des méthodes
En effet, au commencement, nous avons opté pour une
méthodologie a prioriste au moyen de
laquelle une hypothèse préformulée doit être vérifiée avec les données et
informations trouvées sur le terrain. Nous partions de l´hypothèse selon
laquelle les conflits armés à Cité Soleil s´inscrivent dans les grands
changements sociaux, politiques et économiques survenus au sein de la société
haïtienne après le 7 février 1986, plus précisément vers 1990. Car, les
événements qui ont marqué l´histoire contemporaine d´Haïti, ont été causés par
des facteurs multiples à la fois complexes, compliqués et interconnectés. Les
conflits armés dans les zones populaires, qui en font partie devraient être
plutôt perçus comme l´expression des masses exploitées, dépossédées et
oubliées, mais désireuses de se faire entendre, accepter et intégrer dans cette
société. Il fallait donc trouver des données fiables capables de nous aider à
défendre une telle hypothèse.
Mais les réalités du terrain nous ont contraint un
peu à remettre en question cette hypothèse et cette méthode a prioriste. En ne changeant pas
complètement la donne, en ne nous imposant pas une vision unilatérale et
radicale des conflits armés à Cité Soleil, il nous fallait donc voir dans
quelle mesure conjuguer la méthodologie a
prioriste d´avec la méthodologie posterioriste,
celle-ci consiste à se servir des données et informations recueillies postérieurement
sur le terrain pour formuler une hypothèse. En fait, en général, en applicant
cette méthodologie le chercheur fait semblant de se rendre sur le terrain
dépourvu d´hypothèse et que ce sont les réalités du terrain qui vont lui
permettre de bien dégager la meilleure hypothèse qui soit.
Dans le second cas,
le chercheur n´en vient pas avec des idées préfabriquées et toutes
faites afin de les appliquer aux sujets que la recherche concernée, il en crée
quelques-unes à partir de ce qu´il aura obtenu comme ressources, sources et
fonds documentaires disponibles. De fait, de même que nous ne sommes pas
arrivés sur le terrain dépourvus d´une hypothèse, nous avons tenu de confronter
celle-ci avec les nouvelles réalités du terrain en vue d´en dégager une
meilleure perspective. Ainsi, dans le cas qui nous concerne, il ne s´agit pas
de formuler une nouvelle hypothèse, mais plutôt de corriger ou de retravailler
notre hypothèse afin de la rendre plus apte à expliquer le phénomène que nous
sommes entrain d´étudier, car, non seulement il faut tenir compte des
changements sociaux – même s´ils ne sont pas nombreux – qui se sont opérés,
mais encore de l´entrée en scène de nouveaux acteurs (sociaux, politiques et
religieux) afin de les analyser.
À propos de la méthodologie qualitative, nous nous
sommes basés sur les enquêtes de terrain à l´intérieur de la population
soléenne ainsi que sur les interviews structurées ou sémistructurées (ou les
entretiens) avec des sujets clés séléctionnés au préalable. Par ailleurs, pour
la méthodologie quantitative, nous devons compter sur la collecte de données et
l´accès aux documents et informations auprès des institutions choisies en vertu
de leur champ d´action et de leur base de données supposées fiables. Donc, si
les nouvelles réalités qui ont surgi en notre absence à Cité Soleil au sujet de
l´atmosphère des conflits armés nous ont interpellé à revoir notre hypothèse,
elles n´ont eu aucun impact sur la seconde méthode employée. Les acteurs
séléctionnés pour les interviews étant restés les mêmes, le lieu et la
population fixés pour nos enquêtes de terrain n´ont pas non plus été modifiés
si ce n´est que la rentrée en scène de nouveaux acteurs.
Bien que fraîchement rentrée dans une paix fragile
et conditionnée, le sentiment d´insécurité continue d´intriguer et d´inquiéter
toute personne désireuse de fréquenter les quartiers de Cité Soleil. Nous n´en
étions pas exempt. En effet, en ce qui nous concerne, compte tenu de notre
récent retour au pays, pour aller dans la commune que nous avons laissée
longtemps – donc étrange aux nouvelles réalités sociale, politique, économique
et culturelle qui y dominent – il a fallu faire attention et prendre un certain
recul afin de tester sur le plan sociologique l´environnement social, culturel,
politique et économique dans lequel nous allions travailler. Ce sont des
difficultés qui s´expliquent par rapport à une fréquentation peureuse et
craintive de la commune de Cité Soleil, zone fraîchement sortie de la liste
rouge de la Banque Mondiale. La peur et la crainte qui ont caractérisé cette
observation et exploration ont graduellement été dissipées. Elles étaient des
préoccupations à la fois intrinsèques et extrinsèques, basées sur des éléments
réels par rapport aux inquiétudes et aux méfiances qui rongent tous les
esprits.
En prenant en compte les conseils qui nous ont été
promulgués, les enquêtes sociologiques que nous avons menées dans la commune de
Cité Soleil et qui ont commencé par le sillonnage, l´exploration et
l´observation de la zone se sont déroulées normalement et se soldent par une grande
stupéfaction: la pacificité, le calme et la tranquilité qui règnent dans cette
commune qui, plus de 12 mois de cela, était réputée zone rouge. Cette phase d´exploration et d´observation rencontrait
des difficultés d´ordre psychologico-démotivateur par rapport aux multiples
informations déconcertantes qui nous parvenaient sur la cité. Mais, elles ont
été très vite surmontées en nous faisant confiance et en faisant confiance à
quelques amis de la zone qui nous accompagnaient. Ce travail d´enquêtes
sociologiques qui a duré 6 mois avait pour objectif de recueillir au sein de la
population informations et opinions de toute personne qui aurait vécu le
phénomène des conflits armés à Cité Soleil de 1990 jusqu´aux très récents
affrontements interquartiers entre 2015 et 2016. Nous pouvons les classer en
quatre grandes phases: la phase exploratoire et observatoire, les enquêtes de
terrain proprement dites, les interviews ou entretiens avec des personnes des
différents secteurs d´activités: politique, social, religieux, économique et
culturel, enfin, les collectes de données.
4.2.2.
Le sillonnage des zones conflictuelles: la phase exploratoire de l´enquête
sociologique
La phase exploratoire dans le cadre d´une enquête
sociologique consiste à parcourir le lieu qui représente le champ empirique du
phénomène social à étudier avant de l´approfondir et d´y apporter une
quelconque réflexion critique ou un quelconque jugement de valeur. Son avantage
est d´abord d´ordre moral dans la mesure où elle permet de s´enquérir sur l´état
mental et psychologique des groupes sociaux en question. Si elle est susceptible
de déformer la réalité et rendre le résultat escompté biaisé, elle peut par
contre fournir une meilleure vision du fait social. Toutefois, elle garde toute
son importance dans l´enquête sociologique, car, non seulement il s´agit d´une
sorte d´appréciation sommaire à distance du phénomène social, mais surtout la
phase exploratoire constitue un procédé par lequel la réalité sociale est
visualisée de loin afin de s´en faire une idée préliminaire rapide.
Cette exploration nous amène à considérer que Cité
Soleil est devenue aujourd´hui une zone à l´oeil nu paisible et tranquile, où,
d´une part, les activités économiques ont pratiquement redémarré, la vie
communautaire s´est timidement et progressivement relancée, de l´autre. En
conséquence, la plupart des personnes qui avaient, par exemple, déserté Bois
Neuf, Cité Gérard et Projet Drouillard lors des conflits armés ont commencé à y
retourner. Dès les premiers jours, j´ai vu des camionnettes remplies d´articles
de maison rentrer à Bois Neuf, localité située en face de Projet Drouillard.
Nous avons donc compris que malgré l´environnement physique insalubre, le
sentiment d´insécurité, l´état hideux des maisons, c´est l´incapacité
économique des gens qui est à l´originde de ce retour. Une hypothèse que la
majorité des personnes intérrogée confirmera par la suite de nos différentes
enquêtes.
C´est ainsi que du 13 au 14 janvier 2017, au
lendemain de la dix-septième année de commémoration du séisme du 12 janvier
2010, nous avons pris l´initiative de sillonner les zones réputées les plus
conflictuelles à Cité Soleil, question de tester l´environnement qui représente
le champ empirique de notre travail de recherche, d´évaluer le paysage
morphologique et d´appréhender la réalité sociale, politique et religieuse qui
s´y installe actuellement. Ce qui veut dire que ce sillonnage avec des yeux
observateurs a permis d´avoir une idée préliminaire sur l´espace physique et
l´espèce sociale.
Nous nous sommes, très brièvement et partiellement,
entretenus avec quelques habitants de Projet Drouillard, de Bois Neuf et de
Boston sur l´atmosphère sociale et politique, question de nous faire une idée
générale du climat sécuritaire et de la situation sociale de ces habitants.
Cette phase exploratoire de l´enquête – pour mieux la réaliser – a été soumise
à une méthode sociojournalistique qui est une sorte de technique consistant à
jouer le journaliste qu´on n´est pas vraiment afin de parvenir à s´approcher
des personnes visées par les enquêtes, d´avoir une idée préalable sur la
faisabilité et la réalisation des enquêtes à venir. Celle-ci nous a aidé tout
au long des enquêtes.
Ce sillonnage basé sur les strutures sociales
réelles à Cité Soleil s´inscrivait dans l´objectif de nous rendre compte de
l´ampleur de la réalité sociale. Nous avons ainsi parcouru les zones telles que
Bois Neuf, Projet Drouillard, Boston et Soleil 4, 13, 15, 17 et 19, Cité
Lumière avant d´entamer la phase dite d´observation directe libre puis passer à
l´observation méthodique (DANTIER, 2008). Par ce sillonnage, nous avons donc
reálisé ce qu´il convient d´appeler une sociogéographie des zones
conflictuelles, c´est-à-dire une géolocalisation ou une délimitation
géographique de l´espace social où les groupes sociaux ont l´habitude de
rentrer en conflits armés.
4.2.3.
La phase observatoire de l´enquête sociologique
Selon Larousse, le verbe observer signifie voir et
regarder le phénomène ou la chose sans y porter une quelconque étude.
L´observateur ainsi que l´explorateur ne sont pas des acteurs du fait social
étudié, c´est-à-dire ils ne participent pas aux actions qui ont créé l´événement
qui les précède et les devance en même temps. L´objectif de cette observation était double. D´une part, nous
reconnecter avec l´ambiance socioculturelle (ancienne comme nouvelle) qui
existe à Cité Soleil, que nous avons perdue de vue pendant un certain temps, mieux lier connaissance avec les nouvelles
relations sociales entre les individus et les groupes afin de parvenir à une
analyse macrosociologique du phénomène, d´autre part. À ce qu´il paraît, certaines
choses ont changé dans la commune.
En effet, après
la phase exploratoire, nous avons immédiatement entamé la phase d´observation
directe libre ainsi que la phase
d´observation directe méthodique de la réaslité sociale qui, elle-même, fait
appel à la préparation de questionnaires d´enquêtes. Si, de l´avis de Bernard
Dantier, la première est une organisation progressive ou une correction des
hypothèses et une manière de délimiter provisoirement le champ d´étude, la
seconde, elle, se rapporte à l´exécution méthodique de la recherche par
l´élaboration d´un questionnaire d´enquête
(DANTIER, op. cit. p. 15-16). C´est à ces tâches que nous nous sommes
consacrés entre avril et mai.
Quand nous avons commencé à fréquenter Cité Soleil,
nous constatons que les conflits armés ne sont plus fréquents comme avant, mais
changent de nature. Sur ce, nos hypothèses qui s´articulaient autour des
conflits armés avaient besoin d´être corrigées. Ce qui ne résulte pas
entièrement d´un changement d´hypothèses, mais d´une correction comme
mentionnée dans les paragraphes ci-dessus. Enfin, nous avons élaboré 10
questionnaires d´enquêtes chacun répondant à un objectif particulier articulé
bien entendu autour de l´objectif général de la recherche qui est celui de
comprendre pourquoi les conflits armés sont-ils si répétitifs et fréquents dans
la commune de Cité Soleil.
4.2.4. La phase d´expérimentation
Prendre la tension de la zone selon la méthode de la
sociométrie de Moreno (1970) cité par Dantier, voilà ce qu´il convient de faire
lorsque nous entamons la phase d´expérimentation de la réalité sociale. La
sociométrie selon l´auteur serait la méthode qui consiste en une
microsociologie, c´est-à-dire une sociologie qui s´accentue sur les éléments
mircroscopiques dynamiques des groupes sociaux peu importe leur taille (grande
ou petite). Elle met en évidence les petits groupes sociaux et leurs relations
sociales pour parvenir à une explication macrosociologique du phénmène social.
Les procédés sociométriques, poursuit l´auteur, consistent à décrire et à mesurer
les relations sociales spontanées qui sont les composantes élémentaires de tous
les groupements (Ibid, p. 27-30).
Dans le cadre de la mise en application de cette
phase, dans le cas de Cité Soleil, nous avons rencontré des organisations
sociales, politiques et culturelles afin d´avoir leur propore vision de la
réalité sociale et des conflits armés qui se conjuguent à présent au passé. Les
groupements sociaux tels que Coopération des Humanistes pour un Avenir Meilleur
(CHAM), Organisation pour la Promotion des Jeunes et des Enfants en Difficulté
(OPJED), Organisation Populaire pour l´Avancement de la Masse (OPAM) - pour ne
citer que ceux-là - ont fait valoir leurs opinions sur Cité Soleil et sur la
nouvelle conjoncture qui se joue. Les opinions émises par les leaders de ces
organisations en tant qu´entités microsociologiques qui représentent une infime
partie de la population, ont été insérées dans une vision macrososiologique des
choses.
4.2.5.
Les enquêtes sociologiques proprement dites
Comme
leur nom l´indique, les enquêtes sociologiques consistent à mettre en rapport,
dans le cadre d´une recherche sociologique, un enquêteur et un enquété qui, par
le truchement d´un questionnaire d´enquête joue le rôle d´un répondant soumis à
des questions ouvertes ou fermées suivant l´objectif à atteindre. Dans le cas
du questionnaire fermé, les réponses sont mécaniques, les opinions du répondant
ne compte guère, il doit se contenter de répondre tout simplement par vrai ou
faux; de choisir la bonne réponse entre A, B, C, ou D... Elles ont été menées
exclusivement dans la commune de Cité Soleil, en particulier, dans les zones
réputées jadis à haute intensité de violences collectives, savoir, Boston,
Bélékou, Cité Gérard, Projet Drouillard, Soleil 15,17,19, Warf, Cité Lumière,
Ti Haïti, Linthau 1 et 2, 3ème Cité, Brooklyn.
La
majorité de nos interviewés a été soumise à des questions fermées tandis que
d´autres ont dû répondre à des questions ouvertes, ce fut le cas, par exemple,
des répondants du questionnaire 1 qui a été en outre très sélectif. Il
s´adressait à des personnes sélectionnées suivant trois critères: leur
expérience vitale du phénomène des conflits armés à Cité Soleil, leur capacité
à analyser la période de 2004 à 2015 au cours de laquelle les conflits armés
étaient devenus beaucoup plus intensifiés, enfin, les activités qu´elles
exercent dans la zone. Si chaque enquête a ses critères, les critères généraux applicables à toutes les enquêtes
sont: être âgé de 18 ans, avoir une bonne santé physique et mentale, savoir
lire et écrire. Le nom de chaque enquête correspondait à l´objectif spécifique
fixé. Le tableau ci-dessous donne une vue globale de toutes les enquêtes que
nous avons réalisées, leurs objectifs aussi bien que les zones d´intervention
et le nombre de personnes interviewées.
Statistique générale des enquêtes de terrain
Statistique générale des enquêtes de terrain
Objectif
|
Lieu de l´enquête
|
Hommes interviewés
|
Femmes interviewées
|
Nombre d´interviewés
|
|
Situation des
conflits armés à cité soleil (Q1)
|
Avoir les
opinions des individus sur la situation des conflits armés à Cité Soleil
|
Cité Soleil
|
24
|
0
|
24
|
Événements de
2004 et 2006 communément appelés “opération bagdad”. (Q2)
|
Comprendre
comment les habitants de Cité Soleil ont vécu et apprécié les événements de
2004 et 2006 qui ont marqué la chute de Jean Bertrand Aristide,
l´amplification des conflits armés dans cette commune et la nouvelle
occupation étrangère d´Haïti par l´ONU.
|
Cité Soleil
|
53
|
40
|
93
|
Gestion politique des conflits armés (Q3)
|
Recueillir les
opinions des habitants de Cité Soleil sur la façon dont l´État aurait géré
politiquement les conflits armés.
|
Cité Soleil
|
33
|
7
|
40
|
Processus de formation des groupes armés (Q4)
|
Comprendre le
mécanisme de formation des groupes armés à partir des points de vue
réceuillis auprès des habitants de Cité Soleil.
|
Cité Soleil
|
16
|
2
|
18
|
Perception des sujets armés par les habitants de
cité soleil (Q5)
|
Enquêter sur
la façon dont les habitants de Cité Soleil perçoivent les sujets armés
|
Cité Soleil
|
28
|
8
|
36
|
Mobilité sociale des habitants de Cité Soleil (Q6)
|
Comprendre
pourquoi les habitants de Cité Soleil l´ont laissée soit définitivement ou
provisoirement.
|
Canaan et
Village Renaissance
|
19
|
21
|
40
|
Religions/Statistiques de fréquentation (Q7)
|
Déterminer la
fréquenation des personnes dans les lieux de cultes pendant les moments de
conflits
|
Cité Soleil
|
17
|
25
|
42
|
Rôle des religions dans les conflits armés/leaders
(Q8)
|
Recueillir les
opinions des adeptes et leaders religieux sur le rôle des religions dans les
conflits armés à Cité Soleil.
|
Cité Soleil
|
11
|
0
|
11
|
Rôle des religions dans les conflits armés/adeptes
(Q9)
|
Recueillir les
opinions des adeptes et leaders religieux sur le rôle des religions dans les
conflits armés à Cité Soleil.
|
Cité soleil
|
17
|
3
|
20
|
Dénombrement des églises (Q10)
|
Établir une
fiche technique des églises à Cité Soleil par zone.
|
Cité Soleil
|
30
|
0
|
30
|
247
|
106
|
353
|
Tableau 5. Source: L´auteur
Le
questionnaire qui accuse le plus grand nombre de répondants est le questionnaire
2 avec un total de 93 répondants(e).
L´objectif était d´atteindre le seuil de 100 personnes comme échantillons sociostatistiques
pour cette enquête et de 50 pour chacune des autres enquêtes. Mis à part les
rencontres fortuites, sur un total de 10 enquêtes réalisées 353 personnes
réparties en 247 hommes et 106 femmes ont été interviewées à Cité Soleil. Si
nous tenons compte des différents thèmes abordés dans nos enquêtes, nous
contatons que le sexe masculin brille avec un pourcentage de 70 % tandis que la
gente féminine ne représente que 30 %. Les femmes se sont montrées donc moins
intéressées que les hommes à aborder les thèmes relatifs aux violences
collectives et conflits armés avec nous. Elles affichaient une réticence si
prononcée qu´il fallait avoir de la patience pour les aborder. Quelle est
l´utilité des ces enquêtes? À quoi serviront-elles dans le cadre de notre
travail?
Nous
pouvons répondre très rapidement et succintement que, en dehors du fait que
chaque enquête poursuivait un objectif particulier, l´objectif général de
toutes les enquêtes que nous avons menées était non seulement de placer les
acteurs sociaux au centre de la recherche, mais encore de combler par
informations et opinions les lacunes théoriques. Par exemple, une enquête sur
la gestion politique des conflits armés et celle sur la situation des conflits
armés sont importantes dans la mesure où la première prend en compte l´opinion
de l´individu sur les actions de l´État central à gérer les conflits armés, la
seconde met l´accent sur la façon dont l´individu lui-même a vécu cette
expérience. Ce qui fait la valeur des enquêtes c´est la réponse qu´elles
apportent à un fait social donné. Ainsi, les nôtres répondent valablement au
besoin de la recherche sociologique parce qu´elles nous apportent des
statistiques difficiles à trouver au niveau des instances officielles, mais en
plus elles s´ancrent à la vision des individus (acteurs sociaux, politiques,
économiques, religieux et culutrels que nous étudions) qui doivent constituer
le centre de toute sociologie sans néanmoins tomber dans une sorte
d´individualisme sociologique ou de sociologisme individualiste.
4.2.6.
Difficultés
relatives aux interviews
Paradoxalement,
les interviews sont l´endroit où nous avons connu plus de désolation et de
frustration pour ne pas dire de déception en même temps qu´elles représentent
l´un des succès incontestables de notre travail de recherche en Haïti grâce,
bien entendu, à un changement de méthode. En effet, la première méthode
priorisait les interviews strictement structurées où la personne est soumise à
un ensemble de questions préparées d´avance. Après avoir essuyé quelques
échecs, nous avons avons décidé de la changer en interviews semistructurées qui
permettent à l´enquêteur de laisser parler l´enquété sans écarter l´objectif
qu´il s´est fixé et perdre de vue le fil conducteur de l´enquête. Et, de fait,
nous avons réussi avec un total de 40 interviews réalisées tant dans le cadre
formel qu´informel dans un espace de quatre mois.
La
fiche technique des interviewés est multiple, c´est-à-dire parmi nos
interviewés on rencontre des personnes appartenant à des classes sociales
diverses, ayant des cultures et moeurs différentes, vivant dans des
environnements divers etc. Leur sélection a obéi à trois critères fondamentaux
comme c´était le cas pour le questionnaire
1. D´abord, leur expérience vitale des conflits armés à Cité Soleil,
ensuite leur capacité à analyser le phénomène, enfin, les activités qu´elles
entreprennent dans ce vaste bidonville. Ainsi, ils sont pour la plupart des
acteurs de groupes sociaux, des religieux, des leaders politiques, des leaders
communautaires, des commerçants, des agents culturels.
Il
n´y a pas seulement le maire de Cité Soleil qui avait refusé de nous accorder
une interview. Le commissaire de Cité Soleil n´a pas non plus répondu à notre
invitation de nous accorder une interview. Lorsque la demande lui a été soumise
verbalement, il nous a référé à son supérieur hierarchique, à savoir, la
Direction Générale de la PNH, ce qui allait rendre notre calvaire encore plus
compliqué. Nous avons esquivé cette voie. Il y aussi le secrétaire d´état à la
sécurité publique qui, ayant été formellement informé de notre demande
d´interview, en a fait peu de cas.
Nous
avons également caressé le désir de nous entretenir avec le député de Cité
Soleil, mais, n´ayant pas eu le temps de lui faire part de notre préoccupation,
de plus, les amis qui nous promettaient leur aide à ce propos n´ont pas pu
honorer leur promesse. Ainsi, mon chemin et le sien ne se sont jamais croisés.
À la base centrale de la Minustah située près de l´aéroport, on nous a dit
sèchement qu´aucun membre de la Minustah n´est plus autorisé à donner des
interviews. Par ailleurs, la lettre de demande de documents qui lui était adressée
n´a jamais été répondue, or, nous savons pertinemment qu´elle détient un centre
de documentation riche qui aurait pu bien nous aider.
En
résumé, à l´exception du chef du cabinet de la Mairie de Cité Soleil, en la
personne du Pasteur Jean Enock Joseph, nous n´avons obtenu aucune interview des
personnalités politiques soit au niveau communal ou national sur la situation
des conflits armés et le climat d´insécurité qui existait – mais qui existe
encore à l´état latent comme un volcan – à Cité Soleil. Nos interviewés sont
des pasteurs, des leaders d´organisations sociales et politiques et de simples
individus évoluant dans les secteurs éducatif, culturel, artistique et autres, dont
nous jugeons que leur version des faits peut être d´une grande utilité.
4.3. Difficultés relatives aux collectes des
données et à la réunion des documents
Les difficultés
sont interconnectées. Les unes influencent sur les autres. C´est ainsi que les
diverses difficultés que nous avons rencontrées dès le début ont eu des impacts
considérables sur la phase de la collecte de données et de la réunion des
documents que ce soit en matière de gestion de temps, que ce soit en matière
des déplacements. La première difficulté de cette nature se rapporte aux
lacunes que nous avons sur le plan théorique à problématiser et analyser le
phénomène des conflits armés à Cité Soleil qui date de plus de vingt cinq ans.
La seconde c´est que très peu d´ouvrages historiques couvrent la période à
laquelle ils ont commencé, une des plus importantes de l´histoire contemporaine
haïtienne. En effet, du point de vue de l´histoire contemporaine d´Haïti, 1990
représente un point de départ crucial pour comprendre le processus de
dégénérescence sociale et politique des violences sociales non pas seulement à
l´intérieur de la commune de Cité Soleil, mais surtout dans les quatre coins du
pays. Car, il faut comprendre que ce qui se passe à Cité Soleil s´inscrit dans
un processus de violence globale.
La troisième et
dernière difficulté revient à la contrainte du temps pour collecter les
données: peu de temps pour faire beaucoup de choses. La collecte de données
nécessite patience, tenacité, disponibilité et temps suffisant. Si nous avions
les trois premiers, le quatrième – le plus important d´ailleurs – nous manquait
cruellement. Le temps imparti pour accomplir tout ce travail était de 6 mois.
Or, en Haïti, les démarches administrativo-institutionnelles sont extrêmement
lentes. Il faut y mettre au minimum trois mois pour trouver une réponse à une
demande. À quelques rares exceptions, il est possible de rencontrer des
institutions qui prennent au sérieux un travail de telle envergure, car, comme
nous l´avons déjà souligné, oser demander de l´information et des documents en
Haïti est une impertinence. De plus, cela mériterait soit de verser de spot-de-vins,
soit de se faire recommander par une haute personnalité comme référence.
Entre autre, il n´y
a pas en Haïti cette culture de transparence, voilà pourquoi l´autre qui
demande de l´information voire des comptes est toujours perçu comme dérangeant,
emmerdeur, encombreur voire un ennemi – pas même un adversaire – dont il faut
inévitablement se débarrasser. Les données statistiques sont quasi inexistantes
sur Cité Soleil. L´IHSI qui aurait dû nous en fournir ne dispose absolument
rien, puisque depuis qu´elle est devenue commune en 2002, aucune étude
topographique, aucune enquête démographique, aucune investigation géographique
sérieuse n´a été menée sur Cité Soleil. D´où notre dilemme. Nous avons même été
obligés de faire notre propre petit dénombrement – pour ne pas dire recensement
– de quelques lieux de cultes à Cité Soleil.
Toutefois, nous
avons pu quand bien même avoir accès à certains documents qui ne concernent pas
directement Cité Soleil, mais des documents historico-journalistiques qui
peuvent apporter une certaine amélioration aux lacunes théoriques qu´accuse le
thème de la recherche. Aux bibliothèque
nationale d´Haïti, de la faculté d´éthnologie, de la faculté des sciences
humaines – quand ces deux dernières étaient en fonction avant leur fermeture définitive
– des Frères de l´instruction chrétienne nous avons trouvé pas mal d´ouvrage
traitant de la période dictatoriale, de la transition démocratique jusqu´à
aujourd´hui et des années 1990. Voilà pourquoi, tout au long de notre étude,
nous allons essayer de montrer le rapport qui existe entre la dictature des
Duvalier et la violence tout en plaçant Cité Soleil au centre de ce débat pour
la simple et bonne qu´elle est une des oeuvres produites par le régime
duvaliériste.
Par ailleurs, mis à
part chez nous en Haïti nous nous sommes procurés de beaucoup de livres
d´histoire, mais grâce à cet évenement du livre produit chaque année appelé Livres en folie, nous en avons profiter
pour acheter quelques ouvrages à caractère religieux, politique et social qui
peuvent nous être utiles. En matière de documentation, la JILAP est l´une des
rares institutions haïtiennes qui nous ont fourni des statistiques importantes
sur la violence et l´insécurité en Haïti, lesquelles statistiques auraient dû
être, comme nous l´avons voulu, comparées aux statistiques policières sur la
même question. Malheureusement, leur livraison n´a pas été possible. Ainsi, il
faut dire que, d´un point de vue général, la bibliographie ne manque pas sur
les thèmes comme violence, conflits armés et changement social, mais en ce qui concerne
Haïti elle fait énormément défaut, c´est
pour cette raison nous comptons remédier à cette situation par le truchement de
l´usage des articles de journaux, de vidéos en circulation sur youtube
disponibles en disparates sur le phénomène des conflits armés à Cité Soleil.
Parmi les
institutions clés auxquelles nous avons adressé des lettres de demande de
documents, quelques-unes seulement y ont répondu positivement. Ce qui fait que
si, par ailleurs, nous avons connu toutes ces difficultés qui, d´une façon ou
d´une autre, posent une certaine limite à la recherche et nous ont affecté
psychologiquement au point qu´elles ont failli nous porter au découragement,
les réponses et les accueils dont nous avons joui auprès des autres
institutions tant privées que publiques qui nous ont ouvert leur bras, ont été pour
nous une espèce de sérum pour nous ranimer, nous raffermir et nous redonner la
force de poursuivre avec plus de fermeté et de détermination. Ce fut le cas de
la Commission Épiscopale Nationale Justice et Paix, de la Radio Télévision
Nationale d´Haïti (RTNH), du Ministère des Affaires Sociales et du Travail
(MAST), du Réseau National de la Défense des Droits de l´Homme (RNDDH) et du
Ministère de la Planification et de la Coopératio Externe (MPCE), de l´Hopital
Sainte Cathérine et du Tribunal de Paix de Cité Soleil.
CONCLUSION:
LES INSTITUTIONS AYANT CONTRIBUÉ À NOTRE RECHERCHE
Un proverbe haïtien dit ceci: « depi tèt poko koupe
espere mete chapo » qu´on peut traduire en Français par: « tant que tu vis il y
a de l´espoir ». Si nous nous accrochions aux déceptions, frustrations, mépris,
stress, démarches calamiteuses, humiliations et péripéties lassantes, si nous
nous mettions à y pleurnicher, non seulement nous aurions râté la chance de
goûter à la bienvéillance des autres institutions, mais ce travail n´aurait
surtout pas vu le jour. Quelque part dans ces moments difficiles, il y a lieu
de tirer quelque chose de bon et de ne pas tout dramatiser.
En effet, nous avons rencontré des institutions
publiques et privées qui se sont montrées touchées par l´importance de notre
travail et y ont apporté une contribution significative. Chose que nous
n´aurions osé croire au début de la recherche. Bien qu´en nombre restreint – le
nombre important moins que la signification de l´aide qu´elles ont fournie –
ces institutions nous ont étonné. Il est vrai que toutes les contributions ne s´apprécient
au même degré encore plus certaines institutions peuvent voir l´utilité de leur
part contributive prise avec pincette et précaution, mais le plus important
c´est la volonté, l´attention et le respect qu´elles ont accordé à notre
requête. Ces institutions sont le Ministère des Affaires Sociales et du
Travail, le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, la
RTNH, le Tribunal de paix de la commune de Cité Soleil, l´hopital Saint
Cathérine, et, dans une certaine mesure, la Mairie de ladite commune. Sous
l´angle privé, seule la Commission Épiscopale Justice et Paix a apporté sa
pierre utile et importante à cette recherche.
En effet, des Ministères du plan et des affaires
sociales nous avons obtenu respectivement la liste des ONGs et celle des
organisations sociales existant sur le territoire national. La RTNH a bien
voulu mettre à notre disposition quelques vidéos sur DVDs produites sur Cité
Soleil. Au Tribunal de Paix de Cité Soleil, nous avons eu une longue et enrichissante
conversation avec le juge Oreste Félix – un homme d´une bonté et d´une
compréhension inexplicables – sur le rôle du Tribunal dans la commune durant
les périodes des conflits armés, les différents et principaux cas qu´il a pu
entendre, la nature et l´origine des plaintes reçues, les décisions de justice.
Ce dernier nous a fait verbalement un portrait sombre du tribunal dès sa
création jusqu´au récent moment où le calme est apparemment revenu dans la cité
en passant par les terribles événements qui l´ont rendu pratiquement
dysfonctionnel entre 2004 et 2006[19].
Malheureusement, le tribunal n´était pas en mesure de nous fournir des
statistiques sur les sujets sus-mentionnés si ce n´est qu´une simple petite
feuille de papier que nous avons difficilement reçu de la main d´un greffier
inflexible et réclacitrant.
Il faut souligner, d´une part, que la Mairie de Cité
Soleil a, d´une façon ou d´une autre, apporté une certaine contribution à la
recherche en ayant obtenu d´elle par le truchement de son service des cultes et
religions quelques statistiques sur l´existence des temples religieux à travers
la Cité Soleil. D´autre part, nous avons eu l´occasion d´y rencontrer pasteur
Jean Enock Joseph – une figure référentielle dans le combat pour la paix à Cité
Soleil – avec qui une excellente et fructueuse conversation s´est tênue pendant
plus d´une heure de temps. Cette interview s´est déroulée autour de deux grands
sujets: l´histoire orale de Cité Soleil et la radiographie des conflits armés.
Pour sa part, l´hopitale Sainte Cathérine, le seul
et unique centre hospitalier publique de la commune, a joué valablement son
rôle en ayant mis à notre disposition la liste de quelques blessés par balles
et à armes blanches au cours de la période allant de 2004 à 2006, et qui ont
été pris en charge par cet hopital. Toutefois, la responsable nous a fait
savoir qu´au cours des périodes de grandes tensions à Cité Soleil (de 2003
jusqu´à 2015 en passant par 2007-2008) où l´on recevait plus fréquemment des
blessés par balles, l´hopital était sous le controle administratif des Medecins
sans Frontières qui avaient le droit de garder toutes les données statistiques
sur les patients. L´hopital ne disposant pas d´hortopédiste, il revenait donc
aux Médecins sans Fontières de procéder aux opérations, aux extractions de balles
et j´en passe. D´où la nature incomplète voire inachevée de la liste des
blessés par balles que nous avons recue.
Enfin, la Commission Épiscopale Justice et Paix, une
institution religieuse privée qui fait la promotion de la justice et du respect
des droits de l´homme et se détermine à laisser ses projecteurs grandemente allumés
sur les actes de violence et d´insécurité dans la zone métropolitaine et ses
environs, a apporté une grande contribution à la recherche. Les données
statistiques sur la violence et l´insécurité à Port-au-Prince dans ses
arrondissements et communes qu´elle nous a fournies sont utiles et nous
permettront non seulement de combler quelques lacunes, mais surtout de mieux analyser
soigneusement le phénomène des violences armées tant à Cité Soleil qu´à
l´échelle nationale.
En guise de conclusion, nous aimerions souligner que
si au ministère des cultesnous avons connu le calvaire, à la PNH l´enfer, à la
Sécurité Publique le mépris, aux RTVC, RTG et RTK l´humiliation et la honte, ces
autres institutions ont tant bien que mal fait la différence et c´est tout ce
qui compte[20].
Bien que du point de vue de satisfaction et d´attente personnelles les
documents reçus sont loin d´être à la hauteur des analyses que nous nous
proposons de produire sur le phénomène des conflits armés au niveau de la cité,
nous les avons quand bien même acceptés avec beaucoup de gratitude puisque –
que sais-je – ils peuvent être d´une certaine utilité. Voilà pourquoi, nous
tenons à adresser à chacune de ces institutions un vibrant remerciement.
Références
DESMET, H; LAHAYE, W; POURTOIS, J.P. Les
points-charnières de la recherche scientifique. Campus Numérique Forse. Disponible à: https://mtcmadagascar.files.wordpress.com/2013/07/methodologie_m2r.pdf.
Accès le: 10. aou. 2017.
GRANAI, Georges. Techniques de l´enquête
sociologique. In: GURVITCH, George. Traité
de sociologie. Tome 1, Paris: Presses Universitaires de France, 1967,
p.135-151.
REY, Luís. Planejar
e redigir trabalhos científicos. São Paulo: Editora Edgard Blücher LTDA,
1993.
*
Ce travail de recherche prend en compte les enquêtes
de terrain, les interviews et les collectes de données. Réalisé exclusivement
dans la commune de Cité Soleil, il s´articule autour du titre de notre thèse: Conflits armés et changement social à Cité
Soleil: Une analyse critique de la gestion politique et du rôle des religions.
Ò
Doctorant en Sociologie à
l´Université d´État de Campinas (São Paulo, Brésil) sous l´orientation du Prof.
Dr. Renato Ortiz. E-mail: jeandefabien1982@yahoo.fr Blog: https://jeandefabien1426.blogspot.com.br/.
[1] Les interviews et entretiens ont été sollicités auprès des autorités
politiques tant à l´échelle communale que nationale, des acteurs religieux, des
leaders d´organisations sociales, des ONGs, des sujets armés, des membres des
fondations fondées immédiatement après la paix à Cité Soleil.
[2] Depuis le début du mois de janvier, où nous
avons commencè à la fréquenter, la bibliothèque de la faculté d´éthnologie
fonctionnait timidement selon un horaire inflexible. Le public extérieur y
était admis exceptionnellement le mardi et le jeudi de 9h à 18h. À cause des
crises qui ont éclaté dans l´enceinte de cette faculté, elle cessait
momentanément de servir le public pour enfin arrêter définitivement ses
activités après le dernier incident malheureux survenu entre le doyen de cette
faculté et un étudiant selon lequel celui-là aurait passé de dessus l´étudiant
sa voiture laissant ce dernier dans un état très grave. La justice n´est pas
encore en mesure jusqu´à présent de faire la lumière sur ce fait pendant que
les étudiants continuent de réclamer justice et réparation pour leur camarade.
[3] En
réalité, il nous était difficile de suivre de manière rectiligne et radicale
étape par étape le plan d´action. Cette chronologie est juste pour se faire au
moins une idée globale des différentes activités entreprises dès notre arrivée
jusqu´à la fin de notre court séjour. Il fallait enfin faire beaucoup de choses
dans peu de temps qui nous étaient impartis.
[4] Bien que nous ayons commencé les recherches
et consultations bibliographiques au mois de mars, cela n´empêchait pas que
nous entreprenions d´autres activités, de plus, l´activité de consultation
bibliographique et de lecture se continuait parallèlement aux autres jusqu´à la
fin.
[5] Nous avons cessé de fréquenter la
bibliothèque de cette faculté pour deux raisons principales. La première, avant
sa fermeture défitive, c´est que, en matière de documentation, elle n´a pas
vraiment répondu à notre attente. En second lieu, elle avait cessé d´émettre
ses services au public lecteur extérieur à la faculté reçu, si je ne m´abuse,
le samedi et le dimanche. Ce qui aurait pu être avantageux pour nous, car ces
jours-là les activités sociales sont moins intenses.
[6] Dans un autre travail intitulé Cité Soleil serait-elle à l´origine une cité
violente?, nous aurons l´occasion de problématiser cette peur de parler des
conflits armés chez certaines personnes à Cité Soleil.
[7] Ce fut le cas de la Minustah, du MICT, des
médias et de tant d´autres institutions dons nous espérions un apport
significatif à notre recherche.
[9] Il se peut bien que certaines activités non
mentionnées dans le texte soient insérées dans le tableau. Toutefois, il faut
toujours garder à l´esprit que nous reprenons l´essentiel.
[10] Cette rencontre n´a jamais eu lieu.
[11] À vrai dire deux amis parmi les personnes
contactées, se trouvant à São Paulo, étaient disposées à nous rendre ce
service. Mais, vu que la chance de réussite était très mince et l´espace de
temps trop long, nous avons dû abandonner cette démarche.
[13] En ce qui concerne les institutions
internationales, seule la Minustah, la mission onusienne déployée en Haïti depuis avril 2004, a formellement
été contactée dans le cadre de notre recherche, ce dans un double objectif:
obtenir des rapports de la Minustah sur ses interventions à Cité Soleil entre
2004-2006, solliciter une interview avec un responsable de la Minustah à Cité
Soleil afin de comprendre le rôle de cette mission dans le processus de paix
qui vient d´apparaître. Malheureusement, elle n´a jamais donné suite à notre
demande de documents ne respectant pas ainsi la promesse d´appel qu´elle nous
avait faite lors de la réception de cette lettre. Celle concernant l´interview
n´a même pas été reçue: L´agent nous a sèchement laissé comprendre que pour ces
genres de recherche scientifique, les reponsables de la Minustah n´accordent
pas d´interview.
[14] Celui-ci nous a fait savoir, en répondant sèchement à la
sollicitation qui lui a été faite quelques semaines auparavant lors de notre
première conversation avec lui selon laquelle il est important de nous accorder
une interview sur la situation politique de la commune et les conflits armés
qui y prévalent: « qu´il n´est plus disposé à accorder une interview ou un
entretien sur la situation politique de la cité. D´autres notables, chefs
d´organisations sociales et leaders politiques de la zone peuvent le faire à sa
place, a-t-il renchéri ». De ce refus, nous avons pu retenir une seule et
unique leçon de moral: le non respect de la parole donnée, l´une des
principales caractéristiques de nos hommes politiques pour ne pas dire leur
côté le plus absoluement maladif.
[15] La loi de finance de l´exercice 2015-2016
attribue au Ministère de l´Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT)
une enveloppe de 2.241.867.731 de gourdes répartis comme suit: 1.458.467.731
pour les dépenses de fonctionnement et de 783.400.000 de gourdes pour les
investissements.
[16] La commune de Delmas, une des plus riches du
pays, génère à elle seule plus de 4 milliards de gourdes, l´équivalent de 80
millions de dollars américains, tandis que Cité Soleil pène à en collecter
quelques 400.000 de gourdes.
[17] Le Sous-commissariat de Cité Soleil, situé à
Warf entre Soleil 19 et 21, a été à maintes reprises la cible de plusieurs
attaques violentes et même détruit par les bandes armées. La dernière en date
remonte en 2004 lors des événements qui ont contraint M. Aristide à l´exil. Ce
sous-commissariat était complètement vidé de ses agents jusqu´à sa très récente
reconstruction et restitution à la communauté soléenne.
[19] Les événements survenus dès la fin de 2003
et amplifiés en 2004 jusqu´à 2008, appelés par les bandes armées, opération
bagdad, ont pratiquement cassé le fonctionnement du tribunal de paix de Cité
Soleil. La justice à Cité Soleil était à cette époque complètement absente pour
ne pas dire inexistante.
[20] Ce ministère, la PNH, la Securité publique
et les autres institutions privées n´ont pas vraiment saisi l´ampleur et
l´importance de notre recherche, voilà pourquoi, honteusement, elles viennent
de rater l´occasion de mettre en valeurs leurs données statistiques. Car, en
dehors de la fiabilité et de la crédibilité, l´utilisation des données est un
prestige pour l´institution qui les fournit et une preuve réelle de la priorité
qu´elle accorde à la démocratie, aux droits de la personne de s´informer et à
la transparence dans l´esprit de construction d´un vrai état de droit.