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dimanche 7 février 2016

LA MÉRINGUE CARNAVALESQUE 2016 DE SWEET MICKY: ENTRE INDIGNATION COLLECTIVE ET OPPORTUNITÉ DE COMBATTRE L´IMPUNITÉ?

     Introduction

     C´est une attitude avisée, intelligente, rationnelle et logique de ne jamais apprécier et/ou critiquer quelque chose pas avant d´en avoir pris connaissance. Ceux et celles qui ont choisi de ne pas écouter la méringue carnavalesque de Michel Martelly pour éviter de s´en prononcer, peut-être, ont-ils agi sagement bien! Le contraire aurait été pir, c´est-à-dire se positionner sur quelque chose dont on ignore. Mais, ceux et celles qui se sentent malades, maniaques et radicaux des valeurs humaines, se battent pour le respect, la dignité et la moralité de l´être humain et ont pris connaissance de cette méringue, ne peuvent ne pas sortir de leur mutisme pour dire NON à ces types de pratiques démoralisantes et dénigrantes au sein de la société haitienne. À cet effet donc, ils accomplissent leur devoir de citoyen, car, de même que la mort d´un homme est celle de tout homme, l´insulte dont est victime un citoyen atteint non seulement la citoyenneté et la démocratie en elles-mêmes, mais encore  tout citoyen indistinctement.
     C´est ce qui m´a poussé d´ailleurs - afin de pouvoir mieux orienter mes réflexions - à aller à la rencontre de cette méringue carnavalesque du groupe Sweet Micky à la tête duquel se trouve le chanteur Michel Martelly, transporté accidentellement comme président d´Haiti depuis le 14 mai 2011. Néanmoins, connaissant le groupe et son chanteur vedette pour ses dévergondages, ses propos salissants, ses déhanchages avilissants, ses tons poligomènes, ses grivoiseries, enfin, ses attaques personnelles et blessantes (rappellons-nous ses polémiques avec les groupes tels que Mizik Mizik, T-Vice etc.) dans le cadre du carnaval, je n´aurais même pas besoin d´aller écoûter cette méringue pour savoir qu´elle serait à un niveau si déréglé et démoralisant. Écrire un article sur un tel sujet est la dernière tâche à laquelle je me serais consacré. Il propose donc une réflexion autour de notre culture d´impunité vis-à-vis des propos psychologiquement suicidogènes d´où qu´ils viennent afin d´y entrevoir les conséquences d´une auto-destruction ou encore d´un auto-assassinat et de comprendre si cette méringue - une dérive de plus - n´offre pas une opportunité favorable d´initier le combat contre l´impunité à ce niveau.

Notre culture d´impunité

     Dans une société à mentalité appauvrie, il faudrait s´attendre que des saletés pareilles refassent surface. Et, quand les choses prennent une telle tournure et parviennent à un stade de putréfaction, il est complice de se taire, quand la conjoncture l´exige, il est impératif de s´exprimer. En effet, cette méringue, pour l´avoir écoutée, revèle, à mon sens, un problème fondamental grave d´impunité au sens collectif, qui, malheureusement, est l´un des éléments sur lesquels le groupe Sweet Micky a construit ses succès les plus fous en Haiti. Fort de ces constats, il y a lieu de souligner une culture d´impunité qui s´érige en norme au sein de la société haitienne et d´où découlent tous les maux qui nous auto-détruisent et nous auto-assassinent.
     Seule l´impunité - entendue comme refus ou absence de sanctions collectives - pouvait amener un individu à se servir des moments carnavalesques, qui auraient dû être l´expression de la beauté culturelle et artitistique d´Haiti, pour le règlement de ses comptes personnels avec des individus qui, de surcroît, ne font pas partie du même univers musical que lui, ce en leur lançant des propos déshonorants en plus. Même dans des polémiques rivales entre groupes musicaux - en période carnavalesque bien sûr, même si celle-ci tend de plus en plus à devenir une scène d´avilissement et de moquerie, une marchandisation corporelle - il n´est pas permis de tout dire ni tout accepter dans une société qui veut se construire sur le respect mutuel entre citoyens, leur égalité en matière du droit d´expression, de la jouissance des droits et libertés individuels et la valorisation de ses membres et de ses institutions .
     En dépit de tout, pour avoir ciblé des personalités dont le seul péché commis est de s´être prononcées sur la gestion des choses de la cité, ce qui est normal en toute démocratie digne de ce nom, cette méringue s´est acquise une certaine popularité en plus, car, que l´on veuille ou non, elle a, d´un côté, son propre public et ce serait étonnant que ce dernier ne s´en soit pas déjà assouvi en dégustant les grivoiseries de son chanteur admiré, elle n´est pas le produit de n´importe qui, mais celle d´un grand chanteur en même temps président de l´autre. Mais, le comble, c´est que, par ailleurs, elle nous animalise quand elle se véhicule, à l´échelle mondiale, avec une image d´indissociabilité avec une institution si prestigieuse qu´est la présidence.

     Si la vitesse avec laquelle court cette impunité, arme aux multiples tranchants qui nous auto-détruit et nous auto-assassine, n´est pas freinée, il est vain de croire, d´une part, que M. Jean Monard et Mm. Paul soient les dernières victimes de Sweet Micky ou d´une quelconque formation musicale, que la société soit en mesure de sanctionner tout contrefait qui va dans le même sens d´autre part. En effet, ce n´est pas pour la première fois que le groupe Sweet Micky, en saison carnavalesque, s´attaque à des individus ou groupes d´individus en employant des mots durs d´oreille. Le groupe ainsi que son chanteur, dont il incarne le style, est réputé pour ses comportements outrageants et tapageurs. Il est de ses habitudes de le faire soit directement ou indirectement. Souvenons-nous de ses propos déshonorants et irrevérentieux, qu´il est inutile de reprendre ici, lancés à l´endroit de nos deux anciens chefs d´État, en l´occurrence Ms. Aritide et Préval? Pas besoin de rappeler ceux encore plus blessants dans ses polémiques avec les groupes tels que Mizik Mizik et T-vice au point que ce dernier a même failli prendre le chemin de la justice pour injures graves selon les dires des proches. Dans son règne de Sweet Micky, M. Martelly était et demeure encore un tout-puissant chef de fil des méringues répugnantes. Il s´est tellement complu dans le titre d´un chanteur aux mots ronfflants et vulgaires qu´il y a consacré tout un album. Jusque là aucune sanction collective, morale ou institutionnelle n´a été appliquée. Le pir c´est que les groupes qui s´adonnent à dérives y puisent leurs ''succès''. C´est une impunité consentie qui est plus cancérigène que l´impunité elle -même.

     Cependant, la méringue ''Bal bannan n lan'' de Sweet Micky a suscité l´indignation et la colère d´une forte partie de la société. C´est une grande première. Il est vrai qu´il faille avoir une première fois en tout, par contre, je m´interroge sur l´intérêt et le bien fondé de cette prise de conscience. Car, cela fait plus d´un 1/4 de siècle depuis que Sweet Micky outrage la société en exposant ses genres d´affiche. Les méringues de Sweet Micky ont toujours été contre l´intégrité humaine, des attaques personnelles, des dénigrements aux femmes, des attitudes irrespectueuses envers les enfants, des injures à n´en point finir qui rabaissent toute une société et ternissent l´image de tout un peuple. Pendant ce temps, beaucoup se taisaient, alors pourquoi c´est aujourd´hui qu´elles foueillent la conscience collective? En d´autres termes, si cela ne date pas d´hier, qu´est-ce qui explique que c´est cette méringue qui révolte tant la conscience collective? En fait, dans le contexte socio-politique actuel, il paraît évident que les propos de Sweet Micky fassent autant de dégats dans une société qui ne finit jamais d´en compter et ne sait plus où les mettre. Sur ce, quelques faits sont susceptibles d´expliquer cette nouvelle prise de conscience.

Comprendre pourquoi la conscience collective s´est révoltée contre cette méringue

     En premier lieu, contrairement aux autres arguments, je pense que les impacts et discussions que provoque cette méringue sont dûs plus au refus de la société à la banalisation et à la désacralisation de son sacré. Quel que puisse être le niveau de civilisation ou de dérive auquel une société pourrait parvenir, s´il y a une chose avec laquelle elle répugne toute plainsetrie et moquerie c´est son sacré, ce qui veut dire que la sacralisation est constitutive et immanente à toute société humaine. Les choses sociales sacrées sont intouchables, inviolables et immuables. Les institutions sociales représentent le symbole manifeste de ce sacré et quand elles sont foulées au pied c´est le sacré lui-même qui est atteint. Et quand le sacré se trouve en difficulté, la société devient une espèce de pyramide: elle est renversée y compris ses valeurs, ses croyances, ses institutions et sa culture. La Présidence en est une. Donc, lorsqu´elle est désacralisée, cela ne peut que révolter les consciences collectives. Ce manque de respect et de révérence envers le sacré, disons mieux la Présidence, est la preuve conséquente d´un conflit de personalité et d´identité qui domine depuis longtemps le Sweet Micky dévergondé et le Michel Martelly président malgré lui.

     En second lieu, il est clair que cette méringue qui provoque la dégénérescence  du sacré affecte plus la société que les personnages qu´elle cible, à savoir, M. Jean Monard Mételus de la RTVC (Radio Télévision Caraibes) et Mm. Lilliane Pierre Paul de la Radio Kiskeya. En fait, elle est plus accentuée sur cette dame à qui la société haitienne doit honneur et respect. Mais, évitant de réduire la situation à ces deux personnages, il convient de la comprendre à un niveau beaucoup plus élevé et rationnel de telle sorte que nous gardons en mémoire la méringue intimement ratachée à cette conflictualité de caractère, d´identité et de personalité. Car, je suis convaincu que si c´était Michel Martelly dans son costume ordinaire et tradionnel de Sweet Micky qui avait produit cette méringe, les démangeaisons auraient été autres. En dépit des respects à devoir à ces journalistes aux langages dérangeants parce qu´ils dénoncent l´inacceptable d´un régime et se battent pour une vraie démocratie, il est recommandé de leur éviter un culte de personalité - ce qu´ils n´aimeraient pas d´ailleurs, j´en suis sûr - en les faisant passer pour des seules victimes expiatoires, en oubliant que c´est la société haitienne tout entière qui souffre de ces dérives socio-musicaux pas seulement de Sweet Micky mais aussi de tout autre groupe qui profite du carnaval pour susciter des nuisances sonores et des intoxications musicales faute d´une panne d´inspiration, d´imagination et de créativité dans les textes.

Comprendre les moyens et le fondement des répliques de Michel Martelly dit Sweet Micky

   De par ses talents de musicien, ses tempéraments et entant que vieux routier du carnaval, M. Martelly ne pouvait répliquer à ses opposants que par une méringue carnavalesques dans le but même de provoquer et de montrer qu´il garde toujours sa casquette de Sweet Micky dans tout son compartiment et intégralité. Il fallait s´y attendre, car il ne pouvait faire autrement. En outre, si l´intellectuel a sa plume, le journaliste son micro comme armes de combat pour se défendre, il est normal d´admettre aussi que l´arme de tout musicien constitue sa musique: l´arme défensive avec laquelle il gagne son pain et mène son combat de tous les jours. C´est sa manière originale à lui de se riposter aux attaques qui le visent directement ou indirectement. Malheureusement, vu leur agressivité, leur état violent et leur niveau d´intolérance, les propos de M. Martelly ont fait preuve d´une grande faiblesse en matière de débats contradictoires et son incapacité à accepter et à vivre avec les idées contraires.
     L´État ne change jamais les individus, ce sont les individus qui changent l´État ou tout au moins le réduisent à leur image. Voilà pourquoi, sur M. Martelly l´État a revêtu l´habit de Sweet Micky, a épousé ses modèles et a été transformé à son image. C´était vain de penser pouvoir changer M. Martelly pour la simple raison qu´il est devenu président, une présidence survenue, on le sait, dans des conditions que nous savons tous déjà, comme une insulte au peuple haitien et preuve probante du mépris de sa volonté dans les décisions ultimes concernant son propre avenir. La présidence qui est, en quelque sorte, un récipient vide et sans contenu, ne change non plus les individus. C´est les individus dont elle est investie qui constituent son contenu et lui projettent une image. Il est donc cruel de demander à quelqu´un de changer et d´exiger de lui ce qui est dans son impossibilité de rendre. Le changement est une décision autoréflective même s´il dépend de certains facteurs extérieurs et de l´environnement social et culturel.
     J´estime bien au contraire que M. Martelly a fait des efforts de surpassement, car, franchement, hormis ses nombreuses sorties tapageuses et provocatrices, je m´attendais au pir. Une ou des conférences de presse en jupette et corsage, disons, en Sweet Micky quoi!! Une méringue carnavalesque dévergondée chaque année durant son mandat pour faire du tac au tac avec ses opposants! Le peuple haitien, de sa part, a prouvé ces derniers temps une certaine maturité, car s´il a pu tolérer pendant cinq ans les agisssements nauséabonds d´un individu qui passe toute sa vie à se moquer des gens, à les rabaisser, à les ravaler en se servant des blagues, à les banaliser et à les dénigrer, c´est qu´il a un peu grandi.

     Mais, n´est-ce pas une lâcheté et une incohérence grave de l´identification ou de la mauvaise sélection de ses opposants qui ont poussé M. Martelly à se jeter dans ces boues carnavalesques puantes dans les dernières heures qui suivent la fin de son règne? En réalité, M. Monard et Mm. Paul sont loin d´être les individus les plus farouchement opposés à M. Martelly, donc ses propos révulsants dans cette méringue sont signe d´une lâcheté et d´une incohérence palpable entre ce qu´il représente entant que chef d´État malgré tout et les propos qu´il laisse entendre dans cette méringue. Où laisse-t-on un André Michel, un Moise Jean-Charles et d´autres à la langue aussi tranchante et radicale que ces deux journalistes, poignardante et provocatrice que celle de Sweet Micky. Au contraire, je considère ces journalistes, surtout M. Monard, comme des potentiels conseillers non salariés et indirects de M. Martelly durant son règne. Ils ne se sont pas attellés seulement à le critiquer, mais aussi à proposer des portes de sorties à un president qui, semble-t-il, n´écoutait même pas ses conseillers.
     Dans leurs propos, j´ai toujours retrouvé de l´équilibre et je peux dire franchement que leur aide a outrepassé le journalisme traditionnel qui se contente d´ordinaire d´informer, de divulguer des nouvelles sans faire des analyses critiques et proposer lucidement quelques solutions rationnelles. Mais, l´arrongance et la grosse tête ont eu raison de M. Martelly. Avec son altruisme et son ego, qui ce monsieur écoute? Outre la lâcheté, c´est peut-être un sentiment de regret qui l´a mené à descendre dans cet égout. Il se sert de la musique, qui court plus vite que les commentaires et analyses politico-journalistiques de M. Monard et les nouvelles de 4h Mm. Pierre Paul. Elle est susceptible de recevoir de nombreux ''j´aime'' et ''vues'' sur la toile d´arraignée et les réseaux sociaux grâce auxquels son audition atteindra désormais un public au-delà des frontières.

Considérations finales

     Somme toute, en Haiti, nous sommes confrontés à des problèmes graves et profonds: ceux de la perversité et de l´impunité sont les plus courantes. Malheureusement, certaines perversités produisent, dans des circonstances historiques particulières, des effets positifs. C´est ce qui s´est passé avec M. Martelly. En effet, en l´ayant empêché de passer aux festivités carnavalesques depuis son arrivée au pouvoir, M. Martelly a imposé une sanction injuste et injustifiée au groupe Brothers Posse, à cause de son chanteur vedette Don Kato qui, pour des raisons que l´on ne sait pas, s´est fait l´opposant farouche du régime en divulguant des méringues carnavalesques polémiques. Conséquemment, cet acte, au lieu d´avoir détrui et anéanti l´artiste, a de préférence renforcé et raffermi sa popularité. En plus, il est aujourd´hui ''sénateur'' si l´on tient compte qu´il est issu des niaiseries appelées maladroitement  ''élections'' des 9 août et 25 octobre 2015. Que serait le renforcement de la célébrité de Don Kato sans les imbécilités de M. Martelly?
     D´autre part, concernant Jean Monard et Liliane, la méringue a servi de stimulus pour montrer la profondeur et l´immensité de l´affection, de l´amour et de l´attachement fidèles et infinis d´une grande branche de la société à ces deux journalistes. Il fallait que cela arrive pour comprendre que la société n´a pas totalement lâché prises face aux malversations. Des brins d´espoir de la lutte contre les débauches et les perversions bourgeoises luisent encore sur Haiti. On n´a pas tout perdu. Cette méringue honteuse a fait suite à de nombreuses initiatives et soirées d´hommages tant en Hait qu´à l´étranger en l´honneur de ces deux valeureux et courageux journalistes. En fait, cela exprime la volonté de la société de rompre avec ces pratiques malsaines et répugnantes en périodes carnavalesques afin de faire du carnaval la fete culturelle et artistique embélissante et merveilleuse qu´elle était auparavant. Est-ce le signal d´un combat collectif contre l´impunité dont nous avons soif qui s´annonce? Je l´espère. Car, il n´est jamais trop tard pour inicier une révolution contre quoique ce soit y compris la méringue fétide de M. Martelly.
     Néanmoins, qu´il ne s´agisse pas d´un combat deux poids deux mesures, que ce soit un vrai combat contre l´impunité que nous offre cette méringue révoltante. Certes, ses impacts sont plus forts et désastreux à cause de son personage et de l´institution qu´il incarne, mais, le plaçant dans son statut de simple citoyen, il est justiciable à tout acte qui lui est reproché. Autant de dire que d´autres groupes qui auraient l´intention de reproduire ces dérives doivent être touchés par cette sanction collective que nous voulons tous.

Jean FABIEN

Campinas, 7 février 2016

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