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jeudi 30 juin 2016

LE RACISME ET L´AMOUR: ENTRE TRIOMPHE ET MÉCONNAISSANCE

Résumé

          C´est mythique et même utopique de croire que l´union conjugale entre blancs et noirs serait un signe de diminution ou de baisse du racisme dans la société ou une forme de lutte contre ce phénomène. Sans toutefois ignorer qu´à un certain niveau cette stratégie pourrait porter des fruits, il est indécent de croire que le racisme a sa place dans l´amour. Il faut donc éviter de se fier à l´apparence. De nos jours, le racisme invisible triomphe de fait des sentiments d´amour, voilà pourquoi il est difficile voire impossible d´analyser ses impacts sur l´amour parce qu´il est inexpressif. L´objectif donc de cet article est de réfléchir sur les éventualités de débordement et de triomphe du racisme sur l´amour qu´il rend méconnaissable, ce, par une discussão sur l´impossibilité des rapports entre le racisme et l´amour, et en cherchant également à comprendre pourquoi l´amour se retracte dès fois face au racisme en nette croissance dans les sociétés contemporaines.

Introduction

           Je ne me suis jamais intéressé à l´idée d´écrire un article sur le racisme jusqu´au jour où ce phénomène ne me frappe fortement à l´esprit parce qu´il a atteint l´amour. Le sujet ne me préoccupait guère, par conséquent, il m´importait peu d´en parler non pas parce j´ai voulu l´ignorer, le rabaisser, le minimiser, le ridiculiser, l´étouffer ou le banaliser bien qu´il ne cesse de frapper toutes les sociétés humaines, surtout celle du Brésil où je suis entrain de l´expérimenter, mais pour la simple raison que je m´exerçais, m´attelais et m´efforçais par des réflexions hautement ontologiques à le dépasser en essayant de m´écarter autant que se peut des idéologies et idées reçues dont il est issu. C´est de cette manière depuis que je m´applique à combattre ce mal de l´humanité dans ses racines. Cela n´empêche néanmoins qu´il s´accumule des victimes directes et collatérales.
          Pour moi, même si le racisme est une construction sociale, culturelle et historique des sociétés, elle demeure malheureusement une déformation psychologique et mentale et s´inscrit dans un processus de socialisation exagéré ou raté de l´individu. Il y eut un déséquilibre mental en ce qui a trait à l´éducation sur l´étude de l´homme. Un éminent anthropologue haitien du XIXème siècle du nom d´Anténor Firmin, qu´il est essentiel de citer, a non seulement refuté les thèses raciales, racistes et homophobes pendant longtemps maintenues par l´Occident, mais a surtout prouvé par ses nombreuses recherches théoriques et empiriques la fausseté de la théorie de la supériorité d´une race. Toute théorie raciste se fondant sur la dévalorisation et la destruction de l´être humain est vouée à un vibrant échec là où il y a des hommes qui voient en tout homme un architecte de ce monde. S´il existe une race, bien que ce ne soit pas sûr qu´il en existe une, ce serait l´humanité, répète Firmin (Firmin, 1885).
          Ainsi, si je me résous à sortir de ce mutisme en prenant l´initiative d´écrire sur ce sujet c´est parce que je constate que de nos jours, dans les sociétés traversées par de profondes inégalités sociales et discriminations raciales, le racisme triomphe de plus en plus de l´amour, déborde les relations amoureuses entre des personnes de couleurs différentes (un blanc et une noire par exemple) et rend ces relations de plus en plus douloureuses en faisant d´elles une espèce de fardeau, de calamité et d´humiliation. Le mythisme et l´utopisme sont caractéristiques mêmes de telles relations. En d´autres termes, c´est se plonger dans la pure abstraction que de croire que l´union conjugale entre blancs et noirs signifierait à dire que la société est moins raciste aujourd´hui qu´aupravant. Dans cet article, nous aimerions, d´une part, réfléchir sur le caractère impossible des relations entre le racisme et l´amour, comprendre dans quel but se font les unions interraciales de l´autre.

Racisme et amour: Une relation impossible?

          L´amour ne s´explique pas. L´amour se vit. Il est toujours bon de goûter à ses fruits dont le plus grand pour moi est le respect de l´autre. Mais, le racisme est une façon d´inférioriser l´autre en se supériorisant soi-même. L´amour s´aveugle tant physiquement que psychologiquement pour se libérer de ces absurdités de supériorité ou d´infériorité. Il est difficile de dire quand l´amour est ''raciste'' et quand il ne l´est pas, parce que l´amour est un choix alorsque le racisme est une imposition. Alors, l´on constate d´ores et déjà le rapport dichotomique qui s´établit entre les deux notions. Mais, quand le racisme s´invite dans les relations amoureuses, les choses changent complètement: ce n´est pas que l´amour ait perdu de poids ou se soit affaibli, mais parce qu´il en surgit une méconnaissance et une mécompréhension de ce que c´est que réellement le sentiment d´amour. Quand le racisme s´invite dérechef dans une histoire d´amour, il n´en résulte que de l´humiliation, la déception, l´amertume et la haine. De plus, le racisme transforme le sentiment d´amour en une sorte de pitié, de faveur et de grâce envers l´autre. Or, l´amour ce n´est pas faire un usage à outrance des sentiments compassionnels, mais c´est s´aimer soi-même et traiter l´autre comme soi-même.

          Prenons un simple exemple, celui du mulâtre. D´un point de vue historique et sociologique, le mulâtre est le fruit du viol d´une esclave noire par son maître blanc. Lorsque celle-ci a été contrainte d´avoir des relations sexuelles, pas amoureuses, avec un blanc, elle a fini par mettre au monde un produit du racisme. En fait, le mulâtrisme est l´expression manifeste de la chosification de la femme et de la bestialité du genre humain. Or, que l´on veuille ou pas, il s´agit de deux êtres qui, bien qu´ils s´ignorent complètement les uns aux autres, parce que chacun vit dans son propre monde, se retrouvent paradoxalement ensemble une ou plusieurs fois dans des situations intrigantes et peineuses. Le blanc ne sera aucunement obligé de reconnaître le nouveau-né en tant que son enfant voire lui donner un acte de naissance. Généralement le prix à payer c´est l´affranchissement qui, étant une courtoisie du maître, devient une solution aux ignominies commises par lui sur son esclave. De même qu´une relation amoureuse proprement dite entre maître et esclave est nettement impossible, une quelconque tentative de rencontre entre racisme et amour est vaine, car ce sont deux choses complètement incompatibles et indissociables. 

          Dans le cas de l´esclave et du maître, il n´y a pas lieu de parler de relation amoureuse à moins qu´on cherche à banaliser cette notion. En outre, c´est même un non sens d´utiliser ce terme dans le cadre colonial, car la femme en plus d´être la chose du colonisateur, elle est également son esclave sexuelle. Toute relation amoureuse suppose un consentement, une volonté et une liberté. Or, ces trois choses ont été totalement banies de la vie des esclaves, objet de leur maître. Les colonies sont des lieux ignobles où se dégradent toutes les bonnes vertus du monde y compris l´amour. La colonie en elle-même est la négation de l´amour même pour des esclaves entre eux, car quelqu´un qui est dans les fers peut être certes traversé par le sentiment d´aimer, mais il goûtte très peu aux véritables fruits de l´amour en tant que tel. Ce n´est pas exagéré de dire qu´il ne sait même pas ce qu´il est, malgré qu´il faille admettre que l´amour se manifeste par un élan naturel. Il est naturel d´aimer, il est bon et beau de dire que l´amour vient tout naturellement, par contre il est aussi une construction. Cette naturalité de l´amour se perd dès l´instant même qu´on n´apprend pas à le construire, le valoriser, le fortifier, le comprendre et le renforcer. L´amour va au-delà de ''aimer''. Il est intarissablement continu malgré les petits moments de souffrance et de douleur. 

          Prenons un autre exemple d´un couple qui jouit de l´amour depuis leur 25 ans de vie conjugale. Cela voudrait-il dire qu´il n´a jamais passé par des difficultés, souffrances, douleurs et autres? Bien sûr que non, mais l´amour leur a permis de triompher de toutes ces choses parce qu´il était la base de leur relation. Pas la peine de faire un longue plaidoyer sur l´amour en reprenant la fameuse définition de l´Apôtre Paul connue de tous pour ne pas tomber dans une sorte de religiosité. Toutefois, l´amour ne peut pas, ne doit pas et ne saurait sous aucune forme se mêler au racisme parce qu´il est une contamination pour lui. S´il n´est pas possible de concevoir le sacré sans le profane parce que l´un valorise l´autre, il est par contre absoluement impossible de voir l´amour s´établir, se triompher là où le racisme s´impose. L´amour est méconnaissable dans le racisme. Comme cela arriva dans les colonies, c´est toujours un miracle, un événement extraordinaire et une merveille que de voir un blanc accepter de vivre avec une négresse et d´avoir avec elle des enfants. C´est déjà une expression de pitié et de faveur envers elle parce qu´elle ne le mérite pas. Il ne peut y avoir amour dans un tel cas puisque l´amour n´est pas synonyme de pitié pour l´autre. Personne ne mérite d´être aimé par pitié, faveur ou grâce mais plutôt par respect, consentement, volonté et valeur.

Les Unions interraciales: Expression d´amour, stratégie de lutte contre le racisme ou m´as-tu vu?

         Si le racisme et l´amour demeurent séparablement opposés et évoluent dans une éternelle relation de continuité et de contradiction, il n´est pas néanmoins évident que cela puisse arrêter le cours des unions interraciales qui, selon une très fausse modestie, seraient susceptibles d´être une forme de lutte contre le racisme. Si cette interprétation peut être tenue pour vraie, elle est aussi grave que le racisme qui rentre dans l´amour pour faire de lui un sentiment de compassion pour l´autre. Dans ce cas, l´amour n´est ni la base ni la condition de ces unions, mais plutôt une prétention - une fausse prétention d´ailleurs - de croire pouvoir combattre le racisme à travers ce canal qui est loin d´en être un. Au Brésil, par exemple, une société majoritairement noire, il y a eu une nette évolution des mariages interraciaux qui, entre autre, creusent de plus en plus les fossés inégalitaires et racistes entre blancs, noirs et métisses, que ce soit sur le plan économique, politique, racial ou social. Dans cette société d´une culture raciste camouflée, les femmes noires ont moins de chance d´être épousées par un blanc tandis que l´écart est grandement élevé pour un noir d´épouser une blanche. Pourquoi? Selon plusieurs analystes des relations interraciales au Brésil, les noirs détiennent une supériorité économique relative, ils se trouvent cependant à un niveau d´infériorité raciale. Alors, pour compenser cette infériorité, ils sont même prêts à dépenser des fortunes pour épouser une blanche, ce, en vue de jouir de cette supériorité raciale que possèdent leurs rivaux blancs. Mais, malgré cette évolution il demeure jusqu´à présent que, dans la société brésilienne, les races continuent de se marier entre elles dans un esprit de conservatisme racial. Les hommes noirs ont de plus en plus d´affinités pour les femmes noires, c´est idem pour les blancs. 

          Néanmoins, il est fort difficile d´établir de façon claire par des données statistiques encore moins par des études scientifico-démographiques les raisons qui pousseraient un blanc à préférer une blanche à une noire et vice versa au point de voir découler d´une telle préférence un mariage. Est-ce par position sociale, par affinité raciale, par liens éthniques, par moyens économiques ou par amour? En matière de relation amoureuse et même de mariages interraciaux, il est impossible de spécifier exactement ce qui en est le mobile. S´il est économique ou purement sentimental. Sur cette même rubrique de mariages interraciaux, il y a ce que l´anglais appelle le ''marry up'', les mariages qui se font pour des avantages économiques. Ces genres de mariages sont très courants aux État-Unis surtout quand ils peuvent procurer une obtention de Green Card à l´un des conjoints. Dans le cas du racisme, qui est moins économique que psychologique et social, cela se fait également: Les races se croisent, se rencontrent et s´unissent dans le cadre d´un marry up dont l´objectif est la recherche d´un prestige social suivi bien évidemment d´une ascention sociale. Toutefois, une chose est certaine c´est que même si les relations interraciales subissent des transformations et des variations, que les croisements interraciaux par le mariage ou les relations libres deviennent de plus en plus fréquents, ces faits ne suffisent pour combattre le racisme. Ils sont loin de prouver un quelconque métissage de la société, donc ils ne réduisent pas pour autant les actes ignobles de racisme, d´homophobie, de machisme et préjugé dont sont victimes les populations noires. Autrement dit, les mariages entre blancs, noirs ou mulâtres sont loin d´être l´expression d´un combat contre le racisme ou contre la discrimination raciale. 

          C´est vrai aussi que nous n´avons pas les moyens méthodologiques de vérifier si l´union entre un blanc et une noire ou une blanche avec un noir ne se fonde pas réellement et honnêtement sur l´amour, mais, étant donné que, d´une part, le racisme est à la fois un phénomène social et une construction historico-culturel, les luttes contre ce phénomène donnent généralement de fausses impressions, alors on est en droit de douter de la véracité de l´amour qui caractériserait cette relation. Certains l´interprètent comme une espèce de m´as-tu vu, d´autres comme une fierté d´ascension sociale pour le noir toujours en position d´infériorité raciale, d´autres encore y entrevoient une expression d´amour et font fi de tout aspect raciste, car, selon eux, le racisme n´a pas sa place dans l´amour, et, l´amour ne saurait être l´amour en tant que tel au sein du racisme. Sur ce sujet, les opinions ne cessent et ne vont s´arrêter de diverger.
        Par ailleurs, il est également exagérant d´assimiler au racisme tout refus d´une blanche d´entretenir des relations amoureuses ou sexuelles avec un noir et vice versa, puisqu´en dépit du fait que l´amour est une préférence et non une obligation, il a aussi ses règles et ses principes: les principes que chacun s´impose à lui-même pour faire son choix. Toutefois, ils ne lui appartiennent pas tous, ses principes, la majorité est sociale et provient de la société. Donc, en d´autres termes, personne n´est obligé d´aimer personne. Chacun est libre de choisir la personne de son goût pour faire sa vie, la personnes avec qui il veut partager sa vie. Ce n´est ni sur le refus ni sur le racisme qui serait derrière qu´il faut insister, mais sur le respect du sentiment de la personne. Ainsi, dans les deux sens, dans les deux extremités le rapport est impossible même si, par contre, rien ne prouve que ce refus n´ait pas été effectivement motivé par des idées racistes reçues à l´enfance et à la jeunesse dans les milieux environnemental, éducationnel et socio-culturel. 

Conclusion

          Enfin de compte,  la relation entre le racisme et l´amour demeure réellement un mythe. On peut la qualifier aussi de rapport de force, car, en dépit de tout, le racisme triomphe de ses abérations et absurdités tandis que l´amour est méconnaissable parce qu´il souffre. C´est également un débat mort-né parce que, entre eux, aucune entente n´est envisageable. Néanmoins, même si l´amour se dit être aveugle et n´avoir aucune limite, il est des cas que les séquelles et les agressivités du racisme lui imposent de véritables obstacles pour ne pas dire des limites. Il paraît que dans les débats contemporains à caractère sociologique et psychologique sur les rapports entre le racisme et l´amour, celui-ci invite celui-là à sortir de son aveuglette pour regarder la réalité en face. Ce doute nous amène donc à conclure l´article avec la question suivante: L´amour obéit-il aux principes du coeur ou de la tête; à ceux de la raison ou de la passion?

Jean FABIEN

Campinas, 30 Juin 2016

samedi 4 juin 2016

HAITI FACE AU PHÉNOMÈNE DE L´IMMOBILISME SOCIAL ET POLITIQUE[*] (PREMIÈRE PARTIE)

HAITI FACING THE PHENOMENON OF SOCIAL AND POLITICAL IMMOBILITY

RÉSUMÉ
Cet article propose de faire ressortir le phénomène d´immobilisme social et politique qui caractérise la société haitienne. Il faut entendre par là le fait que le pays reste stagné, immobile, improductif, regressif, paralysé etc. Pour ce faire, il s´agit, en s´appuyant sur les arguments de quelques auteurs, d´analyser ledit phénomène à partir de trois grands éléments: le populisme, le mutisme et le propagantisme qui, en outre, constituent les différentes parties du présent article. En effet, la première sera consacrée à une problématisation du populisme où une considération particulière sur le populisme à l´aristidienne sera soulignée. La seconde partie est une analyse critique du mutisme du président Préval au cours de ces deux mandats quinquennaux ainsi que ses impacts politiques sur la société haitienne, enfin, la troisième partie, s´intitulant le propagantisme politique polluant de Martelly, est une analyse plus approfondie d´un article publié en 2012 sur la propagande politique à laquelle se livre M. Martelly depuis son accession au pouvoir.

ABSTRACT
This article proposes to bring out the social and political phenomenon of immobilism which characterizes Haitian society. It must mean that the country remains stagnant, motionless, unproductive, regressive, paralysis etc. To do this, it is, based on the arguments of some authors to analyze the said phenomenon from three main elements: populism, mutism and propagantism which also constitute the different parts of this Article. Indeed, the first one will be devoted to a problematization of populism where a special emphasis on populism of Aristide will be emphasized. The second part is a critical analysis of the silence of the president Préval during these two quinquennial terms and its political impact on Haitian society, and the third party, calling itself the pollutant political propagantismo of Martelly, is further analysis of a paper published in 2012 on the political propaganda that book Mr. Martelly since he came to power.


    INTRODUCTION

Plus d´uns se cassent la tête en cherchant à comprendre qu´est-ce qui est à l´origine de ce phénomène d´immobilisme social et politique dans lequel Haiti est plongée depuis des années. Au-delà de tout autre facteur, une réflexion critique sur notre culture politique ou encore sur notre manière de faire de la politique en Haiti, marquée par le populisme, le mutisme et le propagantisme, devrait nous aider à comprendre et à mieux cerner ce phénomène. Il convient, de ce fait, de questionner cette culture politique. C´est à cette difficile tâche que nous prétendons consacrer cet article. 
En effet, sur le plan de culture politique, l´Haiti contemporaine à partir de 1990 à nos jours est traversée par trois grands phénomènes socio-politiques, il s´agit du populisme, du mutisme et du propagantisme qui sont en même temps des courants d´idées qui se frayent une place au sein de la société haitienne.  Ces trois grands mouvements idéologiques, ancrés dans un handicape majeur d´un plan visionnaire et progressif, ont plongé le pays dans un état d´immobilisme tant sur le plan de développement humain et d´ascention sociale que celui des avancées économiques, structurelles et infrastructurelles. Les questions relatives à la tecnique et à la technologie sont encore plus catastrophiques. Une immobilisation paralysante qui se traduit par le fait que, jusqu´au moment où l´on parle, l´haitien vit dans un éternel hier, autrement dit, les jours d´avant étaient meilleurs que ceux d´aujourd´hui ou encore l´année passée était plus bonne que cette année-ci. Donc, l´être haitien vit dans une continuelle retrospection, dans un sempiternel passé qui ne reviendra plus jamais en même temps qu´il vivote dans un présent qu´il ne maîtrise pas voire un futur dont il n´a aucune l´assurance. Le désespoir est à son comble dans un pays où la scène politique est polluée de slogans politiques à caractère populiste et propagantiste qui agancent la faim et la misère du peuple.
Ce sentiment de désespoir étant total est le signe d´un handicape dont souffre l´histoire sociale, mais surtout politique du peuple haitien qui, - ne serait-ce qu´une forme d´illusion ou de défromation, car en fait l´histoire est dynamique et progressive - ne progresse pas comme elle devrait l´être. Nous marchons à reculons. L´avenir sur le plan social, politique et économique de la société haitienne baigne dans une profonde incertitude. Personne ne sait où on va. Tout cela résulte de ce que, depuis plus de deux décennies, la politique politicienne haitienne rentre dans une dynamique de populisme aristidien pour tomber dans un propagantisme martellytiste en passant par un mutisme prévalien. De ce fait, il s´avère très difficile d´espérer un quelconque changement dans tel secteur d´activité ou à tel niveau dans le cas où la réalité historique produite par l´une ou l´autre de ces cultures politiques reste intacte. 

Le populisme, le propagantisme et le mutisme, porteurs de résultats déconcertants, immobilistes et paralytiques, sont tous nocifs et contagieux à la construction démocratique pour laquelle le peuple haitien se bat. Que faut-il entendre par ces trois pratiques politiques qui s´érigent en maître en Haiti?  Le présent article a pour objet, par conséquent, de discuter ces trois mouvements idéologiques à travers trois figures emblématiques de la culture politique contemporaine haitienne, à savoir, Aristide, Préval et Martelly. En effet, ça fait longtemps depuis que ces pratiques qui deviennent une sorte de triture politique prennent le pays en otage, une sorte de séquestration politique. C´est une forme de gouvernance qui, bien qu´infructueuse, s´y impose. Le populisme, le mutisme et le propagantisme sont les trois thèmes clefs autour desquels s´articuleront nos réflexions analytiques. Notre objectif alors consiste à décrire la culture politique haitienne de l´époque contemporaine à partir de l´ère aristidienne. La situation critique actuelle du pays ainsi que les problèmes socio-politiques qui le rongent résultent en partie de cette culture. Ainsi, pour y parvenir nous allons essayer, dans un premier temps, de traiter du populisme puis du populisme à l´aristidienne en commençant bien entendu par récapituler les faits historico-politiques qui nous ont amené à ce Carrefour. Comme nous le verrons, se différant du populisme, le mutisme et le propagantisme, respectivement seconde et troisième parties de cet article, représentent plus une stratégie  politique pour mieux gouverner qu´une théorie politique à proprement parler.

1.      LE POPULISME ET LE POPULISME ARISTIDIEN
   1.1. Récapitulation des faits historico-politiques
Un discours populiste à caractère charismatique pas trop démagogique à l´époque – puis qu´il s´est accentué sur les problèmes réels de la société haitienne: la pauvreté, l´inégalité, l´exclusion sociale et l´ingérence américaine dans la politique interne du pays – a permis, en 1990, au président Aristide d´accéder au pouvoir. Cela se comprend facilement, car le contexte socio-historique e politique de l´époque était vulnérable à tout discours populiste. Ayant été à son apogée, il fallait en quelque sorte faire avec, car entre la dictature et la transition démocratique le populisme s´imposait entant qu´un mal nécessaire. De fait, ce discours peut se justifier par le fait que le peuple haitien, fraîchement libéré d´une dictature de 29 ans et plongé dans une soif démesurée de messages méssianiques et libérateurs pour le soulager – telle est généralement l´image de tout courant populiste –  ne pouvait compter que sur ces procédés pour panser ses blessures, sans cependant avoir la moindre conscience du danger auquel il se serait exposé en s´y adhérant. Nous avons précipitemment rentré dans un essaie démocratique coloré d´un populisme à partir de 1987 bien avant l´arrivée de M. Aristide. Donc, la rupture théorique d´avec la dictature en 1986 n´a engendré de cette date à nos jours (avant le coup d´état de 1991) que des régimes populistes prenant des formes diferentes.
           En second lieu, entre 1996 et 2011, durant deux quinquennats, Haiti s´est fait la championne d´un État qui n´existe ni en parole ni en acte, l´image par excellence d´un mutisme politique, d´une irresponsabilité de l´État face à ses devoirs marquée, d´une part, par le mutisme psychologique d´un chef qui n´est pas trop bavare, fuyant la Presse, souvent silencieux et sourd sur des questions politiques poignantes, mais d´autre part, par une espèce d´un laisser-aller de la part d´un Exécutif dirigé par un homme, en l´occurrence M. Préval, qui, pratiquement désarmé et impuissant aux pressions tant internes qu´externes, invite son peuple à se chercher lui-même les moyens qu´il estime les plus appopriés pour survivre, à se contruire une vie bon gré malgré, d´où la fameuse expression qui a fait écho en Haiti dans les années 2000 ''Naje pou w sòti'' (débrouilles-toi comme tu peux). 
          La trosième phase de cette décente aux enfers socio-politique du peuple haitien est marquée par ce que nous pouvons appeler un cataclysme politique, une foudre historique et un coup de tonnerre et d´émotionalité politique, voilà comment pouvons-nous qualifier ce qui est arrivé à Haiti lors des "élections" de 2010 après le terrible tremblement de terre. En effet, un accident de l´histoire, l´un des plus virulents de l´existence d´Haiti, a porté à la tête de l´État M. Martelly qui, en toute vraisemblance, a été l´objet d´une nomination en mai 2011de la part du trio maître d´Haiti (Canada, États-Unis et France) représentant les forces internationales qui tiennent le pays à la gorge. C´était juste pour humilier les Haitiens qui, par leur amateurisme politique, n´arrivent pas toujours à imposer leur choix. Il est, sur le plan musical, l´un des chanteurs les plus populaires du compas direct haitien qui ne tardera pas à devenir plus tard un propagantiste professionnel avéré que l´histoire nationale n´ait jamais engendré. Par son talent de musicien, il s´est imposé entant que tel dans le milieu culturel haitien. Néanmoins, nous pouvons dire que seule par la sorcelerie de la politique internationale que le peuple haitien était obligé d´accepter un tel choix qui plongera l´État haitien dans l´abîme des propagandes politiques. 
           Il a fallu attendre plus d´un quart de siècle pour comprendre notre égarement, pour examiner que ces trois mouvements n´ont fait qu´enterrer le peuple haitien. Lequel quart de siècle se trouve entrecoupé par 10 ans de populisme aristidien interrompus, 10 ans de mutisme prévalien qui ne dit pas exactement son nom, et ces cinq années de propagantisme politique nocif et polluant qui ne fait qu´intoxiquer le peuple haitien. Que nous réserve l´avenir après M. Martelly qui, se conjuguant d´ores et déjà au passé, est, néanmoins, rentré dans les annales de l´histoire sociale et politique haitienne?
Si M. Aristide est le prototype du populisme qui était à son comble dans la société haitienne jusque dans les années 2003, M. Préval, son ancien dauphin de 1991 à 2001, celui d´un mutisme stratégique d – nous disons bien stratégique et plus loin nous allons montrer pourquoi – alors M. Martelly s´inscrit dans la lignée d´un courant propagantiste, l´une des potentialités que lui vaut son talent de chanteur, car en tant que tel, il est un excellent meneur de foule, il sait comment la séduire par un discours démocratique coloré de populisme, mais surtout de propagantisme. Toutefois, la propagande politique, qui est une sorte d´intoxication et de pollution de la volonté collective, a toujours existé avant M. Martelly, car nul chef d´État ne peut s´empêcher de faire de la propagande politique qui se veut une des armes puissantes de tout leader qu´il soit populiste ou pas. Le populisme suppose en lui-même la propagande. Mais avec M. Martelly, c´est le règne de la médiatisation et de la technologie du propagantisme politique par l´utilisation des nouvelles Technologies de l´Information et de la Communication comme la télévision – M. Martelly a acquis sa propre chaîne de télévision appelée MatellyTV interconnecté avec la THN –, l´internet, les réseaux sociaux tels que facebook, twitter, une espèce de télé-propagantisme dans le sens que l´entend Taguieff (2004). Il s´en est fait le champion. Sur ce, le propagantisme politique a atteint son point culminant, un sommet auquel il lui était difficile de parvenir au cours des vingt cinq dernières années. Par ailleurs, il importe de souligner que c´est en ayant hérité, comme on argue à le dire dans le langage populaire haitien, d´un pouvoir de ''GWO PONYÈT'' (c´est-à-dire un pouvoir issu de la raison du plus fort d´origine étasunisienne), que M. Martelly, une fois à la tête de la magistrature suprême de l´État, a pu finalement instaurer son système de propagantisme politique. Et, pour arriver à conserver le pouvoir, il s´astreint à ne recourir qu´à deux formules politiques controverses: le propagantisme politique par le truchement duquel il tente d´endormir le peuple par des projets de développement fictifs, ensuite vient la distraction politique qui passe par des discours élogieux envers un international arrogant, avare et sinique, mais lesquels discours dérangent l´opposition politique et constituent une sorte de provocation à l´opinion publique. C´est à ce carrefour de propagantisme politique mélangé d´un populisme sournois que se retrouve notre Haiti chérie aujourd´hui.

          Par ailleurs, si le populisme, comme tout mouvement idéologique, est une arme à double trenchant en ce sens qu´il peut élever un leader au sommet de sa réputation sociale et politique en même temps qu´il peut le dévaloriser et le rabaisser; si le mutisme d´un chef d´État, étant synonyme d´un laisser-faire, d´un laisser-aller et d´une carte blanche pour commettre des crimes, s´effectue dans une parfaite complicité avec l´international dans le but d´achever son mandat après avoir trompé la vigilance de plus d´uns y compris ses opposants les plus radicaux, de façon en conséquence à pouvoir rester tranquilement dans le pays sans se reprocher et sans être reproché de quoi que ce soit, donc apparemment lavé et blanchi de tout soupçon; enfin, si le propagantisme politique énervant, au même titre que le populisme démagogique ou la démocratie truquée et corrompue, a pour principal objectif de leurrer le peuple, de l´intoxiquer, de le chosifier, de polluer son intelligence avec des scories tout en faisant fi de ses véritables révendications et en se comportant comme sourd et aveugle – son charisme de type propagantiste est son seul guide – alors il convient de nous poser la question suivante: Lequel d´entre ces trois courants d´idées est, dans le cas d´Haiti, le plus avantageux pour un leader politique et ses flagorneurs et l´est moins pour l´intérêt du peuple haitien? C´est une question qui englobe presque tout le sujet que nous voulons traiter ici et à laquelle il faut répondre avec précaution, car les réponses à soutenir peuvent varier en fonction de chaque mouvement. Avant de nous atteler à cette tâche, le problème de définition du concept de populisme mérite une attention particulière.

1.2.            Problématique d´une définition du concept de Populisme
          Que devons-nous entendre par la notion de populisme? Qu´est-ce qu´un populiste? Quel rôle joué par un populiste dans la société? Quelle est sa place au sein d´un système politique? Quelle est la différence entre un populiste, un démagogue et un démocrate? Quel est le sens contemporain de la notion de populisme aujourd´hui? Sous quel visage un chef populiste se présente-t-il d´ordinaire? Quelle est la place du charisme dans le populisme? Sur le sujet les interrogations ne cesseront de pleuvoir. Néanmoins, pour ce qui concerne cet article, trois aspects devront nous intéresser, il s´agira de préciser ce que le populisme est en soi, la relation entre le peuple et le populisme, la nature et l´image que projette tout leader populiste avant d´aborder le modèle populiste aristidien.
Le populisme, concept polysémique à la fois objet d´un suremploi et d´un emploi abusif, traduit littéralement tout mouvement, toute initiative ou toute stratégie – de nature plus ou moins désorganisée, non conceptualisée et théorisée – ayant pour épicentre le peuple dont la défense des intérêts représente la cause centrale et l´objectif principal. Disons mieux d´une autre manière, le peuple constitue l´un des principaux chevaux de bataille de tout courant idéologique de nature populiste ou encore de tous les hommes politiques qui se réclament être populistes ou ont été taxés comme tels. En effet, le discours d´un leader politique ou le leader lui-même ou encore un mouvement populaire peut être taxé de populiste pour quelques-unes des raisons suivantes: Soit qu´il dérange à la démocratie formelle et institutionnelle existante, mais décriée et dévoyée parce que, corrompue et pourrie, elle camouffle et bluffe, soit qu´il est en nette opposition avec l´ordre établi et véhicule un message de ''haine'' (il faut songer, dans ce cas précis, au populisme aristidien en Haiti et au populisme lépéniste en France), soit qu´il dit crûment sans utiliser la langue de bois ce que les autres pensent tout bas, soit qu´il ose porter à l´attention de tout le monde, suivant ses propres stratégies provocatrices et parfois violentes, les vrais problèmes des masses populaires particulières bien souvent oubliées, soit qu´il proteste contre l´injustice sociale, l´inégalité sociale, la répartition inégale des richesses etc., soit qu´il se détermine à contredire les programmes gouvernementaux. 
           Le mouvement populiste s´inscrit dans une lutte acharnée marquée par une éternelle insatisfaction, en d´autres termes, les populistes sont des éternels insatisfaits. En ce sens, tout mouvement populiste est à l´origine moraliste et identitaire en ce qu´il veut blâmer la morale politique existante, critiquer l´élite économique cupide et défend une doctrine identitaire des peuples contre toute vision universaliste estimée dangeureuse pour la conservation des valeurs, des moeurs, des traditions, des coutumes, des cultures et de la morale à caractère national. Le caractèrre populiste d´un courant ou d´un mouvement provient, le plus souvent, de l´extérieur, du dehors, de l´autre camp adverse, et s´inscrit dans un processus de déconsidération et de décoloration de la réalité. Ce qui fait qu´il y a, d´un côté, la nature du mouvement populiste en lui-même, c´est-à-dire ce qu´il est dans son essence et ce qu´il engendre comme résultat, et la perception ou la lecture de l´adversaire ou de l´opinion publique d´un tel mouvement de l´autre.
En effet, de nos jours, à l´époque contemporaine où nous vivons, traiter un chef d´État ou un leader politique de populiste est le plus souvent perçu comme une insulte proférée à l´égard de ce dernier, une injure pour susciter un affaiblissement de son intellectualisme et une justification de son illetrisme. En d´autres termes, c´est le rendre impotent sur le plan moral et éthique et tendre à anéantir sa carrière politique. L´image contemporaine qui nous est donnée d´un chef populiste - sans besoin de remonter à l´histoire du populisme en Europe, plus particulièrement en Russie, en Amérique Latine, plus précisément en Argentine et au Mexique, où il était synonyme de pouvoir du peuple plutôt que de démagogie politique - est celle d´un déréglé, d´un hors la loi, d´un hors norme pour la simple et bonne raison que ce dernier se met au côté d´une bande d´idiots, d´analphabètes qu´est le peuple dont il défend les intérêts, au lieu de défendre ceux des élites oligarchiques. Tout dirigeant politique dès qu´il s´identifie lui-même ou son régime au peuple est toujours perçu comme populiste de telle sorte qu´il devient partisan d´une bande de mécriants et d´incultes (Delsol, 2008; Taguieff, 2004; Deleersnijer, 2006). Chavez au Vénézuela, Poutine en Russie, Le Pen en France, même Bush aux États-Unis, et plus près de nous, notre fameux Aristide, tous ces chefs d´État contemporains n´ont pas pu échapper à ce qualificatif. 
          Pour Le Pen et Aristide, c´est un peu différent, parce que l´un et l´autre se sont eux-mêmes réclamés d´être du peuple et pour le leader du FN il se dit qu´il est lui-même le peuple. Donc, sans besoin d´aller plus loin dans le débat si complexe et compliqué sur les diverses théories et les différents types de populisme, il convient de retenir que le populisme est le mouvement politique le plus mal vu de l´histoire sociale et le plus critiqué de l´histoire politique contemporaine. Il est considéré comme étant désastreux, désavantageux et fragile pour l´avenir de la démocratie et pour le peuple lui-même duquel il prétend faire la volonté. Mais, par ailleurs, il faut admettre aussi que c´est un mouvement problématique qui dépasse l´entendement et la compréhension des grandes théories politiques telles que le parlementarisme tant en Europe, en Amerique Latine qu´en Afrique ou en Asie où il est en germe. Néanmoins, le grand problème, c´est qu´au lieu de chercher à comprendre, à étudier et à analyser le mouvement populiste, plusieurs théories politiques et théoriciens de la démocratie ont préféré le condamner, le banaliser et le diaboliser. Il est dit qu´un populisme excessif tend à la démagogie et est toxique pour le peuple. Un populisme qui tend à flatter les particuliers, la faveur du peuple est de la sorte un affront à la démocratie, une effronterie à la dignité et à la personnalité de ses leaders, ainsi il effondre la société. Mais qu´est-ce que le peuple? Ceux-là qui prétendent défendre les intérêts du peuple sont-ils eux-mêmes du peuple? Qu´est-ce qu´ils deviennent après avoir accédé au pouvoir au nom du peuple? C´est là un autre problème à résoudre.
Se basant sur l´historiographie du populisme – entendons par là l´évolution historique du populisme en tant que mouvement du peuple ou le peuple en mouvement – tous ceux qui ont fait du peuple la cause de leur lutte pour mieux s´enrichir ne se sont jamais issus du peuple, n´appartiennent point au peuple, mais à une élite économique et à la bourgeiosie écrasante. Ces élites se font le plus souvent passer pour des fervents défenseurs d´un peuple qu´elles prennent souvent pour des canails, qu´elles ne comprennent jamais et dont elles ne connaissent absolument rien. Concernant les besoins élémentaires et essentiels de ces derniers, elles s´en moquent éperdument. Ne n´était-ce pas le cas, le peuple ne se serait pas révolté contre elles lorsque cela ne marche pas, voilà pourquoi le populisme est le plus souvent pris pour une révolte sociale et politique, et traduit les frustrations et tout l´état colérique d´un peuple exploité, épuisé et meurtri. Par ailleurs, plus précisément dans le cas d´Aristide, certains défenseurs du peuple dans le passé, même s´ils provenaient de la classe moyenne, mais une fois accédés au pouvoir, ils lui tournent le dos, ils l´oublient. Ils prennent le pouvoir au nom du peuple, mais ils gouvernent contre le peuple, “car finalement la foule sera perdante et bernée: le tyran, après avoir supprimé les élites, gouvernera contre elle” (Delsol, Op. cit. p. 19). Or, bien qu´originellement séparés ou détachés du peuple, ils continuent toutefois à tenir un discours fourvoyant, ce dans le but d´impressionner un peuple qui, en réalité, n´est plus dans leur agenda. 
Cependant, un chef populiste est, le plus souvent, victime de son propre populisme ou de sa propre popularité dans la mesure où il est découvert par le peuple dans ses actes de dupérie. Tombés dans son propre piège d´excès de populisme, les chefs populistes précipitent leur propre chute. Ils deviennent les pirs ennemis du peuple. Nous en déduisons ainsi que le chef populiste l´est aux yeux des élites lorsqu´il prétend défendre excessivement les intétrêts des particuliers, et peut l´être aussi dans la pensée collective quand il est entrain de tromper le peuple. Dans les deux cas, le mal est infini. Mais, dans la perception des élites, le populiste est un pauvre type, mais très dangereux pour l´avenir de leur démocratie et de leurs intérêts. Son discours est révoltant, haineux et à la limite meurtrier. Il faut à tout prix l´étouffer au préalable. Mais pourquoi faut-il l´étouffer si le populisme vise le même sujet que la démocratie à savoir le peuple?

Si le populisme et la démocratie se sont tenus la main en se référant au peuple, en se fondant sur la volonté populaire et en se disant être le pouvoir du peuple, ce dernier en est melheureusement si souvent la principale victime. Populisme et démocratie, en se réclamant d´être au côté du peuple, font bon ménage en ce sens que les deux prétendent travailler au profit des masses populaires, mais les théories sont presqu´unanimes à insinuer, malgré les nuances, que tout mouvement populiste est à priori anti-démocratique parce que le populisme souffre de plusieurs problèmes d´ordre conceptuel, théorique et doctrinal, le populisme, ajoutent les théoriciens, est une corruption idéologique et une perversion méthodologique de la démocratie (Mény et Surel, 2008; Beleersnijer, Op. cit; Taguieff, Op. cit; Dorna, 1999; Dorna et Viqueux, 2004; Hermet, 2000; 2008; Hermet, Loaeza et Prud´homme, 2001). Non seulement tout pouvoir qui se serait déclaré ouvertement être du populisme – ce qui est d´ailleurs très rare, car, affichant un comportement de plus en plus prudent et véhatif, un homme avisé est plus enclin à prendre un verre avec un démocrate qu´avec un chef populiste de peur de perdre sa réputation – est susceptible d´être vaincu par les élites économiques et bourgeoises qui, optant pour la démocratie  et la bureaucratie capitaliste, estiment le mouvement populiste extrêmement dangereux pour leurs intérêts et pour ceux du peuple; mais surtout, le populisme est en soi dangereux pour le peuple lui-même, car de nature émotionnelle, charismatique et exastique, il est souvent la pulsion d´un chef charismatique animé d´une volonté personnelle et émotionnelle de tout renverser en transformant bien sûr généralement une simple question personnelle en droit. Mais, de quel peuple il s´agit? Une catégorie à priori bien construite dans la pensée des élites et des dirigeants et jamais le peuple en tant qu´il s´agit des masses les plus pauvres, défavorisées, misérables, mal nourries et mal vêtues, celles sur qui les cafards dorment chaque jour.
C´est en ce sens que le populisme est le plus souvent pris pour une déformation, une maladie voire une négation de la démocratie. Ce, non pas parce qu´il ne prétend pas défendre effectivement le peuple, mais parce qu´on estime que ses stratégies violentes vont à l´encontre du bien être même du peuple et des principes démocratiques. Donc, les auteurs en s´attaquant aux problèmes d´ordre structurel, organisationnel et institutionnel du populisme pour faire ressortir sa dangerosité pour le peuple impatient d´une amélioration de sa condition de vie, touchent à un point crucial de la problématique du populisme dans l´histoire de la pensée politique contemporaine que les théories de la rationalité politique tendent à fuir. À ce titre, même le peuple doit se méfier des chefs populistes et de tout mouvement populiste, car ce n´est pas tout mouvement de ce genre qui défend ou est capable de défendre véritablement sans hypocrisie les problèmes réels du peuple. Mais, la démocratie n´a pas besoin de se triompher ou de se rire des déficiences du populisme pour se croire être saine et parfaite aux yeux du peuple, car elle aussi – même si jusqu´à présent elle est moins pire et corrompue que les autres systèmes politiques – est contre-productive pour le peuple en ce sens qu´elle n´arrive pas vraiment à le sortir de son trou de misère, d´inégalité, d´exclusion et de désespoir pour le garantir un lendemain meilleur.
La démocratie s´entend différemment d´une société à une autre. La conception de la démocratie dans les pays riches n´est pas la même dans les pays pauvres, donc il y a démocratie et démocratie cela dépend pas de quel régime politique, mais de quelle société l´on parle. Dans la plupart des pays qui ont adopté le système démocratique il y règne une pauvreté et une misère criantes. Les pays les plus pauvres en Amérique, en Afrique et en Asie, optent pour la démocratie comme régime politique. Or, Les peuples y sont de plus en plus marginalisés, maltraités, exploités et même oubliés au profit du capitalisme prédateur. Face à ce dilemme, il faut non seulement poser le problème de la nature, du rôle et de la place de la démocratie dans une société à une autre, mais encore questionner son avenir face à un capitalisme qui croît à outrance et au service duquel, semble-t-il, elle se met. Néanmoins, il est également périlleux pour une société de se laisser intoxiquer et asphyxier par le populisme, car tout discours de chef populiste est cancéreux pour le développement d´une société. Le populisme contemporain est un discours démagogique qui n´a rien à voir avec le besoin réel du peuple. Entre la démagogie et le populisme, il y a une synonymie et une ressemblance, à caractère historique, tellement frappantes qu´il n´y a pas lieu de les dissocier. Ainsi, pour clore cette partie, nous pouvons retenir que le populisme est une révolte sociale et politique qui remet en question l´existence et l´institution de la démocratie bien que le peuple occupe le centre d´intérêt de chacun d´eux. Mais, les deux parlent-ils le même langage en employant le mot peuple? Quelle est la nature de ce peuple auquel la démocratie se réfère et celui dont parle le populisme?
          Nous pouvons répondre rapidement et succintement en disant que le peuple du populisme est celui des masses défavorisées, les pauvres, les analphabètes, les incultes, les misérables et les miséreux qui vivent dans les périphéries, les oubliés et les abandonnés, des laissés pour contre des gouvernements cupides. La démocratie, elle, a toujours un peuple en perspective, un peuple civilisé, instruit, éduqué, connaissant et maîtrisant les règles et les principes de la bonne gouvernance, mais, malheureusement, il s´agit d´un peuple abstrait et fictif qui n´existe nulle part ailleurs. C´est une exagération voire un excès de langage de dire que la démocratie est le pouvoir du peuple qui, contrairement à la vision démocratique, n´est pas capable de contrôler sa colère et son émotion. Ainsi, le peuple tel que l´entend la démocratie est catégoriel. C´est, en outre, un idéal-type bien construit pour désigner ceux-là qui ont atteint un certain niveau de civilisation. S´il y a démocratie et démocratie, de même il y a peuple et peuple, et, lorsqu´un politiste et un démocrate parlent de peuple, ils ne parlent pas des mêmes personnes, ils ne sont pas entrain de dire la même chose, donc ils ne chantent pas la même chanson. La perception démocratique du mot peuple est une pure exclusion maquillée et une espèce de discrimination qui ne dit jamais son nom (Taguieff, 2004; Mény et Surel, 2000). Le peuple dans la conception populiste a, tel que Tarde entend, le sens de foule et se rapporte à cette masse non ordonnée et non catégorisée d´individus sans distinction aucune (Tarde, 2010).
Ainsi, le populisme n´est pas forcément mauvais en soi, il n´est pas une notion tout à fait vouée à tromper les gens, mais tout dépend de l´usage qui en est fait. Étant donné qu´il partage avec la démocratie le même objet, cette dernière tend de plus en plus à le diaboliser en faisant croire qu´il lui est incompatible. Or, nous avons vu que de grandes campagnes populistes ont lieu dans les régimes dits démocratiques bien que le populisme n´ait pas besoin d´un système politique précis pour se manifester. Le populisme peut se faire taxer de communisme dans la mesure où ceux qui le combattent férocement l´assimilent à une supression de l´État au profit d´une suprématie populaire. En effet, tout mouvement populiste comporte, au prime abord, un caractère communiste et socialiste, en ce qu´il tend vers l´amélioration des conditions sociales et économiques des plus démunis. Était-ce la vision de M. Aristide lorsqu´il s´est fait le héros haitien du populisme. 

1.3.             Le populisme aristidien
Nous devons nous demander, dans le cadre de cette analyse critique du populisme aristidien, pourquoi les deux mandats présidentiels de M. Aristide, le premier de 1991 à 1996 et le second de 2001 à 2006, ont-ils si brutalement été interrompus en 1991 et en 2004, alors que M. Préval a bouclé les siens, le premier de 1996 à 2001 et le second de 2006 à 2011 comme sur des roulettes? L´explication au premier échec peut être extraite d´un manque de maîtrise du contexte historique et de l´arena politique dans lequel il évoluait d´une part, mais d´autre part d´un usage excessif et émotif de la théorie du populisme qui était en vogue dans les années 70 partout en Amérique Latine. Ce populisme s´est accompagné d´une vision charismatique qui, à l´époque, pouvait faire bon ménage avec l´espérance des Haitiens. Au deuxième échec nous pouvons attribuer un surdésir de se satisfaire lui-même, de respecter son contrat avec l´international et de répondre aux exigences des OP (Organisations Populaires) qui ont lutté ardemment pour son retour qui ne pouvait être effective que sous des conditions imposées par la France, le Canada et les États-Unis. Ce jeune prêtre fraîchement sorti de Saint Jean Bosco, issu des classes moyennes manifestait – il faut le reconnaître – dès le départ de très bonnes intentions à l´égard du peuple. Mais, il devait faire face à de grands obstacles tant sur le plan national qu´international. Pour comprendre le populisme aristidien, il est important de le répartir en deux moments historiques distincts: de 1990 à 1991 et de 1994 à 2004 sachant que ces deux périodes sont entrecoupés par deux exils, l´un en 1991 et l´autre en 2004. En effet, si le premier exil a complètement transformé ce populiste avéré et prostestataire, le second l´a entièrement métamorphosé en le rendant moins gênant.
C´est en effet la popularité d´Aristide engendrée par un mouvement populaire du nom de FNCD (Front national pour le changement et la démocratie), un parti à essence populiste prônant un discours de rassemblement, qui l´a permis d´accéder au pouvoir avec plus de 60 % des voix lors des élections tenues en décembre 1990. Une popularité dangereuse et provocatrice à vrai dire. Prise dans un enclos populiste, cette popularité allait précipiter en même temps sa chute en 1991, voilà pourquoi nous avons dit au commencement que le populisme est une arme à double tranchant. En fait, la chute d´Aristide de 1991 est due à sa position en faveur du peuple, son ambition trop poussée à vouloir changer ses conditions de vie, ce que les élites oligarchiques ont détesté amèrement et ne veulent tolérer chez aucun leader, qu´il soit charismatique, populiste ou méssianique, car, comme nous venons de le montrer, tout leader qui se met au côté du peuple - cette masse d´ignorants et d´imbéciles qu´il faut domestiquer et non éduquer - se déclare automatiquement ennemi des classes économiques dominantes. Or, à cette époque, M. Aristide n´était pas seulement porteur d´un discours charismatiquement populiste, il était surtout très populaire. Ce qui dérangeait les élites économiques et la classe politique tradionnaliste puisque pour elles M. Aristide est noviste sur la scène politique nationale. Toute position populaire et populiste met en jeu les intérêts de ces classes et ceux de l´international qui veulent qu´Haiti reste toujours un pays pauvre pour mieux l´asservir. Donc, en 1990, pour ne pas froisser la volonté du peuple, les protagonistes responsables de la situation politique, sociale et économique du peuple ont laissé la chance à M. Aristide de parvenir à la magistrature suprême de la nation, car il était incontestablement le leader charismatique du peuple. Mais, dès le début, il était pressenti d´être un obstacle à la conservation du système d´exclusion sociale. Ainsi, élu en 1990, moins d´un an plus tard après son investiture, il est renversé par un violent coup d´État militaire orchestré par les États-Unis de connivence avec les élites économiques et politiques du pays dont les intérêts se sentaient vraiment menacés depuis son accession à la tête de l´État.
          Nous pouvons insinuer que l´Aristide de 1990 a raté son premier mandat présidentiel parce qu´il a commis des excessivités sur le plan politique en se mettant au côté du peuple, disons mieux, parce qu´il était trop populaire et tenait un discours trop populiste dans l´intérêt du peuple. Il était qualifié de prétendu fervent défenseur du peuple par ses détracteurs. Comme ses prédecesseurs, il a intelligemment évité de se déclarer populiste, mais son discours, ses interventions médiatiques, ses prises de position axés sur la misère, la pauvreté, le chômage, la répartition inégale des richesses, l´injustice sociale – sujets sensibles et fragiles – laissaient clairement entrevoir un populisme avéré. On pouvait facilement le lire à travers ses campagnes et discours politiques de 1989 à 1991. Dès que quelqu´un touche à ces dossiers sensibles et brûlants, il faut en même temps qu´il prépare son cercueil, soit prêt à se faire assassiner ou à partir précipitemment en exil dans le cas où il refuserait de jouer le jeu mafieux. Quel jeu? Tenir un discours pour le peuple et travailler dans les coulisses contre le peuple. C´est ainsi que se résume ce jeu. Cependant, rares sont les chefs populistes qui se réclament péremptoirement de l´être. Aristide n´était pas des moindres on reconnaît en lui quelqu´un qui a milité au côté du peuple, pour changer ses conditions de vie sociale et économique. Donc, le populisme, dans le sens positif du terme, est à la base de la chute du premier Aristide qui, étant jeune et fraîchement sorti du couvent, a commis des excès de langage, pas mal d´erreurs d´ordre stratégique en s´étant montré trop fougueux et ambitieux à la cause du peuple. Ce qui lui a valu même l´étiquette de démagogue de la part de ses potentiels opposants.

            Le populisme est également à l´origine de la chute de l´Aristide, seconde version de 2001 à 2004. Mais, ce populisme prend un autre sens. En effet, l´Aristide qui est revenu sur la scène politique haitienne en 1994, après avoir passé trois ans et demi en exil en séjournant dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis où il a passé la majeure partie de son temps, n´était plus le même, il est devenu complètement un autre personnage, il a été métamorphosé. Il n´est plus populiste? Non, bien au contraire il le devient davantage, ce qui va d´ailleurs entrainer son second exil. Alors, il a décidé de jouer la carte de l´international? Oui et non à la fois, car se croyant malin, il a décidé de jouer un double jeu: d´une part il manipule le peuple et le promet des monts et merveilles, d´autre part il trompe et ment aux bailleurs de fonds étrangers auxquels il n´arrive pas à tenir ses promesses. Mais quel est cet Aristide qui est revenu en 1994, à qui son protégé M. Préval reconnaît sa gouvernance fictive de 1996 à 2001?

          C´est un Aristide féroce dont le cerveau, dirait-on, a été façonné, travaillé, retravaillé et ré-retravailé à la taille du projet et de la volonté de la communauté internationale. Il devient un lion, un cupide, un avare qui oublie le peuple même s´il faisait toujours semblant de le songer. En dépit de tout, il demeure un des hommes les plus aimés du peuple haitien, il ne lui est pas du tout facile de se détacher de lui et vice versa. De fait, il se résout à jouer le double jeu sur les deux terrains – ce qui est d´ailleurs très dangéreux et pour la démocratie et pour le populisme – en ce sens qu´il continuait d´induire le peuple en erreur par des paroles flatteuses en lui promettant l´irréalisable, de même, les engagements pris par devant le Département d´État à Washington qui l´a ramené de force au bercail n´ont pas été tenus. Le populisme aristidien de 1991 était moins démagogique – même si on s´acharnait à le désigner comme tel – sur le plan idéologique et pratique que son populisme ancré à sa gouvernance de 2001 à 2004. C´était du populisme d´un accent démagogique pur qui se faisait et le peuple qui n´en pouvait plus, bien que manipulé, a précipité sa seconde chute. C´est, de plus, Aristide qui a lui-même occasionné cette chute en n´arrêtant pas de passer en dérision et l´international et le peuple em fermant les yeux sur les actes de criminalité qui se commettaient en son nom par ceux qui se réclamaient être ses partisans. D´ailleurs, son accession au pouvoir a été durement critiqué parce qu´il a gagné les élections de 2000 dans la fraude, rafflé tous les postes parlementaires, en faisant au peuple des promesses falacieuses, insipides et abstraites qu´il se savait d´ores et déjà irréalisables.  De plus, se croyant trop populaire et même trop aimé du peuple, il n´a pas pu retenir ls formation d´un corps de milices paralèlle à la force policière, celui qu´on nomme très improprement ''les chimères''. Face à ces dérives insupportables tant sur le plan national, regional qu´international, il était contraint à un second exil, le 29 février 2004, en Afrique du sud.
          La première chute d´Aristide en 1991 était due, nous l´avons dit, à son attachement trop serré et étroit avec le peuple, un populisme à l´extrême dans le sens positif du mot, alorsque la seconde en 2004 est la résultante de son détachement d´avec le peuple dont il ne peut pas satisfaire les besoins et du non respect de l´accord qu´il a eu avec ceux qui l´ont ramené manu militari au pays en 1994, lequel accord demeure, toutefois, une fiction, puisque personne n´en connaît le contenu si ce n´est M. Aristide lui-même. Néanmoins, en toute logique, il est fort probable qu´une entente, de fait ou de droit, ait eu lieu entre lui et ses ravisseurs sinon son retour n´aurait pas été possible, car, comme Haiti est une savane, les ravisseurs d´hier sont les négociateurs d´aujourd´hui, c´est-à-dire ce sont ces mêmes puissances internationales qui l´ont enlevé de force en 1991 et en 2004, qui ont aussi décidé qu´il revienne au bercail en 1994 et en 2011, nous voulons parler donc des États-Unis, de la France, du Canada et de l´Union Européenne.
          Deux mandats interrompus, inachevés et râtés à cause d´une tendance populiste dans un premier temps trop excessive, trop trompeuse et démagogique dans un second temps. Entre 1991 et 2004, il se jouait contre M. Aristide un triple jeu fatal: Un international qui réclame sa tête, une opposition et une élite économique qui le détestent, enfin, un peuple qui se divorce d´avec lui parce qu´insatisfait de sa politique et au sein duquel il ne trouve plus de refuge malgré son amour et son attachement à lui. Ce n´est pas qu´il soit devenu moins populaire, mais parce qu´il s´est métamorphosé en un populiste pratiquement couvert de honte. 
          Donc, le cas du populisme aristidien en Haiti est très particulier comparativement à celui dont on a qualifié Chavez en Amérique Latine, Poutine en Russie et Le Pen en France. Le populisme de ces derniers a produit de véritables révolutions sociales et économiques et a conduit à des avancées dans leur société. Et, malgré l´opposition des élites oligarchiques, ils ont pu parvenir à concilier d´une façon ou d´une autre les intérêts du peuple et ceux des classes dominantes, en créant des services sociaux de base, bien que jusque là la lutte pour un mieux être soit loin de terminer au Vénezuela, en Russie et en France. Pris entre l´enclume et le marteau de 2001 à 2004, Aristide affaibli a préféré céder à un populisme propagantiste qui suscite la violence sociale. En effet, depuis 1991, le discours populiste de M. Aristide avait une allure haineuse contre la bourgeoisie mercantile et prédatrice haitienne. Peut-être la stratégie mutiste de M. Préval, son compère, avec qui il a censé cesser toute relation amicale ou politique depuis son départ pour le second exil en 2004, aurait-il pu lui épargner cet exil. Depuis son retour en 2011, les relations entre les deux hommes, amis d´antan, ne se sont pas reprises.
         Enfin de compte, le populisme aristidien a été catastrophique et décevant pour le le peuple haitien qui croyait trop en lui. Au lieu d´un avancement ou d´un progrès, il a contribué de préférence à tuer l´espoir en chaque haitien de voir un jour sa condition sociale améliorer, plus de pauvreté, de misère et d´inégalité sociale en résultent, ainsi le pays est entré dans deux décennies d´immobilisation tant sur le plan social qu´économique. L´une des principales conséquences du populisme aristidien est d´avoir induit les plus pauvres en erreur en leur faisant croire que ce sont les riches, les gens fortunés et les bourgeois qui sont la cause de leur situation de pauvreté. Ce discours a créé plus d´animosité et de haine dans les relations sociales et a contribué grandement à la criation d´une société de plus en plus inégalitaire et violente.
Depuis son retour jusqu´à aujourd´hui, M. Aristide s´est clos à la Presse qui ne sait à quel saint se vouer pour arracher de sa bouche quelques mots sur les conjonctures politiques et pourquoi pas un simple ''Frèm sèm''. Il s´est renfermé sur lui-même. Moins bavard, il est devenu muet comme M. Préval et a fait du mutisme son moyen stratégique pour ne pas trop s´attirer les regards des médias et allumer sur lui les projecteurs des caméras. Il s´enferme, comme M. Préval, dans son domicile à Tabarre où il s´adonne à l´éducation. Certains croient que ce mutisme est loin d´être volontaire. Il fait partie de la clause de la négociation et de l´entente qui ont ramené M. Aristide au pays en 2011. Il paraît qu´il lui a été dit: « Taisez-vous! Ne vous mêlez point de la politique, ainsi nous vous laisserons tranquile ». Toutefois, peu importe la ou les raisons d´un tel mutisme imposé ou pas, il paraît que le mutisme prévalien porte fruit et soit peut-être une meilleure stratégie politique à adopter pour être fort en Haiti. Car, en se taisant depuis trois ans et demi, M. Aristide évite de se créer des ennuis à lui-même et autour de lui, surtout avec la justice internationale, même si, la justice haitienne, par certaines manoeuvres politiciennes, a tenté, par le biais de l´honorable juge Lamard Bélizaire, de lui causer quelques ennuis en décernant contre lui un mandat d´amener, lequel mandat n´a, jusqu´à cette présente minute, jamais été exécuté. C´est la preuve flagrante qu´il ne s´agissait pas d´un acte judiciaire mais plutôt d´une tentative d´intimidation dans le but, peut-être, de forcer M. Aristide à sortir de son mutisme. 
C´est la nature et l´essence de ce mutisme qu´il convient de découvrir maintenant cette fois avec celui qui représente sa figure de proue, en la personne du président Préval qui, comme M. Aristide, est un personage à double facette politique.

Campinas, 3-02-2015
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[*] Cet article est publié tant en bloc qu´en partie séparée. Ici sont traitées les trois parties réunies.

RÉFÉRENCES

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