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dimanche 24 janvier 2016

L´HISTOIRE RETIENDRA...

    Malgré sa situation de faim atroce dont il souffre courageusement jour et nuit - comme je l´ai fait remarquer dans un article publié le 18 janvier 2016 - le peuple haitien a montré que quand il se réveille, quand il sort de son sommeil, il est capable de grands exploits, il peut faire des choses extraordinaires et mêmes surprenantes. C´est une révolution sociale qui s´annonce, et, en devant en être conscient, le peuple ne doit pas s´arrêter là, il faut qu´il aille jusqu´à être gagnant de ses propres révolutions. En effet, la majorité populaire qui réclamait le renvoi des journées ''électorales'' prévues pour le 24 janvier 2016 a finalement eu gain de cause: le CEP décrié a fait marche arrière en annonçant, le vendredi 22 janvier dans l´après-midi, l´annulation de celles-ci. Couvert par la honte, le CEP a fait mention dans sa note d´un repport sine die, mais, en fait, il s´agit d´une annulation pure et simple. Cette note en elle-même annonce pas seulement l´annulation des soi-disant élections à organiser en cette date, mais surtout la caducité du CEP lui-même. 
     Par ailleurs, cette nouvelle est loin d´être surprenante, car tous les signes montraient clairement qu´il était impossible au CEP de franchir la frontière du NON au 24 janvier du peuple haitien, malgré certaines réticences à l´admettre. Sinon, il fallait s´attendre au pir que ce qui s´est produit au cours des principales journées de manifestations et de révendications des 21 et 22 janvier où il y a eu des casses, des incendies, des vols, des victimes en vie humaine, des arrestations, des emprisonnements forcés etc. En tout cela, les responsabilités tombent sur le CEP, l´exécutif et tous ceux-là, acteurs nationaux et internationaux, qui criaient aveuglement en Avant dans un contexte aussi fragile et voulaient poser un défi au peuple haitien. 

Ce que l´histoire doit retenir de cette annulation 

     L´histoire retiendra que cette annulation traduit pour le peuple haitien une première victoire sur la soumission aveugle et sourde de ses dirigeants aux étrangers, un pas vers la révolution sociale qui doit avoir lieu, une gifle au Département d´État Américain, à l´Élysée, à l´Ambassade du Canada et à l´Union Européenne qui, commettant toujours de l´ingérence dans les affaires d´Haiti et voulant induire en erreur les gouvernements haitiens, criaient Adelante à un soi-disant processus électoral entaché de toutes les fraudes du monde. Mais le peuple y a vigoureusement riposté. Par  ailleurs, elle exprime une déception pour le gouvernement en place qui vient de perdre complètement la confiance de ses parisans et la crédibilité du peuple; un refus à accepter l´autorité de ce dernier. 
     Que l´histoire, qu´elle soit haitienne ou mondiale, retienne cette date dans la vie socio-politique du peuple haitien qui, à travers ses multiples manifestations et révendications ces derniers jours, demande à ces barons internationaux de se mettre à l´écart de la vie politique haitienne et de laisser au peuple haitien le soin de résoudre ses propres crises tout en leur lançant un signal fort pour le futur de ce qui pourra arriver s´ils s´entêtent dans cette voie. Néanmoins, cette alerte doit nous concerner d´abord parce qu´en plusieurs occasions nous montrons notre incapacité à gérer nos crises internes.

     L´histoire retiendra que le peuple haitien, bien que pauvre et miséreux, ne se laisse pas marcher sur les pieds, sa révolte et ses soulèvements sont toujours la preuve que, en dépit de tout, son NON est irrévocable. C´est une erreur grave - et je l´ai montré dans un article publié en 2011 - d´avoir eu un homme comme M. Martelly à la tête de la suprême magistrature haitienne, il n´était pas possible par conséquent d´encaisser une autre bétise plus affreuse que celle du 24 janvier avec ce dernier. 

     L´histoire retiendra une fois de plus que le peuple haitien résiste à toute tentative de piétiner ses droits politiques les plus élémentaires, par exemple, ses droits à la manifestation, au vote, à la révendication, à l´autodétermination, à dire NON dont il est parfaitement conscient. De plus, si le peuple est contraint, malgré lui, de tolérer dans une certaine mesure que ses droits sociaux comme ceux à la nourriture, à l´eau, au travail, au logement, peuvent être constamment, continuellement et quotidiennement violés, il ne peut pas accepter le pir, c´est-à-dire la violation de ses droits politiques, le peu qui lui reste pour survivre. Ce n´est pas que ceux-ci soient plus importants que ceux-là, mais parce que seules les luttes politiques mènent vers le progrès social.

     Toutefois, que personne, ni le peuple ni l´opposition politique ne se rejouisse pas si vite après cette défaite du CEP. Mais, nous devons y entrevoir de préférence une véritable honte pour nous autres Haitiens qui aimons forcer l´impossible et attendre qu´une catastrophe, si évidente et prévisible soit-elle, arrive avant de nous rendre compte de ses conséquences désastreuses, enfin, nous avons l´art de nous rejouir dans nos propres malheurs. Cette annulation si tardive est une preuve palpable que nous avons des dirigeants irresponsables et incapables d´agir sur les problèmes avant qu´ils ne se dégénèrent, de gérer les institutions comme il le faut, car les vrais dirigeants ne sont pas ceux qui agissent sur les problèmes au moment où ils se produisent, mais qui savent les prévoir, vont au-devant d´eux et ont la capacité et la lucidité de prendre toutes les dispositions nécessaires afin qu´ils ne débouchent sur des catastrophes. 
     Ce qui s´est passé, ce vendredi 22 janvier 2016, est une catastrophe parce que, tant prévisible qu´il fut, nous n´aurions pas dû en arriver là.  Voilà pourquoi, il ne faut pas vite s´enorgueillir, mais plutôt réfléchir et travailler afin que, plus jamais, des dirigeants comme ceux du CEP n´exposent le pays à de telles situations désastreuses ni n´essaient de lancer un défi au peuple haitien. 
     Même si le départ de M. Martelly est évident et que théoriquement ou symboliquement son administration se conjugue au passé composé, il convient de préparer ce départ de telle sorte que les mêmes erreurs de 2004 ne se reproduisent plus. En effet, après le renversement de M. Aristide en 2004 par l´opposition et les luttes des étudiants, c´est Washington lui-même qui a imposé le premier ministre Gerard Latortue au peuple haitien qui, bien que victorieux de ce renversement, en a été le principal perdant. Cela ne doit plus se répéter. 

Le rôle de l´opposition

     Le rôle de l´opposition dans cette annulation a été crucial et s´est manifesté par les mobilisations populaires et les manifestations continuelles. Elle a été impécable dans son combat contre la gouvernance de M. Martelly depuis l´arrivée de ce dernier à la tête de l´État de telle sorte que nous pouvons dire qu´elle nous a épargné certaines actions plus graves auxquelles celle-ci aurait pu exposer le pays. Néanmoins, son manque de structuration, d´organisation et de cohérence a fini par remonter le moral à ce régime qui était sur le point de sombrer. Voilà pourquoi, si elle veut rester forte, vivante et efficace, elle devrait s´abstenir de tout poste politique au sein de la transition. Dans le contexte de la crise actuelle, elle devrait plutôt jouer le rôle d´accompagnatrice du peuple dans ses révendications politiques, d´orientatrice et de préparatrice de la prochaine transition politique d´après M. Martelly pour non seulement mieux gérer et savourer cette victoire avec le peuple, mais surtout c´est le moment de définir un autre contrat social et politique pour le pays. 

     Même s´il paraît normal qu´une opposition aspire à des postes politiques, dans le contexte actuel, il serait préférable qu´elle s´en écarte pour éviter qu´il ne s´agisse d´un ''Ôte-toi que je m´y mette'' tel qu´il se pratique malsainement dans la culture politique haitienne. C´est une pratique avec laquelle il faut rompre. Si cette opposition va s´entredéchirer pour des postes politiques - ce qui arrive ordinairement - alors là les luttes menées auparavant seront vaines et demain c´est contre elle que ce peuple en retour se lèvera. Les barons étrangers qui dominent Haiti, il faut le savoir, sont un liquide qui prend toujours la forme du récipient qui le contient et un caméléon qui épouse la couleur de la cible qu´il cotoie. Étant très intelligents et jouant actuellement ses dernières cartes pour reprendre le controle de la situation en Haiti, ils seraient probablement en train de voir dans quelle mesure où ils pourraient collaborer avec les potentiels acteurs politiques, car, de toutes les façons, ils ont du mal à digérer ces gifles imposées au CEP et à l´exécutif, qui les affectent aussi vu qu´ils les soutenaient, et à sortir perdants de la crise. 

     Par ailleurs, pour le bien être du pays et l´avenir politique d´Haiti, nous avons besoin d´une opposition forte et structurée telle qu´elle a surgi sur la gouvernance de M. Martelly sans ignorer pour autant qu´il a lui-même contribué à la création et à la constitution de celle-ci à travers ses dérives. Une opposition qui, en défendant les principes démocratiques, parvient au pouvoir par la voie des élections et non dans le cadre d´une transition ne serait-ce que pour le respect des règles d´éthique. Une opposition dans un pouvoir de transition me semble être un échec de l´opposition elle-même et une contradiction flagrante des principes démocratiques pour lesquels elle se bat. Elle se creusera son propre trou et préparera sa défaite s´il veut accéder au pouvoir dans un tel contexte de transition. S´il faut admettre que le seul et unique moyen de parvenir légalement et légitimement au pouvoir c´est par les élections, alors l´opposition qui a combattu les dérives d´un pouvoir survenu dans les conditions que nous le savons, doit passer par le même chemin pour le simple respect de la démocratie. Par conséquent, il est souhaitable qu´elle reste à l´écart du pouvoir politique et joue le rôle que lui assigne l´histoire tout en se renforçant davantage. Enfin, c´est une opposition qu´il faut entrevoir d´ores et déjà se soulever même contre la transition politique, qui surviendra après le départ de M. Martelly, dans le cas où cette dernière continuerait les mêmes pratiques de l´ancien régime.

Le dilemme victorieux et gagnant

     Le peuple a une fois de plus mis en déroute ses détracteurs, mais sortira-t-il gagnant ou victorieux des luttes qu´il mène? L´histoire a déjà prouvé que nous sommes autant capables de grandes révolutions que piètres, médiocres et impotents à les gérer convenablement sans une main étrangère au-dessus. Le peuple en sort toujours perdant parce que le plus souvent ses problèmes sociaux ne sont jamais pris en considération. Nos proverbes disant: ''Aprè bal tanbou lou'', ''Bourik travay pou chwal galonen'' sont malheureusement une réalité qui nous surprend et nous tombe constamment dessus à chaque événement. Autrement dit, il y a toujours un ou des intrus internationaux à s´infiltrer ou à faire irruption dans nos affaires politiques pour venir prendre le controle de nos révolutions afin d´en donner l´orientation qui leur convient par le fait que généralement nous nous montrons incompétents de gérer la victoire de nos propres luttes. Certes, l´échec des journées du 24 janvier s´avère une victoire du peuple haitien, il en est victorieux mais pas encore gagnant, car il est fort probable qu´il ne jouisse pas cette victoire. Quand les hommes politiques disent: ''Viktwa pou pèp la'', ils savent très bien ce qu´ils disent. Ils ont parfaitement raison de dire cela et disent vrai en plus, car, en vérité, le peuple est toujours victorieux mais jamais gagnant. 

     ''Que le peuple se contente de sa victoire et la contemple avec joie, tandis que, eux-mêmes, les acteus politiques, ils se jouissent de son gain: privilèges économiques, ascension sociale, pouvoir politique etc'', déclarent-ils impitoyablement. Pour le présent moment, dans le contexte de cet échec du CEP et de l´exécutif, le peuple est victorieux, il est souhaitable qu´il en soit aussi gagnant. En différenciant victotieux et gagnant, il est important de rappeler que, historiquement parlant, les gagnants des crises politiques en Haiti sont toujours un corps étranger et le peuple dans tout cela n´est qu´un admirateur honteux et méprisé d´une victoire mémorielle qui, le plus souvent, ne lui laisse que des souvenirs amers. Quand on réclame que le peuple soit à la fois victorieux et gagnant cela sous-entend qu´après les luttes pour lesquelles nombreux de ses fils et filles ont sacrifié leur vie, il est impératif d´entrevoir un véritable changement de ses conditions de vie sociale et économique. C´est ce vers quoi il faudrait tendre!

Des incertitudes aux évidences

     Après le 24 janvier, le 7 février est encore une autre date très préoccupante tant pour le peuple haitien que pour les opposants à la gouvernance de M. Martelly. Nombreux sont ceux qui se demandent ce qui va se passer dans les jours avenirs: 1- M. Martelly laissera-t-il le pouvoir? 2- Si oui à qui puisque techniquement parlant il est impossible d´avoir un président élu avant le 7 février pour le remplacer constitutionnellement? 3- Si non, comment partira-t-il, de gré ou de force? 4- Aura-t-il une transition politique telle que le veut depuis bien longtemps l´opposition? 5- Y aura-t-il un consensus politique qui permetterait à M. Martelly de rester provisoirement au pouvoir jusqu´à l´arrivée de son successeur issu d´une vraie élection? En tout cela, il existe un dernier cas où il peut être forcé de partir avant même cette date.

     D´entre le jeu le cinquième scénario n´est même pas imaginable entre une opposition si radicale et un Martelly à tempérament récidiviste. De plus, même si une telle proposition aurait été soutenue à M. Martelly, il devrait la refuser, ce pour deux raisons. D´une part, un minimum de moralité et d´éthique - loin delà de dire que M. Martelly est un homme moral - ne lui permet pas de rester au pouvoir, il est évident qu´il parte en laissant la gestion du pouvoir aux acteurs politiques qui décideront de l´avenir politique d´Haiti. La tâche de la destinée politique du pays ne lui appartiendra plus à l´expiration de cette échéance constitutionnelle. Pour permettre de délier la crise politique actuelle, il est prudent qu´il n´évoque pas l´article de la constitution qui veut que le président ait pour devoir de garantir le bon fonctionnement des institutions, car, avec ou sans un président prêt à investir le pouvoir pour le succéder, après le 7 février, M. Martelly perdra tout droit que lui confère la constitution et toute légitimité, donc il ne pourra rien gérer ni controler. 

     D´autre part, pour son bien-être et celui de sa famille, il est mieux qu´il laisse le pouvoir le 7 février pour ne pas compliquer et envénimer davantage la crise et rendre sa situation et celle de sa famille encore plus grave et difficile. En outre, il  y va de son intérêt à ce qu´il parte du pouvoir bien - sans être exilé bien entendu - après tout ce qu´il a fait à ce pays. Son entêtement d´y rester - ce qui ne devrait même pas être envisageable - justifiera ou la méconnaissance de M. Martelly des réalités socio-politiques du pays ou sa méchanceté à le faire exploser. Car, tenant compte de tout ce qui vient de se passer, de tout ce qu´il a fait durant son règne au pouvoir, il n´est pas certain qu´un seul élément de l´opposition acceptera de passer une seule seconde de plus avec ce monsieur dont on s´empresse de débarasser le plus vite parce qu´il devient indésirable. Ainsi, il reste, de toute évidence, que ce CEP de M. Opont a échoué, n´existe plus et M. Martelly partira quoiqu´il advienne le 7 février ou même avant, de gré ou de force, ce pour son bien et celui du pays. Alors, il s´agit maintenant de penser l´après Martelly non seulement en terme de la gestion des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, des secteurs social, politique et économique, mais encore en ce qui concerne le soi-disant processus électoral brutalement interrompu.

     Il est clair que, le 7 février 2016, nous allons vers une phase transitoire. Ce qu´il fallait à tout prix éviter. Mais, comment se fera-t-elle? C´est là l´épineuse question à laquelle il n´est pas facile de trouver une réponse.

 La transition politique

     En effet, après le 7 février 2016 - dans l´esprit du respect de l´échéance constitutionnelle de M. Martelly - la transition, qui doit être la responsabilité de l´opposition et des associations sociales, économiques et politiques nationales, entrera en jeu. Une fois installée, elle ne pourra pas tout faire et tout résoudre en même temps, c´est d´ailleurs la prétention qu´elle ne doit avoir ni l´erreur qu´elle ne doit commettre. En toute logique, il ne reviendrait pas à l´opposition d´être dans le pouvoir, mais de préparer et d´orienter correctement la transition politique et de veiller sur ce gouvernement de transition comme elle l´a fait auparavant, car si elle en fait partie, elle ne pourra pas le combattre en cas de dérives, mais créera d´autres oppositions parallèles. La transition elle-même doit préparer la scène politique afin qu´il y ait un accord duquel découlera un nouveau CEP qui organisera de réelles et vraies élections qui accoucheront des élus légitimes. 

     Pour qu´elle soit efficace, celle-ci doit préparer la future gouvernance démocratique du pays pour les cinq prochaines années tout en évitant des dépenses exorbitantes et inutiles et d´aller dans la même ligne des jouissances économiques malsaines et corruptibles de l´ancien régime soit par l´irrespect de son delai constitutionnel, qui est généralement de 90 jours, soit en cherchant à le prolonger par de faux prétextes. Son rôle fondamental est l´organisation des élections pour que le Palais national soit officiellement et définitivement occupé par un président correctement élu. Parallèlement, elle peut, très légèrement, agir sur quelques problèmes techniques sans esprit d´excès ni d´extravagance. 

     Le peuple, de sa part, doit éviter de réclamer de cette transition ce qui lui est, techniquement et chronologiquement, impossible de réaliser. Car, le plus souvent, au-delà de la volonté manifeste des hommes de la transition d´y rester, le peuple qui les exige l´impossible les incite aussi à violer le delai qui leur est imparti. Que le peuple sache, d´une part, que le rôle principal et fondamental de la transition est de le mener vers de vraies et correctes élections pour lesquelles il ne cesse de se battre, d´autre part, que ses problèmes cruciaux et profonds seront abordés par les dirigeants qu´il aura choisis dans ces élections. La seule chose qu´il doit exiger de cette transition est le respect de son delai et la tenue de vraies et correctes élections. Haiti, par le truchement de cette transition, a devant elle une grande opportunié d´un changement social et politique radical. Par contre, dans le cas d´une mauvaise gestion de celle-ci par la répétition des mêmes erreurs, c´est la catastrophe totale. Alors, en tant que peuple, il ne nous restera qu´à nous enterrer nous mêmes, car, le peu de dignité qui nous restera aura été anéantie. Ainsi, non seulement nous allons tout droit vers l´abîme, mais encore nous allons donner raison, pour une inième fois, à ceux-là, nationaux et étrangers, qui sont convaincus que nous sommes ingouvernables.

Considérations générales

     Somme toute, le peuple haitien a franchi une étape importante dans son histoire et sa vie politique en montrant sa capacité, son courage et sa détermination à dire non à l´indésirable et à l´inacceptable. Mais, il lui reste un combat plus consistant et profond à mener, celui pour l´amélioration de sa vie sociale et économique de tous les jours pour lui, ses fils et petits fils. À force de gaspiller des énergies à se battre à chaque fois pour les mêmes choses, à refaire les mêmes erreurs grotesques (complot, trahison et conspiration pour le pouvoir) non seulement les situations du peuple restent inchangées, mais encore le pays s´enfonce dans la monotonie voire l´immobilisme, car les plans de sortie de crise des transitions passées accusent toujours de beaucoup de faiblesse de vision. Il est important que cette étape franchie ne soit pas minimisée, mais doive de préférence permettre d´espérer un mieux être et un avenir meilleur pour le pays. L´histoire doit retenir, en 2016, comment le peuple haitien s´est déterminé à être seul maître de sa vie sociale et politique même s´il doit compter sur la collaboration de certains acteurs internationaux. À quoi devrait-il s´attendre dans les jours avenirs puisque M. Martelly c´est du passé? Laissons donc à l´avenir et au temps de dire le reste!

Campinas, 24 janvier 2016

lundi 18 janvier 2016

POURQUOI CE CEP S´ENTÊTE-T-IL À LA DATE DU 24 JANVIER 2016?

Introduction

     À chaque fois qu´il nous est offerte l´opportunité de parler de la situation politique d´Haiti, nous devons faire attention pour ne pas tomber dans un exercice répétitivement lassant en reprenant les mêmes propos, surtout ceux se rapportant à l´ingérence et à la domination étrangère voulue par une minorité minoritaire de la classe dirigeante haitienne. Pourtant, à l´attitude amorphe, passive et endormie du peuple haitien face à ce phénomène et aux situations déconcertantes qui l´enfoncent dans la misère, on ne s´intéresse guère. Or, elle joue un rôle essentiel dans l´état critique d´Haiti -, cela depuis longtemps -, et, plus particulièrement dans cette impasse électoraliste actuelle qui guète en ce moment la population entière. Car, si cela n´était vrai, il serait inconcevable et incompréhensible tout cet archarnement, ce zèle, ce désir, ce dévouement à l´aveuglette pour organiser des ''élections'' qui, en réalité, n´en sont pas unes. Donc, la situation politique qui prévaut présentement dans le pays est dominée par ce qu´on appelle très improprement ''élections''.
     C´est un mot que nous ne cessons de sacrifier, vilipender, galvauder, avilir et employer vainement. Je ne vais pas m´attarder là-dessus, car, à maintes occasions dans plusieurs articles, je me suis évertué à montrer que, tant qu´Haiti ne s´érige pas en un vrai État libre, autonome, indépendant et souverain, il faut banir du vocabulaire politique haitien ce mot. Or, fort heureusement pour nous autres Haitiens, il n´existe pas encore un tribunal national ou international correctionel qui chargerait de juger et condamner - si la culpabilité en a été établie - les peuples ou les ressortissants de ces pays qui font un usage malveillant, méchant, abusif et déshonorant des expressions telles que démocratie, élection, souveraineté, indépendance pour ne absolument rien dire. Voilà pourquoi, quand nous sommes entrain de parler d´Haiti et que vient le moment d´employer le mot élection, pas des moindres bien entendu, il faut le mettre entre mille et mille guillemets. L´objectif de cet article est donc de montrer que l´endormissement du peuple est l´une des causes principales de l´entêtement du CEP à l´organisation des ''élections'' prévues pour le 24 janvier. Mais, bien avant d´analyser le sens et la logique de cette passivité du peuple haitien afin d´essayer d´en dégager une certaine compréhension des raisons de cet entêtement, il convient de rappeler le contexte socio-politique.

Mise en contexte

      Dans quelques articles que j´ai publiés sur mon blog, je me suis mis, à maintes fois, à montrer que si cette souveraineté d´avoir des processus électoraux fiables pouvant accoucher des élus légitimes, est perdue depuis belle lurette, alors il convient de comprendre que le 9 août aussi bien que le 25 octobre 2015, il n´y a jamais eu à proprement parler d´élections en Haiti. Bien qu´il y ait eu des boycottes populaires généralisés, le CEP a eu l´audace de crier à la réussite totale en entraînant avec lui dans cette voie de contentement d´autres instances tant nationales qu´internationales. Il n´y a pas moyen d´en parler vu que ces dits processus contiennent une main étrangère puissante qui les manipule et, de surcroît, sont toujours truqués et foulés au pied en ce sens que le choix du peuple n´est jamais réellement celui qui s´impose. En effet, cela est dû parce que tous les Conseils Électoraux Provisoires (CEP), passés et présents - ainsi que beaucoup d´autres institutions clés de la république d´ailleurs - sont sous le controle des barons nationaux et internationaux. Ce mot éléction a un autre sens pour nous autres Haitiens, c´est une nomination qui se fait sous le couvert d´une stratégie électoraliste par ceux que j´appelle les barons internationaux d´Haiti, à savoir, États Unis, Union Européenne, France et Canada. Il y en a aussi des nationaux, mais, lâches qu´ils sont et traitres de la patrie qu´ils demeurent, ils se renferment derrière les internationaux pour mieux collaborer avec eux, du genre ni vu ni connu.

     Le contexte politique actuel découle directement des journées catastrophiques des 9 août et 25 octobre 2015 et il est souhaitable que ce 24 janvier 2016 annoncé avec entêtement, folie, frénésie et obsession par un CEP apparemment drogué, envoûté ou ensorcellé, n´ait pas lieu,  sinon il faudra se préparer au pir. Il paraît que les dirigeants haitiens ont l´expertise de persister et perdurer dans l´erreur, même quand ils voient de loin le malheur venir, ils s´entêtent à tomber dedans. La journée du 24 janvier - s´il viendrait à se produire, ce qui est d´ailleurs en toute vraisemblance impossible - ne changera pas grand'chose ni dans la forme ni dans le fond de ces démagogies produites les 9 août et 25 octobre de l´an dernier. Néanmoins, si le peuple consent à y participer - ce qui ne devrait même pas être imaginable - ou s´en montre passif comme d´habitude, alors il se suicidera lui-même. Alors, si les deux côtés le mal est infini, le temps lui est venu donc de sortir de son endormissement.
     En conséquence, avec un parlement tordu, un CEP têtu, une classe politique amorphe, une société civile endormie, une classe économique qui fait acte de mutisme, un environnement presqu´insauvable, sur le plan politique - sans omettre pour autant la décente aux enfers de la vie sociale et économique des masses pauvres - l´année 2016 s´annonce très douloureuse pour notre Haiti chérie et je doute fort que les jours avenirs soient cléments pour elle. En effet, la logique la plus élémentaire au monde veut que si A = B, B = C alors A = C, en d´autres termes, si en 2015 il n´y a pas eu d´élection à proprement parler, il ne peut y avoir d´élus en 2016. S´il y en a, qui sont-ils et d´où viennent-ils? Alors, tous ceux qui, issus de ces journées problématiques et catastrophiques des 9 août et 25 octobre 2015, ont accepté et avalé ce qui s´est produit le dimanche 10 janvier dans la soirée (à la chambre des députés) et le lundi 11 janvier 2016 dans l´après-midi (au sénat), doivent savoir qu´ils portent la lourde et entière responsabilité d´être les potentiels assassins de ce peuple et ont son sang sur la main. Dans le désintérêt total et pour le malheur absolu du peuple, ces différentes journées ont été une insulte, une honte et une déception au plus degré aux yeux de l´humanité. Ainsi, mis à part tous les problèmes endurés au cours de 2015, si l´année 2016 se montre déjà très affreuse et amère pour le peuple haitien c´est bien à cause de ces dates de malheur.

     Dans cette circonstance, que peut-on espérer de ce groupe de parlementaires qui, victimes de l´entêtement d´un CEP empétré dans la honte, ont fait l´objet de nombreuses contestations et suspicions? Quel résultat positif ou satisfaisant pourrait-on attendre d´une rentrée parlementaire qui s´est réalisée dans la plus parfaite clandestinité, ce en violant les normes constitutionnelles selon lesquelles la rentrée parlementaire doit se faire le deuxième lundi du mois de janvier? Qu´est-ce qu´un tel parlement pourra-t-il produire de bon quand le processus qui l´a engendré symbolise la crise en lui-même? A noter que cela est dû, conséquemment, à la décrédibilisation en amont du CEP, institution mère qui serait chargée de garantir la fiabilité et la légitimité des élus. Sur ce, on peut dire rien et absolument rien puisque ceux-là qui se prennent pour des ''parlementaires'' n´ont pas aidé le CEP à se ressaisir de ses gaffes incalculables, mais se voyaient déjà au petit mont des affaires. Je ne remets pas, toutefois, ni en doute ni en cause leur éventuelle bonne volonté et bonne foi de jeter une goutte d´eau dans cet océan de résolution de crises de toute nature qui nous tiennent prisoniers en Haiti depuis des décennies, mais les conditions dans lesquelles ils sont parvenus. Car, si le processus est vicié en amont à cause de l´état démoralisant et dévergondé de l´institution qui l´organise, en l´occurrence le CEP, il est normal que ses effets le soient pareils, de ce fait, pouvoir, oui, ces derniers en auront, mais dans la honte, le mépris et l´absence totale d´autorité, de légitimité et de respect de leur statut de parlementaire. Ceci est valable pour n´importe quel poste électif vilipendé. Ainsi, contesté, rejeté et problématique, il faut déjà entrevoir dans le 24 janvier - s´il a lieu - le véritable règne de l´ingouvernabilité en Haiti.

     Mais, en dépit de tout cela, nous devons nous poser la question de savoir pourquoi ce CEP, malgré les protestations, les contestations et les graves accusations portées contre certains de ses membres, bien qu´il soit complètement dépouillé de toute honnêteté, intégrité et crédibilité et que ses membres s´égrainent ainsi, s´entête-t-il à maintenir la date du 24 janvier? Pourquoi enfin un CEP tant décrié et avili veut-il à tout prix organiser ce qu´il appellera malsainement ''élections''? Dans la tentative de répondre à cette question, l´article propose de réflechir autour de l´hypothèse suivante: il paraît que le peuple haitien soit plongé dans un endormissement continu.

Les Haitiens dorment et s´endorment encore

     Il y a une faim atroce en Haiti et quand on a faim, nous dit le philosophe indien Amartya Sen, on est complètement dépourvu de toute force de lutter et de combattre contre l´oppression et la domination violente bourgeoise. Voilà pourquoi, poursuit-il, les peuples les plus soumis de la terre sont ceux qui souffrent le plus de la faim chronique. Donc, la faim pour le prix Nobel de l´économie, est une arme puissante utilisée par la classe dominante pour maintenir voire enterrer violemment les pauvres en les zombifiant. C´est cette zombification que j´assimile à une action d´endormissement. Car, n´était-ce pas un tel endormissement ou une telle zombification imposés par la faim, comment le peuple pourrait-il accepter si passivement et docilement qu´un président exige 45 millions de gourdes pour le renforcement de sa sécurité, que les per diem des Hauts dignitaires de l´État, à commencer par le président, soient triplé de valeur, que le salaire des soi-disant conseillers électoraux, sans compter les frais de service, passe de 124 milles gourdes à 240 milles gourdes sans aucune loi au préalable que, enfin, que ses dirigeants vivent dans un luxe agaçant, provocateur et s´offrent les plus belles choses du monde au détriment des pauvres qui crèvent de faim? Toutefois, il ne s´agit ici que d´une infime partie des multitudes de malversation de ses dirigeants, passés et présents, que le peuple a daigné accepter de consommer sans piper mot.

     Si nous dormons ou nous nous laissons endormir c´est que nous avons été zombifiés du plus profond de notre âme, de notre être et de notre intelligence, car la zombification est le fait de la faim. Comprenez bien que notre faim est loin d´être naturelle ou voulue par un dieu, elle nous a été violemment imposée par ceux qui veulent nous dominer économiquement. Cette faim nous exige à laisser passer, à accepter voire consommer le pir. Ce qui veut dire que l´entêtement du CEP à conduire le peuple haitien à la boucherie, ce 24 janvier 2016, n´est rien devant les multiples cas de corruptions à répétition qui proviennent de l´intérieur des structures étatiques. Puisque nous avons faim, nous n´avons plus la force physique pour combattre encore moins la force morale pour réflechir et comprendre. Parce que nous avons faim, en plein crise, pendant que les pauvres malheureux du programme insipide EDE PÈP, travaillant dans le secteur des cantines populaires, réclament les 13 mois d´arriérées de salaires, ce CEP aux vices kleptomaniques, s´est lui-même arrogé le droit de doubler le salaire de ses employés, ce en absence d´une loi définissant les motifs et les justificatifs d´un tel ajustement. Parce que nous avons faim, donc endormis et zombifiés, il nous est impossible de voir que notre avenir ainsi que celui de nos fils et petits fils sont complètement hypothéqués. Car, n´était-ce pas cet état, la révolution sociale, la seule qui soit libératrice pour le peuple, devrait déjà avoir lieu. Néanmoins, il n´est pas trop tard pour que le peuple se réveille, car il en reste encore quelques-uns qui gardent encore la vigueur et la force.

     En réalité, le peuple ne s´est pas endormi de son plein gré, il a été contraint d´y être plongé à cause des conditions sociales et économiques qui lui sont imposées. La faim dont il souffre porte la marque d´une puissance dominatrice. Voilà pourquoi, pour sortir de cet endormissement, il a besoin de briser ce spectre de la faim. Mais, on oublie assez souvent une autre facette de la faim, celle qui suscite la violence du peuple et engendre un peuple violent. Cette violence du peuple consiste à mettre un terme à sa faim en se donnant lui-même à manger. Elle est légitime dans la mesure où seul ce moyen lui est favorable pour parvenir à cet objectif. La faim tue au même titre que la guerre et les conflits sociaux violents. Elle est même plus meurtrière que ces conflits puisqu´elle tue chaque année des millions d´être humains, en particuliers, des enfants étant les plus vulnérables. Les deux Guerres mondiales mises ensemble ne peuvent égaler le nombre de morts causé annuellement par la faim dans le monde. En tout de cause, il vaudrait mieux mourir en luttant contre la faim que de vivoter en portant la croix d´une faim de honte et d´humiliation.  Car, de toutes les manières, le peuple est pris entre deux situations meurtrières: la faim (s´il accepte de mourir de faim) et la violence (s´il choisit d´en sortir). Il est vrai que le plaidoyer n´est pas expplicitement sur la faim, mais, puisque c´est elle qui endormit le peuple, c´est par elle qu´il a été domestiqué, c´est elle, en tant qu´arme puissante, qu´utilise la bourgeoisie économique pour le faire gémir, supplier et baver en même temps, alors c´est par elle qu´il faut passer pour comprendre la gentillesse, la passivitié et la docilité du peuple haitien.

     De plus, à cause de cet état passif de grand dormeur, le peuple continue de souffrir les conséquences de l´impunité et s´en fait complice. Si nous restons toujours dans des cas concernant le CEP, rappelons-nous de l´ex-président du CEP Gaillot Dorsainville qui circule tranquilement dans les rues haitiennes après avoir lui-même déclaré qu´en 2010 les résultats ayant porté ce M. Martelly à la présidende d´Haiti étaient loin d´être celles qui ont été officielement admises au sein du conseil. En d´autres termes, pour mieux comprendre, M. Dorsainville s´est fait tirer les oreilles par ses patrons internationaux, qui nomment les gens qu´ils veulent à l´intérieur de l´État, afin de nommer celui que le peuple n´a point choisi. C´est ainsi que cela fonctionne en Haiti, ce territoire peuplé d´individus. Si, depuis lors, la justice, à travers le commissaire du gouvernement, s´affirme impuissante de le poursuivre, alors il est aussi normal que ce M. Opont accouche de tels résultats aujourd´hui, car il sait pertinemment que c´est le même sort qui l´attend. Un peuple qui dort et se laisse endormir oublie facilement.

     Tout ce qui est entrain de se passer aujourd´hui au sein de la société est voulu par le peuple haitien qui se perd dans cet endormissement. Si ce CEP se croit invincible parce qu´il compterait sur un quelconque appui des quatre barons, c´est bien à cause de la passivité et de l´amorphisme de la société haitienne. Ainsi, si j´avais à blâmer, ce serait moins le CEP dans son entêtement que le peuple dans son endormissement, car, je le répète, c´est parce qu´il dors que le CEP est ainsi têtu comme un âne. C´est parce qu´il dort que ce CEP veut en finir avec lui, l´étrangler et l´anéantir définitivement en le précipitant dans cet abîme du 24 janvier. En effet, au-delà de tout soupçon, le 24 janvier confirmera ou infirmera si réellement le peuple haitien accepte de démeurer mauribond, passif, amorphe, endormi ou mort. Dans les vraies sociétés démocratiques où le pouvoir découle réellement du peuple, non pas en discours, mais en acte, un CEP si dévoyé et dénudé, où les intérêts économiques exhorbitants l´emportent sur l´intégrité, n´a pas sa place. Le jour où il ne le voudra plus, il ne s´endormira pas, il ne se laissera plus jamais zombifier, mais prendra de préférence la voie de la révolution, car, comme l´a si bien dit Thomas Sankara, seule la lutte libère. 

     À cause de cet endormissement, enfin, il se laisse entraîner dans le jeu mafieux ''élection-nomination'' de l´international sans avoir le discernement de comprendre qu´il est un pion que celui-ci utilise à chaque fois qu´il a besoin de lui, puis, après l´avoir exploité, il ne le jette pas, le conserve en lieu sûr: la misère, la faim et la pauvreté afin de le rendre de plus en plus indébile et incapable de toute initiative de résistance et de révolution, car il est un pion pas trop précieux, mais quand bien même important vu qu´il aide à faire le jeu. Au reste, il est complice de ses propres situations puisque, en dépit de tout, d´une façon ou d´une autre, cet endormissement, qui est aussi une forme de domination, il l´accepte, le reconnaît et le confirme. Dans la culture haitienne, l´endormissement survient généralement comme une fausse solution à l´appaisement de la faim, pourtant, causé lui-même et imposé par la faim, il est notre plus grand ennemi. La faim est une violence symbolique consistant à maintenir le peuple dans une attitude de soumission zombificatrice. 

Considérations finales

     En résumé, l´entêtement du CEP provient du fait que le peuple refuse de prendre son destin en main par la révolution . À cause de la faim, on le fait passer pour de véritables clowns en l´exposant à toute sorte d´imbécilités, d´idioties et de grimasseries. Or, avec un minimum d´intélligence, de connaissance et de lucidité, même s´il a faim, le peuple a besoin d´avoir la capacité de comprendre que quand il accepte ces genres de situations telles que celles dans lesquelles le CEP l´avait entrainé les 9 août et 25 octobre et celles auxquelles il veut l´astreindre, le 24 janvier prochain, il se fait complice de son propre sort, par conséquent, personne n´aura pitié de lui. Il faut qu´il comprenne en effet dans quelle merde il se fourre en choisissant de participer à ces genres de niaiseries et de conneries dont il devrait s´abstenir. Ce n´est pas parce qu´il a faim, pauvre et misérable, qu´il doit accepter n´importe quoi. Pour redefinir un autre contrat social, la révolution sociale par les luttes durables et continues du peuple est la seule et unique option. Donc, il est temps que le peuple sorte de cet endormissement dominateur, de ce sommeil à la fois importé et local, car si sommes-nous arrivés à ce stade de pourriture des dérives pas seulement au niveau du CEP, mais également au niveau de toutes les autres structures de l´État qui travaillent contre le peuple, c´est bien à cause du fait d´accepter de rester à genoux, et même dans cette position d´assouplissement envouteur, ils nous frappent. Autrement dit, le CEP aurait déjà renoncé à ce rêve enchanteur du 24 janvier si le peuple n´était pas plongé dans un tel état endormisseur. Enfin, je voudrais terminer l´article avec cette phrase d´un philosophe français, Étienne de la Boétie (1547): ''Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux''. En d´autres termes, nous pouvons dire: Périsse le peuple qui dors et se laisse endormir!



Campinas, 18 janvier 2016

mardi 12 janvier 2016

''TÉMOIGNAGES VIVANTS'' (Cinquième Partie): LA FOI INDÉFECTIBLE D´UN PEUPLE EN AGONIE

Introduction

     Cet article s´inscrit dans la série Témoignages Vivants consacrée à la mémoire des morts et survivants du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Les deux premières parties ont fait ressortir la façon dont nous avons vécu personnellement cette expérience et mis l´accent sur des propos mémoriels dans le but de saluer dignement le départ et la traversée de nos frères et soeurs. Les deux dernières ont été consacrées à des réflexions critiques sur certains comportements, attitudes et agissements sociaux observés au milieu des Haitiens. Cette cinquième partie, étant donc une continuation de celles-ci, poursuit le même objectif, celui de souligner les attitudes les plus importantes et marquantes à caractère collectif qui ont grandement attiré notre attention peu de temps après ce drame. Elle s´intéresse ainsi à mettre l´accent sur cette manifestation de la foi religieuse des Haitiens en plein milieu d´une tragédie afin de, en premier lieu, comprendre le fondement et la dimension de cette foi, en second lieu, voir la façon dont elle résulte de l´augmentation et de la fréquentation des églises, enfin, montrer le changement opéré par le séisme dans le paysage socio-religieux haitien.

La croyance indéfectible d´un peuple en agonie

     La foi - s´il faut la définir - consiste à croire en un être que l´on ne voit pas ou à espérer quelque chose dont il est impossible de prédire l´arrivée et d´entrevoir les chemins à parcourir avant de se concrétiser. Donc la foi transcende tout principe de causalité et de logique cartésienne. Or, elle se doit de fonder sur un exercice intellectuel et rationnel. Néanmoins, le débat ne se penche pas sur la discussion philosophique et théologique de la foi. Par la foi, les Haitiens ont surpris le monde pour n´avoir pas maudit, injurié, dénigré et renié Dieu à cause du séisme. Alorsque beaucoup espéraient d´eux une telle attitude, c´est-à-dire qu´ils abandonnent la foi, comme les amis et la femme de Job le lui eurent suggéré dans ses afflictions, comme Pierre le fit lui-même contre Jésus dans sa lâcheté, eux, ils s´étaient accrochés à une foi indéfectible. Bien au contraire, mis à part les imbéciles et ignorants dérapages de ceux qui pratiquent un fanatisme religieux obsessionnel et aveugle, leur foi s´est accrue. Ils ont prouvé en ce jour-là la fermeté et la grandeur de leur foi religieuse soit en Allah, Jésus Marie pour certains, soit en Ogou ou d´autres êtres spirituels pour d´autres. En d´autres termes, le séisme du 12 janvier a été une sorte de mise à l´épreuve de cette foi et le moment opportun aux Haitiens pour l´expérimenter et l´exposer aux yeux de l´humanité enitière tout en montrant que, en dépit de ces moments durs, amers et affreux, ils louent, bénissent et glorifient leur Dieu à eux. Une telle expression de foi ne peut être passée sous silence.

     En effet, quelques heures après le séisme, c´était l´émotion totale. Un choc moral et psychologique épouvantable atteint toute la société, même les plus pessimistes et incrédules en ce qui concerne les questions de phénomènes naturels et de croyance en une divinité ou spiritualité quelconque, savaient prier et invoquer les esprits en ce jour-là. Beaucoup tombaient sur leurs genoux et, sous le coup de la peur, se précipitaient, les mains tendues vers le ciel, à implorer la protection divine suite aux diverses repliques sismiques ressenties ça et là. C´était l´effervescence collective généralisée qui a envahi les esprits, les temples, les églises et les maisons de prières quelques semaines plus tard. Sur ce, rien ne pouvait retenir et empêcher les élans émotifs de la foi de ce peuple de se manifester. Personne ne pouvait comprendre qu´une telle attitude religieuse pouvait redonner l´espoir à un peuple agonisant qui, malgré sa douleur et ses afflictions, criait à Dieu, implorait son pardon et sa miséricorde, le priait, le chantait, poussait des cris de délivrance et entonnait des chansons de louange, d´espérance et de réconfort peu de temps après le drame. Ces larmes, au lieu d´avoir été un motif d´abandon de la foi, ont été de préférence pour elle un torrent de purification, de sanctification et de fortification. La souffrance et l´agonie du peuple se sont donc mêlées à cette foi inébranlable.

     Jamais je n´ai vu une telle manifestation infaillible de foi chez un peuple meurtri. Cette attitude du peuple haitien n´est pas faite pour être comprise, mais vécue et expérimentée, c´est comme l´amour, dit-on, ''il ne s´explique ni ne s´exprime, mais se vit''. Autrement dit, il faudrait se mettre dans la peau des Haitiens pour comprendre les raisons d´une si grande foi, pourquoi la souffrance et les douleurs n´ont pas pu avoir raison d´elle, pourquoi les cicatrices du 12 janvier étaient incapables de l´anéantir. De fait, la foi religieuse en elle-même trouve son expression et son expérimentation les plus sublimes dans les souffrances que les croyants endurent. Ainsi donc, cette foi était trop étonnante, faite d´un matériau trop précieux et a rendu maintes gens stupéfaites pour ne pas s´y arrêter un peu tout en la distinguant de celle du peuple d´Israel et d´y entrevoir quelque chose qui va au-delà d´une foi simpliste et opportuniste.
     On se le rappelle, la Bible nous enseigne que tant en Égypte que dans le désert du Sinai, les Israélites n´arrêtaient pas de maudire et d´injurier leur Dieu, celui dont ils ont hérité de leurs ancêtres, savoir, Abraham, Jacob, Joseph, Moise pour ne citer que ceux-là. Confrontés à la faim, à la soif, aux doutes religieux, les Israéllites s´égaraient, se rebellaient constamment contre Dieu et, dans leurs différents instants de déboires et de souffrances, dans leur pays d´origine, en Égypte comme dans le désert, la langue ce peuple, que l´on croyait être le plus fidèle de la terre, ne cessait pas de renier leur Dieu. Dès lors, la fidélité, la foi et la conviction de ce peuple à servir Dieu sont de plus en plus remises en questions. Marquée par des hauts et des bas; par des moments d´égarement et  de lucidité, de chute et de repentance; par des instants de foi et d´incrédutilité, par des attitudes d´optimisme et de pessimisme, l´histoire des Israélites a des points analogues à celle du peuple haitien, toutefois, elle s´en diffère en ce que lors du tremblement de terre, non seulement les Haitiens ont préféré louer Dieu et démeuré dans la foi, mais surtout celle-ci s´est raffermie considérablement, c´est-à-dire ils sont devenus passionnément plus croyants qu´ils ne l´étaient auparavant. Leur langue a été l´instrument le plus pur pour glorifier leur Dieu. Ainsi, cet état de fait a eu, bien évidemment, pour conséquence l´augmentation du nombre des croyants. Pour mieux le comprendre, il conviendrait de regarder, d´une part, - malgré les faiblesses de statistiques -, à travers la cause de l´augmentation du nombre des églises, l´afflux de leurs fréquentations d´autre part.

Pour comprendre comment les églises se seraient multipliées en Haiti avant et après le séisme

     Si beaucoup d´entre les églises en Haiti n´ont pas pu physiquement résister au séisme, certaines autres, bien que restées débout, ont reçu de graves fissures et subi de sévères dommages. Toutefois, celles qui ont effondré demeurent spirituellement ancrées dans le coeur et la pensée des croyants pourvu que même sur les ruines les cultes dominicaux et hebdomadaires se donnent sur la cour en plein air, dans l´emplacement du bâtiment effondré. En dépit des faiblesses de statistiques en la matière, paradoxalement, le séisme aurait vu surgir d´autres églises, le nombre des églises aurait considérablement augmenté après le séisme puisque cette augmentation serait proportionnelle au nombre d´individus qui, au lendemain du séisme, se sont convertis à une religion ou ont rejoint un groupe religieux quelconque. Cette augmentation s´accompagne, cependant, du dérèglement juridique, géographique et social préexistant, autrement dit, de nouvelles dénominations religieuses ont apparu, certaines viennent se greffer sur d´autres, de nouvelles églises se sont créées en s´ajouttant à la liste de celles qui existaient déjà, sans respect aux règles de l´aménagement du territoire et aux normes sociales et juridiques qui doivent définir leur existence ainsi que leur fonctionnement. Car, certains endroits où habitaient des personnes se sont transformés en lieux de cultes, d´autres plus ou moins vierges ont subi la même transformation. Même dans les camps des refugiés, il s´y créait des espaces de cultes pour attirer un certain nombre d´adeptes. C´est le cas, par exemple, de ce lieu improprement appelé Canaan, créé dans le cadre des mobilités sociales massives sous les yeux passifs et impuissants d´un État complice, où des petites églises communautaires croîssent comme des champignons.

     Malheureusement, la pratique religieuse qui prévaut en Haiti le veut ainsi et serait également à l´origine de cette double augmentation. Quelle est la nature de cette pratique? Trois cas de figure, à cet effet, méritent de retenir notre attention.

     Tout d´abord, il advient que tout diplomé fraîchement sorti d´une école de théologie s´assigne péremptoirement et librement le droit de fonder une église. Celle-ci portera la marque du fruit de ses efforts, l´empreinte de ses stratégies et le résultat des contacts - nationaux et internationaux - qu´il a, infatigablement, multipliés en vue de l´établissement, l´organisation et le fonctionnement de cette église. Bien qu´entendues certes comme activité non lucrative, les églises ne laissent pourtant pas de générer de fortes sommes d´argent et de gérer des fonds et aides généralement destinés à enrichir les leaders qui s´y adonnent, ce au détriment de ceux dont leur foi dans les miracles, les délivrances et dans toute sorte d´actions extatiques et mystiques trompeuses est incontestable. Autrement dit, d´un côté, il y a le phénomène des diplomés des écoles théologiques, qui considèrent le pastorat comme moyen de se fortuner, d´un autre côté la foi justificative et approbatrice des individus dans ces modes d´illusions, ce qui valorise en quelque sorte l´existence de ces derniers. C´est l´état psychologique actuel d´un peuple oisif, inculte, ténébreux, livré à lui-même, qui n´a d´autre choix que de se fier à ces balivernes.

     Le second aspect se réfère à l´idéologie religieuse unité dans la diversité qui domine la majorité des églises de souche chrétienne. Elle consiste en la possibilité et la capacité d´un leader religieux de créer autant d´églises qu´il faut. Il peut y avoir diverses églises éparpillées dans différents endroits du territoire national ou à l´échelle internationale sous le controle d´un leader en chef qu´on appelle communément Bichop. Ces églises, que nous pouvons appeler églises satellites, restent connectées avec une autre à être dénommée église mère ou église originelle. Celle-ci est le point commun et de rencontre de celles-là. Une grande majorité de ces églises originelles est elle-même connectée avec des églises internationales. C´est pour cela, elles sont des missions et sont alimentées et assistées le plus souvent par des églises internationales dans la concrétisation de leurs projets de grande envergure. Ainsi, en vertu de ce principe universel et commun aux églises de dénominations chrétiennes, dans l´esprit duquel s´inscrit l´unité de tous les membres à l´instar de l´église dite invisible et universelle, il faudrait s´attendre à un chiffre statistiquement incalculable d´églises comme c´est le cas en Haiti.

     Le dernier cas de figure, dont il faut tenir compte, fait appel au phénomène de division qui caractérise, pas seulement les églises, mais presque toute institution sociale, mais, l´église en est la plus victime si ce n´est la première. En effet, ce phénomène est l´un des principaux responsables de cette augmentation champignonnière des églises en Haiti, car, le conflit, étant dans la nature de l´homme, quand il s´éclate parmi les hauts dirigeants religieux, ne peut produire d´autres effets que la création d´une nouvelle église. Par contre, cette dernière n´est pas une église satellite comme on vient de le voir, mais une église rivale. Chaque partie divisée est susceptible de partir avec soi un certain nombre de croyants-partisans. D´où la guerre froide religieuse et la rivalité plus ou moins silencieuse inter-églises. Les églises rivales, ayant été issues de l´église originelle, vont, de manière subséquente, en reproduire d´autres tout en continuant sur le même rythme jusqu´à l´infini, c´est-à-dire une église divisée ne peut donner naissance qu´à une église fragilisée au départ qui, elle-même à son tour, sera tôt ou tard subdivisée et ainsi de suite. Toutefois, il y a lieu de signaler que cette pratique est beaucoup plus courante dans les milieux protestants que dans les milieux catholiques. Et, même dans ces milieux protestants, on y renconre des nuances, par exemple, une telle pratique est rare chez les adventistes qui sont eux-mêmes une des branches du protestantisme. Cela est dû à un problème du respect de la hierarchie et des principes, ce que nous n´allons pas développer ici.

     Il y a lieu de retenir, enfin, que ces trois phénomènes responsables de l´augmentation des églises sont en parfaite corrélation avec, d´une part, la croissance et la maturité de la foi de beaucoup d´Haitiens, une demande religieuse de plus en plus fortement accentuée dans la société haitienne, de l´autre. La création de ces églises, par conséquent, peut être interprétée comme une réponse à cette demande, d´où l´afflux de fréquentation.

Afflux de fréquentation des églises et changement dans le paysage socio-religieux haitien au lendemain du séisme

     Dans le contexte du tremblement de terre, le paysage socio-religieux haitien s´est reconfiguré en ce sens que la consécration à une activité religieuse devient une alliénation pour certains tandis que pour d´autres, elle est une arme de domination voire une source d´enrichissement; un plaisir de louer Dieu pour certains, un fardeau pour d´autres; un acte volontaire pour les uns, une contrainte pour les autres. C´est un phénomène recurrent qui a totalement changé le paysage socio-culturel et religieux haitien en multipliant les fréquentations dans les centres de cultes, en créant dans les églises de nouveaux cultes, en facilitant l´émergence de nouvelles tendances et discours religieux (l´évangile de proximité, la prédication de promesse de prospérité illusionniste) et l´apparition d´une nouvelle génération de jeunes pasteurs leaders sachant faire usage des moyens de communication de masse (radio, Tv), des nouvelles technologies de communication (Internet) et des réseaux sociaux (facebook, twitter) pour propager et répandre l´évangile et séduire le plus de gens possible. Bien évidemment, au lendemain du séisme, les TIC deviennent une arme puissante entre les mains de beaucoup de leaders religieux, même si jusqu´à présent c´est une très faible minorité d´Haitiens qui en a accès. Certaines églises se créent conjointement ou simultanément avec sa propre station de radio ou de télévision. D´autres, dans l´incapacité d´avoir ses moyens plus coûteux, se lançent en avec la création soit d´un blog soit d´une page publicitaire facebook ou twitter, toujours dans la ligne de l´utilisation des TICs. Ce qui veut dire que cette nouvelle génération favorise l´interconexion entre Église et TICs pour ne pas dire entre Église et Internet, et s´assure de l´efficacité et de l´effectivité de celles-ci. Par ailleurs, certaines églises qui, dans le passé, n´avaient l´habitude de célébrer qu´un seul culte dominical par semaine, se voyaient, vu l´augmentation des demandes religieuses, obligées d´en organiser deux ou trois le dimanche à des heures subséquentes sans néanmoins omettre les cultes qui se donnent pendant les jours de la semaine.

     C´est à croire, en fréquentant ces établisssements ecclésiastiques, que l´on serait entrain de pénétrer dans des écoles professionnelles ou classiques qui se flanquent un horaire de fonctionnement à plusieurs vacations (matin-midi-soir). Nous nous trouvons donc face à un phénomène pas trop nouveau puisqu´il existait dans le passé, mais intéressant par le fait du nouveau dynamisme de fonctionnement, d´organisation et de structuration qui l´accompagne. Les églises d´aujourd´hui se le sont imposées et se l´imposent encore afin d´être aptes et capables à répondre à ces demandes. Par la multiplication et la variation des horaires de cultes dans les églises, ce dynamisme, consistant à faire des individus de véritables esclaves et consommateurs d´une évangélisation par les miracles et les guérisons, est applicable à n´importe quelle autre institution sociale dont la mission est de former et susciter des forces collectives. Dans une pareille situation, comment ne pas s´attendre à une augmentaion et à une multiplication à outrance des masses de croyants, en particulier, dans les grands bidonvilles tels que Delmas, Carrefour, Cité Soleil, qui se remettent éperduement et désespéremment à la foi religieuse pour un changement de vie et une amélioration de conditions sociale et économique, car, abandonnés à eux-mêmes, aucune autorité étatique ne souvient de leur existence ni ne se soucie à leur sort.

     De fait, - nous ne pouvons pas le nier - le séisme n´a pas fragilisé la foi religieuse des Haitiens, bien au contraire, il l´a augmentée, renforcée et affermie. La religion est devenue de plus en plus une grande force collective en Haiti et les églises représentent le champ de prédilection où se travaille, se prépare, s´organise, s´exerce, se manifeste, se fortifie et se concrétise cette force collective. Voilà pourquoi les nouvelles églises qui ont surgi après le séisme ont profité et profitent encore de cet état naif, analphabète, inexpérimenté, aveugle, miséreux, acculturé et ignorant des masses incultes pour faire de ce phénomène naturel qu´est le séisme l´élément central des prédications qui ne se différencient guère de celles qui renvoient souvent à la résignation et à l´obéissance aveugle. Il n´y a que la forme qui a changé, mais le fond reste tel quel.

     Cependant, en dépit de tout cela, il faut démarquer la vraie foi, la foi réelle des Haitiens en soi des techniques de domination et de marginalisation des leaders religieux à partir desquels ils les trompent de bonne foi en refusant de les instruire et les éduquer. Le peuple haitien est très croyant, s´accroche fidèlement à ses êtres spirituels et reconnaît leur puissance dans les adversités. Le séisme du 12 janvier n´avait fait que le prouver une fois de plus.

Conclusion

     Enfin de compte, c´est un mardi, comme ce mardi 12 janvier 2016, aux environs de 17h36, qui a plongé la société haitienne dans le deuil. Dans ses souffrances et afflictions comme dans sa joie et son contentement, le peuple haitien, en ayant exposé au monde entier sa foi religieuse indéfectible, a consolidé et approfondi ses relations et son obéissance avec Dieu. Il a montré qu´il n´est pas un peuple à croyance infidèle et fragilisante. Un tremblement de terre aussi effrayant, calamitant et catastrophique qu´il puisse être en tant que phénomène naturel, avec lequel il nous est un impératif de nous habituer à vivre,  ne peut, en aucun cas, parvenir à éteindre en ce peuple cette foi indéfectible, car, n´étant pas une fatalité, ce tremblement de terre a été l´occasion de comprendre, contrairement aux autres interprétations, que ce n´est pas seulement une simple question de pauvreté, de misère et de chômage qui plonge les Haitiens dans une vie religieuse ascétique dans laquelle ils s´oublient. Mais, ils s´y abandonnent surtout par conviction et par contrainte sociale vu que les autres opportunités leur sont constamment fermées. Comme aspect fondamental, il y a lieu de souligner que, six ans plus tard, le séisme du 12 janvier 2010 a montré que les Haitiens sont plus spirituels que matérialistes, plus ascétiques que contemplatifs, très religieux et croyants, moins pessimistes de leur avenir, et plus confiants en eux-mêmes, car ils voient en ce Dieu un réhabilitateur et un restaurateur. Ainsi donc, la religion, telle qu´elle se pratique depuis le séisme, a provoqué un certain changement de mentalité chez les Haitiens. Mais qu´est-ce qui explique que les Haitiens soient si fortement attachés à la culture religieuse? C´est ce qui nous tenterons de voir dans la prochaine série.



Campinas, 12 janvier 2016