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samedi 3 septembre 2016

CITÉ SOLEIL: L´HÉROÏSME, LE MIRACULISME ET LE SURRÉALISME AU COEUR DE LA SURVIE DES INDIVIDUS

Résumé

Cet article est une réflexion issue d´un constat dans le cadre d´un travail de terrain à Cité Soleil. Il propose de regarder ce bidonville comme prototype d´une société haïtienne qui ne survit que de l´héroïsme des uns, du miraculisme des autres et du surréalisme d´elle-même dans la mesure où les dirigeants et les élites n´ont toujours pas la conscience que le monde atteint déjà une phase scientifique, technique et technologique hautement avancée et que les problèmes sociaux et économiques d´aujourd´hui auxquels font face ces individus massés dans des bidonvilles insalubres ne peuvent pas se résoudre dans ces comportements et croyances irrationnels et subjectifs faisant d´un individu ou groupe d´individus l´incarnation du mal absolu.

Introduction

À l´École Normale Supérieure, dans le cadre d´un cours d´histoire d´Haïti, un jour, un professeur très célèbre au sein de l´institution et dans le milieu intellectuel haitien - dont je me garde de citer le nom - eut à dire que l´étranger - détenteur de la science, la technique et la technologie - ne les donnera pas à Haiti vu leur préciosité, leur grandeur et leur importance, toujours est-il qu´il nous fournit sans reserve du riz, maïs, pois, farine, viande périmée... pour nous remplir le ventre, car c´est ce à quoi nous ressemblons. Avec le temps, malgré moi, j´ai fini par m´adhérer à sa parole et j´irais même jusqu´à ajouter que ce n´est pas l´étranger qui refuse de nous donner la science, la technique et la technologie, mais de préférence notre état d´esprit qui bloque ces conquêtes et n´est pas prêt à les avoir, autrement dit, nos conditions sociales sont tellement alarmantes que parler de ces choses à un individu affamé, nu, squelettique, miséreux, pauvre, ce n´est pas seulement du chinois ou de la perte de temps, mais c´est comme un mal qu´on lui ferait dans la mesure où ventralement, mentalement et psychologiquement il n´est prédisposé qu´à entendre si ses besoins élémentaires les plus biologiques seront résolus d´abord. À l´instant même où on lui parle de ces choses, l´individu pense qu´on est indifférent et insensible à sa condition sociale.

De fait, il faut lui donner raison, car on ne peut pas sauter du besoin primaire pour tomber dans le tertiaire, lequel besoin primaire n´est même pas encore satisfait voire s´attaquer au besoin secondaire. On pourrait dire que l´accès aux nouvelles technologies de l´information et de la communication fait partie du besoin quaternaire. J´ai surtout eu affaire avec cette situation lorsque j´ai investi le terrain de Cité Soleil dans l´idée de réaliser un travail de recherche, qui a été une expérience fascinante comme je l´ai mentionné dans un rapport de travail publié sur mon blog. Dans presque tous les quartiers où je passais (Bélécou, Boston, Cité Lumière, Norway, Ti Haïti, Bois Neuf, Projet Drouillard...), la majorité des personnes que je côtoyais pensait que j´étais un agent du gouvernement, d´autres me prenaient pour un ongiste tandis que d´autres encore se méfiaient de me parler parce qu´ils n´avaient pas la moindre idée du travail que j´étais venu accomplir en dépit des explications que je leur ai fournies. De plus, dans les pourparlers j´ai vite compris qu´un tel état d´esprit traduit clairement qu´à Cité Soleil quand les individus ne vivent pas ou ne mangent à la merci d´un miracle, ils se noient dans des projets surréalistes qui, venant de messies autoproclamés et auto-surestimés, consistent à les faire rêver débout. En effet, l´on se demande très rarement ou presque pas ce qu´il faut réellement à un jeune pour vivre, évoluer, se mouvoir, se déplacer, s´éduquer, se fréquenter, se cultiver, circuler, travailler à l´intérieur de cette commune, déclarer, défendre et brandir fièrement à  l´extérieur de sa communauté son identité et son origine sociolocale sans risque de se faire humilier, ridiculiser, réprimer, bastonner, violenter, rabaisser voire tuer. Ce sujet y est quasi tabou. Or, bien que la réalité dont il découle saute aux yeux, il reste, pourtant, toujours indiscuté voire ignoré. Tandis que, pour survivre, les jeunes de Cité Soleil doivent se préparer à faire face à toutes sortes de discriminations sociales: mépris, humiliation, rabaissement, complexe d´infériorité, infériorisation, phobisme, exploitation sociale, chômage, exclusion sociale, culturelle, politique et économique, injustice sociale, peur de s´exprimer et de s´extérioriser, rejet, traitement au rabais, inhumanité etc.

Il s´agit, en fait, dans une certaine mesure, d´une souffrance liée à ce que j´appellerais une soléophobie qui se développe dans tous les sens. Déjà, au sein d´une société comme la société haïtienne, construite sur des stéréotypes sociétaux discriminatoires, exclusivistes, injustes et inégalitaires gravissimes, il ne va pas sans dire que l´intégration sociale des jeunes soléens ne peut ne pas se transformer en un véritable calvaire. De plus, l´environnement social dont ils sont issus noyée de violence, qui les suit partout et avec l´image duquel ils circulent à l´intérieur de Cité Soleil et se transportent en dehors de ce gigantesque bidonville, semble leur devenir une sorte de distinctif social pour ne pas dire un stigmate social, autrement dit, une espèce d´étiquetillage identitaire qui leur est collé à la peau. Comparée à ce qui s´est produit au Ruanda, vers 1994, où, pour distinguer un hutu d´un tutsi, il fallait les comparer à la longueur du nez ou à la couleur des yeux, cette situation tend à compromettre l´avenir de ces jeunes et leur cause de nombreuses embûches. Cette catégorisation sociale qui provient surtout de l´extérieur est discriminatoire et menace d´anéantir le courage des jeunes de ce bidonville qui ne cherchent qu´à s´épanouir en réclamant par leur conduite héroïque le droit de vivre dans un environnement social et culturel développementif et pacifique.

En traduisant cette réalité par trois concepts clés, à savoir, l´héroïsme, le miraculisme et le surréalisme, l´article part donc à la compréhension de cette manière exceptionnelle caractérisant la survie des jeunes à Cité Soleil. Sur ce, dans un premier temps, nous allons tenter de montrer l´importance de comprendre le paradoxe et le contraste de la fuite des jeunes. La seconde partie prendra en compte les caractéristiques des violences armées pratiquées à Cité Soleil. Afin de comprendre mieux l´ampleur et le fondement de ces violences, il est nécessaire d´identifier la catégorie sociale qui y est le plus activement impliquée. Enfin, l´article se conclut par une considération sur quelques éléments auxquels les jeunes recourent pour survivre à Cité Soleil non dans le sens d´une passivité résignante, mais dans celui d´un effort constant constitutif d´action et de prospectivité positivement étonnante.

1. Fuir pour aller où?

Plus récemment, 2004 à 2006 sont les années qui ont vu un nombre incalculable de jeunes déserter Cité Soleil pour aller se réfugier chez un parent, un ami, une connaissance, un proche voire un étranger résidant en section rurale ou urbaine, dans un endroit peu conflictuelle reculé des zones à risque potentiel de violences armées, d´assassinats, de viols et de séquestrations. Ils fuyaient les massacres, les vols, les maltraitances, les atrocités, les barbaries, les viols collectifs, les meurtres, les assassinats, les pillages, enfin, les crimes de toute nature qui se perpétraient, impunément et impitoyablement, dans les localités telles que Projet Drouillard, Bois Neuf, Boston, Ti Ayiti, Lintho 1 et 2, Cité Gérard, Soleil 15, 17, 19. C´est tant la dégénérescence de ces violences collectives que l´impuissance et la négligence des forces de l´ordre et de sécurité auxquelles ils assistaient et dont ils se plaignaient vainement, qui ont forcé ces jeunes à fuir, sinon momentanément, Cité Soleil. Au cours de la même période, certains l´ont déserté définitivement pour ne plus y revenir. Bon nombre d´entre eux, interrogés sur les raisons qui les ont poussés à agir de la sorte, n´ont pas donné de réponses surprenantes: les violences et l´irresponsabilité des autorités publiques sont au cœur des causes principales qu´ils soutiennent.

En effet, ce facteur d´omission, de négligence et de démission de l´État - cette sorte de terrorisme d´État pour certains; de son silence complice pour d´autres - est souvent évoqué dans les propos de ceux qui dénoncent la cruauté et la barbarie des violences dans cette municipalité. Le fait qu´à un stade ultime de ces phénomènes les jeunes de Cité Soleil ont eu le sentiment d´être de plus en plus abandonnés à eux-mêmes, de n´avoir aucun recours ni secours, qu´aucun ne prenait au sérieux leurs nombreux cris d´alerte désespérants, avant qu´ils ne se fassent massacrer, pour sauver leur peau, ils n´ont pu que fuir. Cette fuite dont nous parlons est, en réalité, un paradoxe et un contraste en ce sens qu´elle n´est pas une fuite à proprement parler, mais une sorte d´échappement et d´écartement qui soulage en même temps qu´il crée des préoccupations traumatiques réelles liées à une famille, à un ami, à un bien précieux laissés derrière. Ils ne s´en foutaient pas vraiment de ce qui pourrait arriver en fuyant ou après s´être échappés de cette cité mortuaire, mais c´est la chasse qui jouait en leur faveur et dès fois le miraculisme. Ce qui veut dire que le corps de ces jeunes s´en était certes échappé et détaché, néanmoins, leur esprit ne pouvait nullement se libérer ou se défaire ni des barbaries vues dans le passé ni de la conséquence future de leur acte sur leurs familles ou amis si jamais il advient à être découvert.

Or, c´est toujours risqué et extrêmement dangereux pour des civils, des gens désarmés, indéfensifs et inoffensifs de vivre et de partager le même espace avec des milices lourdement armés qui, échappés au contrôle des autorités, se montraient toujours aptes au crime et à la violence. C´est presqu´un mode de vie suicidogène dans la mesure où on ne peut pas affronter main nue l´inévitable, l´invivable et même l´impossible que représente le phénomène de violence sociale. Un tel mode de vie ne saurait ne pas être inquiétant voire incertain pour des jeunes qui aspirent à un avenir meilleur, or, plongés dans cet univers violent qui ne les rend pas forcément violents, mais qui les fait prendre automatiquement pour des gens violents, ils cherchent à s´en débarrasser qu´importe le prix. Et, ce prix c´est d´abord la fuite.
En effet, beaucoup de jeunes avaient fini par se convaincre que pour vivre et laisser germer une lueur d´espoir pour la cité, il est impératif de la déserter et de migrer à une autre localité, ne serait-ce que pour un très court instant. Mais où? Dans d´autres quartiers populaires et populeux comme Martissant, Fontamara, Simon Pelé, Croix-des-Bouquets, Carrefour, Tabarre, Plaine du cul-de-sac, etc. Les violences collectives armées engendrent des migrations internes et externes, mais, bien que peu fréquentes elles sont également présentes dans ces quartiers pouvant servir de refuge. Ces quartiers sont les principales destinations des jeunes désertés, et, à ce qu´il paraît, l´accueil n´y est pas du tout déconcertant dans la mesure où les individus provenant de ces quartiers réputés dangereux et violents se soutiennent entre eux, se prêtent réciproquement assistance et appui, car, susceptibles d´être exposés à des menaces phobiques, il serait plus facile aux jeunes de Cité Soleil fuyant les violences d´y trouver un endroit pour essouffler et respirer un peu qu´ailleurs. L´option de se rendre en dehors, c´est-à-dire dans une zone rurale le plus souvent très reculée de la capitale est très peu envisageable. Cet ailleurs peut désigner quelques-uns des quartiers bidonvilisés comme Delmas et Pétion-vile se trouvant à l´autre bord de l´intérieur des zones métropolitaines, et, à un moment de la durée, se sont délibérément octroyé le titre de quartiers résidentiels, de zones tranquilles ou prestigieuses donc moins exposées à ces genres de phénomènes. Or, étant donné que tout le monde sait pertinemment que le pays est un grand bidonville assiégé par la violence, on peut parler ici d´une fausse prétention.

De toute façon, si pour certains elle peut être définitive cette fuite pour d´autres revêt une nature éphémère surtout pour ceux qui fuient la commune et y reviennent de temps en temps au moment d´un calme apparent pour des raisons diverses. De plus, bien que ces actes répétitifs de violence, de banditisme et de criminalité tendent à forcer les jeunes à couper tout lien affectif, social et sentimental avec familles, amis et collègues, ils ne l´anéantissent pas définitivement pour autant. Ce qui veut dire que malgré le degré de leur cruauté, les violences collectives à Cité Soleil ne détruisent pas l´amour ni l´attachement que ces jeunes expriment pour cette commune. Beaucoup y restent, malgré tout, dans un espoir héroïque de se battre pour un changement. Certains, même étant dehors, continuent de lui prêter un infaillible support pendant que d´autres s´efforcent par un héroïsme audacieux quement de sauver son image par quelques actions positives. Certaines personnes, en attribuant ce sentiment d´appartenance à une sorte de fatalisme, diraient que ce sont des jeunes désespérés qui, ne sachant pas où aller, ne peuvent que se résigner à leur sort, beaucoup y verraient un suicide volontaire tandis que d´autres un héroïsme de ces jeunes qui exposent leur vie parce qu´ils refusent de se laisser déposséder de leur environnement natal auquel ils s´identifient. Il n´y a de pire violence que de contraindre quelqu’un´un à renoncer à sa propre identité et à abandonner l´espace physique socioculturel dans lequel il est né, il a grandi et a fait ses premiers pas de socialisation familiale, sociale et culturelle. En effet, comme nous allons le voir plus loin, ce n´est que par l´héroïsme, le miraculisme et le surréalisme que la vie, du moins la survie, soit possible à Cité Soleil.

À Cité Soleil, il existe une forte probabilité que criminels et innocents; victimes et bourreaux se voient, se revoient dans la plus parfaite impunité et méfiance. En outre, il arrive dès fois qu´auteurs et victimes de ces violences fuient en même temps pour aller se réfugier ailleurs au même endroit. Bien qu´ils s´en fuient pour des raisons divergentes et se rendent dans des endroits distincts - les uns fuient pour des causes liées aux actes criminels des individus armés tandis que d´autres à cause des raids menés par la Minustah et la police nationale - il arrive bien souvent que leurs regards se croisent, se recroisent et qu´ils se côtoient. Sur ce, au lieu d´être des fugitifs, il est préférable de considérer ces jeunes comme des déplacés, délocalisés, déclassés, expulsés, exclus, marrons locaux, expropriés, car, compte tenu de leur va et vient, en réalité ils ne vont nulle part. Ils vacillent, tournent et s´errent dans les alentours. Forcés à un marronnage local, un sentiment d´appartenance à Cité Soleil toutefois les traverse. Même si c´est pour des raisons diverses, et, en dépit des dangers, leurs fréquentations dans cette commune ne se ralentissent guère et tend à justifier une croyance surréaliste.

Il y a plus. Étant donné la difficulté de parler d´une fuite proprement dite - sans, cependant, oublier de mentionner que réellement beaucoup de gens ont été persécutés, chassés et même assassinés s´ils n´arrivaient pas à s´échapper - entre ceux qui restent et ceux qui font le va et vient, il y a lieu de souligner que s´il est facile et même visible d´indexer les auteurs, il est pourtant très difficile d´identifier les victimes dans la mesure où les auteurs des actes criminels se faufilent parmi les victimes et se considèrent le plus souvent eux-mêmes victimes. Un mélange complexe entre vraies victimes, victimes sacrificielles et éventuels victimaires de la faillite d´un système social, politique et économique qui les rejette, n´a pas su les intégrer, mais les contraint à la violence. Sur ce, les violences collectives à Cité Soleil nous aident à comprendre que nous avons affaire avec plusieurs catégories d´individus qui s´entremêlent et s´entrelacent: Innocents et coupables; civils et sujets armés, bons et mauvais; victimes et bourreaux, tortionnaires, sadiques, victimaires. Cette cohabitation est dangereuse et rend grandement difficile la compréhension du phénomène surtout lorsque certains font des criminels leurs protecteurs en lieu et place des forces de l´ordre. Voilà pourquoi, dans les attaques et les échanges de tirs des groupes armés entre eux, entre ceux-ci et les forces de l´ordre, on en enregistre souvent des victimes collatérales. Nous sommes donc en face d´un cas complexe sur lequel la victimologie a besoin de se pencher

Ainsi, ces catégories sociales partagent et vont jusqu´à discuter, d´un point de vue mosaïque, ce même espace social que symbolise Cité Soleil où nous assistons à une sorte de marasme criminologique et victimologique d´acteurs et agents sociaux. Étant sur toutes les lèvres - même les plus mutistes en parlent bavardement - et revenant à chaque instant dans des débats médiatiques et politiques pour y occuper plus un espace d´ampleur et de propagande, les dommages humains et matériels dont sont responsables ces violences grossissent de plus en plus et sont comme des arbres grandissantes qui cachent la forêt de misérabilité et de pauvreté où vit cette population. Ce qui nous pousse à la question de savoir quels sont les traits caractéristiques et explicatifs de ces violences qui non seulement enlèvent à l´individu son plein droit de vivre dans l´environnement social et culturel de son choix, mais surtout lui en imposent un autre contre son gré, sa volonté, sa vision, son objectif et son projet?

2. Quelques facteurs explicatifs aux violences collectives armées à Cité Soleil

Depuis le début des années 2000, les violences prennent une autre tournure à Cité Soleil et vont au-delà d´une simple implication des jeunes, des adolescents et même des enfants ou de leur simple volonté d´adhérer à des associations criminelles. Compte tenu de la façon dont elles se déroulent, il est fort probable qu´elles tiennent leur source d´une volonté hautement supérieure et d´une force extérieure. Autrement dit, il est simpliste de dire que les jeunes s´impliquent dans les conflits armés parce qu´ils sont pauvres et miséreux, cherchent des moyens de survie, sont nés avec des instincts criminels, ont faim et évoluent dans un environnement abjecte, insalubre et ignoble tel qu´il leur est impossible de s´en passer; très simpliste d´accoler à Cité Soleil l´étiquette stigmatisante, discriminatoire et exclusiviste de ''zone de non-droit''; et pire encore quand ceci provient de la bouche des plus hautes autorités étatiques; très simpliste, en outre, de stigmatiser les habitants de cette communauté qui, en réalité, n´ont rien tous à voir avec ce phénomène. Il y a d´une part une tendance au fatalisme, de l´autre à l´essentialisme de ces éléments lorsqu´il s´agit de Cité Soleil, qui font plus de tort qu´ils aident à problématiser le phénomène. Or, ils ne convainquent pas, car, même si les violences collectives armées à Cité Soleil auraient quelque chose à voir avec la misère et la pauvreté qui en sont, à la fois, cause et conséquence, la situation sociale des jeunes décrite ci-dessus ne peut pas à elle seule expliquer le degré de ces violences. De même, il y a d´autres pièges dont il faut se garder de tomber en caractérisant ces violences, le réductionnisme d´un côté qui fait de la misère et de la pauvreté leurs simples et principales causes, d´un autre côté, le négationnisme qui consisterait à nier - de près ou de loin, sur de court ou long terme - l´implication réelle de ces facteurs sociaux dans les violences.

En effet, on tombe souvent dans le piège du simplisme quand on fait découler les violences uniquement de la misère et de la pauvreté de la population soléenne. Bien qu´elles proviennent de causes multiples et diverses, la misère et la pauvreré peuvent accoucher des violences aussi bien qu´elles sont susceptibles d´être engendrées par les violences elles-mêmes. De plus, ces facteurs sociaux, dont les impacts ne peuvent être évalués effectivement que sur de long terme et qui interviennent souvent dans la causalité des violences, au lieu d´en être les causes immédiates, ils en sont le plus souvent les conséquences. Quelques auteurs qui réfléchissent sur la problématique des relations entre pauvreté-famine-misère et violence, n´ont jusque là pas prouvé une trace conséquentielle directe et médiate entre violence et cette trilogie de catastrophe humaine. Amartya Sen (2006) - l´un des plus célèbre parmi eux - a soutenu que c´est au cours de la période où le Bengladesh - pays ravagé par des guerres civiles - faisait face à une famine inimaginable que le pays a connu le moment le plus paisible et le plus calme de son histoire. Il arrive même, a-t-il poursuivi, que beaucoup de sociétés connaissent la violence après avoir passé par une phase révolutionnaire ayant abouti à l´amélioration des conditions de vie.
D`un côté, cela sous-entend que ce n´est pas parce que les gens sont pauvres et croupissent dans la misère qu´ils font la guerre entre eux, mais plutôt parce que ce sont les guerres fratricides et les conflits violents qui les ont plongé dans un état de pauvreté et de misère désespérant. La violence n´est pas toujours synonyme de pauvreté. La faim peut devenir une arme puissante pour calmer les esprits et imposer un régime d´oppression. De l´autre côté, surtout dans le cas de Cité Soleil et de toute autre zone stigmatisée par l´expression exclusiviste et discriminatoire de zones de non-droit, les violences armées qui compliquent la vie des habitants peuvent se traduire par une sorte de criminalité organisée au plus haut sommet des structures étatiques. Les véritables dérangeurs d´ordre et violateurs des règles de droits et des droits humains ce sont les gens en costumes et à cravates assis derrière leur bureau et sur le fauteuil de leur voiture climatisée. Ce sont eux les vrais bandits, les vrais délinquants d´État qu´il faut distinguer de ceux q´on appelle les sujets armés. C´est  à cause de ce banditisme d´État que les violences collectives s´érigent en maître dans cette commune et qu´on y retrouve un taux incroyable - plus de 80% selon les estimations - de gens pauvres, misérables et affamés qui s´entassent dans des taudis où ils défectent en plein air, sous un soleil plombant et à ras le sol, où ils discutent avec les porcs leurs maigres nourritures qu´ils se sont, difficilement voire miraculeusement, procuré. En résumé, même si les rapports entre violence et pauvreté-misère-famine sont difficiles à établir, dans la majorité des cas celles-ci sont les conséquences de celle-là.

Cependant, l´idée ici n´était point d´innocenter personne encore moins les jeunes impliqués, volontairement ou involontairement, consciemment ou inconsciemment, dans les violences armées généralisées. Il s´agissait par contre de regarder le phénomène de la violence à Cité Soleil en profondeur, de l´attaquer dans ses racines et de l´aborder sous un autre angle. C´est que, du point de vue interne, c´est une violence née historiquement d´une négligence manifestement systémique des structures étatico-politiques et économiques. D´un point de vue environnemental et urbanistique, et, contrairement à ce que l´on pense, la morphologie socio-urbaine, l´organisation spatiale de la cité ainsi que le profil des sujets armés ont considérablement changé au cours des 10 dernières années, ce qui fait qu´une bonne partie des auteurs des violences armées provient de l´extérieur. Ce qui fait que la cité a connu une violence à double vitesse: l´une née à l´intérieur de ses propres originaires; une autre qui, venant de l´extérieur, a été le fruit des influences politiques. Il s´agit ici d´une transplantation de la violence à Cité Soleil engendrée par sa configuration géographique, sa structure sociale fragile, son histoire et la vulnérabilité de ses habitants. Ce sont des gens contraints à un train de vie qu´ils n´aiment pas, qu´ils ne souhaiteraient jamais mener, duquel ils veulent et cherchent à se libérer même avec de faibles moyens. En un mot, ce sont des individus poussés et incités à la violence à cause de la déliquescence, de la négligence, du pourrissement et de la corruption au sein des autorités gouvernementales. Cette violence généralisée leur devient par contre non le moyen de résoudre un problème, mais une finalité de survie biologique et zoologique.

3. Configuration sociologique des groupes armés et leur influence

C´est un des éléments important qui ne doit pas nous échapper, à savoir, la configuration sociologique des groupes armés, c´est-à-dire leur composition sociale. En observant bien ces groupes d´un point de vue d´effectif, même si nous ne détenons pas leur chiffre exact, ils ne sont formés que de quelque dizaine d´individus susceptibles d´être, maladroitement et boiteusement, mobilisés pour une pitance, ils sont par conséquent nettement minoritaires par rapport à ces 265.072 habitants qui vivent à Cité Soleil. Au sein de la communauté soléenne, ils répresentent un très faible pourcentage. Toutefois, leurs nombres sont constamment instables et varient en fonction des démobilisations et remobilisations continuelles, des recrutements clandestins et informels. Ce qui porte à dire que cette stigmatisation de prendre pour des bandits, gangs et criminels tous ceux qui sont originaires de Cité Soleil - en particulier les jeunes - est tout à fait inutile et absurde. Il est important donc d´extraire les citoyens honnêtes et paisibles des fauteurs de troubles pour ne faire d´amalgame.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux relations sociales, ces groupes existent, fonctionnent et évoluent dans la plus parfaite individuation et distanciation les uns par rapport aux autres. Les relations sociales leur importe moins que leur survie quotidienne. Ils se reconnaissent de loin en même temps qu´ils s´ignorent les uns les autres, même si la possibilité pour qu´ils se prêtent des renforts mutuels n´est pas à écarter. Les relations sociales entre eux, peut-on dire, sont d´ordre conflictuel et, pour être éphémères et se limiter à une sorte d´entente tacite en vue de lutter contre un camp d´ennemis communs, elles sont de moins en moins de caractère harmonieux. On peut dire donc qu´en dépit de tout, les groupes armés interagissent entre eux dans un cadre sociorelationnel et, bien qu´ambiguës, ces relations sociales ne sont pas tout à fait négligeables. Car, on y retrouve une catégorie sociale importante et fragile, à savoir, les jeunes et adolescents d´une tranche d´âge ne dépassant pas les vingtaines. La plupart d´entre eux ont partagé une enfance commune. Ainsi, la dynamique sociale dans laquelle s´inscrivent l´émergence et l´évolution des groupes armés à Cité Soleil est un sujet à prendre au sérieux.

Ces jeunes et adolescents - une catégorie sociale très vulnérable en ce qui a trait à la qualité de socialisation et de culturalisation qu´ils reçoivent dans cet environnement - auraient dû se retrouver à l´école; dans un centre de formation, de professionnalisation et de création culturelle et sportive pour y apprendre une discipline sportive, un art ou un métier. Ils goûtent déjà à la vie adulte dur et pénible sans savoir ce qu´elle est exactement, ce qu´elle leur réserve effectivement. Étant donné que l´influence sociale est une question d´ordre mutuel et relationnel; vu qu´ils n´ont pas été bien encadrés, orientés et conseillés dès leur jeunesse; vu qu´ils n´ont pas su sur qui compter et n´ont pas pu rester à l´école pour se préparer un avenir, ces jeunes ont recouru de très tôt à l´alcool, à la drogue, à la délinquance et à la violence dès fois pour survivre. Ils naissent, grandissent et meurent dans l´indifférence sociale totale et sans identité comme s´ils étaient des arbres sauvages dans les forêts parce qu´aucune planification sociale, urbanistique, environnementale et économique n´a été pensée en leur faveur, parce que, enfin, aucun programme de développement social et humain n´a été prévu pour eux. D´où leur rupture brutale d´avec les valeurs sociales.

Des jeunes qui s´amusaient et jouaient au football pieds nus et aux billes, leur jouet enfantin de prédilection, des gens de bien, gentils, respectueux, sages, aimables et aimés, qui, dans les premiers instants de leur jeunesse avaient des rêves fous, étaient traversés par toute sorte d´idées de grandeur et par une soif démesurée pour la lecture, l´éducation, la poésie, la littérature, la peinture, l´art; ils lisaient tout ce qui leur tombait sous la main et projetaient vers la science, la technique et la technologie, pourtant, du jour au lendemain, ces derniers sont devenus des criminels, des tueurs et des meurtriers non seulement à cause de l´environnement de violences et de guerres fratricides dans lequel ils ont grandi plus précisément, mais surtout à cause de la détérioration de leur condition sociale et économique, du brisement de leur espoir, de leur espérance et de leur rêve qu´ils ont vu s´envoler dans les flammes de l´exclusion, de la discrimination, de la corruption, de l´oubli, du laxisme étatique, de l´injustice sociale. Dans cette petite communauté, autrefois, tout le monde se connaissait, se parlait, se côtoyait, se fréquentait, s´échangeait et entretenait entre eux des relations amicalement harmonieuses, mais, au fil du temps, tout cela a disparu.

On a assisté donc au cours des vingt dernières années à une instabilité politique chronique, à une déchirure psychologique, à une cassure sociale systématique, enfin, à une fuite de compétences et ressources humaines au niveau interne de la très faible et réduite minorité de jeunes que possède Cité Soleil. Ces derniers, s´ils avaient la possibilité de vivre dans un climat pacifique et sécuritaire, auraient pu être très utiles pour cette commune. On peut, par conséquent, dans une certaine mesure, imputer aux violences qui s´installent dans la cité la carence des ressources humaines ainsi que la dévalorisation des symboles culturels et sociaux. Ce constat est également valable pour le pays tout entier. Si certains jeunes plus vulnérables que d´autres, se sont laissés, impuissamment, influencer par des groupes armés qui sèment la violence, alors que d´autres y ont résisté, cela sous-entend que, quelque part, en dépit de tout,  prendre part à la violence et à la criminalité n´est pas seulement un choix, mais surtout une contrainte.

Ce qui fait que beaucoup de ces jeunes qui auraient pu être utiles à la communauté deviennent pour elle, contre leur gré, source de douleur, de souffranceet désolation à cause de leur enrôlement forcé remplaçant les programmes gouvernementaux de développement social, politique et économique. Toutefois, beaucoup aussi ont été pris dans le piège de la juvénilité foudroyante et de la majorité précoce en se montrant plus fougueux, zélés, dévoués que d´autres et n´ont pas pu se retenir ni résister aux offres des associations criminelles. Dès fois, ils y ont succombé afin de survivre et de faire vivre ceux qui, même étant au courant de la nature criminelle de leurs actes, comptent sur eux pour un soutien, un appui financier quelconque. C´est pourquoi les familles n´ont pu exercer sur eux aucune emprise parce qu´ils ont le monopole économique. Puisque pratiquement toutes les portes leur étaient fermées, ils ne pouvaient que s´adonner à la violence criminelle bien que conscients des risques qu´ils en couraient, alors l´ambiance à Cité Soleil était tout à fait favorable à un enrôlement forcé au banditisme. Sur ce, il faut poser donc la question: Qu´est-ce qu´il faut réellement à un jeune pour vivre, du moins survivre, à Cité Soleil?

4. L´héroïsme, le miraculisme et le surréalisme au secours des jeunes de Cité Soleil

Non la résignation - je refuse ce mot parce qu´il revêt une connotation trop réductionniste et dès fois négationniste de la liberté de l´individu et de sa capacité à choisir et définir son propre avenir -, encore moins le recours unilatéral au banditisme, à la criminalité et à la délinquance - comme on se plaît à le croire - qu´il faut aux jeunes pour vivre ou survivre à Cité Soleil, mais plutôt une dose d´héroïsme et une croyance au miracle et au surréalisme. En effet, à Cité Soleil il se joue une surenchère de miracle (comme une sorte de science fiction) et de surréalisme au milieu des jeunes qui, refusant de fuir la violence dans un environnement déjà vu comme exclusiviste, opaque, inaccessible et coupé du reste du monde social, se comportent de plus en plus en héros. Ils se la jouent donc à l´héroïsme, au surréalisme et au miraculisme parce qu´ils croient en un miracle divin qui puisse arrêter les conflits armés. La cité est un espace fielleux où fréquenter les écoles, terminer ses études classiques voire s´octroyer une place à l´université se révèlent être des exploits surréalistes.

C´est en ces termes qu´on peut, d´une part, camper un portrait socio-robotique plus ou moins objectif et réel du milieu social et culturel de Cité Soleil et, d´autre part, parler des jeunes qui l´habitent encore. Chaque jeune qui, issu de ce bidonville, n´a pas une arme à la main mais a plutôt un livre ou un outil de travail manuel ou technique n´est rien d´autre qu´un héros, un miraculé et un produit du surréalisme considérant que le surréalisme est tout ce qui va au-delà du réel. Or, si le tout réel qui existe à Cité Soleil se réfère à la violence, au banditisme et au chimérisme, alorsque le contraire s´est produit pour certains jeunes en l´absence totale d´un plan social de récupération, d´insertion et d´encadrement, alors il n´y a d´autres expressions qui puissent caractériser cet état de fait que le surréalisme, le miraculisme et l´héroïsme. Tout ce dont un jeune a besoin pour vivre, évoluer, se fréquenter, se mouvoir, étudier et s´éduquer à Cité Soleil c´est ce surpassement qui a pour risque de vivre dans un environnement qui déteste les nèg a liv sa yo (ces gens à livres). Et, de fait, c´est en s´y remettant qu´ils ont réussi à ne pas se laisser moralement et psychologiquement infecter par cette espèce de virus de la violence.

Oui, en effet, il faut avoir du fiel et être un héros, un surréaliste et un fervent croyant dans les miracles pour parler de Cité Soleil en des termes qui ne plairaient sûrement pas à ceux-là qui veulent entendre, lire et écouter ce qui leur est imposé comme consommation médiatique de tous les jours sur cette zone, à savoir, les images dévastatrices, les violences armées, les cadavres dévorés par des chiens et des porcs, le barbarisme, les enfants nus et armés, les bandes armées brandissant leurs pistolets, mitrailleuses et kalachnikovs, les comportements libertaires des jeunes, les ambiances malsaines etc. Mais, plus d´uns ne parlent de la manière dont d´autres individus arrivent à se passer de ces choses. C´est un peu abstrait de parler de parler d´un héroïsme qui, à la différence de celui de Chansons de Roland ou celui des Dieux de l´Olympe dans la mythologie grecque, n´est pas fictif ni imaginaire, mais, paradoxalement et contrastement, réel et concrêt puisque vécu, survécu et surmonté par ceux sur le visage desquels peut-on lire une certaine résurrection, car, après avoir surmonté si miraculeusement les violences armées et meurtrières, ils sont des rescapés de la mort, ces les jeunes qui continuent, d´une façon ou d´une autre, à fréquenter cette zone, à y construire et renforcer leurs relations sociales, reprendre des liens de parenté et d´amitié, entretenir leurs familles et à y entreprendre leurs petites activités sociales, associatives, politiques, commerciales, économiques, culturelles et religieuses.

Si miraculisme, surréalisme et héroïsme adviennent à être un principe qui régit la vie et l´avenir dans cette communauté et perdurent en tant que tels, c´est que, d´une part, il faut admettre que là se développe quelque chose, socialement et humainement, d´anormal, une situation qui ne se peut être aucunement perçue et interprétée avec des yeux simplissimes. En fait, c´est parce qu´à Cité Soleil même pour s´offrir un plat chaud, boire de l´eau, se soigner, trouver un emploi, aller à l´école, enfin, s´habiller il faut se remettre à un héros, à une divinité ou à un faiseur de miracle des besoins sociaux les plus élémentaires. Et quand on est dans une situation pareille, une spirale dirait-on, on est sur terre sans y être. On est dans les nuages. Bien qu´ayant deux pieds sur terre, on est dans l´espace. On est entrain de vivre dans un monde réel, physique et sensible pourtant régi, paradoxalement, par des préceptes rencontrés exclusivement dans un monde invisible, insensible et abstrait. C´est pourquoi nous considérons Cité Soleil comme un véritable paradoxe et contraste, car dans un tel espace tout se compte sur des miracles, des surréels et des actes héroïques, alors que les gens vivent dans un environnement physique et matériel.

D´autre part, si Cité Soleil devient le centre de l´espérance des miracles qui pour certains n´ont jamais eu lieu; l´espace miraculeux qui produit des miraculés; l´endroit où le surréalisme sous toutes ses formes est à son paroxisme; le lieu où se trient quelques Moïses sauvés des eaux, c´est-à-dire, des jeunes qui ont préféré la paix à la violence sociale, l´argent facile à la discipline éducative, les mauvaises fréquentations aux frottements de gens honnêtes, la vie économique dure à la vie criminelle débaucheuse; c´est qu´elle est également une cité de l´irréalisme et de l´incertain, l´espace où se joue l´héroïsme même sans héros et l´environnement où prédomine un certain déterminisme social pour ne pas dire un fatalisme en ce sens que là se développe ce qu´on pourrait appeler dans le langage courant un zoologisme en ce qui a trait au traitement réservé aux êtres humains, c´est-à-dire, des personnes dont on parle en des termes plus zoologiques, biologiques et physiologiques qu´humains. En principe, seules des lois positives et objectives, seuls des projets rationnels, concrets et réalistes peuvent garantir le développement d´une communauté et la matérialisation de ces éléments répond à une exigence en ressources humaines qui, malheureusement, manquent à Cité Soleil pour ne pas dire à tout le pays.

Considérations finales

Somme toute, en dépit de tout, il n´y a pas que la violence que l´on puisse observer à Cité Soleil. Il y a trois aspects sur lesquels - en concluant cet article - nous aimérions mettre l´accent en observant le phénomène du conflit armé et de la violence collective à Cité Soleil. En premier lieu, au-delà d´être un prototype des misères humaines, cette cité demeure l´un des endroits en Haïti où il est possible de constater le courage, la force de travailler, la volonté de lutter et la détermination d´un peuple haïtien. C´est, en outre, un laboratoire d´observation de la manifestation de la foi inébranlable des haïtiens qui s´abandonnent sous l´égide du Bon Dieu Bon; c´est l´axe de résistance de l´haïtien qui, rongé par la misère, la pauvreté, le chomâge et l´exploitation sociale, ne cesse de croire qu´un miracle est toujours possible. On y rencontre, en second lieu, des jeunes qui forcent le chemin de l´éducation, de la culture, de l´art et du sport en dépit des difficultés sociales et économiques auxquelles ils confrontent chaque jour. C´est un véritable lieu de production et de gaspillage de talents sociaux. Il s´agit, comme troisième et dernier élément d´observation, d´un espace où on entrevoit le durcissement et la passivité de l´État dûs à la docilité d´une société civile qui ne se soulève que dans des rares occasions. Enfin, on pourrait dire que l´haïtien qui réussit - où qu´il soit et d´où qu´il vienne - est un miraculé, un surréaliste et un héros. Cité Soleil - cet environnement socio-culturel presque effacé de la carte géographique haïtienne - est un prototype de cette réalité sociale.

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