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CARNAVAL ET ÉDUCATION: ENTRE LE CULTUREL ET LA CULTURE INTELLECTUELLE


Quand dans une société les gens se trouvent à un carrefour où ils s´interrogent sur le choix à faire entre deux choses éminemment et intimément liées à l´existence tant culturelle qu´intellectuelle d´un peuple, à savoir, le Carnaval et l´Éducation, alors là il faut s´asseoir pour se poser les questions suivantes : Dans quel genre de société vivent les Haitiens? À quel type de société appartiennent-ils? Ne s´agit-il pas d´une société disloquée où les gens perdent toutes leurs lucidités morales, historiques, patrimoniales et culturelles? N´est-ce pas une société qui fait face à une situation de déviance constante, société dans laquelle personne ne contrôle rien, personne ne contrôle personne, personne ne se contrôle soi-même? Une société de cette trampe représenterait un véritable danger pour les autres dont elle est entourée, de plus, elle serait appelée à disparaître, et cette disparition résultera des décentes aux enfers constantes.  



Le carnaval haitien en face d´un dilemme




A ce que je sache, carnaval et éducation sont deux éléments d´un même ensemble appelé culture, or la culture d´une société est son âme, alors elle ne peut, en aucune façon, marchander avec deux grandes choses qui font de ses membres des gens civilisés. C´est la plus grossière des absurdités auxquelles je n´aie jamais fait face depuis mon existence: La tendance de mettre le carnaval en conflit  avec l´éducation. Je dis bien la tendance parce que jamais, et au grand jamais, il ne peut et ne doit y avoir aucun conflit entre eux. Car l´un n´est pas plus important que l´autre dans la mesure où les deux participent conjointement de la construction culturelle, sociale et intellectuelle de l´individu. Mais, au moment où tous les groupes de différentes tendances: compas, racine, rap, reggae, ect., se bousculent dans des studios pour enrégistrer chacun sa méringue carnavalesque, la crise des professeurs, venant s´ajouter à la longue liste des diverses crises que le pays a connues et continue de connaître, suscite un débat toutefois stérile et ridicule autour de l´importance de l´organisation du carnaval et l´état actuel de l´éducation. Notre Haiti chérie, paraît-il, se trouverait exposée à un dilemme de choix: carnaval ou éducation.

 Haiti, un pays ''crisi-lophone[1]''

Haiti est un pays où l´on ne parle que de crise, l´on en parle tellement qu´il semblerait que c´est la langue la plus et la mieux parlée par tous les Haitiens en remplacement du créole. C´est un pays dans lequel les crises s´installent en maître et seigneur: crises dans le système éducatif, au sein de la culture, dans les familles, dans les écoles, enfin, la crise suit le pays partout dans ses compartiments.  Ces crises incessantes, affectant bien sûr l´éducation et la culture qui, depuis un certain temps, sont bafouées et vilipendées au profit d´une politicaillerie, sont de nature éthico-morale, sociale, culturelle, politique, économique, psychologique, et même intellectuelle. Elles ont des conséquences néfastes sur l´éducation et la culture qui représentent deux moteurs géants jouant un rôle crucial dans la construction et le façonnement de l´homme. 



En effet, quand ce n´est pas des étudiants ''limonardiens'' qui, à la recherche de solutions faciles aux problèmes cruciaux ne datant pas d´hier au sein de l´Ueh, séquestrent le recteur de cette université, Prof. Jean Henry Vernet, ainsi que le président du comité provisoire de gestion du campus de Limonade Prof. Dr. Jean-Marie Théodat; quand ce n´est pas des étudiants de l´INAGHEI qui gifflent des professeurs, réclament le départ de certains d´entre eux et la réintégration de quelques-uns de leurs camarades expulsés; quand ce n´est pas des professeurs qui rentrent dans un conflit meurtrier avec leurs propres étudiants, ceux dont ils sont les potentiels formateurs et qu´ils envoient transformer la société; quand ce n´est pas les enseignants qui investissent les rues de la capitale et les différentes villes de province pour révendiquer le paiement de leurs arriérés de salaires et en même temps réclamer de meilleures conditions de travail dans le secteur éducatif; quand ce n´est pas des centaines d´écoliers qui occupent le pavé pour réclamer une éducation de qualité, alorsque ce gouvernement propagandiste se vante d´avoir mis sur les bancs de l´école plus d´un (1) million d´enfants, un chiffre très constesté d´ailleurs; quand ce n´est pas nos jeunes écolières qui se livrent à des orgies sexuelles et striptease après s´être fait renvoyer de leur établissement scolaire respectif; quand ce n´est pas des policiers qui rançonnent les citoyens; quand ce n´est pas des écoliers qui, au lieu d´être en salle de classe entrain de recevoir des connaissances qui leur serviront dans l´avenir, se livrent à des actes de sauvagerie en se laissant manipuler; quand ce n´est pas la CEH qui prend la tête d´un dialogue mort-né entre les représentants du gouvernement, du parlement, des partis politiques et de la société civile en vue d´une sortie de crise, un dialogue dans lequel chaque groupe se tue à avoir sa part du gâteau; quand ce n´est pas tout cela; alors, comme si cela ne suffisait pas, c´est l´attaque contre le budget du carnaval qui vient aggraver la situation. En fait, selon certains groupes il vaudrait mieux ne pas organiser le carnaval cette année afin que le fonds alloué aux festivités carnavalesques soient utilisées pour payer les enseignants. Donc, cela se traduit clairement par une remise en question du rôle et de l´importance du carnaval. Une remise en question qui, ayant atteint à mon grand étonnement le plus haut sommet de l´État, est susceptible d´affaiblir l´art et la culture haitiens. Ainsi, paraît-il que le nom de pays ''crisi-lophone'' sied bien à Haiti.


Haiti, entre la perte ou la mort de la culture?

Au même titre que le vodou, le carnaval s´ancre à l´univers culturel haitien. La culture d´un peuple n´est en aucun cas négociable. Elle constitue son être et sa principale source d´inspiration. Le carnaval est une fête culturelle haitienne qui ne peut être l´objet d´aucun marchandage de la part des acculturés ou des inculturés. Il est dit dans la Bible que le chrétien est le sel de la terre, si un jour ce sel parvient à perdre sa valeur, il lui sera difficile de la retrouver. Je dirais, pour paraphraser ce verset biblique, si un peuple perd sa culture comment pourra-t-il la retrouver? En osant de comparer la culture au sel de la doctrine chrétienne on peut bien se demander s´il est possible à ce qu´un peuple puisse perdre sa culture? Et cette perte à quoi ressemblera-t-elle? À la mort ou à la domination par une autre culture plus puissante que la première? Comment un peuple peut-il perdre sa culture? Ce sont des questions auxquelles, au moment où l´on parle, la sociologie de la culture se tue à apporter des réponses scientifiques.



En effet, le débat de la perte de culture est encore très actuel dans cette branche de la sociologie contemporaine. Les échanges interculturels sont un des points centraux de cette problématique, ils interviennent dans la question de l´identité culturelle typique des peuples en même temps qu´ils posent le problème de la perte de culture. Les échanges interculturels constituent, selon certains auteurs, un carrefour de croisement des cultures sans qu´il y ait toutefois de perte de culture, car, sur le plan historique, toute perte de culture d´un peuple est susceptible de disparition. Autrement dit, une société meurt quand sa culture n´est plus. Dans le cas d´Haiti, il faut craindre que le pays puisse être frappé par ce drame.


Certains se précipitent à dire que culturellement parlant les Haitiens n´existent plus. Je pense qu´elles sont grossières, exagéreés et sans fondement de telles affirmations. Car la mort d´une culture est un long et lent processus, de plus, on peut parler de la mort d´une culture et non de la culture, car, même quand ce serait une culture importée, la culture sera toujours présente dans la vie d´un peuple. Cependant, même si la culture est dans une situation de crise comme cela arrive en Haiti, cela ne renvoie aucunement à une perte de la culture encore moins à sa mort. Dans toute société, de même que les institutions sociales peuvent être frappées par des crises, la culture aussi n´en est pas exemptée. La culture peut être en crise, et c´est ce qui se passe actuellement en Haiti, mais il est loin d´être une question de la mort même supposée de la culture. De plus, c´est la crise de la culture qui est à la base de cette oposition morbide entre le carnaval et l´éducation, et qui, de ce fait, renvoie également à une interrogation sur la vraie identité culturelle des Haitiens.

Vers une reconquête du traditionnel carnaval haitien



Le carnaval tel qu´il existe entant que phénomène socio-culturel est une festivité à laquelle tout haitien, je dis bien tout haitien, qu´importe sa race, sa foi religieuse, sa couleur, sa tendance politique, sa classe sociale ou économique, etc., devrait prendre part pour témoigner de son attachement à la culture de son pays. C´est l´occasion la plus opportune pour que Haiti exhibe sa vraie identité culturelle. C´est aussi le moment d´exposer et de vendre les vraies valeurs culturelles du pays sans excès ni extravagance bien entendu. Mais, le sens du carnaval, impunément ou inconsciemment galvaudé, tend à se diminuer. Le carnaval devient de plus en plus un lieu de toute sorte de bétises et de malversations. Il n´est plus une explosion de couleurs qui sautent aux yeux, une polémique modérée entre les groupes. Le carnaval haitien souffre d´un problème d´innovation et de créativité. Ceci résulte d´un problème chronique d´esprit d´initiative et de mémoire qui touche toutes les sphères des patrimoines historique, archivistique et culturel de notre pays. Nous n´avons aucune notion de mémoire. Nan bon kreyòl nou ta di nou fout koupe fache ak sa yo rele memwa a. En effet, le carnaval haitien des années 50 et 60 était une vraie festivité où la culture haitienne était réellement exhibée, où elle pouvait  se répandre. On ne courait aucun risque de comparer ce carnaval à celui de Rio au cours duquel la culture carioca est vendue gratuitement mais très chère, car c´est le moment opportun pour que le Brésilien, où qu´il se trouve, puisse exprimer sa profonde connexion avec la culture de chez lui. 




Le carnaval haitien a perdu tout son éclat, toute sa dimension, toute sa valeur, enfin, toute sa fraîcheur. Il ne lui reste plus rien sinon les nuissances sonorifiques et les polémiques stupides. Ce faisant, le carnaval haitien se transforme en un rituel, pas de nouveauté, c´est-à-dire on ne cherche plus à l´améliorer en créant d´autres activités cuturelle, littéraire et artistique chez les musiciens et artistes, donc on l´organise juste pour l´organiser. Il est tellement envahi d´une mentalité ritualiste, dont il lui sera difficile de sortir, que même les chansons carnavalesques et les thèmes deviennent de véritables catéchèses, des répétitions à n´en plus finir. La société haitienne change en retrograde, elle a perdu presque tout ce qui constituait ses points forts sur le plan culturel. Cela ne doit pas rester ainsi. Un plaidoyer pour reconquérir les plus belles images, les souvenirs les plus splendides dont était rempli le traditionnel carnaval de notre pays s´impose.

L´essence culturelle et intellectuelle du carnaval

Personne ne conteste, et ne peut contester d´ailleurs l´importance et la place de l´éducation dans une société, mais la mettre dans un dilemme de choix avec le carnaval, un maillon aussi important de la chaine culturelle haitienne, c´est là le vrai problème. L´éducation ne se véhicule pas seulement dans le formel, c´est-à-dire l´appartenance à un établissement scolaire ou à une université desquels découlerait le pain de l´instruction que l´on reçoit religieusement, le carnaval peut être aussi une source d´éducation. Il ne doit pas être traitécomme quelque chose d´anti-éducationnel ou qui n´a aucun rapport avec l´instruction et la formation. Contrairement à l´idée dont on fait de lui, le carnaval peut jouer un rôle important dans la croissance de la culture générale de l´haitien, car tout ne s´apprend pas uniquement à l´école ou à l´université. La connaissance générale s´acquiert par plusieurs voies et moyens: la presse (orale, écrite, télévisée), les méringues carnavalesques bien écrites et documentées, l´échange interculturel, l´internet, etc. Il n´est pas possible, dans le cadre restrictif de cet article, de tenir compte de tous ces canaux de transmission de connaissance, mais pour la cause à laquelle il se livre, nous mettons l´accent sur les méringues.



Certains textes de méringues carnavalesques, pour ne pas dire tous, peuvent contribuer à la réflexion intellectuelle et scientifique du chercheur haitien, particulièrement anthropologue et sociologue, ils peuvent également susciter la raison critique et révolutionner la pensée. Un texte d´une méringue carnavalesque peut s´avérer plus enrichissant et instructif en matière de connaissance et d´informations générales que certain exposé magistral d´un enseignant ou d´un professeur. Sur ce, trois groupes phares à tendance Rasin attirent notre attention, il s´agit de Boukman Eksperyans, de Chandèl et de Rèv  première version avant la rupture. Quand on prend, par exemple, la méringue carnavalesque de Boukman Eksperyans, celle titrée ''Pawòl tafia'' où il est dit : ''Yo touye Desalin, yo ba nou yon leta pèpè ki aprann nou rayi, rayi tout sa ki nan rasin nou'', celle de Rèv, à savoir, ''Tan an chanje'' dans laquelle l´auteur, après un survol historique, retrace les plus belles époques passées d´Haiti que tous les haitiens ne cessent de regretter. Les paroles suivantes se font entendre dans cette méringue: '' O sa fè lontan, o lontan lontan. Sa fè lontan, lontan m pa wè bon tan, sa fè lontan m pa ka pran bon jan van. Sa fè lontan m pa wè papiyon la Senjan... Ala remò pou nou tande'', et, enfin, celle de Chandèl connue sous le titre de ''Kale wès'' où les musiciens décrivent la situation économique catastrophique d´Haiti. Un pays dans lequel les gens reçoivent difficilement leur salaire en gourdes, monnaie nationale, par contre effectuent leurs dépenses relatives à l´éducation, à la nourriture, à l´habillement, aux loisirs, etc., en dollar américain (U$). Cette méringue décrit la dollarisation du marché commercial haitien. Y a-t-il une abération plus insupportable que celle-là? ''Ou chita la wap kale wès, peyi a an youwès (U$). Sa kap travay se pou degouden, yap depanse an U$'', telles sont les paroles fortes que l´on peut audiotionner dans cette méringue. 




Ces méringues, riches en informations générales, en terme d´éducation culturelle, sociale, économique et historique, interpellent la conscience de chaque haitien sur le passé et le devenir de la société haitienne. Bien qu´elles adviennent sporadiquement et uniquement en des saisons carnavalesques, mais cela n´empêche qu´elles produisent l´effet nécessaire. La liste serait trop longue si l´on devait tenir compte de tous les groupes qui, dans leurs méringues carnavalesques, véhiculent des messages forts et profonds à caractère social, culturel et éducatif, en d´autres termes, des messages qui traduisent la réalité vécue au quotidien par chaque haitien indistinctement.




Quand enfin certains réclament l´éducation à la place du carnaval, c´est parce qu´ils ne saisissent pas l´essence culturelle et intellectuelle de chacun d´eux. Cette tendance, très hypocrite d´ailleurs, serait de montrer l´importance de l´une par rapport à l´autre. Il y a derrière cette démarche une manipulation intellectuelle pour ne pas dire politique, et ceux qui en sont les auteurs savent très bien ce qu´ils font. Ils se déterminent à opposer le carnaval à l´éducation tout en en faisant de la politicaillerie. Mais, le moment est très mal choisi, la période carnavalesque est une occasion de vendre la culture. Bien qu´elles se rejoignent sous un certain angle en ce sens que les deux contribuent simultanément à la socialisation et à la civilisation de l´homme, le carnaval et l´éducation ont chacun de son côté son propre champ d´action. De ce fait, le carnaval ne peut être point un obstacle à l´éducation. Il n´est pas non plus un ennemi ni un opposant à son développement et à son épanouissement comme veulent le faire croire certaines personnes dans leur excès de langage. L´éducation n´a rien à craindre du carnaval et vice-versa. Bien au contraire, le carnaval est un des meilleurs partenaires de l´éducation en matière de formation, d´information et d´instruction, car dans certaines méringues carnavalesques, ceux qui le veulent bien, peuvent puiser beaucoup de choses positives sur l´histoire, la culture, l´environnement, la littérature d´Haiti. 




Carnaval et éducation: deux secteurs d´activités différents




En dépit de tout cela, ne s´étant pas contentés uniquement de vilipender l´importance du carnaval, certains, dans leur exagération, vont jusqu´à demander de détourner le budget alloué au carnaval pour payer les enseignants, comme si la maladie qui ronge le système éducatif se résume uniquement au paiement des enseignants, comme si une fois payer les enseignants les problèmes de l´éducation sont totalement résolus, comme si en détournant le budget du carnaval pour résoudre le problème des enseignants, tout le monde peut dormir tranquille. Nous sommes des experts dans la banalisation des problèmes profonds de cette société. Il est banal et inacceptable d´utiliser le budget alloué au carnaval pour payer les enseignants comme le souhaiteraient l´honorable sénateur de la république, son excellence M. Simon Dieuseul Deras et d´autres acteurs de la vie politique. 




En effet, les enseignants font partie du secteur éducatif et ce secteur relève de la compétence du ministère de l´éducation nationale qui, comme chaque ministère, a son propre budget de fonctionnement. Par ailleurs, le carnaval s´inscrit, dans la loi budgétaire de la république, sous la rubrique d´activité culturelle, et c´est le ministère de la culture qui est chargé d´exécuter cette activité qui appartient au secteur culturel dudit ministère. Le budget de fonctionnement de ce ministère lui permet d´allouer une valeur raisonnable à chaque champ d´activité qu´il soit culturel, artistique, littéraire ou autre. Donc, il n´y a aucun moyen de faire le transfert de l´un à l´autre si ce n´est par le détournement de fonds. Et, même si cela était permis, avant d´y parvenir, il faudrait se poser la question de savoir si le ministère de l´éducation nationale n´a pas réellement les moyens de satisfaire les révendications des enseignants. 




Dans un pareil cas, l´éducation se trouve dans de beaux draps. Mais on oublie si l´acte de détournement de fonds est passible de peine, un crime puni par la loi haitienne, et on se permetterait avec précipitation de faire n´importe quoi. Est-ce une haine qui se développe contre le carnaval haitien au point qu´on est prêt à enfreindre une loi, ou s´agit-il vraiment d´un intérêt particulier accordé à l´éducation qui serait à la base de cette attitude, non seulement de la part de quelques acteurs, mais surtout, de la part d´un haut dignitaire de l´État? Est-ce une affaire politique qui se règle dont le carnaval serait un prétexte pour acculer le gouvernement? Néanmoins, même s´ils peuvent répondre au même besoin de l´individu, mais en matière de budget, le carnaval et l´éducation sont incompatibles et se révèlent deux secteurs d´activités différents. Le budget de l´un ne peut se substituer ou se transférer à celui de l´autre à moins qu´on enfreigne la loi.




Le carnaval n´est pas du Banbòch, mais du culturel et du social




Partageant le même point de vue avec certains secteurs qui réclament une annulation du carnaval cette année pour prétendre sauver l´éducation, le sénateur Simon Dieuseul Deras qualifie la plus grande fête culturelle haitienne de ''Banbòch'', et quand on sait ce que ce mot désigne dans le vocabulaire haitien, alors là l´on doit se demander qu´est-ce qui arrive à notre honorable sénateur. Lorsqu´on se réfère au vocabulaire péjoratif haitien, le terme Banbòch sonne très mal, il est de très mauvais usage et renvoie à quelque chose d´inutile, d´acculturel, d´antisocial et d´anormal, quelque chose qui dérange et dont il faut se débarasser. De ce fait, le carnaval n´est pas du banbòch, mais du culturel parce qu´il est utile, nécessaire, important et obligatoire pour la culture du peuple haitien. Comme on vient de le montrer, c´est un moment certes de défoulement, de déhanchement, de réjouissance, de divertissement, enfin, d´amusement, mais c´est aussi le moment d´entendre par le canal de ces différents groupes musicaux le cri et la souffrance du peuple haitien. Le carnaval est aussi le moment au cours duquel la culture intellectuelle de l´homme peut s´accroître en s´avouant certains textes des méringues. Chacun peut y trouver quelque chose qui le réjouit. Le carnaval n´est certes pas la culture à tel point que la culture peut bien exister sans le carnaval tel qu´il est perçu en Haiti, au Brésil pour ne citer que ces deux grands tenors américains en la matière. Mais le carnaval est un des élémens de la culture. En Haiti, l´univers culturel est inconcevables sans le carnaval, car c´est une de ses composantes indispensables. 




De même, l´homme cultivé est celui qui est doué d´une très bonne formation intellectuelle qu´il a acquise au prix de grands et d´énormes efforts, tant par l´éducation familliale, morale que sociale. Le carnaval et l´éducation relevant du domaine de la culture, participent tous deux au renforcement de cette formation intellectuelle. Le carnaval c´est le culturel à l´intérieur même de la culture, et l´éducation projette vers la culture, culture dans le sens du savoir scientifique et intellectuel. En fait, le carnaval témoigne que chaque société a droit à des moments de défoulement, de diversement, de réjouissance, de loisir, de plaisir, d´amusement, ces moments sont marqués d´une étiquette sociale. De plus, chaque personne membre d´une société, a besoin de ces moments pour se recueillir, se renforcer et s´affermir, pour renforcer et consolider ses relations avec lui-même, ses semblables, et pourquoi pas, avec les êtres spirituels, ou tout au moins, pour tout simplement se recréer en mettant de côté les petits soucis de la vie courante. En réalité, c´est ça, si l´on veut, le vrai rôle du carnaval: permettre à l´individu de se reprendre et de se replonger dans le culturel. 




Par ailleurs, bien que chacun soit libre d´organiser son propre programme de diversement strictement personnel, mais sociologiquement parlant l´individuel ne l´emporte pas sur le social, il se dillue dans le social, car la contrainte sociale est plus forte que la contrainte individuelle. En ce sens, la société a, quant à elle, choisi de mettre de côté, en vertu d´un pacte social, des moments de réjouissance collective à laquelle prennent part plusieurs individus ou groupes sociaux dont elle est composée. Aucun individu ou groupe d´individus ne peut et ne doit contrevenir à cette activité collective sans définir un nouveau pacte social. Ceci étant dit, le carnaval est un patrimoine national, il appartient à chaque haitien indistinctement sans qu´il ne soit la propriété privée de personne ou d´un quelconque groupe d´individus, par conséquent, on ne peut pas choisir d´hypothéquer son sens, sa portée, sa valeur et son avenir, en lui collant une étiquette de banbòch.




Somme toute, le carnaval est une exigence sociale, ce n´est pas un choix délibéré ni un acquis personnel, c´est une festivité imposée par la société elle-même. Le remettre en question c´est remettre la société elle-même en question. Il est vrai que la société haitienne traverse des moments de crises intances, mais sur le plan social et culturel, s´il existe quelque chose qui marche et qui peut marcher réellement en Haiti, s´il y a une chose dans laquelle la compétence du gouvernement est incontestable, s´il y a une culture à laquelle l´haitien s´attache le plus, si, enfin, il y a quelque chose qui, dans les moments forts de troubles sociaux et politiques, bien que ce soit une illusion, peut reconforter les Haitiens, c´est bien le carnaval. Bien qu´il n´arrive qu´annuellement, le carnaval est dans le sang des Haitiens. Entre le carnaval et l´éducation, il n´y a aucun choix possible à faire, puis que les deux sont importants pour la survie et la consolidation de la culture en Haiti.

CAMPINAS, 03/02/014


[1] Néologisme qui traduit la langue parlée dans un pays. En Haiti cette langue s´appelle crise. Tout le monde la parle.

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